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M. Deyverdun à M. Gibbon

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Strasbourg, le 10 Juin, 1783.

*Je ne saurois vous exprimer, Monsieur et cher ami, la variété, et la vivacité, des sensations que m'a fait éprouver votre lettre. Tout cela a fini par un fond de plaisir et d'espérance qui resteront dans mon cœur, jusqu'à ce que vous les en chassiez.

Un rapport singulier de circonstances contribue à me faire espérer que nous sommes destinés à vivre quelque tems agréablement ensemble. Je ne suis pas dégoûté d'une ambition que je ne connus jamais; mais par d'autres circonstances, je me trouve dans la même situation d'embarras et d'incertitude où vous êtes aussi à cette époque. Il y a un an que votre lettre, mon cher ami, m'auroit fait plaisir sans doute, mais en ce moment, elle m'en fait bien davantage; elle vient en quelque façon à mon secours.

Depuis mon retour d'Italie, ne pouvant me déterminer à vendre ma maison, m'ennuyant d'y être seul (car je suis comme vous, Monsieur, et je déteste de manger sans compagnie) ne voulant pas louer à des étrangers, j'ai pris le parti de m'arranger assez joliment au premier étage, et de donner le second à une famille de mes amis, qui me nourrit, et que je loge. Cet arrangement a paru pendant longtems contribuer au bonheur des deux parties. Mais tout est transitoire sur cette terre. Ma maison sera vuide, selon toute apparence, sur la fin de l'été, et je me vois d'avance tout aussi embarrassé et incertain, que je l'étois il y a quelques années, ne sachant quelle nouvelle société choisir, et assez disposé à vendre enfin cette possession qui m'a causé bien des plaisirs et bien des peines. Ma maison43 est donc à votre disposition pour cet automne, et vous y arriveriez comme un Dieu dans une machine qui finit l'embroglio. Voilà, quant à moi; parlons de vous maintenant avec la même sincérité.

Un mot de préambule. Quelque intéressé que je sois à votre résolution, convaincu qu'il faut aimer ses amis pour eux-mêmes, sentant d'ailleurs combien il seroit affreux pour moi de vous voir des regrets, je vous donne ici ma parole d'honneur, que mon intérêt n'influe en rien sur ce que je vais écrire, et que je ne dirai pas un mot que je ne vous disse, si l'hermite de la grotte étoit un autre que moi. Vos amis anglais vous aiment pour eux-mêmes; je ne veux moi que votre bonheur. Rappellez-vous, mon cher ami, que je vis avec peine votre entrée dans le Parlement, et je crois n'avoir été que trop bon prophète; je suis sûr que cette carrière vous a fait éprouver plus de privations que de jouissances, beaucoup plus de peines que de plaisirs; j'ai cru toujours, depuis que je vous ai connu, que vous étiez destiné à vivre heureux par les plaisirs du cabinet et de la société, que tout autre marché étoit un écart de la route du bonheur, et que ce n'étoit que les qualités réunies d'homme de lettres, et d'homme aimable de société, qui pouvoient vous procurer gloire, honneur, plaisirs, et une suite continuelle de jouissances. Au bout de quelques tours dans votre salle, vous sentirez parfaitement que j'avois bien vu, et que l'événement a justifié mes idées.

DEYVERDUN'S OFFER OF HIS HOUSE.

Lorsque j'ai appris que vous étiez Lord of Trade, j'en ai été faché; quand j'ai su que vous aviez perdu cette place, je m'en suis réjouis pour vous; quand on m'a annoncé que Milord North étoit remonté sur sa bête, j'ai cru vous voir très mal à votre aise, en croupe derrière lui, et je m'en suis affligé pour vous. Je suis donc charmé, mon cher ami, de vous savoir à pied, et je vous conseille très sincèrement de rester dans cette position, et bien loin de solliciter la place en question, de la refuser, si elle vous étoit offerte. Mille guinées vous dédommageront-elles de cinq jours pris de la semaine? Je suppose, ce que cependant j'ai peine à croire, que vous me disiez que oui: et la variété et l'inconstance continuelle de votre ministère, vous promettent-elles d'en jouir long tems constamment, et n'est-il pas plus désagréable, mon cher Monsieur, de n'avoir plus 1000 livres sterl. de rente, qu'il n'a été agréable d'en jouir? D'ailleurs ne pourrez-vous pas toujours rentrer dans la carrière, si l'ambition, ou l'envie de servir la patrie, vous reprennent; ne rentrerez-vous pas avec plus d'honneur, lorsque vos rentes étant augmentées naturellement, vous serez libre et indépendant?

En faisant cette retraite en Suisse, outre la beauté du pays, et les agrémens de la société, vous acquererez deux biens que vous avez perdus, la liberté et la richesse. Vous ne serez d'ailleurs point inutile; vos ouvrages continueront à nous éclairer, et indépendamment de vos talens, l'honnête homme, le galant homme, n'est jamais inutile.

Il me reste à vous présenter le tableau que vous trouveriez. Vous aimiez ma maison et mon jardin; c'est bien autre chose à présent. Au premier étage qui donne sur la descente d'Ouchy, je me suis arrangé un appartement qui me suffit, j'ai une chambre de domestique, deux sallons, et deux cabinets. J'ai au plein pied de la terrasse, deux autres sallons dont l'un sert en été de salle à manger, et l'autre de sallon de compagnie. J'ai fait un nouvel appartement de trois pièces dans le vuide entre la maison et la remise, en sorte que j'ai à vous offrir tout le grand appartement, qui consiste actuellement en onze pièces, tant grandes que petites, tournées au Levant et au Midi, meublées sans magnificence déplacée, mais avec une sorte d'élégance dont j'espère que vous seriez satisfait. La terrasse a peu changé; mais elle est terminée par un grand cabinet mieux proportionné que le précédent, garnie tout du long, de caisses d'orangers, &c. La treille, qui ne vous est pas indifférente, a embelli, prospéré, et règne presqu'entièrement jusqu'au bout; parvenu à ce bout, vous trouverez un petit chemin qui vous conduira à une chaumière placée dans un coin; et de ce coin, en suivant le long d'une autre route à l'anglaise, le mur d'un manège. Vous trouverez au bout, un châlet avec écurie, vacherie, petite porte, petit cabinet, petite bibliothèque, et une galerie de bois doré, d'où l'on voit tout ce qui sort et entre en ville par la porte du Chêne, et tout ce qui se passe dans ce Faubourg. J'ai acquis la vigne au-dessous du jardin; j'en ai arraché tout ce qui étoit devant la maison; j'en ai fait un tapis vert arrosé par l'eau du jet d'eau; et j'ai fait tout autour de ce petit parc, une promenade très variée par les différens points de vue et les objets même intérieurs, tantôt jardin potager, tantôt parterre, tantôt vigne, tantôt prés, puis châlet, chaumière, petite montagne; bref, les étrangers viennent le voir et l'admirent, et malgré la description pompeuse que je vous en fais, vous en serez content.

N. B. J'ai planté une quantité d'excellens arbres fruitiers.

Venons à moi; vous comprenez bien que j'ai vieilli, excepté pour la sensibilité; je suis à la mode, mes nerfs sont attaqués; je suis plus mélancolique, mais je n'ai pas plus d'humeur; vous ne souffrirez de mes maux que tout au plus négativement. Ensemble, et séparés par nos logemens, nous jouirons, vis-à-vis l'un de l'autre, de la plus grande liberté. Nous prendrons une gouvernante douce et entendue, plutôt par commodité que par nécessité; car je me chargerois sans crainte de la surintendance. J'ai fait un ménage de quatre, pendant quelque tems; j'ai fait le mien, et j'ai remarqué que cela marchoit tout seul, quand c'étoit une fois en train. Les petites gens qui n'ont que ce mérite, font grand bruit pour rien. Mon jardin nous fournira avec abondance de bons fruits et d'excellens légumes. Pour le reste de la table et de la dépense domestique, je ne demanderois pas mieux que de vous recevoir chez moi, comme vous m'avez reçu chez vous; mais nos situations sont différentes à cet égard; cependant si vous étiez plus ruiné, je vous l'offrirois sans doute, et je devrois le faire; mais avec les rentes que vous aviez, quand j'étois chez vous, en les supposant même diminuées, vous vivrez très agréablement à Lausanne. Enfin à cet égard nous nous arrangerons, comme il vous sera le plus agréable, et en proportion de nos revenus. Toujours serez vous ainsi, à ce que j'espère, plus décemment et plus comfortablement, que vous ne seriez par tout ailleurs au même prix.

SOCIETY AT LAUSANNE.

Quant à la société, quoique infiniment agréable, je commence ce chapitre par vous dire que j'éviterois de vous y inviter, si vous étiez entièrement désœuvré; les jours sont longs alors, et laissent bien du vuide; mais homme de lettres, comme vous êtes, je ne connois point de société qui vous convienne mieux. Nous aurons autour de nous un cercle, comme il seroit impossible d'en trouver ailleurs dans un aussi petit espace. Madame de Corcelles, Mademoiselle Sulens, et M. de Montolieu, (Madame est morte,) Messrs. Polier et leurs femmes, Madame de Severy, et M. et Madame de Nassau, Mademoiselle de Chandieu, Madame de St. Cierge, et M. avec leurs deux filles jolies et aimables, Mesdames de Crousaz, Polier, de Charrières, &c. font un fonds de bonne compagnie dont on ne se lasse point, et dont M. de Servan est si content qu'il regrette toujours d'être obligé de retourner dans ses terres, et ne respire que pour s'établir tout à fait à Lausanne. Il passa tout l'hyver de 1782 avec nous, et il fut, on ne peut plus, agréable. Vous trouverez les mœurs changées en bien, et plus conformes à nos ages, et à nos caractères; peu de grandes assemblées, de grands repas, mais beaucoup de petits soupers, de petites assemblées, où l'on fait ce qu'on veut, où l'on cause, lit, &c. et dont on écarte avec soin les facheux de toute espèce. Il y a le Dimanche une société, où tout ce qu'il y a d'un peu distingué en étrangères et étrangers, est invité. Cela fait des assemblées de 40 à 50 personnes, où l'on voit ce qu'on ne voit guères le reste de la semaine, et ces espèces de rout font quelquefois plaisir. Nous sommes fort dégoûtés des étrangers, surtout des jeunes gens, et nous les écartons avec soin de nos petits comités, à moins qu'ils n'ayent du mérite, ou quelques talens. A cet égard un de nos petits travers, c'est l'engouement; mais vous en profiterez, mon cher Monsieur, comme Edward Gibbon, et comme mon ami; vous serez d'abord l'homme à la mode, et je vois d'ici que vous soutiendrez fort bien ce rôle, sans vous en fâcher, dût on un peu vous surfaire. Je sens que tu me flattes, mais tu me fais plaisir, est peut-être le meilleur vers de Destouches.

Voilà donc l'hyver; l'étude le matin, quelques conversations, quand vous serez fatigué, avec quelque homme de lettres, ou amateur, ou du moins qui aura vu quelque chose; à l'heure qu'il vous plaira un dîner, point de fermier général, mais l'honnête épicurien, avec un ou deux amis quand vous voudrez: puis quelques visites, une soirée, souvent un souper. Quant à l'été, vu votre manière d'aimer la campagne, on diroit que ma remise a été faite pour vous; pendant que vous vous y promènerez en sénateur, je serai souvent en bon paysan Suisse, devant mon châlet, ou dans ma chaumière; puis nous nous rencontrerons tout à coup, et tâcherons de nous remettre au niveau l'un de l'autre. Nous fermerons nos portes à l'ordinaire, excepté aux étrangers qui passent leur chemin; mais quand nous voudrons, nous y aurons tous ceux que nous aimerons à y voir; car on ne demande pas mieux que d'y venir se réjouir. J'ai eu, un beau jour d'Avril ce printems, un déjeûner, qui m'a coûté quelques Louis, où il y avoit plus de 40 personnes, je ne sais combien de petites tables, une bonne musique au milieu du verger, et une quantité de jeunes et jolies personnes dansant des branles, et formant des chiffres en cadence; j'ai vu bien des fêtes, j'en ai peu vu de plus jolies. Quand mon parc vous ennuyera, nous aurons, ou nous louerons ensemble (et ce sera ainsi un plaisir peu cher) un cabriolet léger, avec deux chevaux gentils, et nous irons visiter nos amis dispersés dans les campagnes, qui nous recevront à bras ouverts. Vous en serez content de nos campagnes; toujours en proportion vous comprenez, et vous trouverez en général un heureux changement pour les agrémens de la société, et une sorte de recherche simple, mais élégante. Les bergères du Printems, excepté Madame de Vanberg, ne sont sans doute plus présentables, mais il y en a d'autres assez gentilles, et quoiqu'elles ne soyent pas en bien grand nombre, il y en aura toujours assez pour vous, mon cher Monsieur. Peu à peu mon imagination m'a emporte, et mon style s'égaye, comme cela nous arrivoit quelquefois dans nos châteaux en Espagne. Il est bien tems de finir cet article, résumons nous plus sérieusement.

Si vous exécutez le plan que vous avez imaginé, j'aimerois même à dire que vous embrassez, surtout d'après ce que vous marquez vous même, Si je ne consultois que mon cœur et ma raison, je romperois sur le champ cette indigne chaine, &c. Eh! que voulez-vous consulter, si ce n'est votre cœur et votre raison? Si, dis-je, vous exécutez ce plan, vous retrouverez une liberté et une indépendance, que vous n'auriez jamais dû perdre, et dont vous méritez de jouir, une aisance qui ne vous coûtera qu'un voyage de quelques jours, une tranquillité que vous ne pouvez avoir à Londres, et enfin un ami qui n'a peut-être pas été un jour sans penser à vous, et qui malgré ses défauts, ses foiblesses et son infériorité, est encore un des compagnons qui vous convient le mieux.

Il me reste à vous apprendre pourquoi je vous réponds si tard: vous savez déjà actuellement que ce n'est pas manque d'amitié et de zèle pour la chose; mais votre lettre m'a été renvoyée de Lausanne ici, à Strasbourg, et je n'ai passé qu'une poste sans y répondre, ce qui n'est pas trop, vous l'avouerez, pour un pareil bavardage. Je suis parti de Lausanne la veille de Pâques pour venir voir un M. Bourcard de Basle, fort de mes amis; il est ici auprès du Comte de Cagliostro, pour profiter de ses remèdes. Vous aurez entendu parler peut-être de cet homme extraordinaire à tous égards. Comme j'ai été assez malade tout l'hyver, je profite aussi de ses remèdes; mais comme le tems du séjour du Comte ici n'est rien moins que sûr, le mieux sera que vous m'écriviez à M. D. chez M. Bourcard du Kirshgarten, à Basle.

Vous comprenez combien à tous égards, il est nécessaire m'écrire sans perte de tems, dès que vous aurez pris une résolution. Adieu, mon cher ami.*

43

Part of the grounds of M. Deyverdun's house at Lausanne, in which Gibbon lived from 1783 to 1793, is now occupied by the Hôtel Gibbon. Henry Mathews (Diary of an Invalid, p. 317) speaks of a visit to the house paid in June, 1818. "Paid a visit to the house in which Gibbon resided. Paced his terrace, and explored the summer-house, of which he speaks in relating, with so much interesting detail, the conclusion of his historical labours."

Private Letters of Edward Gibbon (1753-1794) Volume 2 (of 2)

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