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CONCLUSION

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Ainsi, Clémence Royer s’avère-t-elle être une philosophe à la fois fascinante et ambivalente. Elle s’élève de manière originale contre la justification scientifique de la discrimination des femmes. Mais, contrairement aux futures générations de féministes, elle ne dénonce pas les différences prétendues biologiques et les hiérarchies entre les sexes comme étant l’expression du pouvoir culturel dans une société dominée par les hommes. Elle essaye plutôt d’esquisser une biologie féministe alternative. Son racisme, qui n’était pas un élément accessoire de sa philosophie, mais plutôt un élément constitutif de son féminisme, constitue le revers de la médaille. Sa conception de l’émancipation n’incluait pas tous les êtres humains, mais, avant tout, les femmes européennes instruites, comme elle. Elle voyait l’histoire de l’humanité comme une lutte pour la survie entre la «race» européenne «civilisée» et toutes les autres «races». L’émancipation des femmes européennes constituait pour Clémence Royer une nécessité, d’un intérêt vital pour la «race blanche». Car elle seule pouvait préserver la «civilisation» européenne, et en même temps, sa supériorité sur toutes les autres. Pour cela, il était toutefois nécessaire de lutter aussi contre les menaces internes que représentaient «les faibles, les malades, les incurables et les personnes malveillantes», comme elle le suggère dans sa préface à la traduction de l’ouvrage de Darwin.

Clémence Royer ne développera pas ses théories dans l’isolement de son bureau. Elle échangeait ses idées avec des scientifiques de Suisse et de l’étranger. Son cas éclaire ainsi un pan de l’histoire de la Suisse intellectuelle et cultivée. Il illustre le fait que les théories raciales et eugéniques n’ont pas été «importées» de l’étranger, mais que la Suisse elle-même, véritable carrefour au sein de réseaux scientifiques largement ramifiés, fut un lieu où de telles théories virent le jour.

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