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N° 3

Table des matières

SALON DE MARS

Avant de passer dans la galerie d’Apollon, il faut faire antichambre chez Mars, et on n’a pas à le regretter, tant sont admirables les peintures écloses sous la brosse de Mignard.

C’est dans ce salon que le peintre de Saint-Cloud faillit payer de sa vie un désir trop impatient de Monsieur, qui voulait juger de l’effet produit par les compositions de son favori avant qu’elles fussent entièrement terminées.

Un jour, le frère de Louis XIV donna l’ordre d’enlever l’échafaudage. A ce commandement inopportun, Mignard, qui travaillait au plafond, se hâta de descendre; mais les mains embarrassées par sa palette et ses brosses, il fit une chute des plus graves qui le força de garder le lit pendant six semaines.

Les soins affectueux de son protecteur, le désir de laisser un chef-d’œuvre hâtèrent son rétablissement, et peu après les toiles et les échafaudages furent enfin jetés bas.

Alors Louis XIV fut invité à venir visiter les grands salons.

Il y avait longtemps que le Roi attendait ce jour avec une certaine impatience. La cour et la ville s’étaient partagées en deux camps: dans l’un, Mignard avait trouvé d’ardents prôneurs, dans l’autre, son rival Le Brun était regardé comme un demi-dieu.

A cette époque, la gloire de Le Brun était sans rivale; il peignait les grands appartements de Versailles, sa renommée était immense, ses amis nombreux et puissants; la visite de Louis XIV à Saint-Cloud devait donc être pour Mignard un succès ou un soufflet.

Il attendait, plein d’anxiété, dans le salon de Mars avant que le Roi commençât sa promenade dans les galeries. En l’apercevant, Louis XIV lui dit d’un ton affectueux:

— Mignard, mon frère a dû vous répéter combien j’ai pris part à votre accident et combien de fois je lui ai demandé de vos nouvelles.

Après avoir tout examiné avec soin, Louis XIV se tourna vers ses courtisans:

— Messieurs, je souhaite fort, reprit-il, que les peintures de mes galeries de Versailles répondent à la beauté de celles-ci.

Un tel éloge pénétra Mignard de joie et d’orgueil. Il lui valut, plus tard, de peindre, à Versailles, les petits appartements et la galerie qui a pris son nom.

Le 19 brumaire, tandis que l’orage grondait sourdement dans le conseil des Cinq-Cents, le général Bonaparte se promena seul quelques instants dans le salon de Mars.

— Assez de factions! l’entendit-on murmurer.

Le futur empereur s’arrêta tout à coup devant cette devise: Nec pluribus impar, que son génie devait bientôt lui rendre applicable.

Lors du mariage civil de Napoléon Ier et de Marie-Louise, les personnes invitées qui n’avaient pu trouver place dans la galerie d’Apollon demandèrent au salon de Mars un asile momentané pour voir passer le cortége du roi des rois.

Pendant cette cérémonie, les huissiers, les hérauts d’armes et les pages s’étaient rangés, dans ce salon, par moitié à droite et à gauche, auprès de la porte. Ils formèrent la tête du cortége, lorsque l’Impératrice fut reconduite dans ses appartements.

Le 1er décembre 1852, à sept heures et demie du soir, le Corps Législatif, ayant à sa tète son Président, M. Billault, fut introduit dans le salon de Mars. Il venait remettre à Sa Majesté l’Empereur Napoléon III la déclaration du Corps Législatif constatant le recensement général des votes et l’adoption du plébiscite présenté les 21 et 22 novembre 1852 à l’acceptation du peuple.

Après la courte et admirable campagne d’Italie, en 1859, aussitôt la paix signée, le 11 juillet à Valeggio, l’Empereur revint en France et arriva à Saint-Cloud le 16 juillet.

Le 18 juillet, Il recevait, à huit heures et demie du soir, les grands corps de l’État.

La plupart des sénateurs, des membres du Corps législatif et du Conseil d’État se pressaient dans les salons, et, lorsque Leurs Majestés entrèrent dans le salon de Mars, les cris de Vive l’Empereur! Vive l’Impératrice! retentirent avec enthousiasme.

S. Exc. M. Troplong, président du Sénat; S. Exc. M. le comte de Morny, président du Corps Législatif; S. Exc. M. Baroche, président du Conseil d’État, adressèrent à Sa Majesté les félicitations des Corps constitués, et l’Empereur répondit:

«Messieurs,

«En me retrouvant au milieu de vous qui, pendant mon absence, avez entouré l’Impératrice et mon Fils de tant de dévouements, j’éprouve le besoin de vous remercier d’abord, et ensuite de vous expliquer quel a été le mobile de ma conduite.

«Lorsque, après une heureuse campagne de deux mois, les armées française et sarde arrivèrent sous les murs de Vérone, la lutte allait inévitablement changer de nature, tant sous le rapport militaire que sous le rapport politique, j’étais fatalement obligé d’attaquer de front un ennemi retranché derrière de grandes forteresses, protégé contre toute diversion sur ses flancs par la neutralité des territoires qui l’entouraient; et en commençant la longue et stérile guerre des sièges, je trouvais en face l’Europe en armes, prête, soit à disputer nos succès, soit à aggraver nos revers.

«Néanmoins, la difficulté. de l’entreprise n’aurait ni ébranlé ma résolution ni arrêté l’élan de nos armées, si les moyens n’eussent pas été hors de proportion avec les résultats à attendre. Il fallait se résoudre à briser hardiment les entraves opposées par les territoires neutres, et alors accepter la lutte sur le Rhin comme sur l’Adige. Il fallait partout franchement se fortifier du concours de la révolution. Il fallait répandre encore un sang précieux qui n’avait que trop coulé déjà : et, en un mot, pour triompher, il fallait risquer ce qu’il n’est permis à un souverain de mettre en jeu que pour l’indépendance de son pays.

«Si je me suis arrêté, ce n’est donc pas par lassitude ou par épuisement, ni par abandon de la noble cause que je voulais servir; mais parce que, dans mon cœur, quelque chose parlait plus haut encore: l’intérêt de la France.

«Croyez-vous qu’il ne m’en ait pas coûté de mettre un frein à l’ardeur de ces soldats qui, exaltés par la victoire, ne demandaient qu’à marcher en avant?

«Croyez-vous qu’il ne m’en ait pas coûté de retrancher ouvertement, devant l’Europe, de mon programme le territoire qui s’étend du Mincio jusqu’à l’Adriatique?

«Croyez-vous qu’il lie m’en ait pas coûté de voir dans des cœurs honnêtes de nobles illusions se détruire, de patriotiques espérances s’évanouir?

«Pour servir l’indépendance italienne, j’ai fait la guerre contre le gré de l’Europe; dès que les destinées de mon pays ont pu être en péril, j’ai fait la paix.

«Est-ce à dire maintenant que nos efforts et nos sacrifices aient été en pure perte? Non. Ainsi que je l’ai dit dans mes adieux à nos soldats, nous avons droit d’être fiers de cette courte campagne. En quatre combats et deux batailles, une armée nombreuse, qui ne le cède à aucune en organisation et en bravoure, a été vaincue. Le roi de Piémont, appelé jadis le Gardien des Alpes, a vu son pays délivré de l’invasion, et la frontière de ses États portée du Tessin au Mincio. L’idée d’une nationalité italienne est admise par ceux qui la combattaient le plus. Tous les souverains de la péninsulte comprennent enfin le besoin impérieux de réformes salutaires.

«Ainsi, après avoir donné une nouvelle preuve de la puissance militaire de la France, la paix que je viens de conclure sera féconde en heureux résultats; l’avenir les révélera chaque jour davantage, pour le bonheur de l’Italie, l’influence de la France, le repos de l’Europe.»

Le discours de Sa Majesté a été fréquemment interrompu par des marques d’enthousiasme, et s’est terminé au milieu des acclamations les plus chaleureuses et des cris répétés de: Vive l’Empereur! Vive l’Impératrice!

Plafond, voussures et dessus de portes par Pierre Mignard.

Plafond. L’OLYMPE, gravé par J.-P. Poilly.

Voussure du côté du Jardin. MARS ET VÉNUS, gravé par J.-P. Poilly.

Voussure du côté des appartements. LA FORGE DE VULCAIN EN SICILE, gravé par J.-P. Poilly

Dessus de forte. 1° LA JALOUSIE ET LA DISCORDE, gravé par Jean Audran; 2° LES PLAISIRS DES JARDINS, gravé par Benoît Audran.

LOUIS XIV, portrait équestre, par Van der Meulen (Antoine-François) et Le Brun (Charles).

Dans ce salon brille aussi la devise de Monsieur: Alter post fulmina terror.

Palais de Saint-Cloud, résidence impériale : domaine de la Couronne

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