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A M. Deyverdun, à Lausanne

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A Londres, ce 20 Mai, 1783.

*Que j'admire la douce et parfaite confiance de nos sentimens réciproques! Nous nous aimons dans l'éloignement et le silence, et il nous suffit à l'un et à l'autre, de savoir de tems en tems des nouvelles de la santé et du bonheur de son ami. Aujourd'hui j'ai besoin de vous écrire; je commence sans excuses et sans reproches, comme si nous allions reprendre la conversation familière du jour précédent. Si je proposois de faire un compte rendu de mes études, de mes occupations, de mes plaisirs, de mes nouvelles liaisons, de ma politique toujours muette, mais un peu plus rapprochée des grands événemens, je multiplierois mes in quarto, et je ne sais pas encore votre avis sur ceux que je vous ai déjà envoyés. Dans cette histoire moderne, il seroit toujours question de la décadence des empires; et autant que j'en puis juger sur mes réminiscences et sur le rapport de l'ami Bugnon, vous aimez aussi peu la puissance de l'Angleterre que celle des Romains. Notre chute, cependant, a été plus douce. Après une guerre sans succès, et une paix assez peu glorieuse, il nous reste de quoi vivre contens et heureux; et lorsque je me suis dépouillé du rôle de Membre du Parlement, pour redevenir homme, philosophe, et historien, nous pourrions bien nous trouver d'accord sur la plupart des scènes étonnantes qui viennent de se passer devant nos yeux, et qui fourniront une riche matière aux plus habiles de mes successeurs.

Bornons nous à cette heure à un objet moins illustre sans doute, mais plus intéressant pour tous les deux, et c'est beaucoup que le même objet puisse intéresser deux mortels qui ne se sont pas vûs, qui à peine se sont écrit depuis – oui, ma foi – depuis huit ans. Ma plume, très paresseuse au commencement, ou plutôt avant le commencement, marche assez vîte, lorsqu'elle s'est une fois mise en train; mais une raison qui m'empêcheroit de lui donner carrière, c'est l'espérance de pouvoir bientôt me servir avec vous d'un instrument encore plus commode, la langue. Que l'homme, l'homme anglois, l'homme Gibbon, est un sot animal! Je l'espère, je le désire, je le puis, mais je ne sais pas si [je] le veux, encore moins si j'exécuterai cette volonté.

Voici mon histoire, autant qu'elle pourra vous éclairer, qu'elle pourra m'éclairer moi-même, sur mes véritables intentions, qui me paroissent très obscures, et très équivoques; et vous aurez la bonté de m'apprendre quelle sera ma conduite future. Il vous souvient, Seigneur, que mon grandpère a fait sa fortune, que mon père l'a mangée avec un peu trop d'appétit, et que je jouis actuellement du fruit, ou plutôt du reste, de leurs travaux. Vous n'avez pas oublié que je suis entré au Parlement sans patriotisme, sans ambition, et que toutes mes vues se bornoient à la place commode et honnête d'un Lord of Trade. Cette place, je l'ai obtenue enfin; je l'ai possédée trois ans, depuis 1779 jusqu' à 1782, et le produit net, qui se montoit à sept cens cinquante livres sterling, augmentoit mon revenu au niveau de mes besoins et de mes désirs. Mais au printems de l'année précédente, l'orage a grondé sur nos têtes: Milord North a été renversé, votre serviteur chassé, et le Board même, dont j'étois membre, aboli et cassé pour toujours par la réformation de M. Burke, avec beaucoup d'autres places de l'Etat, et de la maison du Roi.

HIS VIEW OF ENGLISH POLITICS.

Pour mon malheur, je suis toujours resté Membre de la Chambre basse: à la fin du dernier Parlement (en 1780) M. Eliot à retiré sa nomination; mais la faveur de Milord North a facilité ma rentrée, et la reconnoissance m'imposoit le devoir de faire valoir, pour son service, les droits que je tenois en partie de lui. Cet hyver nous avons combattu sous les étendards réunis (vous savez notre histoire) de Milord North et de M. Fox; nous avons triomphé de Milord Shelburne et de la paix,* et mon ami (je n'aime pas à profaner ce nom) a remonté sur sa bête en qualité de secretaire d'Etat. C'est à présent qu'il peut bien me dire ç'etoit beaucoup pour moi, ce n'etoit rien pour nous, et malgré les assurances les plus fortes, j'ai trop de raison pour avoir de la foi. *Avec beaucoup d'esprit, et des qualités très respectables, notre homme* a la demarche lente et le cœur froid. Il *n'a plus ni le titre, ni le crédit de premier ministre; des collègues plus actifs lui enlèvent les morceaux les plus friands, qui sont aussitôt dévorés par la voracité de leurs créatures; nos malheurs et nos réformes ont diminué le nombre des graces; par orgueil ou par paresse, je solicite assez mal, et si je parviens enfin, ce sera peut-être à la veille d'une nouvelle révolution, qui me fera perdre dans un instant, ce qui m'aura coûté tant de soins et de recherches.

Si je ne consultois que mon cœur et ma raison, je romprois sur le champ cette indigne chaine de la dépendance; je quitterois le Parlement, Londres, l'Angleterre; je chercherois sous un ciel plus doux, dans un pays plus tranquille, le repos, la liberté, l'aisance, et une société éclairée, et aimable. En attendant la mort de ma belle-mere et de ma tante je coulerois quelques années de ma vie sans espérance, et sans crainte, j'acheverais mon histoire, et je ne rentrerois dans ma patrie qu'en homme libre, riche, et respectable par sa position, aussi bien que par son caractère. Mes amis, et surtout Milord Sheffield, (M. Holroyd) ne veulent pas me permettre d'être heureux suivant mon goût et mes lumières. Leur prudence exige que je fasse tous mes efforts, pour obtenir un emploi très sûr à la vérité, qui me donneroit mille guinées de rente, mais qui m'enleveroit cinq jours par semaine. Je me prête à leur zèle, et je leur ai promis de ne partir qu'en automne, après avoir consacré l'été à cette dernière tentative. Le succès, cependant, est très incertain, et je ne sais si je le désire de bonne foi.

Si je parviens à me voir exilé, mon choix ne sera pas douteux. Lausanne a eu mes prémices; elle me sera toujours chère par le doux souvenir de ma jeunesse. Au bout de trente ans, je me rappelle les polissons qui sont aujourd'hui juges, les petites filles de la société du Printems, qui sont devenues grand-mères. Votre pays est charmant, et, malgré le dégoût de Jean Jacques, les mœurs, et l'esprit de ses habitans, me paroissent très assortis aux bords du lac Léman. Mais un trésor que je ne trouverois qu'à Lausanne, c'est un ami qui me convient également par les sentimens et les idées, avec qui je n'ai jamais connu un instant d'ennui, de sécheresse, ou de réserve. Autrefois dans nos libres épanchemens, nous avons cent fois fait le projet de vivre ensemble, et cent fois nous avons épluché tous les détails du Roman, avec une chaleur qui nous étonnoit nous mêmes. A présent il demeure, ou plutôt vous demeurez, (car je me lasse de ce ton étudié,) dans une maison charmante et commode; je vois d'ici mon appartement, nos salles communes, notre table, et nos promenades; mais ce marriage ne vaut rien, s'il ne convient pas également aux deux époux, et je sens combien des circonstances locales, des goûts nouveaux, de nouvelles liaisons, peuvent s'opposer aux desseins, qui nous ont paru les plus agréables dans le lointain. Pour fixer mes idées, et pour nous épargner des regrets, il faut me dévoiler avec la franchise dont je vous ai donné l'exemple, le tableau extérieur et intérieur de George Deyverdun. Mon amour est trop délicat, pour supporter l'indifférence et les égards, et je rougirois d'un bonheur dont je serois redevable, non à l'inclination, mais à la fidélité de mon ami.

PROPOSES TO SETTLE ABROAD.

Pour m'armer contre les malheurs possibles, hélas! peut-être trop vraisemblables, j'ai essayé de me détacher de la pensée de ce projet favori, et de me représenter à Lausanne votre bon voisin, sans être précisément votre commensal. Si j'y étois réduit, je ne voudrois pas tenir maison, autant par raison d'économie, que pour éviter l'ennui de manger seul. D'un autre côté, une pension ouverte, fut-elle montée sur l'ancien pied de celle de Mesery, ne conviendroit plus à mon age, ni à mon caractère. Passerois-je ma vie au milieu d'une foule de jeunes Anglois échappés du collège, moi qui aimerois Lausanne cent fois davantage, si j'y pouvois être le seul de ma nation? Il me faudroit donc une maison commode et riante, un état au dessus de la bourgeoisie, un mari instruit, une femme qui ne ressembleroit pas à Madame Pavilliard, et l'assurance d'y être reçu comme le fils unique, ou plutôt comme le frère de la famille. Pour nous arranger sans gêne, je meublerai très volontiers un joli appartement sous le même toit, ou dans le voisinage, et puisque le ménage le plus foible laisse encore de l'étoffe pour une forte pension, je ne serois pas obligé de chicaner sur les conditions pécuniaires. Si je me vois déchu de cette dernière espérance, je renoncerois en soupirant à ma seconde patrie, pour chercher un nouvel asyle, non pas à Genève, triste séjour du travail et de la discorde, mais aux bords du lac de Neufchatel, parmi les bons Savoyards de Chamberry, ou sous le beau climat des Provinces Méridionales de la France. Je finis brusquement, parceque j'ai mille choses à vous dire. Je pense que nous nous ressemblons pour la correspondance. Pour le bavardage savant ou même amical, je suis de tous les hommes le plus paresseux, mais dès qu'il s'agit d'un objet réel, d'un service essentiel, le premier courier emporte toujours ma réponse. A la fin d'un mois, je commencerai à compter les semaines, les jours, les heures. Ne me les faites pas compter trop long tems. Vale.*

Private Letters of Edward Gibbon (1753-1794) Volume 2 (of 2)

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