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INTRODUCTION.

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Table des matières

La paix signée à Versailles le neuf février1783ne fit cesser les hostilités dans l’Inde que cinq mois après sa ratification en Europe; le Bailli de Suff en ne rentra à Toulon qu’en mars1784. Mais avant de quitter la côte Coromandel, il livra devant Goudelour, un dernier et glorieux combat à la flotte anglaise commandée par l’amiral sir Edouard Hughes, qui comptait dix-huit vaisseaux doublés en cuivre tandis que les seize vaisseaux français étaient encore mailletés et moins forts en artillerie.

La méthode du doublage en cuivre venait d’être adoptée par la marine anglaise, toujours prompte à saisir les innovations utiles, et à les appliquer à ses escadres; les nôtres comptaient peu de vaisseaux soumis à ce nouveau système, et celle de M. de Suffren en comptait encore beaucoup de mailletés.

Ce doublage composé de clous en fer à large tête, enfoncés dans le doublage en sap qui recouvrait la carène, ralentissait la marche des navires, en rendant leurs évolutions plus lentes et plus difficiles.

Malgré la supériorité évidente de l’escadre anglaise, elle fut obligée de se retirer en abandonnant le champ de bataille, et donnant la remorque à plusieurs de ses vaisseaux désemparés, qu’elle conduisit à Alemparvé et à Madras pour y être réparés. Depuis1784jusqu’à la reprise des hostilités, commencées avec la guerre de la révolution en1792, la marine française n’avait eu aucune occasion de signaler sa présence dans l’Inde. Quelques btimens épars avaient porté des officiers et procuré de faibles secours à Tippoo-Saëb, qui continuait contre les Anglais la guerre commencée par son père Haider-Ali.

–Secouru à temps par une armée française, il eût arrêté l’invasion anglaise, repoussé l’armée de lord Cornwalis, et arraché l’Inde à la domination britannique: plus soldat que général, il périt en défendant vaillamment sa capitale; un officier français, commandant d’artillerie dans son armée, m’a dit qu’ayant examiné le cadavre de Tippoo-Saëb, sous la poterne de Seringapatnam, il pouvait consciencieusement assurer que le prince avait été lâchement assassiné.

Il restait peu de bâtiments français dans ces mers, lorsque la frégate la Preneuse et la corvette la Brule-Gueule y arrivèrent; elles y furent bientôt suivies par la division de l’amiral de Sercey, ancien offieier de la marine royale, échappé miraculeusement aux prisons de la terreur, où le gouvernement républicain l’avait fait incarcérer comme noble et aristocrate. Sa division, partie de la rade de l’île d’Aix, le4mars1796, se composait des frégates la Forte, la Régénérée, la Seine et la Vertu, et des corvettes la Bonne-Citoyenne et la Mutine, auxquelles vinrent se joindre les frégates la Prudente et la Cybèle.

Ce fut avec d’aussi faibles ressources, que commença la dernière guerre maritime dans l’Inde.

Peu de temps après son arrivée cette division débuta par une action brillante: elle rencontra le9septembre1796, les deux vaisseaux anglais l’Arrogant et le Victorieux de chacun74canons. La frégate la Vertu commença le feu, et soutint pendant une heure celui des deux vaisseaux. M. L’Hermite, qui la commandait, allait aborder celui qui se trouvait le plus rapproché de lui, lorsqu’il reçut une volée qui le dégréa et s’opposa à l’exécution de son projet; alors, soutenu par les autres frégates, on prit des positions avantageuses, on cribla un des vaisseaux, et bientôt on vit sortir de tous côtés une épaisse fumée; on reconnut qu’il faisait des efforts pour se retirer du feu et pour l’éteindre à son bord: on dirigea alors toutes les forces vers le second, qui riposta faiblement, fut bientôt dégréé, presque démâté, et forcé de s’éloigner du champ de bataille, fort lentement, et très délabré; la frégate la Vertu ayant beaucoup souffert dans cet engagement, l’amiral appela M. L’Hermite au commandement de la Preneuse.

Sur cette frégate, ce brave capitaine livra plusieurs combats, et fit de si nombreuses prises sur le commerce anglais, que le commodore Hotham reçut pour instructions principales de tout risquer et de tout entreprendre, pour s’emparer de la frégate la Preneuse ou la détruire.

Avec cette frégate M. L’Hermite enleva deux vaisseaux de la Compagnie armés en guerre et ayant500hommes de garnison à bord; ce fut dans la rade et sous les forts de Tellichery que cette action eut lieu. En croisière avec la corvette la Brûle-Gueule, ils détruisirent quarante navires anglais dans les détroits de l’est et rentrèrent en mai1799dans la baie de la Rivière-Noire à l’Ile-de-France en combattant trois vaisseaux, une frégate et une corvette anglaises. Les habitants de la colonie, témoins de cette valeureuse et énergique résistance, accompagnèrent de leurs justes acclamations les deux navires français à leur rentrée dans le port.

Enfin la destruction de la Preneuse dans la baie du Tombeau, fut encore une action brillante: attaquée et poursuivie de trop près par deux vaisseaux ennemis, elle fut mise à la côte par son brave commandant, qui ne la quitta qu’après avoir fait débarquer ses blessés, l’avoir sabordée et incendiée sous le feu du vaisseau l’Adamant.

La perte de cette frégate et le départ de la Brûle-Gueule pour la France avaient laissé la colonie sans forces maritimes, car les bâtiments de la division de M. de Sercey, avaient été détruits, ou mis hors de service après de longues croisières et d’honorables combats, dans lesquels ils avaient souvent battu l’ennemi, détruit plusieurs comptoirs à la côte de l’Inde, entravé le commerce de la Compagnie anglaise, protégé et approvisionné les îles de France et de Bourbon abandonnées de la métropole. Cet honorable amiral lutta constamment avec courage et persévérance jusqu’à son retour en Europe qui eut lieu vers1802.

A cette époque l’Angleterre affaiblie par neuf années de guerre, pendant lesquelles cette puissance n’avait en définitive obtenu que de faibles avantages, se montra disposée à traiter avec le chef du gouvernement français.

La France ne perdait rien dans aucune partie du monde, et elle avait atteint une force continentale qui devait lui assurer une prépondérance durable en Europe.

Le traité d’Amiens, en suspendant les hostilités, nous trouva disposés à aller reprendre possession de nos anciennes colonies dans l’Inde, avec une division commandée par le contre-amiral Linois, composée du vaisseau de74canons le Marengo, de l’Atalante de 44, de la Belle-Poule de44, de la Sémillante de40et de deux grands transports chargés de troupes. Le général Decaen commandait les forces de terre, avec le titre de capitaine-général des établissements français à l’est du cap de Bonne-Espérance.

Cette division quitta la rade de Brest le6mars1803, toucha au cap de Bonne-Espérance, et mouilla dans les premiers jours de juillet sur la rade de Pondichéri. Le jour même du mouillage la corvette le Belier, expédiée de France peu de jours après le départ de la division qu’elle avait manquée de quelques heures au cap de Bonne-Espérance, apporta l’ordre d’appareiller et de se rendre à l’Ile-de-France; on attendit la nuit afin d’éviter de donner connaissance du départ à une réunion de huit vaisseaux anglais et plusieurs frégates mouillés près de notre division.

La lenteur apportée parles autorités anglaises, dans la remise officielle de la place de Pondichéri, nous avait déjà laissé entrevoir la possibilité d’une rupture; on se prépara à partir le soir même pour l’Ile-de-France, où l’on arriva dans les derniers jours de juillet. La corvette le Berceau y apporta officiellemeut la nouvelle de la déclaration de guerre: on mit promptement les bâtimens en état de prendre la mer. On partit le22septembre1803 pour aller croiser dans les mers de Chine, afin d’intercepter le convoi qui vient chaque année de Canton à Calcutta et en Europe.

L’amiral Linois rencontra le convoi versl’îlede Poolo-Aor, à l’entrée des mers de Chine, il se composait de plus de vingt navires, protégé par une escorte tellement supérieure à nos forces, qu’après s’être reconnus, et avoir échangé quelques volées, on tint le vent et on vint faire des vivres à Batavia; on expédia les frégates la Belle-Poule et l’Atalante pour le golfe du Bengale où elles firent de nombreuses prises, battirent le vaisseau le Centurion dans la rade de Vizagapatnam et le firent mettre à la côte, capturèrent les vaisseaux de la Compagnie la Princesse Charlotte, le Barnabé, le Brunswick, de26canons, et la Sarah de mille tonneaux, allant à la Chine; tandis que la Sémillante, commandée parle brave commandant Motard, et la corvette le Berceau, détachés de la division, prirent de leur côté, cinq navires, en brulèrent six dans la rade de Bencoulen, où ils incendièrent les magasins de la Compagnie des Indes.

Ces pertes furent estimées à quinze millions pour le commerce anglais. Après être retournée à l’Ile-de-France, la division vint en relâche au cap de Bonne-Espérance, appartenant aux Hollandais; on y éprouva un violent coup de vent et un raz de marée qui jetèrent plusieurs bâtiments à la côte; la frégate l’Atalante, Commandée par M. Baudin Beauchêne, y fit naufrage en face de la batterie de la ligne, à l’endroit où le vaisseau anglais le Sceptre, s’était perdu corps et biens peu de temps auparavant.

L’amiral Linois fit éprouver de grandes pertes à l’ennemi avant d’opérer son retour en Europe. Il ne laissa de sa division à l’Ile-de-France, que la frégate la Sémillante, commandée par M. Motard: le Marengo et la Belle-Poule firent route pour la France. Arrivés par26o de latitude nord, et32o de longitude ouest, ils furent attaqués par la division de l’amiral Warren, forte de sept vaisseaux et deux frégates. le Marengo, entouré par quatre vaisseaux qui le canonnèrent pendant plus d’une heure à portée de pistolet, fut obligé d’amener son pavillon le14mars1806; peu d’instants après, la Belle-Poule éprouva le même sort, mais sa position lui permit de battre une frégate anglaise à la vue de son escadre.

A cette division succédèrent quelques frégates sorties isolément des côtes de France, et dont le point de réunion était l’Ile-de-France, afin d’y former une station capable de résister aux forces britanniques qui parcouraient les mers de l’Inde; d’entraver et de détruire le commerce de nos ennemis, et d’approvisionner les deux colonies qui nous restaient dans ces parages.

Voici l’ordre dans lequel ces bâtiments arrivèrent. La première frégate qui vint à l’ le-de-France, après le départ de la division de l’amiral Linois, fut la Piémontaise, commandée par M. Epron; cette frégate, construite à St-Malo, fit de nombreuses prises dans l’Inde, et fut ensuite capturée par la frégate anglaise le San-Fioranzo; son pavillon ne fut amené qu’après la mort de son brave et digne lieutenant Moreau.

La Canonnière, partie de Cherbourg, commandée par M. Bourayne, arriva peu de temps après la Piémontaise, ayant heureusement commencé sa campagne. Dans sa traversée de France à la colonie, elle rencontra un convoi anglais de treize voiles escorté par deux vaisseaux de 74: l’un d’eux se détacha de ses conserves et vint engager un combat où toutes les chances étaient en sa faveur.

La frégate, après l’avoir combattu au vent, vit qu’il portait assez mal la voile; lui passa sous le vent et le mit dans l’impossibilité de se servir de sa batterie basse; elle l’engagea de près, et comme son pont se trouvait à découvert, elle lui tua quatre-vingt-un hommes, lui fit de graves avaries dans son mât de misaine, qui tomba peu de temps après la séparation des deux bâtiments. C’ était la seconde fois que le vaisseau le Trémendous était battu par des frégates françaises depuis la reprise des hostilités.

La Canonnière répara ses avaries et fit route pour Falsebay; le commandant Bourayne croyait toujours le cap de Bonne-Espérance au pouvoir des Hollandais, dont le pavillon flottait sur les forts et les bâtimens de la rade, lorsque la frégate vint y mouiller et s’y réparer. Mais à peine les ancres furent-elles par le fond, et le canot expédié pour aller à terre, que les batteries et les navires arborèrent le pavillon anglais, et firent pleuvoir sur la Canonnière une pluie de bombes et de boulets. La frégate coupa ses câbles et appareilla avec célérité pour sortir d’une rade ennemie. Elle fit route pour Bourbon, et mouilla en juin1806au port de l’Ile-de-France; peu de temps après, elle partit pour Manille, fit de longues croisières, et prit la frégate anglaise le Laurel, sous le veut de l’lle-de-France.

La Manche, partie de Cherbourg, arriva, après une heureuse traversée dans laquelle elle fit de nombreuses et riches prises, et suivit de près la Canonnière.

La Caroline, partie de Flessingue, ayant doublé les Orcades et tourné l’Angleterre par le nord, vint encore augmenter notre station.

Enfin, le brick-corvette l’Entreprenant, de seize canons, , construit dans la colonie, d’après les plans du commandant Bouvet.

La goëlette la Mouche, no6, venue de France, sous le commandement de M. Ducray-de-Villeneuve.

La frégate la Vénus, construite au Havre, et partie de Cherbourg sous les ordres de M. Hamelin, arriva en1808, et fut suivie de la Bellone, de Saint-Mâlo, commandée par M. Duperré.

La frégate l’Astrée, partie de Cherbourg, commandée par M. Le Marrant, arriva pendant la dernière année du séjour de la division de l’Ile-de-France; elle ne prit qn’une faible part aux évènemens qui eurent lieu dans ces mers.

A ces forces, il faut ajouter quelques bâtimens pris sur l’ennemi, et employés au service de la colonie:

La Minerve, capturée par la Bellone, sur les Portugais;

L’Iphigénie, que la division de la Vénus et la Manche firent amener à l’île de la Passe, après le combat du Grand-Port, et pour lui servir de complément.

Le corsaire le Revenant, cédé par M. Surcouf au gouvernement de l’Ile-de-France, et armé sous le nom du Victor, fit aussi partie de la division qui, de1807 à1810, se trouvait composée des bâtimens suivans:

La Sémillante, de40canons de12, M. Motard;

La Canonnière, de44canons de18, M. Bourayne;

La Manche, de44canons de18, M. Dornal-de-Guy;

La Caroline, de44canons de18, MM. Billard et Fertier;

La Bellone, de44canons de18, M. Duperré;

La Vénus, de44canons de18, M. Hamelin;

L’Astrée, de44canons de18, M. Le Marrant;

La Minerve, prise aux Portugais, M. Bouvet;

L’Entreprenant, brick de12canons, M. Bouvet, avant d’avoir la Minerve;

Le Victor de18caronades, M. Maurice;

La corvette la Créole, de12canons, M. Montaudevert;

L’Estafette, petit bâtiment faisant les voyages de Bourbon et autour de l’île, M. Chauvet;

L’Iphigénie, frégate anglaise prise au Grand-Port, commandée par M. Bouvet après ce combat;

La Néréide, prise sur les Anglais au Grand-Port, commandée par M. Roussin; en tout, quatorze bâtimens, en y comprenant ceux de nos ennemis dont nous nous étions recrutés.

Telles furent les forces réelles de la division pendant les dernières années de notre séjour dans les mers de l’ le-de-France.

Ce fut avec ce petit nombre de bâtimens qu’il fallut soutenir une guerre active contre les forces décuples d’un ennemi bien approvisionné, bien armé, se recrutant facilement, et ayant de nombreux ports de–relâche pourvus abondamment de toutes les choses nécessaires pour se réparer, se mettre en état de reprendre promptement la mer, et se trouver partout en nombre supérieur.

Les conditions dans lesquelles se trouvait notre division étaient entièrement opposées à cet état de bonne organisation.

Nous n’avions qu’un port de départ et de relâche pour toutes les opérations utiles à l’entretien de nos bâtimens; nous étions privés des ressources que l’on ne pouvait tirer que de France. On manquait souvent des objets les plus utiles à la navigation, aux réparations des avaries occasionées par l’usure, les accidens de mer, la vétusté et les combats; à cette difficulté de réparer et d’entretenir le matériel, venait encore se joindre l’impossibilité de remplacer les hommes morts, blessés ou détruits par des croisières qui duraient souvent un an, et qu’on n’accomplissait qu’avec les plus grandes privations, auxquelles les tempéramens les plus robustes ne résistaient pas toujours.

Les officiers de la marine actuelle apprécieront difficilement les obstacles qu’il fallait vaincre et l’énergie qu’il fallait déployer pour arriver aux résultats que produisit cette brillante campagne, pour l’honneur de notre pavillon et pour les utiles secours que le corps de la marine en a retirés.

A chaque instant, on se trouvait aux prises avec la nécessité de se créer des ressources de toute nature, pour sortir de positions difficiles; tout était à former, jusqu’au moral des équipages, affaiblis parles désastres du commencement de la guerre, et par les fautes du gouvernement républicain, dont les funestes souvenirs avaient laissé les plus fâcheuses impressions dans l’esprit des matelots et des officiers.

Malgré l’emphase et les déclamations mensongères des admirateurs de ce gouvernement, il nous restait à relever un sentiment honteux d’infériorité et d’insubordination. On cite vainement quelques faits isolés, qui font honneur aux marins de cette époque; mais le danger dans lequel on se jette par une témérité mal entendue, justifie assez le titre de braves ignorans donné par nos ennemis à quelques officiers de ces temps malheureux. C’est particulièrement dans les entreprises maritimes qu’il faut savoir éviter les ressources du désespoir, et qu’il faut unir le sang-froid au courage, et la persévérance aux talens de sa profession.

En voyant la tenue des bâtimens de guerre et des équipages d’aujourd’hui, on ne peut se faire une juste idée de ce qui existait au commencement de la dernière guerre; tous les avantages sont en faveur de l’actualité! la tenue des navires et des équipages, les soins hygiéniques, et la juste et paternelle subordination que l’on observe dans ce corps, sont tels, que je ne pense pas que l’on puisse arriver à de grandes améliorations.

Ces heureuses innovations ont été introduites en France par les officiers de la division de l’Inde, qui seuls avaient navigué d’une manière active, et qui rapportaient le résultat d’une expérience acquise pendant une longue et laborieuse campagne couronnée par de brillans succès.

C’est à tort qu’un sentiment d’injustice et de jalousie ferait attaquer quelques-uns de ceux qui servirent dans cette division; les faits accomplis par eux sont connus; l’histoire les a constatés et appréciés; les hommes de quelque mérite, et tous ceux chez lesquels les sentimens de pudeur et d’impartialité n’ont pas été étouffés par l’orgueil et par l’infériorité toujours mécontente, ont reconnu que la marine française, constamment malheureuse dans les mers d’Europe, avait acquis un éclat nouveau dans l’Inde; que la marine anglaise y était tenue en échec, souvent battue, et que le gouvernement britannique et la Compagnie des Indes y étaient devenus tributaires du pavillon français, auquel ils payaient chèrement leur passage pour aller dans leurs possessions de l’Indoustan.

Le retour des officiers et des marins de la division de l’Ile-de-France ne passa pas inaperçu en Angleterre; beaucoup d’ouvrages périodiques et presque tous les journaux de cette époque manifestèrent leur étonnement sur les combats livrés de1811à1814, qu’ils trouvèrent destructifs pour leurs navires et très meurtriers pour leurs équipages; ils remarquèrent un changement subit dans les habitudes et dans l’obstination qu’ils rencontrèrent en combattant contre nous.

En effet, plusieursde leurs frégates étaient rentrées à Porstmouth sans états-majors, et tellement maltraitées, qu’elles n’avaient dû leur salut qu’à la fuite ou à la rencontre d’autres bâtimens de leur nation.

Il serait injuste de ne pas reconnaître que nos dernières campagnes ont exercé une salutaire influence sur notre marine; qu elles ont formé des hommes supérieurs, et qu’en général, on y avait acquis de justes idées sur la valeur exagérée des bâtimens et des équipages anglais, qui, réellement, étaient toujours fort au-dessous de la réputation qu’on leur avait faite en Europe. S’ils furent souvent heureux, ils le durent presque toujours à leur nombre et aux positions que leur procurèrent des circonstances de mer; mais jamais ils ne furent plus braves, plus audacieux, et ne déployèrent autant de génie que nos officiers, auxquels on n’a pas toujours rendu, dans leur corps, toute la justice qu’ils méritent. Quelques actes d’une grossière et blâmable insubordination ont prouvé que tout sentiment de jalousie contre eux n’était pas encore éteint; il est fâcheux que ce reproche, et celui d’insubordination entre les officiers de grades égaux, se soit en quelque sorte perpétué dans cette arme, et que depuis le Bailli de Suffren jusqu’à nous, ce sentiment soit venu altérer les brillantes qualités qu’il faut reconnaître à la majeure partie des officiers de la marine française.

Je pense que la privation de la colonie de l’Ile-de-France n’aurait pas l’influence qu’on lui suppose sur l’état de nos opérations maritimes dans l’Inde.

Le perfectionnement apporté dans toutes les parties de la navigation permet de tenir plus long-temps la mer, sans que les équipages et les bâtimens en souffrent comme à notre époque.

Les points de relâche, qu’il n’est pas dans mon plan d’indiquer, sont nombreux, et les jeunes officiers, formés par les exemples que leur laisseront des chefs tels que MM. Motard, Duperré, Roussin, Bouvet, Baudin, Hamelin, Dornal-de-Guy et Hugon, seront de justes sujets d’émulation pour ceux qui sont appelés à les remplacer; ils sauraient, comme eux, se créer les ressources qui ne manquent jamais aux hommes de cœur et de génie; et, comme leurs chefs actuels, ils sauraient soutenir l’honneur du nom français, toujours respecté dans ces mers.

Campagne de la frégate

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