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TABLEAU DU CLIMAT ET DU SOL DES ÉTATS-UNIS
CHAPITRE III. Configuration générale
§ III

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Contrée des montagnes

La troisième grande lisière parallèle est cette ligne de terrain montueux, dont j’ai déja parlé, laquelle s’étend de l’embouchure de Saint-Laurent aux confins de la Géorgie, partage les eaux de l’est et de l’ouest, et forme comme une haute terrasse ou rempart entre les deux contrées Atlantique et Mississipi. On peut estimer à environ 400 lieues la longueur de cette bande, sur une largeur très-variable, mais assez généralement de 30 à 50 lieues.

Cette contrée, quoique très-étroite comparativement, exerce néanmoins une grande influence de température sur les deux adjacentes dont elle diffère par le climat, le sol, et même par les productions. Vers le Sud, l’air y est plus pur, plus sec, plus élastique, plus sain: vers le nord, et dès le Potômac, les brumes et les pluies y sont plus communes, les animaux plus grands et plus vifs; et les arbres forestiers, sans être aussi gros que ceux de l’ouest, le sont plus que ceux de l’est, et surpassent les uns et les autres en élasticité.

Cette chaîne de montagnes diffère de celles de notre Europe, en ce que plus longue et plus régulière dans ses sillons, que les Alpes et les Pyrénées, elle est cependant bien moins haute qu’elles. Des mesures prises en divers points avec précision, vont en fournir des preuves instructives et satisfaisantes.

En Virginie, le pic Otter, point dominant de tout le pays, n’a de hauteur que 1218 mètres ⅔ (4000 pieds anglais)29.

Dans le même canton, M. Jonathan Williams30, parti du lieu où finit la marée, au-dessous de Richmond, et mesurant sa route jusque sur la première chaîne de Blue-ridge, a trouvé au col (cap) de Rockfish, 350 mètres d’élévation (1150 pieds anglais). Près de là, un pic dominant lui a donné 554 mètres (1822 pieds anglais); plus loin, après la ville de Staunton, montant un chaînon de l’Alleghany, il a trouvé 577 mètres (1898 pieds anglais); un second chaînon, celui de Calf-pasture, lui a donné 683 mètres (2247 pieds anglais); enfin, un troisième chaînon, celui qui partage les eaux, et qui n’est coupé par aucune, mesuré à 6 milles sud-ouest de Red-spring lui a donné 822 mètres (2706 pieds anglais).

En Maryland, Georges Guilpin et James Smith ont levé, en 1789, les niveaux suivants:

Sur le fleuve Potômac, à partir du terme de la marée, c’est-à-dire, des rapides de George-town, jusqu’à l’embouchure de Savage-river, dans une étendue de 218 milles anglais (environ 73 lieues), le niveau est de 352 mètres ⅔ (1160 pieds anglais); dans ce compte, les rapides de Georgetown sont portés pour 11 mètres ¼ (37 pieds anglais), et la grande chute de Matilda pour 23 mètres 1/10 (76 pieds anglais), y compris ses rapides qui se prolongent 3 milles au-dessus d’elle.

Depuis l’embouchure de Savage-river jusqu’au lieu dit Moses-williams, sur le sommet de l’Alleghany, dans un espace de 8 ¾ milles, le niveau est de 637 mètres ½ (2097 pieds anglais), total 990 mètres (3257 pieds anglais).

En sorte que l’Alleghany, que j’ai moi-même traversé dans cette partie, et qui m’a paru y être le plus élevé, n’a pas, au-dessus de l’océan, plus de 822 mètres, ou 405 toises. Blue-ridge, à la brèche de Harper’s-ferry, sous l’embouchure de la rivière Chenando, m’a paru avoir à peu près la même hauteur qu’à Rock-fish-gap; ainsi son terme moyen peut être évalué à 350 mètres, c’est-à-dire, moins de la moitié de l’Alleghany (dans la Virginie).

En Pensylvanie, la hauteur de l’Alleghany, au-dessus du plat pays, n’est, selon le docteur Rush, que de 395 mètres ⅕ (1300 pieds anglais); et en effet, les voyageurs remarquent que l’on y arrive par une suite de pentes douces et graduelles, sans beaucoup s’en apercevoir.

Dans l’État de New-York, aux montagnes appelées Catskill, le plus haut pic mesuré en 1798 par Peter de la Bigarre31, a donné de hauteur 1079 mètres (3549 pieds anglais) au-dessus des eaux de l’Hudson, qui éprouve la marée jusqu’à 10 milles au-dessus d’Albany.

En Vermont, le pic de Killington mesuré par Samuel Williams, comme le plus élevé de toute la chaîne, n’a que 1049 mètres ⅔ (3454 pieds anglais)32.

Enfin, les montagnes Blanches (White-hills) dans le New-Hampshire, qui sont vues de trente lieues en mer, et que M. Belknap évalue33, d’après des voyageurs, à 3040 mètres (10,000 pieds d’élévation), ne sont portées, par M. S. Williams, qui en donne des raisons motivées, qu’à 2361 mètres (7800 pieds anglais).

La chaîne de l’Alleghany ne doit donc être considérée que comme un rempart d’une hauteur moyenne de 700 à 800 mètres (environ 350 à 400 toises), ce qui diffère absolument des grandes chaînes du globe, telles que par exemple les


et l’on conçoit que cette circonstance doit beaucoup influer sur la météorologie des États-Unis et de tout leur continent, ainsi que je le développerai par la suite.

Les voyageurs européens remarquent tous avec surprise, que les montagnes américaines ont dans leur direction plus de régularité, dans leurs sillons plus de continuité, dans la ligne de leurs sommets plus d’égalité que les montagnes de notre continent. Ce caractère est surtout frappant en Virginie et en Maryland dans le sillon de Blue-ridge. Ce sillon, que j’ai traversé ou suivi depuis la frontière de Pensylvanie jusqu’au fleuve James, m’a toujours présenté l’aspect d’une terrasse de 1000 à 1200 pieds d’élévation sur la plaine avec une pente très-roide et un sommet si égal, qu’à peine y voit-on des ondulations et quelques brèches ou gap qui servent de passage. La base de cette masse n’excède pas quatre à six milles (deux à trois lieues). En venant au nord, cette chaîne s’abaisse ainsi que ses parallèles; et parce que quelques bifurcations ont causé en Pensylvanie une confusion de noms qui embarrasse même les géographes, je tenterai d’abord de les éclaircir.

En Virginie, l’on distingue nettement trois sillons principaux bien caractérisés, qui sont:

1º Le sillon Blue-ridge, situé le plus à l’est, qui tire ce nom, signifiant Chaîne-bleue, de son apparence bleuâtre lointaine quand on vient du pays plat maritime: il porte le nom de South-mountain, ou Montagne du Sud dans les cartes d’Evans et d’autres géographes, sans que l’on en puisse donner une bonne raison. En général, les montagnes des États-Unis, nommées au hasard par les colons de chaque canton, n’ont qu’une nomenclature insignifiante et souvent bizarre. Quoi qu’il en soit de Blue-ridge, ce sillon part du grand arc ou nœud de l’Alleghany; il est même le prolongement le plus direct de cette chaîne en venant du sud: il traverse le fleuve James au-dessous de la jonction de ses deux branches supérieures; le Potômac au-dessous de la Shenandoa; la Susquehannah au-dessous de Harrisburg; et les voyageurs observent que le lit de cette rivière, jusque-là navigable sur un fond calcaire, devient intraitable à cause des rocs et des grès de Blue-ridge. En Pensylvanie, ce sillon, moins continu et moins élevé, prend, selon les cantons, les noms divers de Trent, de Flying, de Holy-hills; mais il n’en est pas moins le même rameau qui traverse le Schoolkill sous Reading; la Delaware au-dessous de sa branche ouest et de la ville d’Easton; d’où il va se perdre au groupe de Catskill, vers les bords de l’Hudson.

La seconde chaîne, appelée North-mountain, montagne du Nord, sans plus de raison que la précédente, part aussi du grand arc de l’Alleghany, et se tenant parallèle, mais occidentale à Blue-ridge, elle traverse les hautes branches du James, douze à quatorze milles au-dessus de leur jonction; le Potômac vingt-quatre milles au-dessus de la Shenandoa; mais lorsqu’elle atteint les branches ouest de la rivière grande Conegochigue, elle se divise en plusieurs rameaux, qui jettent de l’incertitude sur sa suite. Quelques géographes veulent voir son prolongement dans le chaînon de Tuscarora, quoique divergent, lequel, après avoir traversé la rivière Juniata, va se perdre dans les déserts rocailleux et marécageux du nord-est de la Susquehannah: d’autres suivent North-mountain dans le chaînon de Kittatiny, lequel, plus direct, court parallèlement à Blue-ridge, jusqu’à la Delaware, qu’il passe au-dessus de sa branche ouest et de Nazareth: après quoi il côtoie la rive orientale de ce fleuve, et va se terminer, avec les sillons de Blue-ridge, au groupe de Catskill et aux montagnes qui séparent les sources de la Delaware du cours de l’Hudson.

En Pensylvanie, l’on confond assez généralement Blue-ridge avec North-mountain, parce que les caractères de l’un et de l’autre étant moins marqués, chaque canton a donné l’épithète de bleue à sa chaîne la plus élevée, et des noms particuliers à chaque rameau différent; mais la continuité géographique de North-mountain par Kittatiny, et de Blue-ridge par les Flying et Holy-hills, telle que je l’ai tracée, me paraît la mieux établie par la direction générale de ces chaînes, par la nature de leurs pierres et par leurs concours à former une vallée calcaire qui se prolonge entre elles sans interruption depuis la Delaware et les territoires d’Easton et de Nazareth, jusqu’aux sources de la Shenandoa, par-delà Staunton34.

La troisième chaîne principale, l’Alleghany proprement dit, est le sillon le plus élevé à l’ouest qui, partageant toutes les eaux, sans être traversé d’aucune, a mérité le nom d’Endless ou Sillon sans fin. Celui-là pris à son extrémité sud, vient de l’angle de la Géorgie et de la Caroline, où il reçoit les noms divers de montagnes du Chêne-blanc, du Grand-fer, de montagne Chauve, et même de montagne Bleue35. Là il verse à l’ouest quelques branches de la rivière Tennessee; à l’est les fleuves des deux Carolines, auxquelles il sert de limite occidentale: arrivé en Virginie, il forme l’arc dont j’ai parlé, en se courbant vers le nord-ouest, et enveloppant les sillons précédents; puis il reprend sa route nord nord-est, envoie à l’Ohio les eaux du grand Kanhawa et de la Monongahéla; à l’océan Atlantique, celles des fleuves James, Potômac, Susquehannah, etc.: mais vers les sources de la branche ouest de ce dernier, il se divise en rameaux divers, dont les plus considérables se dirigent à l’est, et vont à travers toutes les eaux de la Susquehannah, se terminer au Catskill et aux sources de la Delaware sur l’Hudson; tandis que d’autres rameaux à l’est enveloppent les sources mêmes de la Susquehannah, et par Tyoga, vont fournir celles des lacs Iroquois ou du Génessee: à moins que l’on ne veuille attribuer ces rameaux à un sillon plus occidental qui, sous les noms de Gauley, de Laurel et de Chesnut-ridge, vient aussi se terminer dans cette contrée.

Outre les trois chaînes principales de la Virginie que je viens de décrire, il est encore plusieurs sillons intermédiaires, qui souvent les égalent en hauteur, en roideur, en continuité: tels sont ceux de Calf-pasture, de Cow-pasture36 et de Jackson, que j’ai traversés en me rendant de Staunton à Greenbrïar. C’est dans ces dernières montagnes que sont situées les eaux thermales de diverses qualités, célèbres en Virginie pour leurs cures, et désignées sous les noms de Warm-spring, source chaude tempérée; Hot-spring, source très-chaude; Red-spring, source rouge, etc.; Warm-spring que j’ai vu, est une source sulfureuse ammoniacale d’environ 20 degrés de chaleur: elle est située au fond d’un profond vallon en forme d’entonnoir, que tout indique avoir été le cratère d’un volcan éteint.

A l’ouest de l’Alleghany, vers le bassin d’Ohio, il est aussi plusieurs sillons remarquables; j’en ai traversé un premier sous le nom de Reynick37 et High-ballantines, 8 milles à l’ouest du town ou village de Green-brïar, et il m’a paru aussi élevé, mais bien plus large que Blue-ridge. De son plateau j’en vis une foule d’autres vers sud-ouest et nord-est. Quinze milles plus loin, par une route tortueuse, j’entrai dans une série d’autres chaînons que je ne cessai de traverser, pendant 38 milles, au nombre de 8 ou 10 jusqu’à celui de Gauley, le plus élevé, le plus rapide de tous, et le plus étroit sur sa crète. Je regarde tout l’espace de ces 38 milles, comme une seule et même plate-forme assez élevée. Par-delà le Gauley l’on ne traverse plus de haut chaînon qu’avec le cours des eaux dont on suit la direction, et souvent le lit; mais j’ai remarqué que le lit du grand Kanhawa se fait souvent jour à travers l’un des pays les plus scabreux que j’y aie rencontré. Beaucoup de ces sillons se dirigent sur l’Ohio, et nous verrons que quelques-uns doivent l’avoir traversé: ce Gauley-ridge prend son origine aux sources du grand Kanhawa, au sud-ouest de l’arc d’Alleghany; et sous le nom de Laurel-hill, de Chesnut-ridge, il va dans le nord se terminer aux têtes de la Susquehannah: au sud, les colons de Kentucky et de Tennessee ont étendu le nom de grand Laurel au rameau principal qui sépare le Kentucky de la Virginie; et ils ont communiqué le nom de Cumberland à sa continuation, qui côtoie et limite la rivière de Cumberland jusqu’à son embouchure. Je n’ai pas de renseignements suffisants sur cette partie. Le gouvernement des États-Unis a en main un moyen très-simple de s’en procurer un corps complet; ce serait de soumettre tous les arpenteurs par une ordonnance du collége de William et Mary de Williamsburg, où ils subissent leur examen et reçoivent leur patente, à ajouter des détails de topographie aux stériles procès verbaux de leurs alignements. En peu d’années, l’on aurait sans frais un système complet des montagnes et des eaux.

Il me reste à donner sur la structure intérieure de ces montagnes, c’est-à-dire sur la disposition et la nature des bancs et couches de pierre qui leur servent de noyau, les renseignements que j’ai pu me procurer; quelque incomplets qu’ils puissent être, j’ai lieu de croire qu’ils seront de quelque intérêt, ne fût-ce que par leur nouveauté; leur ensemble et le soin que j’y ai donné pour satisfaire les lecteurs qui attachent à la géographie physique l’importance que mérite cette science. Pour qui sait observer des faits et en tirer de sages inductions, la structure de notre globe est un livre bien autrement instructif et authentique sur ses révolutions et sur leur histoire, que les traditions, vagues d’abord et sans autorité, des peuples ignorants et sauvages, érigées ensuite en systèmes dogmatiques chez les peuples civilisés.

29

Voyez les notes de M. Jefferson, page 49, édition de Paris, 1785. Je préviens le lecteur, que j’ai évalué le pied anglais à raison de 304 millimètres, et que j’ai négligé les petites fractions.

30

Neveu du docteur Franklin, auteur de plusieurs mémoires de physique, insérés dans l’American Musæum, et dans les Transactions de la société philosophique de Philadelphie.

31

Transactions of the society of New-York, part. 2, page 128.

32

Voyez History of Vermont by Samuel Williams, pag. 23, 1 vol. in-8º, imprimé à Walpole, New-Hampshire, 1794. L’auteur observe qu’à ces latitudes la région de la congélation constante est 2452 mètres (8066 pieds anglais): M. Samuel Williams, qu’il faut distinguer de M. Jonathan Williams, a été professeur de mathématiques à Cambridge près Boston, et est un ecclésiastique retiré dans le pays de Vermont.

33

History of New-Hampshire by Belknap, page 49, tome III. Voyez aussi Samuel Williams, page 23.

34

Ce n’est pas sans avoir examiné cette question avec soin, que je m’écarte de la projection de M. Arrow-Smith, qui, négligeant totalement le sillon d’Holy-hill et de Flying-hill, détourne au-dessous de Harrisbourg le chaînon de Blue-ridge dans Kittatiny: ce géographe peut avoir eu des notes de voyageurs qui, influencés par l’opinion vulgaire des colons de Pensylvanie, et par le nom de Blue-ridge qu’ils donnent en quelques cantons au Kittatiny, ont adopté ce système. Mais outre que l’autorité d’Évans, de Fry et de M. Jefferson, m’a paru d’un poids supérieur, j’ai moi-même vu, en traversant la Susquehannah sur la route d’York à Lancastre, un chaînon situé un mille au-dessus du bac de Colombia, lequel prolonge évidemment Blue-ridge, que l’on voit long-temps à l’ouest de cette route plus ou moins distant. Ce chaînon, égal en hauteur sur les deux rives, ne laisse à la rivière qu’un étroit passage, sur un rapide; et tout atteste qu’il a été forcé comme le Potômac sous Harper’s-ferry.—Il continue sa route nord-nord-est.—Le lit de la rivière est calcaire au bac de Colombia.

35

White-oak, Great-iron, Bald, Blue-mountain.

36

Pâture du veau et de la vache.

37

Nom du colon primitif ou principal sur la route: presque tous les noms de lieu aux États-Unis ont pareille origine.

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