Читать книгу Les Coeurs Dammnés - Amy Blankenship, Amy Blankenship - Страница 5
Chapitre 2 "Une voix du Passé"
Оглавление15 ans plus tard...
Kyoko fit un arrêt devant la porte du bureau, ne souhaitant pas y entrer. D'aussi loin qu'elle se souvienne, elle avait toujours vécu au pensionnat de jeunes filles et aussi loin que portait sa mémoire, être convoquée dans le bureau de Madame Merde n'avait jamais été une bonne chose. La phrase "Oh Merde" prenait une toute nouvelle signification.
"Entrez, Hogo." Même en étant quelque peu étouffée car provenant de l'autre pièce, la voix féminine semblait dure et inflexible, le genre de voix qui tapait sur les nerfs.
Kyoko eut un mouvement de recul, se demandant comment la vieille dame pouvait savoir qu'elle se tenait là . Elle regarda à nouveau autour d'elle, cherchant des yeux une caméra espion qu'elle n'avait jamais découvert puis haussa les épaules et ouvrit la porte.
En voyant que la directrice n'était pas seule dans son bureau, Kyoko se mit à déplacer son poids d'une jambe vers l'autre nerveusement en se demandant ce qu'elle avait bien pu faire cette fois pour se trouver dans les ennuis. Puisque l'école se situait au milieu de nulle part et que les garçons n'y étaient pas admis, elle n'avait jamais été dans la même pièce qu'une personne du sexe opposé et détourna instantanément son regard de lui.
"Prenez un siège, Mademoiselle Hogo, nous avons plein de choses à discuter." Madame Merde avait dit cela avec toute la condescendance dont elle était capable. Même elle, semblait secouée par le fait que sa très digne école ai été envahie par un homme. "Voici Monsieur Sennin, un avocat en charge des affaires de votre famille depuis que vous avez été placée dans notre école. Il vient de m'informer que sa mission touche à sa fin et que tous les droits liés à la succession vous reviennent à partir de ce soir, minuit."
Kyoko cligna des yeux plusieurs fois, dans sa grande confusion. La quoi de sa famille ? On lui avait toujours dit qu'elle était une pupille de l'école et elle avait cru que cela signifiait qu'elle était orpheline. Son anniversaire était le lendemain mais... Kyoko s'arracha à ses pensées lorsque Madame Merde se leva brusquement et se dirigea vers la porte du bureau.
La vieille femme avait le dos raide comme une planche et ses talons cliquetaient bruyamment sur le bois du parquet. Son regard baissé descendant le long de son nez par delà les embarrassantes lunettes qui pendait au bout. "Je laisse le soin à Monsieur Sennin de vous expliquer le reste." La porte se referma avec un claquement sonore, laissant Kyoko en compagnie de l'homme, seule dans le bureau.
"Puis-je vous appeler Kyoko ?" Monsieur Sennin demanda poliment. Personnellement, il était bien aise que la vieille carne les ai laissés seuls.
Dans sa voix éraillée résonnait le poids des ans mais elle était douce et calme à la fois, ce qui décida enfin Kyoko à relever ses yeux d'émeraude au niveau des siens. Il portait le costard cravate typique d'un avocat, mais son sourire était celui d'un gentil grand-père car il remontait jusqu'à ses yeux gris pétillants. Elle hocha la tête, prenant un moment pour retrouver la parole.
"Vous connaissez ma famille ?" Kyoko posa la seule question à laquelle elle pensait ne jamais obtenir de réponse.
"Je les ai très bien connu. Votre grand-père était mon meilleur ami." Il soupira alors qu'il tirait la chaise de Madame Merde pour l'approcher de celle de Kyoko de l'autre côté du bureau. Votre grand-père vous a amenée à moi lorsque vous n'aviez que trois ans avec des instructions très précises et un testament. Il est mort dans un étrange accident à peine quelques heures après avoir quitté mon cabinet."
Le vieil homme pris une grand inspiration comme si le souvenir lui causait une grande souffrance, puis il commença son explication. "Votre grand-père vint à moi en toute confiance. Il me raconta que chacun dans votre famille était en danger. Vos parents venaient juste de décéder dans de mystérieuses circonstances et il craignait pour votre vie... Craignant sans doute que vous soyez la prochaine, je suppose."
Il s'agita comme si une lutte interne l'empêchait de poursuivre. "Voyez-vous... Votre mère et votre père furent retrouvés dans le salon de votre maison de famille, ils semblaient avoir été déchiquetés par un animal non identifié. " Ses yeux s'assombrir à cette pensée." Mais il n'y eut jamais aucune preuve de la présence d'animaux dans la maison."
Monsieur Sennin fronça les sourcils, "Lorsque la police est arrivée, elle a cherché votre jeune frère Tama, mais il avait disparu sans laisser de traces. Vous vous trouviez avec votre grand-père à la foire du comté au moment de la mort de vos parents. Mais lorsque les enquêteurs ont fouillé la maison, c'est dans votre chambre qu'ils ont trouvé le plus de dégâts. C'est alors que votre grand-père vous a amenée à mon bureau."
"Ils sont tous morts ?" Kyoko se senti comme aveuglée par des phares de voiture... Apprendre dans la foulée qu'elle avait une famille et qu'elle l'avait perdue. "Personne ne m'a jamais rien dit de tout ceci. On m'a toujours dit que j'étais une pupille de l'école, c'est tout. On ne m'a jamais autorisée à quitter l'enceinte de l'école. "Elle cligna des yeux en se demandant si elle n'aurait pas mieux fait de ne rien savoir.
Monsieur Sennin hocha la tête, "Mes instructions étaient de vous envoyer dans un pensionnat isolé aussi éloigné que possible de votre maison familiale, puis de n'avoir aucun contact avec vous sous aucune forme jusqu'à votre dix-septième anniversaire. J'ai toujours réglé vos frais de scolarité depuis un compte offshore pour éviter qu'on établisse un lien."
Il balaya la pièce du regard semblant regretter son isolation. "La seule raison de mon choix est que ce lieu est sur une terre sacrée... Bénie par les moines qui vivent dans le monastère au sommet de la montagne. Leur lignée et leurs traditions sont parmi les plus vieilles au monde... Et les plus puissantes. J'ai aussi demandé qu'on ne vous autorise jamais à quitter l'enceinte de l'école. Voyez-vous, votre grand-père était convaincu que si vous n'étiez pas dissimulée quelque part... Que les démons vous trouveraient."
La surprise provoqua chez Kyoko un mouvement de recul. " Les démons ?" C'était cela, son secret et elle ne l'avait jamais révélé à personne. Ses camarades de chambre l'avaient toujours questionnée à propos de ses cauchemars lorsqu'elle se réveillait en hurlant, mais elle leur répondait simplement qu'elle ne se rappelait pas des rêves. Elle baissa les yeux de crainte qu'il ne lise la peur dedans.
Kyoko essaya d'écarter les visions qui tentaient de se former dans son esprit. L'image mentale du portrait de famille qu'elle avait secrètement porté dans son CÅur était à présent recouverte de sang. Clignant des yeux pour chasser cette vision jusqu'à ce que tout ce qu'elle puisse voir soit le brave homme qui lui avait parlé si franchement lorsqu'elle avait posé la question :
"Il se passera quoi, ce soir à minuit ? Madame Merde dit..."
"Madame Merde," Monsieur Sennin rit puis s'éclaircit la gorge. "Vous devez admettre que ce nom lui convient parfaitement."
Il partagèrent un sourire puis il plaça son dossier rempli de paperasse sur le bureau devant Kyoko. "Il y a une maison assez grande et une somme d'argent encore plus grande qui doivent vous revenir ce soir à minuit. Vous pouvez rester ici aussi longtemps que vous le désirez, ou vous pouvez rentrer chez vous dans la maison ou vous êtes née et y terminer votre dernière année de lycée."
Les lèvres de Kyoko sâentrouvrirent et la taille de ses yeux émeraude avait doublé à mesure qu'il parlait. "J'ai une maison ?" Il avait l'air un peu contrit lorsqu'il répondit. "Oui. Elle est située à la bordure de la ville et la terre qu'on peut voir derrière est à vous aussi loin que porte le regard. Il y a même une piscine chauffée creusée dans le sol au milieu des jardins fleuris à l'arrière de la maison, qu'on ne peut apercevoir depuis la route. Vous aurez toute l'intimité que vous pourrez souhaiter."
La voyant se mordre la lèvre inférieure, il tenta d'apaiser ses craintes. "La maison n'est pas au milieu de nulle part comme cette école. Il y a une énorme maison de l'autre côté de la rue et il y a toujours beaucoup d'allées et venues. Je l'ai remarqué car ma femme et moi avons été dans votre maison une fois par mois afin de faire un peu de nettoyage pendant ces quinze dernières années. Nous l'avons même réapprovisionnée récemment pour le cas où vous souhaiteriez d'y venir."
Un sourire gagna lentement les lèvres de Kyoko comme elle tendait la main vers l'unique chose qu'elle avait toujours voulu. A l'intérieur du dossier se trouvait la photo d'une vaste maison avec un jardin fleuri bien entretenu et une longue allée. Chez elle... Elle avait un foyer, un lieu ou sa famille avait jadis vécu et connu le bonheur.
Levant les yeux à nouveau vers Monsieur Sennin, elle sourit une fois de plus et lui donna sa réponse. "Quand pourrons-nous partir ?"
*****
Kyoko se tenait sur la pelouse à l'avant, les yeux levés vers la maison dans laquelle Monsieur Sennin lui disait qu'elle avait vécu avec sa famille. La maison possédait deux étages, d'un blanc pur, elle avait d'immenses colonnes se dressant jusqu'au toit du porche avant qui s'étalait sur toute la façade de la maison. Elle était restée debout là pendant près de dix minutes occupée uniquement à absorber tout cela, mais le soleil disparaissait rapidement et elle concentra son attention sur la porte d'entrée.
Cela l'avait rendue nerveuse, de quitter le pensionnat de filles et de prendre l'avion pour traverser l'océan, mais à présent elle était chez elle, une discrète sérénité s'était emparée d'elle. Monsieur Sennin avait vraiment été d'une grande aide, faisant livrer ses bagages à l'avance par l'intermédiaire de sa femme. Il avait même fait transférer son dossier scolaire vers le lycée de la ville de manière à ce que tout ce qu'elle ai à faire le lendemain soit de se rendre en classe.
En voyant la lumière de phares se déplacer sur toute la façade de sa maison, Kyoko jeta un Åil par dessus son épaule vers la résidence de l'autre côté de la petite rue à deux voies.
C'était une maison d'environs la même surface que la sienne, mais c'était différent. Chaque pièce de l'autre maison avait la lumière allumée et il y avait tant de voitures dans l'allée... Elle semblait pleine de vie. Les deux maisons étaient construite en bordure de route avec uniquement du terrain autour aussi loin que porte le regard. C'était comme si c'était les seules construites à la lisière de la forêt à proximité des montagnes.
Les phares en question provenaient d'une Jeep qui freina dans un crissement de pneus pratiquement en face de la porte de l'autre maison. Elle entendit le grincement mécanique juste avant de voir la portière s'ouvrir. Se retournant vers sa propre maison, elle comprit à quel point cette maison était véritablement solitaire.
Entendant claquer la portière de la Jeep, elle monta rapidement les marches clé en main et se dépêcha de refermer la porte derrière elle avant même d'avoir allumé la lumière.
Sans trop savoir pourquoi, elle sentait qu'elle n'était pas prête à rencontrer les voisins et leur joyeuse famille et leur vie ordinaire. En appuyant sur l'interrupteur, Kyoko expira, réalisant soudainement qu'elle avait retenu son souffle de façon involontaire.
*****
Toya gara négligemment la Jeep et s'en extirpa en jetant un regard à la maison d'en face. Il aurait pu jurer qu'il venait d'y voir quelqu'un dans la cour devant l'entrée. Un sourcil sombre se dressa sous sa frange alors que de la lumière apparaissait dans la pièce principale. Il s'appuya contre la Jeep en se demandant qui pouvait bien se trouver dans la maison des Hogo.
"T'as ramené de la pizza ?"
Toya sursauta violemment lorsque la voix de Kamui s'éleva à un peu moins d'un mètre derrière lui.
Putain, Kamui ! Un de ces jours j'aurais le temps de t'arracher la tête avant de savoir que c'est toi qui est en train de te glisser en douce dans mon dos !
Kamui grimaça, " Me tuer une fois ne t'as donc pas suffi ? " Ses yeux couleur de poussière d'étoiles s'illuminèrent lorsqu'il vit les boîtes de pizza étalées sur le siège arrière. Connaissant la façon de conduire de Toya, c'était un miracle qu'elles aient survécu au trajet. Les ramassant, Kamui commença à retourner vers la maison quand il se rendit compte que Toya n'avait pas bougé d'un pouce.
Suivant alors le regard de Toya, il regarda de l'autre côté de la rue, ne voyant aucune voiture dans l'allée. Il remarqua à peine la faible lueur visible au rez-de-chaussée. "La vieille dame est venue un peu plus tôt aujourd'hui, probablement pour faire encore un peu de nettoyage. Je suppose qu'elle a dû oublier d'éteindre." Kamui haussa les épaules. " Tu viens ?"
" Tu te prends pour qui, ma baby-sitter ?" Toya avait dit ses mots sans grande conviction sans même se donner la peine de le regarder.
"Non, mais je suis guru des pizzas et je dis que si tu ne te grouille pas, tu n'en auras pas." Kamui s'éloigna en riant en entendant le grondement de Toya.
Toya attendit d'être seul dans l'allée avant de commencer à se diriger vers la propriété des Hogo. Il était entré dans la maison à plusieurs reprises pendant ces quinze dernières années, à la recherche d'indices pouvant lui indiquer l'endroit ou la prêtresse avait disparu. Lorsqu'ils venaient d'arriver dans le monde des humains et qu'ils étaient entrés pour la première fois dans cette maison, les gardiens avaient bien cru arriver trop tard. Puis rapidement ils comprirent que la prêtresse n'était pas au nombre des décédés. Ils pouvaient encore sentir sa force vitale dans ce monde et les démons la recherchaient encore eux aussi.
Le premier souvenir que Toya avait de cette maison incluait des ambulances et des voitures de Police partout. La mère et le père étaient morts, et les enfants ainsi que le grand-père avaient disparu. Sans se révéler aux humains, les gardiens avaient attendu et surveillé. Aussitôt que la maison avait été vide, ils y étaient entré... Ils pouvaient sentir l'odeur que les démons avaient laissée derrière eux. Environs deux jours plus tard, le corps du grand-père avait été retrouvé, la nuque brisée. Le bureau du médecin légiste avait conclu à une mort accidentelle mais les frères n'en croyaient rien. Le vieil homme avait un rouleau serré dans la main, Shinbe s'en était saisi avant d'appeler les secours. Shinbe avait également été celui qui avait décodé le rouleau. Le vieil homme avait pénétré subrepticement dans la propriété et était en plein rituel de consécration de la terre et de la maison quand il avait été tué.
Les démons ne s'éloignaient jamais beaucoup de cette zone et au fil du temps, les humains remarquèrent suffisamment de choses inhabituelles pour se mettre à penser que la ville étaient hantée. Les enquêteurs spécialisés dans le paranormal et les extraterrestres, appartenant aux forces spéciales avaient même été envoyées plusieurs fois sur les lieux, pensant sans doute qu'il s'agissait d'une invasion venue de l'espace. Mais en général ils arrivaient toujours un peu trop tard pour trouver quelque preuve que ce fut. Toya et ses frères faisaient leur possible pour arriver les premiers afin de tuer les démons ou tout au moins de maquiller les événements.
Pendant quinze ans, les gardiens avaient vécu dans la maison d'en face, se mêlant au reste de l'humanité tant bien que mal. Kamui devint même une sorte de génie de l'informatique afin d'empêcher le gouvernement d'être sur leurs traces. Personne ne s'est jamais posé la question de savoir comment cinq jeunes hommes pouvaient se retrouver avec une source intarissable de revenus et une immense maison en bordure de la ville.
Toya demeura dans l'ombre comme il faisait le tour de la maison. En regardant vers la piscine, il remarqua qu'elle avait été récemment remise en service. Son regard se fit plus perçant sur l'eau cristalline car il croyait avoir vu quelque chose de rouge glisser à travers le liquide comme pour venir à lui. Concentrant son regard d'or vers cette chose, il fit un pas en arrière.
L'apparition malsaine disparu alors qu'il regardait la vapeur s'élever au dessus de l'eau chauffée et qu'il tentait de s'affranchir de ce sentiment affreux qu'il venait d'entrer dans son propre tombeau.
Il rejeta l'idée même que quiconque ai pu vendre la maison. Si jamais elle avait été mise en vente, les gardiens auraient été les premiers à savoir et ils l'auraient achetée. De plus, si un étranger avait secrètement acheté la maison, le fait que la maison soit hantée aurait rapidement fait fuir les nouveaux propriétaires... Ou du moins elle aurait été hantée si cela s'était révélé nécessaire. Ses frères et lui s'en seraient assuré.
Toya plaça sa main au dessus de la serrure sur la baie vitrée et entendit un léger clic. Se glissant à l'intérieur, il la referma derrière lui et se mit à écouter. La maison était si silencieuse de prime abord qu'il avait cru s'être trompé, puis il entendit une douce voix provenant du salon. Suivant le son, il s'arrêta dans l'ombre du seuil de la porte.
Il y avait une fille debout face à la cheminée froide et elle regardait le mur au dessus du foyer. Toya leva les yeux en voyant le portrait de famille qui avait toujours été là . On y voyait un homme aux cheveux argentés, presque comme ceux de Kyou. Mais la chevelure de cet homme était plus courte, lui arrivant seulement aux épaules. Son visage semblait très jeune, mais il y avait dans son regard un air de sagesse allant au delà de toute sagesse humaine.
Le muscle dans la mâchoire de Toya tressaillit sachant que l'homme était un mortel... Très humain, et très puissant à sa façon. Cet homme avait jadis porté le nom de sorcier... Seulement pas dans cette vie.
A présent on les appelait uniquement scientifiques, physiciens. Il n'a jamais été question que les humains se mêlent de champs de torsion ou de trous de vers. Son apparence n'avait jamais changé, peu importe le nombre de renaissances que sa famille et lui avaient connu.
Le regard de Toya se déplaça vers la jolie femme aux cheveux auburn blottie contre l'homme. Elle tenait un petit enfant dans les bras alors que le père avait une petite fille à la chevelure auburn sur les genoux. Les enfants ne pouvaient guère avoir plus d'un an d'écart. Toya était venu si souvent... Regarder cette photo. Il était certain que tous les gardiens l'avaient fait.
Les yeux de la petite fille scintillaient comme des émeraudes même sur cette photo aux couleurs passées. Elle avait les yeux de son père. Ses lèvres faisaient une moue comme si le photographe venait de lui dire de se tenir tranquille et ses joues avaient une jolie teinte rosée.
"Je suis rentrée, Maman... Papa." Kyoko tendit la main et toucha le bois élégant qui encadrait la photo. Son regard s'attarda sur son petit frère alors qu'elle tentait de mémoriser son visage. "Tama".
Les yeux de Tama avaient la même couleur que les siens, même si dans le portrait il restait des traces du bleu d'origine... Mais elle pouvait voir leur véritable couleur. Il souriait comme si il venait de faire quelque chose de merveilleux... Si plein de vie. Monsieur Sennin avait dit que Tama avait disparu lorsque ses parents avaient été tués. Se pourrait-il qu'il soit encore vivant quelque part ?
"Je voudrais que tu sois ici avec moi, Tama. Ce serait tellement bien d'avoir au moins une personne que je connaisse demain à l'école."
Toya parcouru la pièce du regard. Lorsque la lumière tomba dans ses yeux émeraude... le souffle qu'il avait retenu lui échappa rapidement comme si on l'avait frappé au ventre.
Elle avait une longue chevelure auburn, et à ce moment précis ses lèvres avaient à nouveau un air de mélancolie. Ses yeux dorés descendirent le long de l'uniforme scolaire, le genre d'uniforme qu'il avait seulement vu dans les films montrant des lycées catholiques. La jupe était courte, elle lui rappelait les uniformes de majorettes, en dessous, de longues jambes bien dessinées. Elle avait déboutonné son corsage suffisamment pour que Toya sache qu'aucune nonne n'aurait approuvé.
Il l'avait déjà vue... De l'autre côté du CÅur du Temps. La statue de la jeune fille qui tenait le portail temporel entre ces mains... Cette fille imitait la pierre, née de chair et de sang. Il avait trouvé la prêtresse et elle était à couper le souffle. Il ferma ses yeux sur le souvenir fantôme d'un baiser d'elle... Ce souvenir ne lui appartenait pas.
Kyoko mordit sa lèvre inférieure, effrayée à présent qu'elle était là , seule au monde, sans Madame Merde et toutes ses règles. Peut-être que la raison était que c'était sa première fois pour tout. "Allez, Kyoko," dit-elle tout haut pour briser le silence assourdissant alors qu'elle ramassait sa valise. "Si tu veux être prête pour l'école demain, tu ferais mieux de te trouver une chambre et de défaire ta valise."
Toya resta là quelques minutes de plus... Apprenant à respirer de nouveau.
*****
Dans les basses collines à l'arrière de la maison de Hogo, un frisson pouvait être ressenti alors que le parfum de la prêtresse était dispersé à travers le territoire par le vent d'Octobre. Des yeux rouge sang s'ouvrirent brusquement et le grincement des griffes des démons grattant les murs de pierre dans leurs efforts pour l'atteindre était audible.
Des cavernes et tunnels sans fin avaient été creusés depuis longtemps par ces mêmes griffes. Des tunnels qui avaient lentement pris la forme de galeries élaborées illuminées par l'éclat de torches logées dans des cônes de pierre. Des gravures représentant des victoires démoniaques décoraient presque chaque surface et le quartz naturel présent dans le sol ajoutait un lustre étincelant à ce qui eut autrement été un environnement sombre et insignifiant.
Les grandes cavernes furent transformées en pièces individuelles dont plusieurs chambres, salles-de-bain, et même ce qui pourrait passer pour une salle du trône avec sa chaise sculptée dans de la roche noire et lisse. Il y avait encore d'autres cailloux de quartz incrustés dans les murs de ces pièces, reflétant et magnifiant la sourde lumière des torches. Des pierres semi-précieuses avaient été trouvées et utilisées pour incruster les murs et de longs rideaux de soie et de brocart descendaient des plafonds... Obtenus on ne sait trop comment.
C'était un château bâtit sous la terre afin de protéger une chose très précieuse, encore plus précieuse que les pierres dans les murs.
Au CÅur des entrailles de ces cavernes, dans une des chambres à coucher, une ombre de curiosité passa sur des yeux verts émeraude alors qu'ils se tournaient brusquement vers le plafond recouvert de soie, tentant de comprendre ce qui pouvait avoir agité les démons de la sorte. Percevant près de son lit, un mouvement dans l'air jusque là immobile, il regarda sur le côté et trouva près de lui l'homme qui l'avait élevé depuis qu'il était bébé et qui lui avait donné tout ce qu'il avait toujours désiré... Jusqu'au pouvoir de contrôler les démons.
"Hyakuhei, les gardiens nous auraient-ils trouvé ? " Demanda Tama, dans une quasi impatience de voir commencer le combat. Ãtre un adolescent était déjà bien assez dur pour un garçon ordinaire... Et Tama n'avait rien d'ordinaire.
Le coin des lèvres d'Hyakuhei se relevèrent de façon presque imperceptible en ébauche de sourire. Tout en lui se figea comme il inhalait. "C'est le parfum de la prêtresse qui a agité les démons ce soir... Je crois qu'elle est enfin revenue."
Les yeux de Tama s'illuminèrent d'excitation menaçante. "Ma sÅur nous est enfin revenue ?" Il projeta ses sens vers l'extérieur espérant la ressentir grâce au pouvoir partagé avec lui par Hyakuhei. Il inhala profondément, goûtant la douceur de l'air mais il pouvait aussi sentir le pouvoir des gardiens à proximité.
S'ils s'étaient contentés de laisser Hyakuhei rejoindre sa sÅur en paix, et bien rien de tout ceci ne serait arrivé. Ce sont des créatures maléfiques... Se croyant meilleures que les démons. C'était de la faute du gardien si les démons s'étaient attaqués à sa famille lorsqu'ils venaient d'entrer en ce monde.
A leur arrivée, les démons avaient été laissés libres... Libres de le tuer lui et ses parents parce que Hyakuhei avait été blessé à la seconde ou Toya avait brisé le CÅur du Temps. Cette blessure avait coûté au seigneur démon son contrôle sur les démons pendant un moment.
Hyakuhei s'était trouvé encore au CÅur du portail temporel lorsqu'il avait été brisé... Ce qui avait rendu inévitable la transformation de son corps physique en ombre afin d'éviter la destruction. Si les gardiens n'avaient pas fait cela, alors Hyakuhei serait demeuré en mesure de contrôler les démons. Ni Tama... Ni sa mère et son père n'auraient été tués.
Hyakuhei l'avait trouvé étendu dans son berceau. Les démons n'avait pas abîmé son corps comme celui de ses parents, mais il était n'en était pas moins mort. Se rappelant combien la prêtresse avait aimé son petit frère par le passé... Hyakuhei avait utilisé les forces qu'il lui restait afin de se reconstituer suffisamment pour insuffler une partie de sa force vitale à l'enfant, ramenant à la vie l'âme qui n'avait pas encore quitté le corps.
Pendant tout ce temps, son sauveur et lui étaient resté cachés des gardiens, en attendant le retour de Kyoko. Au cours des années passées, Hyakuhei avait regagné des forces mais cela lui coûtait toujours autant en énergie lorsqu'il l'utilisait pour ramener son corps physique à l'état d'existence. Aussitôt que cette énergie était épuisée, son corps retournait à l'état d'ombre. Le seul avantage qu'il y avait à être une ombre, c'était de pouvoir espionner les gardiens... Et même se trouver dans la même pièce qu'eux sans qu'ils s'en doutent jamais.
Tant de fois, alors que Tama était enfant, il avait demandé à Hyakuhei pourquoi ils n'envoyaient pas de démons attaquer les gardiens. Il avait simplement répondu, "Il n'est pas besoin de faire la guerre lorsqu'il n'y a encore aucun prix à conquérir." Depuis qu'Hyakuhei avait utilisé sa force vitale pour le ramener à la vie, Tama pouvait non seulement communiquer avec lui grâce à une connexion mentale, mais il pouvait également voir les ombres des souvenirs d'Hyakuhei de son point de vue... Ressentir ce qu'il ressentait. Il savait combien Hyakuhei avait raison d'attendre.
Tama se rappelait des histoires qu'Hyakuhei lui avait raconté à propos de sa sÅur. Des contes sur la fille des hommes qui avait accidentellement traversé le portail du temps il y avait si longtemps... Emmenant avec elle un village entier d'humains dans le royaume des démons. Hyakuhei et son frère jumeau Tadamichi avait empêché les démons de tuer Kyoko et les humains qui s'étaient brusquement retrouvé dans l'immense royaume des démons.
Alors qu'elle se trouvait sous leur protection, Hyakuhei était tombé amoureux d'elle et lui avait donné le pouvoir d'être sa prêtresse... Le pouvoir de traverser d'un monde à l'autre afin qu'elle puisse revenir à lui. Dans une fureur jalouse, son frère jumeau Tadamichi l'avait dérobée à lui et l'avait repoussée dans sa propre dimension, scellant le portail entre les monde derrière elle. C'était un acte malveillant empreint de jalousie à l'égard de la prêtresse.
Le CÅur d'Hyakuhei avait été brisé. Il s'était alors détourné de son frère, de colère et avait embrassé les démons comme nouveaux alliés. Devenant leur maître, sa guerre contre les gardiens fait rage pour une seule raison... Afin qu'il puisse trouver un passage à travers le CÅur du Temps pour pouvoir reconquérir sa prêtresse perdue. A cause des pouvoir qu'il lui avait transmis, la prêtresse était à présent immortelle... Elle se réincarnait encore et encore en tant que clé du portail entre les mondes. Mais avec le passage du temps, elle avait oublié son véritable pouvoir et son amour pour Hyakuhei.
Les yeux de Tama brûlaient de haine pour Tadamichi et les gardiens. "Que vont-ils donc lui faire ?" Il pouvait revoir le portrait qu'il avait contemplé dans le salon familial lorsqu'il se glissait dans et hors de la maison à l'insu des gardiens. Elle était belle et il voulait retrouver sa sÅur.
Hyakuhei obtint le silence des démons qui attendaient ses ordres, sachant que dorénavant il devrait être prudent. Il baissa les yeux vers le jeune homme qu'il avait élevé comme futur prince des démons... Le petit frère de Kyoko. Lorsqu'il venait tout juste de traverser le portail, c'est Kyoko qu'il était venu chercher, il avait souhaité l'élever jusqu'à ce qu'elle soit suffisamment âgée pour qu'il puisse la faire sienne. Mais le vieil homme l'avait dissimulée aux démons qui avait attaqué la famille.
Les plus meurtriers de ses démons avaient déjà assassiné le garçonnet et ses parents avant qu'il ne puisse resserrer son étreinte sur eux. C'était les même démons qu'il gardait prisonniers à l'intérieur de son corps afin de garder tout pouvoir sur eux. Sans ce contrôle implacable, les démons auraient tué chaque homme qu'ils auraient rencontré... Répandant la mort comme la peste.
Sachant que Kyoko était encore en vie et reviendrait un jour, il avait voulu un cadeau pour elle... Son petit frère. Il avait donné à Tama une part de sa vie ainsi que de son pouvoir afin qu'il l'aide à régner sur les démons. Depuis le premier instant ou Tama avait repris vie, ils avaient eu un lien télépathique. Et même si le garçon n'avait jamais prononcé un mot à ce jour... Ils pouvaient entendre les pensées l'un de l'autre. Désormais, Tama était demeuré à ses côtés volontairement... Comme l'avait fait sa sÅur avant lui.
Elle a l'âge, maintenant... Ils vont la désirer. " La colère de Hyakuhei à cette pensée était audible dans sa voix. "Ils vont tenter de gagner sa confiance en lui racontant qu'ils la protègent contre les démons. Une fois qu'ils auront son amitié, ils vont tenter de se l'approprier ainsi que son pouvoir de contrôle du portail du temps."
"Alors elle est en sécurité pour l'instant," Se dit Tama. "Mais nous ne pouvons la laisser demeurer avec eux. Elle n'a pas sa place là -bas." Son iris d'émeraude s'élargit avant de s'assombrir jusqu'à devenir couleur ébène. "As-tu un plan ?"
Nous devrons nous montrer sournois. Je n'ai pas pu ramener beaucoup de démons avec moi dans ce monde et mes propres pouvoirs sont chancelants. Lorsque les pouvoirs de ta sÅur seront réveillés par les gardiens et que nous serons réunis, mes pouvoirs seront restaurés." Hyakuhei pouvait sentir l'influence des démons en lui alors qu'ils secouaient les murs de leur prison désirant le pouvoir qui dormait au CÅur de la prêtresse. Si les démons pouvaient l'atteindre, ils la forceraient à ouvrir le portail temporel et à laisser entrer le reste des démons dans ce monde.
Il gronda, sachant que non seulement il devrait se montrer plus malin que les gardiens.... Il devrait également surpasser en esprit les démons. Il avait conclu que le seul moyen de surmonter le mal était de lui être supérieur.
"Pendant que les gardiens seront occupés, Kyoko sera contactée par son frère longtemps disparu et il la mettra en garde contre la supercherie des gardiens. Mais nous devons prendre notre temps et faire attention sans quoi nous la mettrons en danger. S'ils croient qu'elle va les trahir... Alors ils n'éveilleront pas son pouvoir. Au lieu de cela ils se retourneront contre elle."
La jalousie déformait la voix de Tama comme il était la proie de l'attraction des esprits des démons qui les entouraient, "Ils ne peuvent la garder."
"Non," Hyakuhei sourit sachant qu'il avait un plan de plus. "Mais d'abord... Nous les laisserons penser qu'ils le peuvent."
Lorsque Tama fronça les sourcils et releva son regard vers lui, Hyakuhei avait disparu. Utilisant sa télépathie pour communiquer il demanda : " Vas tu lui rendre visite ?" Sa voix était pleine d'envie et de mélancolie. Il voulait voir sa sÅur mais savait qu'il devait attendre que Hyakuhei s'assure que c'était sans danger.
"Chut !" Le murmure d'Hyakuhei était tourmenté au moment ou il coupa la connexion entre Tama et lui. Un autre aspect bénéfique de sa condition d'ombre était la téléportation. Il se matérialisait au CÅur du salon face au portrait représentant à la fois Tama et elle. Son attention fut lentement captivée par l'escalier.
Refusant d'utiliser la téléportation, il s'efforça de supporter chaque dose de douleur que lui infligeait le délai inhérent à la montée des marches puis s'appuya contre le chambranle de la porte ouverte comme elle entrait dans son champ de vision. Il avait su que poser les yeux sur elle serait douloureux et il en savourait chaque instant. Sa valise était ouverte sur le lit et elle faisait des allers-retour pour accrocher ses vêtement dans le dressing.
Elle était la seule au monde à avoir la capacité de lui couper le souffle sans même essayer. Sa chevelure auburn cascadait en couches épaisses de larges boucles bondissantes... Un corps de déesse... Sa prêtresse. Il la regarda quand elle ralentit et s'arrêta près du lit, vraisemblablement perdue dans ses pensées. Elle se hissa sur le matelas et se mis en boule, un des oreillers serré contre la poitrine.
"Tout est si calme Maman... Papa. J'aurais voulu que Tama rentre à la maison. Alors peut-être ce silence ne serait plus si assourdissant," Kyoko soupira, étendue sur le flanc, ne se donnant même pas la peine de ramper jusque sous les couvertures. Clignant des yeux à plusieurs reprises elle ressenti l'épuisement qui s'emparait d'elle.
Hyakuhei s'assit sur le lit à ses côtés, la regardant respirer. "Tu n'as plus longtemps à attendre, Kyoko... Ton souhait deviendra réalité. Tu ne seras plus jamais seule." Profitant de l'énergie d'un instant, son corps se matérialisa en flamboyant alors qu'il saisissait la couverture au pied du lit. Il la remonta lentement sur son corps puis s'inclina vers elle et posa doucement un baiser sur sa tempe avant de s'évanouir dans les airs.
*****
"Il nous tuera s'il ne reste plus de pizza !"Kamui tenait fermement une extrémité de la boîte à pizza alors que Shinbe et Kotaro agrippait l'autre comme si la rigidité cadavérique s'était emparée de leurs mains. Kamui lâcha aussitôt que la porte s'ouvrit et rigola lorsque Shinbe et Kotaro déposèrent lentement la boite face à la chaise de Toya comme s'ils l'avaient protégée pour lui.
Lorsque Toya ne s'emporta pas contre eux comme à l'accoutumée, Kyou leva les yeux de son ordinateur portable et regarda Toya prendre place à table... La mauvaise place. Il releva un sourcil sombre lorsque Shinbe et Kotaro haussèrent les épaules et ouvrir la boîte à pizza de Toya. Il commencèrent à la dévorer. Toya ne leur jeta pas un regard.
"Toya," tenta Kyou, s'alarmant pour de bon lorsque Toya ne sembla pas l'avoir entendu.
Fermant le clapet de l'ordinateur portable, il attrapa Toya par les épaules et entrepris de le secouer mais Toya tressaillit, le regardant comme s'il sortait d'un état de choc. Kyou se demanda en silence si Toya avait fait la rencontre d'un autre des démons qui erraient près de la maison. Il étala sa perception sensorielle jusqu'à envahir l'aura de son frère mais ne ressenti aucune trace de contact avec les démons... A la place, quelque chose de bien plus perturbant.
"Il s'est passé quelque chose ? " Demanda Kyou en entendant le claquement rapide du sang de Toya juste sous sa peau.
Toya hocha la tête... Puis leur fit à tous une peur bleue lorsque ses lèvres se relevèrent en un sourire. Toya ne souriait jamais. "Je pense que demain nous avons école."
"Voilà , tu veux reprendre ta pizza ?" Shinbe fit tomber la part qu'il venait de mordre puis donna une claque sur la main de Kotaro, le faisant lâcher à son tour la part qu'il venait de dérober dans la boîte également. Il fit lentement glisser la boîte à travers la table jusqu'à ce qu'elle se trouve face à Toya.
"Tu aurais pu te contenter de te battre avec nous pour la ravoir au lieu de faire peur à tout le monde avec ton sourire bizarre," râla Kotaro.
"Je ne crois pas qu'il rigolait," Dit Shinbe en fixant de son regard améthyste les grands yeux dorés de Toya. Il s'adossa sur sa chaise, à présent qu'il avait l'attention de tout le monde. Voyant cet air de stupéfaction qui essayait d'envahir à nouveau le regard de Toya il soupira. "Et pourquoi voudrions-nous subitement nous joindre à ces tarés du lycée Hormones Are Us ?"
"Pour la simple raison que la fille qui vient dâemménager en face y fait sa rentrée demain." La respiration de Toya était légèrement saccadée maintenant qu'il avait prononcé ces mots.
Alors que plusieurs chaises s'éloignaient de la table, Kyou abattit ses paumes sur le plateau de cette dernière dans un claquement sonore. "Assis !" C'était comme lorsqu'on appuie sur le bouton pause de la télé et qu'on faisait un lent retour en arrière. Une fois que tous se furent exécuté, il se retourna vers Toya. "Dis-nous de quoi tu parles."
"Elle est seule... C'est elle." Toya se frotta la tempe bien qu'il sache parfaitement qu'un gardien ne pouvait avoir de maux de tête. "Kyoko... Elle parlait à la carafe au dessus de la cheminée. C'est comme ça que je sais qu'elle commence l'école demain."
"Elle est comment ?" Demanda Kamui avec la même expression dans le regard que celle qui avait hanté celui de Toya quelques instants auparavant.
"Je ne lui ai pas parlé," admis Toya, ses épaules tombant de quelques centimètres. "Je n'ai pas pu, mais elle portait un de ces habits qu'ils mettent dans les pensions."
"Nous pouvons retrouver l'endroit ou elle était si son dossier a déjà été transféré à l'école du coin." ajouta Kotaro à point.
"On s'en occupe, "Kamui s'empara hardiment de l'ordinateur portable de Kyou. Il connaissait une entrée secrète pour infiltrer la base de données du système informatique du lycée car il avait régulièrement vérifié les dossiers des écoles environnantes afin d'identifier toute inscription ou désinscription d'élèves d'âges correspondant à ceux de Kyoko ou de Tama.
"Tu es certain que c'est elle ?" Demanda Kyou à Toya en se penchant en avant sur son siège.
"Nous l'aurions reconnue au premier regard. Kyoko est l'image vivante de la statue à la jeune-fille..." Toya ferma les yeux, savourant le fait que jusque là , il était le seul à l'avoir vue. Si il piochait dans cette part de lui qui fut Tadamichi... Alors il pouvait même se rappelait le goût de Kyoko. Si les autres gardiens connaissaient son secret, ils en auraient été jaloux. "Des yeux couleur d'émeraude, des cheveux auburn mais elle semblait fragile... Comme si elle était encore une petite fille."
"C'est aussi mon avis," acquiesça Kamui alors que ses yeux s'écarquillaient devant l'écran. "Son dossier indique qu'elle a passé sa vie dans une école pour filles au milieu de nulle part depuis l'âge de trois ans. Kyoko Hogo, age : 17 ans. Toutes les informations sont ici et j'ai même son emploi-du-temps pour la journée de demain."Il fronça les sourcils, "Mais je ne vois rien ici indiquant que son frère entre à l'école avec elle."
Toya secoua la tête. "Je sais que nous avions espéré qu'ils étaient quelque part ensemble sains et saufs mais Tama semble n'avoir jamais été avec elle. Elle est complètement isolée là -bas. Rappelez-moi encore pour quelle raison on ne peut pas se contenter de lui dire qui nous sommes ?" Il connaissait déjà la réponse, elle lui déplaisait juste royalement car il voulait lui dire.
Kamui leva les yeux de l'ordinateur portable en répondant d'abord. "Nous avons déjà mis cela au vote auparavant. N'importe quelle personne saine d'esprit appellerait sans doute la police si nous devions lui révéler qui nous sommes réellement. Elle est humaine, Toya... Elle n'a pas la moindre idée de ce que c'est qu'être une prêtresse. Nous devons être prudents."
Shinbe renchérit, " De plus, la dernière chose dont nous avons besoin ou que nous voulons c'est d'avoir la police des polices qui fouillent dans nos affaires parce que les flics enquêtent sur nous pour suspicion de harcèlement de la voisine. Et si les démons apprennent que la prêtresse est de retour, ils provoqueront sûrement quelques problèmes qui attireront déjà l'attention de la police de toutes façons. Ce sera déjà assez dangereux avec notre apparition au lycée demain."
"De plus, si nous débarquons subitement pour lui dire que des démons l'ont traquée quand elle avait trois ans et qu'elle nous croit... Ensuite elle se sentirait probablement coupable de l'assassinat de sa famille," ajouta Kotaro comme justification.
Toya regarda les autres gardiens d'un Åil sévère, n'aimant pas, une fois de plus, les réponses. "Vous avez plus que pensé à tout, n'est-ce pas ? "
"Tu espères quoi ? Nous avons eu quinze ans pour retourner la question dans tous les sens." Kamui adressa un sourire d'excuse à Toya.
"Shinbe, je pense que tu devrais aller vérifier les boucliers anti-démons qui entourent la maison." Kyou fit un signe de tête vers Shinbe et brusquement, ils n'étaient plus que quatre dans la pièce.
"Putain, il est parti si vite que j'ai senti le courant d'air." Kotaro frotta son bras comme si le vent l'avait frigorifié.
Les doigts de Kamui dansaient sur le clavier pendant qu'il parlait. "J'ai toujours tout arrangé pour que ça donne l'impression que notre père adoptif nous ait fait suivre une scolarité à la maison. Et avons tous atteint un niveau Terminale. Dès demain, nous rejoignons l'école publique afin de pouvoir passer notre diplome comme n'importe quel ado normal."
"Oh, ça ne va mettre la puce à l'oreille de personne," déclara Kotaro d'un ton sarcastique. "Cinq frères qui commencent tous en même temps dans la même classe. Même si les profs l'acceptent, on sera quand même le sujet de conversation de tout le lycée en ce qui concerne les élèves. Ce n'est pas comme si nous avions la moindre chance de nous faire passer pour de véritables ados."
"Essaye," Kamui lui lança un regard inexpressif. "De toutes façons, vous me devez de la gratitude. Je vais faire des changements dans tous nos emplois-du-temps afin qu'il y ait toujours au moins un d'entre nous en cours avec Kyoko. J'ai mis à jours nos dossiers scolaires chaque année depuis la maternelle, de manière à ce que nos âges respectifs correspondent au sien si elle devait refaire surface."
"Par pure curiosité," dit Kotaro d'un air taquin, "T'aurais fait quoi si la prêtresse était revenue à l'âge de dix ans ?"
"Fiche moi la paix," Kamui lui lança un regard noir. "Ou je ferais baisser toutes tes notes."
Changeant complètement de sujet, Kyou fit une remarque, "Si j'ai raison, les démons étaient jusque là incapables de la localiser car son pensionnat se trouve en terre consacrée... et pour cette même raison nous ne pouvions la trouver. Jusque là les démons se sont déployés en provoquant des dégâts ici et là . Mais à présent, ils pourront renifler sa trace et reviendront un à un."
Sa voix devint si glaciale qu'elle aspira toute la chaleur de la pièce instantanément. "Et ce n'est pas parce que nous n'avons pas détecté de traces d'Hyakuhei dans ce monde qu'il n'est pas ici."
"Nous savons qu'il est ici." Toya gronda sentant enfler la haine en lui puis il se calma brusquement. "Nous sommes venus en ce monde pour pouvoir être à ses cotés et la protéger. Elle ne devrait pas être laissée là -bas seule une seule minute."
"Nous sommes tous du même avis, Toya... mais il faut te rappeler que c'est une innocente. C'est pour cela que nous allons devoir devenir ses nouveaux meilleurs amis," l'informa Kyou.
"Et exactement de quelle façon compte tu parvenir à ça ?" rétorqua Toya.
"Ta maman ne t'a donc pas appris à être amical ?" Kamui eut un sourire moqueur mais son regard s'emplit de panique lorsque Toya se leva promptement.
Toya remarqua le mouvement de recul de Kamui et leva un sourcil sévère. "Je vais seulement aller voir ce qui prend tant de temps à Shinbe."
*****
Shinbe s'assura que les pièges anti-démons n'avaient pas été dérangés, même si sa préocupation principale n'était pas les démons mais bien autre chose. Le fait qu'Hyakuhei ai pu traverser le champ de force protecteur autour du Coeur du Temps en disait long sur l'étendue du danger dans lequel se trouvait réellement la prêtresse. Bien sûr, les protections contribueraient à la garder dissimulée et à garder à l'écart les plus faibles des démons qui tenteraient de franchir les limites, mais ce ne serait pas suffisant pour arrêter Hyakuhei si il décidait de se montrer.
Si il savait une chose à propos d'Hyakuhei, c'était que le seigneur démon avait de la patience... suffisamment de patience pour avoir fait le mort pendant les quinze dernières années. Les quelques démons que les gardiens avaient arrêté alors qu'ils venaient espionner, ils les avaient détruits. Mais à présent que la prêtresse était là ... il était impossible de dire ce qui allait sortir de l'ombre. Elle aurait besoin d'une meilleure protection.
Lorsqu'il vit s'allumer une des pièces à l'étage, Shinbe se mit rapidement à escalader le mur extérieur, incapable de se retenir. C'était comme si son âme même était attirée par elle. Ses yeux améthystes luisaient alors qu'il regardait par la fenêtre et la voyait debout dans l'immense salle de bain. Toya avait eut raison... il l'aurait reconnue n'importe ou.
Il la regardait faire de gracieux mouvements alors qu'elle tendait la main dans la douche afin de tester la tempétature de l'eau. Il tenta de se détourner, mais lorsqu'elle commença à déboutonner son corsage, il avait perdu toute volonté... il était gelé sur place.
"Alors c'est à ça que la statue de la jeune fille ressemblerait sans vêtements," Shinbe repris son souffle puis se mit à grimper un peu plus haut afin de voir plus aisément son corps tout entier et non uniquement de la tête à la taille. Il perdit subitement ses appuis lorsqu'un bras passa autour de son cou et le tira en arrière.
Toya grogna lorsqu'il toucha le sole, tombant à plat sur le dos, mais ce ne fut rien à côté de Shinbe lorsqu'il tomba par dessus lui."Dégage ! vociféra Toya.
"Lâche mon cou et je le ferais," siffla Shinbe en plantant son coude dans les cotes de Toya. Toya repoussa Shinbe et fit une roulade pour se remettre sur ses pieds. "Tu es censé être en train de vérifier les protections anti-démons, pas..." Il fit un geste en direction de la fenêtre,"... tu n'es qu'un pervert, tu sais ça ?"
"Je voulais simplement la voir." Shinbe commença à lever à nouveau le regard vers la fenêtre mais le grondement menaçant de Toya l'arrêta.
"Je pense que tu en as vu assez." Les yeux dorés de Toya étaient mêlés d'un tourbillon couleur mercure.
Shinbe se demanda si cela valait la peine de rappeler à Toya qu'il y avait bien plus encore à voir mais il savait quand ne pas pousser le bouchon. "Bien, il aura toujours le vestiaire des filles au lycée demain." Cela lui valu une claque retentissante mais il se contenta de rigoler.
"Allez, viens, on a une réunon qui nous attend." Toya repris le chemin de leur maison poussant Shinbe devant lui pendant tout le trajet.
Toute trace d'humour avait quitté le visage de Shinbe lorsqu'il du partager avec le groupe ses craintes concernant les faiblesses de la barrière. "Je sais que nous avons tué un tas de démons parmi ceux qui ont hanté le quartier en l'attendant, mais parfois je me demande si nous n'avons pas oublié le véritable problème."
"Nous nous relayerons pour la surveiller cette nuit." L'ordre donné par Kyou déclencha l'éternelle dispute pour savoir qui serait le premier, mais Kyou eut le dessus.
Dans sa forme invisible, Hyakuhei s'adossa au mur le plus éloigné de cette même pièce dans laquelle ils tenaient leur réunion secrète. Il prêtait à peine attention à ses neveux car son esprit s'évadait vers la maison d'en face ou la fille en question dormait. Il pensa que c'était bien triste qu'ils évitent de prononcer son nom et ce demanda si c'était la culpabilité qui les en empêchait.