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PRÉFACE

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L’AUTEUR de ce livre, Mlle Alice Meunier, apporte à la collection des «Maîtres anciens et modernes» son amour de l’Italie et de l’art italien. Elle a vécu par delà les Alpes de nombreux jours. A Rome, qui est à l’aboutissement de ce monde renaissant, et dans toutes ces villes, de Pise à Florence, de Padoue à Sienne, de Pérouse à Assise, devant les monuments si simples d’aspect, et devant les fresques, richesse de la décoration intérieure, elle a contracté la fièvre de l’enthousiasme, elle a senti grandir en elle la foi au culte de l’art. C’est le sentiment le plus fort et le plus haut qui puisse satisfaire l’élite humaine. Par lui, on oublie les luttes et les misères de la vie, on peut apaiser les chagrins, supporter ce qui est trivial, ennoblir la douleur.

Le but principal de cette collection, consacrée aux artistes, est d’enseigner à tous cette manière de donner un intérêt passionné à l’existence, de l’élever au-dessus de la vulgarité toujours prête à l’envahir. Les artistes sont les dispensateurs de cette religion de l’art, qui offre à tous ceux qui sauront la servir des modèles de beauté et de sensibilité. L’art double la vie, l’amplifie et l’exalte, lui donne à la fois la passion et la sagesse. Voici donc Giotto, qui est l’un des premiers, sinon le premier, parmi les initiateurs que furent les artistes italiens. Vous allez lire le récit de sa vie et l’exacte énumération de ses œuvres. Je ne puis, en préface à ce récit vivant, que manifester l’émotion profonde ressentie devant la première apparition de l’œuvre du grand artiste lors d’un voyage à travers l’Italie, alors que je ne connaissais de Giotto que le Saint François exposé au Louvre, dans la petite salle des Primitifs italiens.

Ce ne fut pas le peintre que je connus le premier, mais l’architecte et le sculpteur, et Giotto, dès l’abord, se révéla comme l’un de ces grands hommes universels qui précédèrent les temps de la Renaissance. Le Campanile de Giotto! La mémoire garde à jamais le surgissement de la haute tour quadrangulaire élevée si proche de Sainte-Marie-des-Fleurs qu’il n’y a guère, entre elle et la cathédrale, que l’étroit passage d’une ruelle. Elle est, comme le Baptistère, comme la Cathédrale, recouverte de revêtements de marbre, où des formes géométriques, rectangulaires, carrées, losangées, circulaires, sont tracées par des bandes de marbre grises et rouges. Charles-Quint demandait pour le Campanile un écrin, et il a, en effet, les apparences d’un objet précieux. Mais ni la force ni la grandeur ne lui manquent. Il monte d’un seul élan, malgré les détails qui l’enrichissent, à une bauleur de 85 mètres, que Giotto voulait allonger jusqu’à 94 mètres par un clocher en pyramide. La première pierre fut posée le 18 juillet 1334. Giotto fut choisi pour succéder à Arnolfo di Cambio, architecte de Sainte-Marie-des-Fleurs. Le chroniqueur florentin Giovanni Villani s’exprime ainsi: «La direction des travaux fut confiée à maître Giotto, notre concitoyen, le plus souverain maître en peinture de son temps, et celui qui sut le mieux reproduire les figures et les gestes d’après nature.»

C’est un peintre, en effet, et l’on verra dans ce livre, par le détail, l’œuvre qu’il a élaborée aux murailles d’Assise, de Padoue, de Florence, œuvre forte et hardie, audacieuse et tranquille, qui proclame, contre les formes religieuses byzantines, la variété de la nature, le droit d’observation et de création, la mise en liberté de l’art. Ces définitions s’appliquent aussi aux sculptures pareilles à des tableaux en bas-reliefs encadrés par les losanges et les hexagones tracés par Giotto, architecte décorateur, aux étages inférieurs du Campanile. Ce sont des scènes représentatives de la réalité, des symboles et des figurations exactes, la Science, la Tempérance, la Force, le Travail, l’Astronomie, l’Equitation, l’Agriculture, le Commerce, le Tissage, la Céramique, le Métal, la Peinture, la Sculpture, la Philosophie, la Musique, la Grammaire, l’Arithmétique, la Navigation, avec des personnages tels que Ptolémée, Apelle, Phidias, Platon, Aristote, etc.

Que Giotto succède à Cimabue, qu’il ait été découvert par lui, qu’il l’ait eu pour maître, c’est admis, et on peut l’admettre. Mais il fait, en réalité, une révolution contre Cimabue. Avec Brunelleschi, avec Donatello, il découvre la nature par la divination subite de l’Antiquité retrouvée. Sur la vue des quelques œuvres intactes, des ruines, des fragments, ces grands artistes ont appris la science et la mesure, les proportions et le modelé, la plus grande vérité des choses. Ces conquêtes nous paraissent simples aujourd’hui, mais pour s’emparer de ce monde presque disparu, fragmenté, brisé par la haine, enfoui sous la poussière du temps, il fallait des hommes de génie au cœur simple, à l’intelligence directe, à l’esprit de haut vol. Le trio du peintre, de l’architecte, du sculpteur, fut ainsi. Dé Giotto, qui vint le premier, on sait qu’il travailla comme mosaïste à Saint-Pierre et à Saint-Jean-de-Latran, qu’il connut la beauté des temples antiques et des basiliques chrétiennes, la richesse des matériaux employés par les Césars et par les Papes. Ajoutez l’influence de Giovanni Pisano, de François d’Assise, peut-être de Dante, et ceci dit, il fallait un Giotto pour s’assimiler, sans déperdition de sa propre individualité, ce flux d’art et de vie qui lui arrivait de tous côtés. Les hommes qui possèdent le don de Giotto ne distinguent pas entre les apports de l’art et de la vie, ou s’ils distinguent, ce n’est que pour trouver dans l’art la preuve de la vie, et une raison de plus de prendre à la nature tout ce qu’ils pourront apercevoir et ravir de richesse et de nouveauté.

L’observation des êtres, de leurs mouvements, de leurs sentiments, de leurs passions, domine l’œuvre de Giotto, qui est un défilé sans fin de formes et de gestes, une arrivée en foule de pensées nées de tous les actes et de toutes les intentions de la vie. C’est ainsi pour les bas-reliefs du Campanile, conçus, dessinés par Giotto, exécutés par Andrea Pisano. C’est ainsi pour les fresques de la vie de saint François et des scènes du Nouveau-Testament dans les deux églises d’Assise. C’est ainsi pour l’histoire de la Vierge et de Jésus aux murailles de l’Arena à Padoue. C’est ainsi pour une nouvelle vie de saint François dans la chapelle Bardi et la vie de Jean-Baptiste dans la chapelle Peruzzi, de l’église de Santa-Croce à Florence.

On lira dans ce livre la description complète et l’appréciation enthousiaste et judicieuse de ces grandes œuvres, à la suite d’une étude des origines de l’art de Giotto, recherchées dans l’art de l’Antiquité et du Moyen âge et dans le mouvement franciscain. Mlle Alice Meunier a su écrire ce récit de la vie de l’artiste et cette étude de la nouveauté de son art avec la force, la simplicité, la pure lumière qui émanent des admirables fresques d’Assise, de Padoue, de Florence, et des bas-reliefs du Campanile. Elle a su mettre d’accord sa pensée, son style, son respectueux commentaire, avec l’œuvre grandiose qu’elle admire et qu’elle a célébrée avec l’émotion d’une néophyte.

GUSTAVE GEFFROY.

Giotto

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