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LE PETIT POULET NOIR.

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La petite Fanchette aimait beaucoup les animaux; elle ne pouvait s’empêcher de pleurer lorsqu’elle voyait un charretier fouetter brutalement ses chevaux ou un chasseur battre son chien et le faire crier.

Plus d’une fois elle avait dépensé tout son argent pour acheter des oiseaux que de méchants garçons avaient attrapés et mis en cage.

Cela lui faisait tant de peine de voir ces pauvres bêtes s’agiter d’un air effrayé en meurtrissant leurs jolies petites têtes contre les barreaux de leur prison que, dès qu’elle avait payé, elle se hâtait d’ouvrir la porte de la cage; elle regardait alors avec bonheur les petits oiseaux s’envoler sur la cime des arbres, où ils se mettaient aussitôt à lui chanter leurs plus joyeuses chansons, comme s’ils voulaient la remercier de leur avoir rendu la liberté.


Si ses parents y avaient consenti, elle aurait recueilli chez elle tous les chiens et les chats malades du voisinage, pour les soigner et les rendre bien heureux; mais sa mère n’avait jamais voulu lui permettre d’avoir à elle aucun de ces animaux. «Nous ne sommes pas riches, disait-elle, et une bouche de plus à nourrir pendant toute l’année, est une dépense inutile.»

Un jour Fanchette vint vers sa maman en tenant quelque chose de soigneusement caché entre ses deux mains, et elle lui dit: «Devine ce que j’ai là.

LA MÈRE.

Que sais-je, moi? Peut-être un gâteau.

FANCHETTE.

Non, ce n’est pas cela.

LA MÈRE.

Un fruit alors.

FANCHETTE.

Pas du tout.

LA MÈRE.

Cela bouge! Je crois que c’est une souris.

FANCHETTE.

Oh! maman, elle me mordrait.

LA MÈRE.

J’entends cui, cui, cela doit être un oiseau.

FANCHETTE.

Pas tout à fait un oiseau, ou au moins pas un petit oiseau qui vole; mais regarde le plus délicieux petit poulet noir qu’on ait jamais vu. C’est notre voisine, Mme Joseph, qui me l’a donné ; ma chère petite maman, tu me permettras de le garder, n’est-ce pas?

LA MÈRE.

Pauvre petite bête! Tu ne réfléchis pas qu’il serait bien mieux et bien plus heureux auprès de sa mère.

FANCHETTE.

Oh! il n’a pas de maman, il est éclos sous une grosse cane qui couve encore ses œufs de canard, de sorte qu’elle ne peut pas le soigner. Mme Joseph dit qu’elle n’a pas le temps de s’occuper de lui et qu’il mourra si je ne peux pas le prendre. Ce serait bien dommage: il est si doux, si joli! Oh! ma petite maman, je t’en prie, laisse-moi l’élever.

LA MÈRE.

S’il en est ainsi, j’y consens; mais figure-toi bien que ce petit être va te donner presque autant de peine que s’il était un enfant véritable. Il te faudra constamment t’occuper de lui, soit pour lui donner à manger, soit pour le réchauffer. Es-tu sûre d’avoir assez de patience pour cela? Je sais bien que tu aimes beaucoup les animaux, mais il est bien différent de s’amuser quelques instants avec eux ou de leur consacrer son temps et sa peine, et c’est ce qu’il faut que tu sois bien décidée à faire si tu veux garder ce poulet: car je t’avertis que, si je l’entends souvent piauler, je te l’ôterai. Je n’aime point de voir les bêtes malheureuses autour de moi.

FANCHETTE.

Ne crains rien, j’en aurai le plus grand soin, et il sera heureux comme un petit prince. Que je suis contente! mon charmant poulet, comme je l’aime déjà !

LA MÈRE.

Prends ton petit panier couvert, mets-y une poignée de ces plumes de canard pour lui faire son lit, et établis-le près du foyer. Il est si jeune qu’il a besoin de beaucoup de chaleur.... Bien! Maintenant voici un œuf; fais-le cuire dur, et tu lui en donneras une partie coupée en tout petits morceaux. On ne le gâtera pas toujours comme cela, mais c’est pour lui faire prendre des forces.»

Fanchette ne tarda pas à s’apercevoir que sa mère lui avait dit la vérité, et que monsieur le poulet était fort exigeant.

Il n’était satisfait que quand elle le tenait dans sa main, dont la chaleur lui plaisait, et des cuic cuic très-impérieux se faisaient entendre, dès qu’elle le laissait un moment dans son panier. Lorsqu’elle était bien occupée à jouer ou à travailler, ce n’était pas toujours très-agréable d’être dérangée par ce petit personnage, qui réclamait un de ses nombreux repas.

C’était surtout le matin, au point du jour, qu’il était dur d’être réveillée par ses cris impatients. Bien des petites filles l’auraient relégué dans une chambre écartée où, ne l’entendant pas, elles l’auraient oublié et peut-être laissé mourir de faim. Mais notre Fanchette n’agissait pas ainsi. Jamais elle n’était de mauvaise humeur contre son cher Cuicui, et elle l’aimait et le soignait comme s’il avait été son enfant; aussi la petite bête ne tarda pas à la connaître très-bien et à la suivre partout comme un petit chien. Quand elle s’asseyait, Cuicui sautait sur ses genoux, puis grimpait le long de son bras jusque sur son épaule; là il s’établissait, se couchait, lissait ses petites plumes, et quelquefois picotait avec son joli petit bec les cheveux ou l’oreille de sa jeune maîtresse.

Un jour la tante Adélaïde vint proposer à Fanchette et à ses parents d’aller faire une partie à la fête des Loges, dans la forêt de Saint-Germain.

«Nous partirons demain après le déjeu ner, disait-elle; nous dînerons la en plein air, et nous ne reviendrons que pour nous coucher.


FANCHETTE.

Oh! quel bonheur, ma bonne tante! Nous irons dans une charrette avec des chaises, n’est-ce pas? On est tant secoué, et c’est si amusant!

LA TANTE.

Oui, sans doute, et je t’achèterai un grand mirliton.»

Tout à coup la figure de Fanchette s’assombrit, et au bout d’un moment elle fondit en larmes: «Et mon poulet, s’écria-t-elle, je ne peux pas le laisser toute la journée seul à la maison.

LA TANTE.

Tu lui laisseras ce qu’il lui faut de nourriture.

FANCHETTE.

Il est trop petit, il faut qu’il reste au chaud dans son panier, et il n’y trouverait pas sa nourriture. Non, non, ma tante, allez à la fête avec papa et maman; cela me fait bien de la peine, mais il faut que je reste ici pour soigner mon poulet.

LE PÈRE.

Cette petite est tout à fait ridicule avec son amour pour les animaux. Dans tout le village on ne l’appelle que la mère aux bêtes. Tu ne devrais plus lui permettre d’en avoir, ma chère amie.

LA TANTE.

Pourquoi donc? Quel mal y a-t-il à ce qu’elle aime les animaux? Ce sont aussi des créatures du bon Dieu. Fanchette exerce sur eux sa patience, sa persévérance et la bonté de son cœur. Elle est encore trop jeune pour pouvoir faire du bien à ses semblables; elle en fait aux êtres qu’elle trouve près d’elle. Elle est fidèle dans de petites choses, Dieu lui en confiera de plus importantes.

LE PÈRE.

Vous prenez toujours la défense de votre filleule, tante Adélaïde, vous la gâtez joliment.

LA TANTE.

Voyons, mon frère, si vous aviez un petit enfant à donner à garder à quelqu’un, ne le confieriez-vous pas plus volontiers à Fanchette, qui sacrifie ses plaisirs au bien-être de son élève, quoiqu’il ne soit qu’un poussin, qu’à Gertrude, qui est toujours prête à donner un coup de pied au chien ou au chat, et qui laisserait mourir de faim toutes les volailles de sa mère, plutôt que de se déranger pour leur jeter une poignée de grain? Croyez-moi, de la même façon qu’on s’habitue, étant enfant, à soigner sa chambrette et ses animaux, on soignera plus tard son ménage et ses enfants.


LE PÈRE.

Vous parlez si bien qu’il n’ y a pas moyen de vous répondre. Mais voyons qui est-ce qui va rester à la maison, est-ce la fille ou le poulet?

LA TANTE.

Montre-le-moi ce cher poulet, ma petite Fanchette. Oh! il n’est pas encore bien lourd; ne pourrais-tu pas l’emporter avec toi, dans ton panier?

FANCHETTE.

Oh! ma tante, quelle bonne idée, comme vous êtes aimable! Mais maman y consent-elle?

LA MÈRE.

Oui, pourvu que tu ne nous en embarrasses pas.

FANCHETTE.

Non, non, j’en aurai bien soin toute seule.»

Le lendemain matin, le premier soin de la petite fut d’envelopper dans du papier la provision de graine de Cuicui, puis elle lui attacha un ruban bleu autour du cou, afin de lui donner un air de fête, disait-elle, et elle nettoya son panier.

Nous n’affirmerions pas que le poulet trouvât aussi amusant que sa jeune maîtresse de se sentir secoué dans la charrette, et ensuite d’être presque toute la journée enfermé dans un panier et pendu au bras de Fanchette pendant qu’elle admirait à son aise les théâtres, les boutiques et les cuisines en plein vent, avec leurs poulets embrochés et qui tournaient tout seuls.

Il se comporta cependant fort bien, grâce à la complaisance de la bonne tante Adélaïde, qui plusieurs fois mena sa nièce à l’écart pour qu’elle pût le sortir de sa prison et lui donner à manger.

Pendant le dîner, qui se fit sous une grande tente, M. Cuicui eut la permission de se promener un peu sur la table. Il se glissait entre les assiettes et les plats en picotant les miettes de pain, et faisant entendre un petit gazouillement de satisfaction.

Tout à coup mon petit friand aperçoit une belle feuille de laitue qui dépasse le saladier. Il prend son élan et saute pour l’attraper, mais si maladroitement, qu’il tombe au beau milieu de la salade. Les feuilles, enduites d’huile et de vinaigre, se collent après lui et lui font un effet si désagréable qu’il se met à crier et à se débattre tant qu’il peut. Tous les assistants éclatent de rire, à l’exception de Fanchette, qui vient vite à son secours et est très-vexée de le retirer de là tout gras et les plumes collées ensemble.

«Tu es bien heureuse, lui dit sa tante, qu’il soit tombé là plutôt que dans la soupe, car il se serait joliment échaudé.

FANCHETTE.

Petit sot, petit gourmand, vous allez tout de suite rentrer dans votre panier! Voyez donc votre ruban bleu; le voilà joli à présent. Il faut que je vous l’ôte et que j’essuie vos petites plumes. Allons, dormez maintenant.»

Après le dîner, comme il faisait encore grand jour, la tante Adélaïde proposa de faire une petite promenade dans la forêt. On marcha quelque temps sous de magnifiques allées d’arbres, puis on s’assit pour se reposer sur un moelleux tapis de mousse, au pied d’un vieux chêne. Fanchette sortit vite Cuicui de son panier pour lui donner le plaisir de courir dans l’herbe et d’attraper de petits insectes. Au bout d’un moment, elle demanda à sa mère la permission de s’éloigner un peu pour cueillir un bouquet.

LA MAMAN.

Va, mais aie soin de ne pas te perdre. Tu feras bien, auparavant, de remettre ton poulet dans son panier, car je ne me charge pas de le garder.

FANCHETTE.

Il est si content de se promener! je peux bien le laisser un peu auprès de vous. Je ne resterai pas longtemps.

En disant cela, elle s’enfonce en courant dans le bois, et bientôt la voilà si occupée à faire son bouquet, qu’elle ne pense plus au pauvre Cuicui.

Tout à coup elle entend un grand bruit derrière elle; elle se retourne et qu’aperçoit-elle? Son poulet qui probablement l’avait suivie de loin sans qu’elle s’en aperçût, et qui criait et voletait poursuivi par un grand chien.

En deux sauts celui-ci l’attrape et se sauve en le tenant dans sa gueule. Fanchette le poursuit en poussant de grands cris, et arrive presque en même temps que le chien près d’un monsieur. Celui-ci se retourne au bruit qu’ils font, et dit au chien: «Fox, qu’est-ce que vous avez pris là, monsieur? Donnez-moi cela tout de suite.»

Fox pose le poulet par terre, et, ô bonheur! il n’est pas mort, il remue. Le monsieur le ramasse, l’examine, et, le donnant à Fanchette, lui dit:

«Tenez, mademoiselle, il n’a pas de mal, il est seulement un peu étourdi; Fox est un bon chien de chasse, il apporte le gibier en le tenant très-délicatement entre ses dents. Il faut que vous lui pardonniez la frayeur qu’il vous a faite; en trouvant un poulet dans un bois, il a bien pu le prendre pour une perdrix.... Voyons, Fox, demandez pardon à mademoiselle.»


Le bon chien se coucha sur le dos aux pieds de la petite, qui le caressa en disant:

«C’est vrai, monsieur, c’est ma faute; j’aurais dû écouter maman, et ne pas laisser Cuicui courir tout seul. Adieu, monsieur, je vous remercie d’être venu à son secours.»

En disant cela, elle court retrouver ses parents, et, encore tout émue, leur raconte le danger qu’a couru son cher petit poulet.

Elle le remit dans son panier, et ne l’en sortit plus avant qu’on fût de retour à la maison.

Ce poulet si bien soigné devint en grandissant une magnifique poule noire, avec une grosse huppe sur la tête. On changea son nom de Cuicui en celui de Cloquette, et partout où l’on voyait la gentille Fanchette, on était sûr de voir paraître la belle Cloquette à sa suite.

Un jour que la petite était restée fort longtemps assise sur un tas de foin, occupée à étudier une leçon, elle remarqua avec surprise que sa poule, ordinairement si active, s’était couchée à côté d’elle et ne bougeait pas.


Tout à coup elle la vit se lever et se mettre à chanter d’un air de triomphe: Cot, cot cot codeke; cot cot codette! et, quel bonheur! elle avait pondu sur le foin un gros œuf blanc comme du lait. Fan chette, bien joyeuse, le porte à sa mère en lui disant:

«Tiens, maman, le premier œuf de Cloquette; c’est toi qui dois le manger pour ton dîner; le second sera pour papa, et le troisième pour la tante Adélaïde.»

Cloquette pondit tous les deux jours pendant quelque temps. Un matin, Fanchette vint trouver sa mère d’un air fort soucieux, et lui dit qu’elle croyait sa poule. malade, qu’elle ne voulait plus quitter son nid, et qu’elle faisait de petits cris très-singuliers.

LA MÈRE.

Rassure-toi, mon enfant, elle n’est pas malade, elle demande seulement à couver. Va prier Mme Joseph de te donner douze œufs de ses plus belles poules; tu les mettras sous Cloquette, et tu verras qu’elle te récompensera de tes soins en te donnant de beaux petits poulets.

En effet, la bonne poule eut une couvée de dix poussins qui vinrent à merveille.

La maman de Fanchette fit arranger la cour en poulailler, puis elle dit à sa fille: «Tu sais que je ne suis pas assez riche pour avoir une bonne qui soigne la basse-cour; ainsi, il faut que tu t’en charges complétement. Voici une provision de grain qui durera jusqu’à ce que ta couvée soit élevée. Ensuite je ne t’en donnerai plus; il faudra que tu vendes des œufs et des poulets, et avec l’argent qu’ils te produiront tu achèteras tout ce qui te sera nécessaire pour en élever d’autres.»


Vous pouvez penser que Fanchette, qui avait si bien soigné son poulet, soigna également bien sa basse-cour.

Dans tout le voisinage, quand on voulait avoir des œufs bien frais ou de belles volailles, on venait les acheter chez la gentille Fanchette, et de cette façon elle finit par gagner une jolie petite dot. Quant à Cloquette, tant qu’elle vécut, elle fut toujours la reine de la basse-cour et l’enfant gâté de sa maîtresse.

La tante Adélaïde l’avait bien prédit: notre petite fermière se montra aussi bonne femme et aussi bonne mère de famille qu’elle s’était montrée maîtresse soigneuse pour son poulet et ses autres animaux.

Elle avait fait avec eux un apprentissage de vigilance et d’abnégation qui lui fut utile pendant toute sa vie.

Les enfants d'aujourd'hui

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