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I

Table des matières

La peinture dans l’antiquité et au moyen âge. Le mouvement franciscain.

IL nous reste peu de chose de la peinture antique. Les couleurs résistent encore plus mal que les marbres aux attaques des éléments. Leur conservatrice, c’est la terre, et nous n’en avons que ce que les fouilles de nos archéologues lui ont fait rendre.

De la peinture grecque, nous ne savons que des noms, des légendes. De la peinture romaine décorative, nous possédons de bons spécimens, peut-être dus à des Grecs, car ils travaillaient volontiers pour leurs vainqueurs, et le Romain de pure race n’était pas apte aux arts. On cite, à Pompéi, la maison des Vetii; à Rome, la maison de Livie, la maison d’Or de Néron, etc. Encadrements de lignes capricieuses, mais toujours revenant à la symétrie, où la figure humaine s’achève en ramifications de plantes, où des masques de satyres et de ménades grimacent parmi des guirlandes, où des vases se perdent dans des volutes de feuillage; petits paysages fins comme des miniatures; coupes de cristal aux transparences impalpables; fleurs, fruits, scènes de la mythologie ou de la rue, aux groupements savants, aux architectures solides: tout nous prouve que les anciens n’ignoraient rien de la perspective, du modelé, du clair-obscur. Raphaël, sur le conseil de Jean d’Udine, ne dédaigna pas d’imiter, dans les Loges du Vatican et la Villa Madame, les peintures des Thermes de Titus découvertes de son temps. D’ailleurs, les artistes de Rome ne furent pas seulement des décorateurs, en quelque sorte patrons des modernes Italiens qui peignent des trompe-l’œil sur les façades ou des draperies et des ciels azurés dans les intérieurs; ils furent aussi des peintres de genre et des peintres d’histoire, comme en témoignent les Noces Aldobrandines et les Processions d’Enfants de la bibliothèque du Vatican.

La fin du paganisme causa dans l’art un grand désarroi, les sujets mythologiques se trouvant interdits. Ils s’étaient cependant glissés aux Catacombes, avec Orphée, mais comme symboles, comme langue hiéroglyphique, pour laquelle il n’était pas besoin d’artistes, quoique certaines compositions, par exemple celle de la voûte d’une chapelle aux catacombes de saint Calliste, fassent preuve d’une véritable science. Après l’édit de Milan (édit de tolérance et de liberté pour les deux cultes) les chrétiens crurent hâter la chute de l’idolâtrie en brûlant ce qu’on avait adoré. Lorenzo Ghiberti le déplore dans ses Commentaires, dédiés à la Terre-Mère d’Italie, où il passe en revue les sculpteurs et les peintres anciens et la somme de science qu’il faut à l’artiste véritable: «Donc, au temps de Constantin, empereur, et de Sylvestre, pape, la foi chrétienne triomphe. L’idolâtrie est persécutée au point que toutes les statues et les peintures de si antique et parfaite dignité furent détruites et lacérées; et aussi consumés avec les statues et les peintures, les volumes et les commentaires, et les lignes et les règles qui donnaient l’enseignement d’un art si excellent et si délicat. Et, pour arracher toutes les anciennes coutumes d’idolâtrie, tous les temples durent être blanchis. En ce temps, on menaça de grandes peines quiconque ferait aucune statue ou aucune peinture. Ainsi finit l’art statuaire et la peinture, et toutes les doctrines dont ils sont le résultat. L’art fut détruit et les temples blanchis pendant environ six cents ans. Les Grecs commencèrent, très débilement, l’art de la peinture; mais autant les anciens furent habiles, autant en cet âge on fut grossier et ignorant .»

MADONE D’OGNISSANTI

Florence. Musée des Offices.


Comme tous ceux qui généralisent, Ghiberti exagère, car le christianisme entra doucement dans les temples, dont il conserva certaines fêtes et bien des cérémonies; dans les familles, où l’on put voir, comme l’écrit saint Jérôme dans ses lettres, un grand-père, flamine de Jupiter, faire sauter sur ses genoux des petits enfants chrétiens. Si des temples furent «blanchis», on construisit des églises ornées de mosaïques charmantes, comme le baptistère de Constance, dont la voûte en berceau de l’ambulatorium est décorée de rinceaux élégants, de paons aux queues multicolores et de petits vendangeurs, anges ou amours, qui pressent avec tant de conviction le raisin d’où jaillit le vin, le sang du calice. Ghiberti, d’ailleurs, ignorait l’église inférieure de Saint-Clément, couverte de fresques peintes du VIIIe au XIe siècle, pour la bonne raison qu’elle était enfouie sous ses décombres, dans lesquels, au commencement du XIe siècle, le pape Pascal II, après en avoir retiré le Ciborium et des placages de marbre et de porphyre, planta les fondations de la nouvelle basilique.

Les barbares furent bien plus coupables que les chrétiens de la destruction des œuvres d’art. La grotte de Bethléem retentit des lamentations de saint Jérôme sur Rome saccagée et c’étaient des barbares aussi stupides que Genséric, ces Normands de Robert Guiscard qui, pour venger Grégoire VII chassé de Rome par l’empereur Henri IV, s’acharnèrent sur l’église constantinienne de Saint-Clément.

HOMMAGE RENDU AU JEUNE FRANÇOIS

(Assise. Église Supérieure).


L’atmosphère inquiète de la fin d’un monde, la misère des temps où la ville éternelle ne comptait plus que 20.000 âmes, étaient bien contraires à l’éclosion des arts. La peinture fut remplacée par la mosaïque. Des Grecs, expulsés de Constantinople par les iconoclastes avaient apporté en Italie leur traditionalisme. Ils fournirent aux églises et aux couvents les crucifix, les images de la Madone et des saints, toujours les mêmes, et qui suffisaient à la dévotion, tout en perdant peu à peu de leurs qualités d’origine, jusqu’à devenir, au IXe siècle, véritablement sauvages.

Le XIIIe siècle, qui nous donne Giotto, fut tourmenté, violent et fécond. Les grandes croisades sont finies, laissant le tombeau du Christ aux infidèles; la puissance pontificale, qui s’affirme avec hauteur, est en lutte avec l’empereur; la foi est ardente, mais attaquée; les hérésies surgissent de toutes parts. Vaudois, Albigeois, Patarins, Cathares, tous cherchent à ébranler l’Église, la société, la famille. Mais, en même temps, apparaissent des saints armés de science et de vertu et qui ont l’intuition du besoin populaire de rester dans la tradition apostolique: saint Louis, chevalier et roi, saint Dominique, fondateur de l’ordre enseignant; saint François, amant de la pauvreté ; saint Thomas, qui renferme dans la Somme toute la doctrine chrétienne et toute la science de la Sorbonne. C’est leur impulsion, bien plus que le faste des princes et des républiques, qui fait frémir, éclore les germes d’art sommeillant depuis si longtemps dans le sein de l’humanité. L’architecture avait déjà pris son essor avec les cathédrales gothiques: d’ailleurs, elle n’avait pas cessé de produire, mais le roman, avec ses pesanteurs de forteresse, restait trop attaché à la terre; le gothique s’élanca vers le ciel. Et, surtout, la Renaissance, la Renaissance totale, avec la sculpture et la peinture, se fait en Italie, en Toscane.

La Toscane, c’est l’Étrurie qui, dans l’antiquité, avait été l’initiatrice de l’Italie aux arts. Elle les avait reçus d’Égypte et de Grèce, avait orné ses villes de statues innombrables, élevé à ses morts de somptueux tombeaux, paré ses femmes de délicats bijoux et instruit Rome de la civilisation. Mais l’élève était dure, ingrate, jalouse peut-être d’une suprématie intellectuelle. Elle détruisit l’Étrurie, comme elle avait détruit le Latium, comme elle supprimera tous les peuples, maîtres anciens de la péninsule. Les vaincus perdront jusqu’à leur langue. C’est grande érudition que de retrouver quelques mots, une phrase d’étrusque. L’anéantissement, ou, pour parler plus justement, l’assimilation à Rome dura près de mille ans, puis le flot barbare passa, emportant tout, sauf le sol. Ce sol avait, en Toscane, des vertus particulières. Les arts y refleurirent avec intensité. Ce fut là que commença la Renaissance, avec Dante, père de la langue italienne, qu’il met au jour dans ses poèmes; avec Giotto, père de la peinture moderne.

SAINT FRANÇOIS SUR LE CHAR DE FEU

(Assise. Église Supérieure).


Le mouvement franciscain aida au développement de l’art et à sa vie. Saint François est le premier à voir la nature, à l’animer, à la prendre pour une interlocutrice, à la chanter. Il est un troubadour, un jongleur, comme il le dit lui-même. Sa vie errante avait popularisé ses traits dont, de toutes parts, on voulut des effigies. Placé parmi les saints (1228) deux ans seulement après sa mort, ceux qui l’avaient connu vivaient encore et obligeaient les artistes à une certaine exactitude. Dès le lendemain de la canonisation, Grégoire IX posait lui-même la première pierrre de la basilique d’Assise. Au chapitre général de la Pentecôte 1230, une bulle ordonnait d’y transporter les restes du saint, ce qui fut accompli le 25 mai de la même année. Innocent III consacra les deux églises en 1253, sans que la construction et la décoration fussent terminées: on devait y travailler plus d’un demi-siècle encore. Ses grands pans de murs, ses voûtes, obligeaient les peintres à de plus grandes compositions qu’on n’en avait conçues jusqu’alors. Mino da Torretta, Guido de Sienne, Margaritone, Cimabue, essayèrent de s’y libérer des formules byzantines, et s’ils n’arrivèrent pas à dérober ses secrets à la vie, du moins perdirent-ils l’immobilité tradionnelle et purent-ils élargir leur manière. Le souffle qui leur manqua, Giotto le reçut dans le sanctuaire de saint François.

Giotto

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