Читать книгу Le Corrège - Antoinette Grandsard - Страница 6

III

Оглавление

Table des matières

Quinze jours après, Maria Varcolli était l’heureuse épouse du noble Antonio Allegri.

La plus grande pièce de la maison avait été transformée en atelier de peinture, et le laborieux artiste s’y livrait au travail avec une ardeur toute nouvelle.

N’avait-il pas près de lui sa jeune femme, dont le regard se levait souvent de dessus l’ouvrage qu’elle tenait en ses mains pour venir l’encourager en son œuvre?

Ne voyait-il pas de temps en temps la tête émue du vieux Varcolli se pencher au-dessus de son épaule en murmurant d’affectueuses parôles? C’était là, pour son cœur aimant, toute une source de joies et de précieuse émulation.

Rien n’avait été oublié d’ailleurs pour que la petite maison de campagne fût digne d’offrir asile à son nouvel hôte. Les murailles étaient fraîchement blanchies, et çà et là des arbustes charmants étalaient leurs fleurs éclatantes au milieu des meubles rustiques et des toiles commencées.

Mais c’était surtout autour de l’admirable tableau de sainte Catherine que se trouvaient rangées les plantes les plus rares et les plus’ embaumées.

On eût dit une chapelle élevée par des mains Pauses pour rendre hommage à la divine union de la sainte martyre avec l’Enfant Jésus.

Les oiseaux chantaient gaiement dans les rameaux chargés de raisin dont les fenêtres étaient entourées; la bienfaisante nature faisait entendre ses murmures joyeux dans les campagnes environnantes: comment le bonheur n’aurait-il pas chanté bien gaiement aussi dans le noble cœur d’Antonio?

Tout faisait présager que la paix, la vertu, la concorde se fixeraient à jamais dans le ménage de l’artiste. La fortune y entrerait-elle aussi un jour? Allegri ne songeait point à se le demander, quoiqu’il n’eût jamais eu une confiance si grande dans son puissant génie.

Il créait ses chefs-d’œuvre sans jamais se préoccuper du sort qui leur serait réservé.

Pour lui, Dieu était le maître des maîtres; il travaillait sous son regard divin, lui attribuait l’inspiration et la vie de ses œuvres, et s’estimait satisfait lorsqu’il les trouvait dignes d’être offertes à ce Juge suprême de toute pensée, de toute action humaines.

La bonne Maria semblait être aussi indifférente que son mari aux glorieuses chances de l’avenir. Jamais elle n’aurait osé espérer une félicité aussi complète que celle dont elle jouissait depuis son union avec Allegri; pourquoi se serait-elle montrée ingrate envers la Providence en désirant plus encore qu’elle n’avait reçu de sa bonté infinie?...

Comme la femme forte de la Bible, elle mettait toute son ambition à accroître le bonheur de son digne époux par ses tendres soins et le travail de ses mains diligentes; aussi, comme le beau modèle qu’elle semblait suivre, était-elle revêtue de force et de beauté aux yeux de celui qui l’avait choisie pour compagne.

Bientôt un gracieux enfant vint embellir encore le paisible intérieur.

C’était un fils. On le nomma Pomponio, et ce nom chéri ne tarda pas à prendre une large place dans les conversations de la famille.

— Je suis certain qu’il sera, comme son père, Un grand et noble artiste, répétait souvent le vieux Varcolli, tout en berçant sur ses genoux son cher petit Pomponio; examinez son front élevé, ses yeux noirs, déjà si vifs, si intelligents, et avouez avec moi, mes enfants, que ce ne peut être sans motifs que Dieu l’a ainsi favorisé.

Antonio souriait doucement et se remettait à son chevalet. Mais la jeune mère était trop flattée des paroles de son père pour ne pas s’empresser de les approuver.

Cependant, quoique le talent de l’illustre Peintre grandît de jour en jour, sa position ne semblait pas devoir s’améliorer beaucoup.

Ses immortels chefs-d’œuvre, qui aujourd’hui sont couverts d’or par tous les musées d’Europe, parvenaient à peine alors à le mettre à l’abri du besoin.

Toutes ses compositions sublimes lui étaient enlevées pour un misérable salaire: la Madeleine, la Nativité, le Christ aux Oliviers furent achetés au prix de tableaux médiocres; mais ces déceptions ne ralentirent pas son courage un seul instant.

Il avait près de lui sa douce Maria, son cher ange gardien; le petit Pomponio grandissait et s’embellissait à vue d’œil; l’inspiration divine continuait à vivifier son intelligence; peu lui importait que les hommes fussent injustes à son égard, puisque Dieu lui prodiguait plus que jamais ses précieuses bénédictions.

Un jour que sa jeune femme travaillait à ses côtés et que son bel enfant jouait gaiement à ses pieds, il les contempla un moment en silence, et dit, en pressant avec tendresse la main de la bonne Maria:

— Je n’ai plus besoin d’aller chercher au loin mes visages de Madones et de divin Bambino; je n’ai qu’à regarder autour de moi.

— Vous avez en votre esprit des modèles plus beaux que tous ceux que peuvent vous offrir les créatures humaines, mon Allegri, répondit doucement la jeune femme. Quelles têtes auraient pu poser dignement pour votre Vierge en adoration, pour votre sainte Madeleine et votre sainte Catherine, si vous n’aviez versé vous-même sur leurs traits les divines lueurs de votre génie.

— Bien, bien, chère fille! s’écria tout à coup le bon Varcolli, qui depuis un instant se tenait immobile sur le seuil de l’atelier. Tu méritais d’être unie à un tel homme, puisque tu sais ainsi le comprendre et l’admirer.

Ces petites scènes touchantes, se renouvelant assez souvent dans la paisible famille, fortifiaient de plus en plus le tendre lien qui en unissait les vertueux membres.

Malheureusement un événement imprévu ne devait pas tarder à amener la séparation de ces nobles cœurs que Dieu semblait s’être plu à réunir en son amour.

Ce que le laborieux peintre désirait le plus vivement depuis longtemps, c’était l’occasion de donner à son génie un plein développement dans une de ces œuvres où la pensée trouve autant d’espace qu’il lui en faut.

Cette occasion allait se présenter.

Il s’agissait de peindre, à la grande coupole de Saint-Jean de Parme, l’Ascension de Jésus-Christ vers son Père, en présence des apôtres étonnés et adorant.

Les religieux du Mont-Cassin, auxquels il appartenait de choisir l’artiste qui devait être chargé de ce travail, s’étaient déjà renseignés au sujet d’Allegri, et comme on leur avait affirmé que, quoique pauvre et sans renom, il ne manquait pas d’habileté dans son art, ils se disposaient à envoyer un de leurs frères à Correggio, afin de proposer l’œuvre importante à l’artiste inconnu dont on leur avait vanté l’habileté.

Le Corrège

Подняться наверх