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LETTRE
DE LA MARQUISE
VICTORINE D’ORTINMAR,
A sa soeur, la Comtesse Elinore D’IMMO-ROTARNI.

Table des matières

Ce22Août, 1781.

VOUS êtes en vérité, ma soeur, prodigue de remercimens! Le récit des aventures de la Baronne d’Alvigny est si peu de chose, que je suis presque fachée de vos éloges beaucoup trop flatteurs; je ne les mérite pas. Votre indulgente amitié pour moi vous a seule fait trouver dans mon style un agrément que je n’ai point l’amour propre d’y voir. Au surplus, si j’ai été assez heureuse pour vous distraire quelques momens dans votre retraite, je suis pleinement et plus que récompensée. Je vous dois, ma soeur, ce premier essai de ma plume; ainsi mes succès vous appartiennent: mon triomphe devient le vôtre. Il faut que je vous remercie à mon tour de l’occasion aimable que vous m’avez procurée de vous plaire. Que d’avantages vous avez sur votre soeur! Véritablement c’est Victonne qui doit de la reconnaissance à sa chère Élinore.

Puisque vous vous amusez de mes lettres, et que vous m’engagez à exercer le talent que vous croyez reconnaître en moi, je veux vous punir d’exciter ma vanité, en vous envoyant, en réponse à toutes vos cajoleries, un manuscrit que j’achève de mettre au net; manuscrit qui intéressera, j’en suis sûre, votre coeur sensible et bon, et vous délassera une soirée, «de l’ennui que vous donne, depuis quinze jours, une vingtaine d’ouvriers auxquels Vous ne pouvez rien faire finir».

J’étais encore fort jeune, comme vous savez, lorsque je perdis mon mari: vous faisiez alors votre voyage de Pologne. J’allai passer mon année de deuil à l’abbaye de la Croix. Ce fut dans ce couvent que je fis la connaissance de madame de Vermenil, une des plus aimables femmes avec lesquelles j’aie jamais été liée. Depuis mon retour dans le monde, je n’ai point cessé de la cultiver par de fréquentes visites, ou d’en recevoir les plus charmantes lettres. Elle vient tout récemment de perdre une de ses amies. Elles vivaient ensemble, depuis dix ans, dans la plus grande intimité. Non, on ne peut rien lire de plus touchant que ce que madame de Vermenil m’écrit au sujet de cette perte. Son ame parait si sincèrement affligée, que son affliction devient la mienne. Aussi l’amie qu’elle regrette était bien intéressante. Quoique je ne l’aie vue que trois ou quatre fois, au plus, je sens que je pleure, que je pleure pour elle-même, mademoiselle de Rozadelle–St.–Ophèle, ou plutôt madame de Panor, dont vous m’avez souvent entendu parler. Ce sont ses mémoires que je vous envoie; mémoires écrits par elle-même, et donnés à madame de Vermenil, qui scrupuleusement discrète, n’en avait fait part à personne.

Je me rappelle que vous aviez presqu’autant de curiosité que moi de savoir les détails de ses malheurs. Ils seront bientôt sous vos yeux. Ou je me trompe fort, ou vous ne les lirez pas sans répandre des larmes.

Si madame de Panor ne fût morte avant nous, nous n’aurions jamais su qu’imparfaitement les évènemens de sa vie. Madame de Vermenil avait promis de ne jamais les communiquer, du vivant de son amie. Fidèle à sa promesse, malgré mes pressantes instances, je n’ai jamais pu parvenir à tirer aucun éclaircissement sur ce que je désirais savoir. Ah! que ne suis-je encore dans mon ignorance! Madame de Panor existerait, et mon amie ne serait pas dans la douleur. Votre coeur sera brisé; le mien est flétri.

Adieu, ma soeur.

La marquise Victorine D’ORTINMAR.

Démence de Madame de Panor

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