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IL AVAIT ÉCOUTÉ

Dès mon adolescence, j’ai dû faire un choix entre ce qui me semblait une vie ennuyante et morale ou ce qui, après quelques verres d’alcool, m’apparaissait comme une vie excitante et remplie d’aventures. J’avais grandi dans la tradition d’un Dieu sévère et vengeur qui surveillait le moindre de mes gestes. Je n’arrivais pas à aimer ce genre de divinité et m’en sentais coupable. Après un verre ou deux, j’oubliais ma culpabilité. J’ai décidé d’opter pour ce genre de vie.

Les débuts ont été assez agréables et ont favorisé mes rêves de gloire et de fortune. Par contre, cette vie s’est graduellement transformée en un constant cauchemar meublé de peur et de remords à cause de ma condition, et de ressentiment et d’aigreur envers cette vie normale qui m’entourait et qui m’était inaccessible. La vérité était que, par l’alcool, je m’étais moi-même isolé de la société, glissant graduellement dans un état psychologique qui m’empêchait d’établir un rapprochement social ou moral avecquiconque. À cette époque, je ne voyais pas que cet isolement était causé par mes excès d’alcool. J’étais convaincu que Dieu et la société m’avaient tourné le dos, refusant de me donner une chance dans la vie. Je ne voyais aucune raison de vivre. Je n’avais pas le courage de me suicider, mais je crois que le désespoir aurait brisé cette barrière de lâcheté si je n’avais pas connu une expérience qui a transformé entièrement ma façon de penser.

Cette expérience s’est produite à la mort de mon père enÉcosse. Il avait vécu une bonne vie dans son village et tous ceux qui l’avaient connu l’ont honoré à son décès. J’avais reçu des journaux qui donnaient un compte-rendu de ses funérailles. Ce soirlà, j’étais assis à une petite table dans une taverne bondée de monde, ivre et broyant du noir à cause de ce que j’avais lu. La mort de mon père ne me causait aucun chagrin. Plein de haine et d’envie, je me disais: « Pourquoi lui et les autres ont-ils la vie si facile alors que les hommes bons comme moi n’ont jamais de chance? Quelle guigne! Les gens m’aimeraient et m’honoreraient aussi si j’avais la chance qu’il a eue. »

Dans la taverne, le bruit des conversations était assourdissant. Soudain, dans ma tête, j’ai entendu une voix forte et claire: « Comment justifieras-tu ta vie lorsque tu te présenteras devant Dieu? » Stupéfait, j’ai regardé autour de moi, car la voix était celle de ma grand-mère. Je n’avais plus repensé à elle depuis sa mort, une vingtaine d’années plus tôt. C’était sa citation préférée. Elle le disait souvent lorsque j’étais jeune et voilà que je l’entendais encore, cette fois dans la taverne.

Dès que j’ai entendu cette voix, j’ai repris mes esprits et j’ai su sans l’ombre d’un doute qu’aucune personne ou aucune situation n’était responsable de mon état actuel. J’étais le seul responsable.

Ce fut un grand choc. D’abord, j’avais entendu cette voix et la raison principale de mon échec dans la vie – je n’avais jamais eu de chance – a disparu de mes pensées pour toujours. Il m’est venu à l’idée que si je me suicidais, comme c’était mon intention, il se pourrait que je doive faire face à Dieu et Lui donner un compterendu de ma vie, sans possibilité de blâmer qui que ce soit. Je ne voulais pas ça et toute idée suicidaire a disparu sur le champ. Par contre, la pensée que je pourrais mourir à n’importe quel moment a continué de me hanter.

Je me disais que tout ça était insensé, et bien que j’essayais de me convaincre que j’avais eu une hallucination, je ne pouvais pas douter de la réalité de l’expérience. Je pouvais me visualiser alors que j’étais amené devant une divinité qui me toiserait avec mépris et me dirait d’un ton sévère: « Parle! » Mon imagination m’a épargné la suite et à partir de là, j’ai bu le plus possible pour effacer ce cauchemar. Le matin, au réveil, ce mauvais souvenir était encore là, plus vivant que jamais.

J’ai pensé que je ferais mieux d’arrêter de boire pour quelque temps et commencer à reconstruire ma vie. Cette résolution a provoqué un choc terrible. Jusque-là, je n’avais jamais associé mes difficultés à l’alcool. Je savais que je buvais trop, mais il m’a toujours semblé que j’avais d’excellentes raisons pour boire. Je constatais maintenant, avec étonnement et horreur, que je ne pouvais plus arrêter. L’alcool avait pris une telle place dans ma vie que je ne pouvais plus fonctionner sans lui.

Je ne savais où m’adresser pour obtenir du secours. Croyant que tous les êtres humains pensaient de moi ce que je pensais d’eux, j’étais convaincu que je ne pouvais pas me tourner vers eux. Il ne me restait que Dieu et s’Il ressentait à mon égard ce que je ressentais pour Lui, l’espoir était mince. C’est ainsi que j’ai vécu les trois mois les plus sombres de ma vie. Durant cette période, j’ai bu, je crois, plus que je ne l’avais jamais fait et j’ai prié « le néant » de me libérer de l’alcool.

Un matin, je me suis réveillé sur le sol de ma chambre, terriblement malade, convaincu que Dieu n’allait pas m’écouter. Plus par habitude qu’autre chose, je me suis rendu au travail et j’ai entrepris de préparer la paie des employés, même s’il m’était difficile d’arrêter de trembler juste assez longtemps pour inscrire les chiffres aux bons endroits. Après beaucoup de difficultés, j’ai finalement effectué ce travail. Avec un soupir de soulagement, j’ai regardé par la fenêtre et j’ai remarqué un homme qui passait devant la baraque où je travaillais. Dès que je l’ai reconnu, la haine s’est emparée de moi. Sept mois plus tôt, il avait eu la témérité de me demander, devant d’autres hommes, si j’avais un problème d’alcool. J’avais été profondément vexé par sa question. Je ne l’avais pas revu pendant des mois, mais lorsqu’il passa devant ma baraque je le haïssais toujours autant.

C’est alors que quelque chose s’est produit, qui n’a jamais cessé de m’étonner. Comme il disparaissait de ma vue, il s’est fait comme un grand vide à l’intérieur de moi. Sans savoir comment cela était arrivé, j’étais devant lui à l’extérieur de la baraque, m’entendant lui demander s’il pouvait m’aider à arrêter de boire. Si j’avais agi consciemment, il aurait été le dernier homme à qui j’aurais demandé du secours. En souriant, il a accepté de m’aider et il m’a amené vers le programme de rétablissement des AA.

En repensant à tout cela, il m’est finalement apparu bien évident que contrairement à ce que j’avais cru, Dieu ne m’avait pas jugé et condamné. Il m’avait écouté et, à Son heure, m’avait donné Sa réponse. Elle avait trois volets: la possibilité d’une viesobre; Douze Étapes à pratiquer pour obtenir et maintenir cette vie de sobriété; l’amitié à l’intérieur de l’association, toujours prête à me soutenir et à m’aider à chaque vingt-quatre heures de ma vie.

Je ne me fais pas d’illusion. Ce n’est pas moi qui ai introduit le programme de rétablissement des AA dans ma vie. Je dois toujours considérer cela comme un cadeau de la providence. C’est ma responsabilité d’en faire bon usage.

Saint-Jean, Terre-Neuve

UNE PRÉSENCE

Je suis un officier, responsable des radiocommunications sur un navire-citerne. J’ai eu la révélation finale de ma condition et de son traitement un jour où j’étais assis dans ma cabine en compagnie de ma bouteille préférée. J’ai demandé de l’aide de Dieu à haute voix, même si j’étais le seul à pouvoir entendre. Soudain, j’ai senti une présence dans la pièce qui m’apportait une chaleur particulière, une douce lueur de clarté et une immense sensation de libération. Bien que j’étais encore relativement abstinent, je me suis dit: « Tu es encore soûl », et je me suis couché.

Au matin pourtant, en plein jour, la Présence était encore là. Je n’étais pas ivre. J’ai compris que j’avais demandé et que j’avais reçu. Depuis ce temps, je n’ai jamais bu d’alcool. Lorsque j’éprouve le désir d’en prendre, la seule évocation de ce qui m’est arrivé suffit à me maintenir dans le droit chemin.

Marin AA, membre des Internationaux

NEIGE FRAÎCHE

Ayant été exposé au mouvement des AA depuis plus de six ans, j’avais connu trois rechutes, trois épisodes brutaux et lugubres. Après chacune, mon humiliation et mon désespoir augmentaient. De nouveau abstinent et exécutant un travail de peu d’importance, j’ai découvert qu’il était possible de trouver de la satisfaction dans l’accomplissement de tâches, même minimes, et que l’humilité – vécue comme source d’enseignement et méthode de recherche de la vérité – peut être le déguisement emprunté par une puissance supérieure.

Puis, sans que je m’y attende, on m’a offert un poste de direction comportant de nombreuses responsabilités. Je n’ai pu que répondre: « Laissez-moi réfléchir ».

Étais-je capable de demeurer abstinent? Étais-je réellement sobre ou seulement abstinent? Étais-je capable d’assumer les responsabilités de l’emploi et de renouer avec le succès? Ou bien Dieu permettrait-Il que je me punisse encore une fois?

Je suis allé demander conseil à une amie que je parrainais. Elle pensait que je pouvais et que je devais même accepter cette offre. Sa confiance m’a rassuré; j’ai alors connu l’enthousiasme de me sentir de nouveau digne et j’ai éprouvé de la gratitude du simple fait d’être vivant. Cette nouvelle sensation ne m’a pas quitté durant toute la réunion des AA à laquelle nous avonsassisté ce soir-là. On y discutait la Onzième Étape: « Nous avons cherché par la prière et la méditation à améliorer notre contact conscient avec Dieu tel que nous Le concevions, Lui demandant seulement de connaître Sa volonté à notre égard et de nous donner la force de l’exécuter. »

De retour chez moi, dans l’intimité de ma chambre, j’ai reçu un autre choc, une lettre de ma soeur. Je l’avais vue pour la dernière fois au poste de police où, avec regret, elle avait mis fin aux nombreux efforts de ma famille pour m’aider. « Même nos prières semblent inutiles, avait-elle dit, alors nous allons te laisser te défendre tout seul. » Sa lettre m’arrivait maintenant, demandant où et comment j’étais.Voyant par la fenêtre la suie et la saleté qui recouvraient les toits, et à l’intérieur, la pauvreté de ma chambre, j’ai songé avec amertume: « Oui, si seulement ils pouvaient me voir en ce moment! » La grâce salvatrice était que je n’avais plus rien à perdre ni rien à demander à quiconque. Ou bien, était-ce le contraire?

Tout mon idéal de jeunesse avait été balayé par l’alcool. Alors, tous mes rêves et aspirations, famille, travail, tout ce que j’avais déjà connu revenait me narguer. Je me suis rappelé m’être dissimulé derrière les arbres de mon ancien domicile pour voir mes enfants passer devant la fenêtre, avoir téléphoné à ma famille juste pour entendre des voix familières dire: « Allô! Allô! qui est là? » avant de raccrocher.

Assis sur le lit, j’ai repris la lettre et je l’ai relue maintes et maintes fois. Dans mon angoisse, je ne pouvais plus en endurer davantage. Désespérément, j’ai crié: « Mon Dieu, m’as-tu abandonné ? Ou bien, est-ce moi qui t’ai abandonné? »

Combien de temps s’est-il écoulé? Je ne saurais le dire. En me relevant, je me suis senti attiré vers la fenêtre. Quel changement m’attendait! Toute la malpropreté de cette ville industrielle avait disparu sous une couche de neige fraîche. Tout était nouveau, blanc et immaculé.Tombant à genoux, j’ai alors renoué ce contact conscient avec le Dieu que j’avais connu dans mon enfance. Je n’ai pas prié, j’ai simplement parlé. Je n’ai pas pensé, j’ai seulement soulagé un coeur lourd et une âme perdue. Je n’ai pas remercié, j’ai seulement supplié à l’aide.

Ce soir-là, finalement en paix avec moi-même pour la première fois depuis des années, j’ai dormi toute la nuit pour me réveiller au matin sans la crainte et la terreur d’une autre journée à vivre. Poursuivant ma prière de la veille, j’ai dit: « Je vais prendre l’emploi. Mais, mon Dieu, fais que Toi et moi nous agissions ensemble à partir de maintenant. »

Même si certaines journées ne m’ont apporté qu’un minimum de sérénité difficile, vingt-six ans plus tard je connais encore cette même paix intérieure qui vient du pardon à soi-même et de l’acceptation de la volonté de Dieu. Chaque matin, il y a de la foi dans la sobriété, cette sobriété qui n’est pas seulement l’abstinence d’alcool, mais le rétablissement progressif dans tous les domaines de ma vie.

Avec mon amie des AA, maintenant ma femme depuis vingtcinq ans, j’ai renoué avec ma famille. Nous connaissons une vie plaisante et heureuse dans laquelle ma soeur et toute ma famille partagent des liens plus forts d’une affection renouvelée. Depuis ce fameux jour, je fais confiance et on me fait confiance.

Edmonton, Alberta

JE N’ÉTAIS PLUS SEULE

Il y avait trois ans que je rôdais autour et à l’intérieur du Mouvement, tantôt abstinente, tantôt « trichant » (avec moimême, évidemment) un peu ou beaucoup. J’aimais les AA – je serrais la main à tout le monde, me tenant toujours à la porte de toutes les réunions des AA auxquelles j’assistais, et il y en avait beaucoup. J’étais une sorte d’hôtesse chez les AA. Malheureusement, j’avais encore beaucoup de problèmes avec moi-même.

Un membre de mon groupe me disait souvent: « Si seulementtu faisais la Troisième Étape... » Il aurait aussi bien pu me parler chinois! Je ne pouvais pas comprendre. Même si j’avais déjà été une étudiante modèle au cours de religion du dimanche, j’en étais venue à m’éloigner de toute spiritualité.

À une certaine époque, j’ai réussi à demeurer abstinente d’alcool pendant six mois. Puis j’ai perdu mon emploi et à cinquantequatre ans, j’étais certaine que je n’en trouverais pas un autre. Très effrayée et très déprimée, je ne pouvais pas envisager l’avenir et mon orgueil stupide ne me permettait pas de demander de l’aide à qui que ce soit. Je suis donc allée dans un magasin de spiritueux pour me procurer ma béquille.

Durant les trois mois et demi qui ont suivi, je suis morte cent fois. Pourtant, quand je le pouvais, je continuais à assister aux réunions des AA, mais je ne parlais à personne de mes difficultés. Les autres membres avaient appris à me laisser seule parce qu’ils savaient qu’ils ne pouvaient pas m’aider. Je comprends maintenant leur réaction.

Un matin, je me suis réveillée et j’ai pris la décision de rester au lit toute la journée. De cette façon, je ne pourrais pas boire d’alcool. J’ai maintenu ma décision et lorsque je me suis levée à 18 heures, je me sentais en sécurité puisque les magasins où l’on vendait de l’alcool étaient fermés à cette heure-là. Durant la nuit, j’ai été désespérément malade. J’aurais dû aller à l’hôpital. Vers dix-neuf heures, j’ai commencé à téléphoner à tous ceux à qui je pouvais penser, dans le Mouvement ou à l’extérieur, mais personne ne pouvait ou ne voulait venir à mon aide. Dans un dernier effort, j’ai téléphoné à un aveugle pour qui j’avais travaillé et cuisiné pendant plusieurs années et je lui ai demandé si je pouvais prendre un taxi pour me rendre à son appartement. Je lui ai dit que j’allais mourir et que j’avais peur.

Il m’a répondu: « Meurs et va au diable! Je ne veux pas te voir ici. » (Plus tard, il m’a confié qu’il aurait voulu se couper la langue et qu’il avait pensé me rappeler. Dieu merci, il ne l’a pas fait!)

Je me suis couchée, convaincue que je ne me relèverais plus. Mon esprit n’avait jamais été aussi lucide. Je ne pouvaisréellement pas trouver un moyen de m’en sortir. À trois heures du matin, je n’avais pas encore fermé l’oeil. J’étais soutenue par des oreillers et mon coeur battait à m’en fendre la poitrine. Puis, mes membres ont commencé à engourdir, d’abord aux cuisses, puis aux bras.

J’ai pensé: « C’est fini. » Alors, je me suis tournée vers l’unique source que ma trop grande intelligence (à mon avis) ou ma trop grande stupidité m’avait empêchée d’y recourir plus tôt. J’ai supplié: « Mon Dieu, s’il te plaît, ne me laisse pas mourir de cette façon! » J’avais mis dans ces quelques mots toute mon âme et tout mon coeur tourmenté. Presque instantanément, l’engourdissement a commencé à disparaître. J’ai senti une Présence dans la chambre. Je n’étais plus seule.

Dieu soit loué, je n’ai plus jamais ressenti la solitude depuis. Je n’ai jamais pris un autre verre d’alcool et mieux encore, je n’en ai jamais eu le désir. Le retour à la santé a été très long et les gens ont mis beaucoup de temps à me redonner leur confiance. Mais cela n’était pas important. Je savais que j’étais abstinente d’alcool et, d’une certaine façon, je savais qu’aussi longtemps que je vivrais selon la volonté de Dieu, je ne ressentirais jamais plus la peur.

On m’a récemment dit que j’avais une tumeur maligne. Au lieu de paniquer ou de me sentir déprimée, j’ai remercié Dieu pour les seize dernières années de temps emprunté qu’Il m’a accordé. On m’a enlevé cette tumeur; je me sens bien et je profite de chaque minute de chaque jour. Je crois qu’il y aura encore beaucoup d’autres journées. Aussi longtemps que Dieu aura du travail pour moi, je demeurerai ici.

Lac Carré, Québec

UN HOMME NOUVEAU

J’ai essayé d’aider cet homme, une expérience humiliante. Personne n’aime être une faillite totale; c’est un dur coup pour l’ego. Rien ne semblait fonctionner. Je l’ai amené aux réunions et il y restait assis sans bouger comme dans un brouillard. Je savais que seul son corps était présent. Quand j’allais chez lui, ou il était parti boire ou il se faufilait par la porte arrière comme j’entrais par celle d’en avant. Sa famille commençait vraiment à désespérer; je pouvais sentir leur détresse.

C’est alors qu’il a connu la dernière d’une incroyable série d’hospitalisations. Il s’est rendu jusqu’au delirium tremens et à des convulsions si violentes qu’on a dû l’attacher à son lit. Il étaitdans le coma, nourri à l’aide de tubes intraveineux. À chacune de mes visites quotidiennes, il paraissait de plus en plus malade, aussi impossible que cela puisse paraître. Pendant six jours, il est demeuré inconscient, ne remuant qu’à l’occasion de ses crises spasmodiques.

Le septième jour, je lui ai de nouveau rendu visite. Passant devant sa chambre, j’ai remarqué qu’on l’avait détaché et que les tubes intraveineux avaient été enlevés. J’étais fou de joie; il allait s’en tirer! Le médecin et l’infirmière ont anéanti mes espoirs. Mon ami « s’en allait » très vite.

Après avoir pris les dispositions pour faire venir sa femme, j’ai pensé qu’étant catholiques, certains rites religieux devaient être observés. Nous étions dans un hôpital catholique, alors j’ai cherché et trouvé une religieuse (la mère supérieure, à ce que j’appris plus tard). Elle a demandé un prêtre et, avec une autre religieuse, m’a raccompagné à la chambre.

Nous avons décidé de nous asseoir tous les trois sur un banc dans le corridor, laissant le prêtre seul au chevet du malade. Sans nous consulter, nous nous sommes inclinés et avons commencé à prier – la mère supérieure, la religieuse et moi, un ministre presbytérien.

Il m’est absolument impossible de dire combien de temps nous avons passé là. Je sais que le prêtre était reparti pour vaquer à ses autres obligations. Un bruit en provenance de la chambre nous a subitement rappelés à la réalité. Levant les yeux, nous avons aperçu le patient assis sur le bord de son lit!

« Très bien, Dieu, disait-il, je ne veux plus jamais jouer le gérant d’estrade. Dis-moi ce que tu veux que je fasse, et je le ferai. »

Plus tard, les médecins nous ont dit qu’à leur avis, notre ami n’avait pas la force physique de bouger, encore moins de s’asseoir. Il n’avait pas prononcé un seul mot depuis son entrée à l’hôpital. Sa phrase suivante a été: « J’ai faim. »

Mais le vrai miracle, c’est ce qui lui est arrivé durant les dix années qui ont suivi. Il a commencé à aider les autres. Je veux dire vraiment aider! Aucun appel n’était trop ardu, trop gênant, trop « désespéré ». Il a fondé le groupe des AA de sa ville et il devient mal à l’aise si vous le mentionnez aux autres ou si vous faites des commentaires élogieux sur ses nombreuses activités chez les AA.

Il n’est plus le même homme que celui à qui j’ai tenté de transmettre le message des AA. Moi, j’ai échoué dans toutes mes tentatives pour aider l’homme que je connaissais. Mais un Autre l’a transformé en un homme nouveau.

Bernardsville, New Jersey

L’IMAGE DU MAL

C’est arrivé vers trois heures du matin. J’étais dans le Mouvement depuis un peu moins d’un an. Je me trouvais seul dans la maison, ma troisième femme ayant divorcé avant mon entrée chez les AA. Je me suis réveillé avec le sentiment terrifiant de la mort imminente. Je tremblais et j’étais presque paralysé de peur. Même si c’était le mois d’août dans le sud de la Californie, j’avais tellement froid que je me suis enveloppé dans une épaisse couverture. Puis, j’ai allumé la chaufferette dans le salon et je m’y suis presque collé dessus. Au lieu de me réchauffer, je suis devenu tout engourdi et à nouveau, j’ai senti la mort approcher.

Je n’avais pas été une personne très croyante et je n’étais devenu membre d’aucune église après mon entrée dans les AA. Soudain, je me suis dit: « C’est le temps ou jamais de prier. » Je suis retourné à la chambre et suis tombé à genoux à côté du lit. J’ai fermé les yeux, j’ai caché ma figure dans les paumes de mes mains et je les ai placées sur le lit. J’ai oublié tous les mots que j’ai prononcés à haute voix, mais je me souviens avoir dit: « S’il te plaît, mon Dieu, apprends-moi à prier! »

Alors, sans relever la tête ni ouvrir les yeux, j’ai été capable de « visualiser » tout le plan de la maison. Je pouvais aussi « voir » un homme immense debout de l’autre côté du lit, les bras croisés sur la poitrine. Ses yeux me fixaient avec haine et malveillance. Il était le symbole du mal sous toutes ses formes. Après une dizaine de secondes, je l’ai « vu » se retourner lentement, marcher vers la salle de bains et regarder à l’intérieur; je l’ai « vu » se rendre à la seconde chambre à coucher, y jeter un regard, se diriger vers le salon et y jeter aussi un regard furtif, puis sortir de la maison par la porte de la cuisine.

Je demeurais dans ma position originale de prière. Au moment précis de son départ, j’ai senti venir vers moi comme un vibrant courant magnétique qui m’arrivait de toutes les directions de l’espace infini. En moins de quinze secondes, ce pouvoir formidable m’a atteint, est resté à peu près cinq secondes et lentement, s’est retiré vers son point d’origine. Il est impossible de décrire la sensation de soulagement que ce courant magnétique m’avait apporté. À ma façon maladroite, j’ai remercié Dieu, je me suis couché et j’ai dormi comme un enfant.

Depuis ce matin mémorable il y a vingt-trois ans, je n’ai jamais eu le désir de boire quoi ce soit d’intoxicant. Durant mes années chez les AA, j’ai eu le privilège d’entendre un autre membre décrire une expérience presque identique à la mienne. Fautil croire, comme certains le pensent, que le départ de ma maison de cette personnification du mal symbolise la disparition dans ma vie du mal causé par l’alcoolisme? C’est possible. L’autre partie de mon expérience symbolise pour moi l’amour tout-puissant et purificateur d’une Puissance supérieure que je suis maintenant heureux d’appeler Dieu.

San Diego, Californie

NOYADE

Avant d’entrer dans un centre de traitement pour alcooliques, j’avais connu une période d’abstinence chez les Alcooliques anonymes. Je sais maintenant que j’étais allé chez les AA pour sauver mon mariage, mon emploi et mon foie, mais à l’époque, personne n’aurait pu me convaincre que je n’avais pas recherché les AA pour des raisons valables. En sept mois, mon foie était rétabli et je me suis enivré pendant six semaines pour aboutir finalement au centre de traitement.

J’ai su lors de ma huitième nuit dans ce centre que j’étais mourant. J’étais tellement faible que je ne pouvais respirer qu’à petits souffles très espacés. Si on avait déposé un verre d’alcool à un pouce de ma main, je n’aurais pas eu la force de le prendre. Pour la première fois de ma vie, j’étais acculé au mur et je ne pouvais pas combattre, tricher, mentir, voler ou soudoyer. J’étais pris au piège et pour la première fois de ma vie, j’ai murmuré une prière sincère: « Mon Dieu, s’il te plaît, aide-moi. » Je n’ai pas marchandé avec Lui; je ne Lui ai pas suggéré quand ni comment Il devait m’aider.

Je suis immédiatement devenu calme et détendu. Il n’y a pas eu d’éclair ni de tonnerre, même pas une petite voix douce. J’avais peur. Je ne savais pas ce qui était arrivé. Je me suis endormi et quand je me suis éveillé le lendemain matin, j’étais frais et dispos, et j’avais faim. La chose la plus merveilleuse était que pour la première fois de ma vie, ce voile de peur sombre et mystérieux s’était levé. Ma première pensée a été d’écrire à ma femme pour lui raconter l’expérience, et je l’ai fait. Imaginez d’être capable d’écrire une lettre considérant l’état dans lequel je me trouvais la nuit précédente!

Je suis certain que plusieurs décriraient cette expérience comme un exemple d’ « abandon à Dieu ». Pas moi! Pas l’entêté que j’étais! Je m’étais accroché à ce fil ténu de ma volonté jusqu’à ce qu’il se brise et alors j’ai été saisi par les « bras éternels ». Il a fallu que je sois réduit à l’impuissance, comme un noyé qui se bat avec son sauveteur.

Je suis retourné chez les AA, mais j’ai longtemps hésité à parler de mon expérience. J’avais peur qu’on ne me croie pas et qu’on se moque de moi. J’ai appris plus tard que d’autres membres avaient eu des expériences semblables à la mienne.

À mon avis, une expérience spirituelle, c’est ce que Dieu accomplit pour un être humain alors qu’il est absolument incapable de le faire par lui-même. Un réveil spirituel, c’est ce que fait un homme lorsqu’il désire voir sa vie transformée en suivant un programme éprouvé de croissance spirituelle. Et cette aventure n’a pas de fin.

Raleigh, Caroline du Nord

Nous en sommes venus à croire

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