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HISTORIQUE DU PALAIS DE SAINT-CLOUD

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Table des matières

Avant de faire connaître l’histoire de chaque salle en particulier, jetons un rapide coup d’œil sur le passé de Saint-Cloud, et retraçons, en quelques traits, les principaux événements qul se sont accomplis dans cette magnifique résidence.

Sur l’emplacement occupé maintenant par le château ou à peu près, s’élevait, au XVIe siècle, une jolie villa, bâtie dans le goût italien, par la famille florentine de Gondi, qui avait suivi, à la cour de France, la fortune de Catherine de Médicis.

La veuve de Henri II, la mère de trois rois, avait octroyé à son féal écuyer Jérôme de Gondi ce beau domaine, fort arrondi par la réunion de l’hôtel d’Aulnay, acheté de Jean Roville en 1572.

Plus tard, la propriété était passée entre les. mains de Barthélemy Hervard, contrôleur général des finances, chargé jadis, par Mazarin, de sonder ce que pesait la conscience du prince de Condé.

Riche et fastueux, Hervard avait acheté la villa de Gondi un million; il avait dépensé le double en embellissements, et le traitant, aussi vaniteux qu’imprudent, rêva la faveur d’une visite royale.

Fort bien en cour, ayant aidé souvent Mazarin de ses services, il parvint à obtenir que le cardinal-ministre lui amenât Louis XIV et son frère, le duc d’Orléans. La collation qu’il eut l’insigne honneur de leur offrir lui coûta cher.

Le 24 octobre 1658, le Roi, Monsieur et Mazarin réalisèrent enfin le songe doré du financier, en venant passer la journée dans la maison de Gondi, qui fit jouer, pour eux, ses cascades féeriques et s’inonda de feux et d’illuminations merveilleuses, du moins au dire des chroniques du temps.

Lorsque la dernière gerbe du feu d’artifice fut éteinte, Louis XIV et son frère prirent congé de leur hôte, s’éloignèrent suivis de la cour et des mousquetaires; mais Mazarin resta.

Il débuta par des compliments sur la fête, et vanta beaucoup la fortune de son hôte, de ce ton fin et demi-railleur qui donne à penser.

Or, la conscience du contrôleur général n’étant pas parfaitement nette en matière de finances, Hervard entrevit, à la suite de ce sourire, qu’il connaissait de longue date, des poursuites, des restitutions, la ruine peut-être.

Il pensa que le mieux était de se faire petit, et d’amoindrir sa fortune.

— Combien vous coûte ce palais, demanda le cardinal? Douze ou quinze cent mille livres? Et le peuple se plaint!...

— Oh! bien moins, s’écria le contrôleur effrayé.

— Un million?

— Moins, encore moins.

— Deux cent mille écus alors?... fit Mazarin. Et les finances du Roi sont obérées!...

— Monseigneur, je ne suis pas en état de faire une aussi grosse dépense, répondit Hervard éperdu.

— Mais enfin, à combien vous revient cette maison?

— A cent mille écus, balbutia le Turcaret.

— Bien, très-bien, reprit alors le ministre en se levant; cent mille écus, n’est-ce pas?

— Oui, monseigneur.

Le carrosse de Mazarin avait déjà traversé le fameux pont de Saint-Cloud, qui valut à Satan la peau d’un chat au lieu de l’âme d’un chrétien, que le malheureux Hervard se demandait encore:

— Cent mille écus!... Pourquoi avoir tant insisté ?... Enfin il ignore que tout ceci m’a coûté plus de deux millions.

Le lendemain matin, le cardinal-ministre adressait au financier une cassette et un parchemin.

La cassette renfermait cent mille écus.

Le parchemin était un contrat de la vente faite par le sieur Hervard au Roi, qui désirait acquérir la maison de Gondi pour Monsieur.

Le tout lui fut apporté par Me Mouffle, notaire royal, et son confrère Me Lefoin. Il fallut se résigner et signer; mais il est probable que le contrôleur général n’engagea plus Mazarin à déjeuner. Le Dictionnaire d’anecdotes qui nous livre cette historiette est muet sur ce sujet.

La Villa de Gondi fut alors démolie par ordre du duc d’Orléans; le seul souvenir qui nous en reste consiste dans la curieuse gravure d’Israël Silvestre,

C’est dans la maison de Gondi que Henri III tomba sous le poignard du Jacobin Jacques Clément, le 1er août 1589.

Henri III, qui accordait trop de confiance aux moines, s’était dirigé, avec Jacques Clément, vers une embrasure de fenêtre. Le visiteur, surveillé de loin par MM. de Bellegarde et de Laguesle, se prosterna et remit au roi un billet d’Achille de Harlay, ainsi que le-raconte M. de Laguesle, procureur général du parlement, dans une lettre écrite à l’un de ses amis, sur le sujet de la mort du roi Henri III, et reproduite dans le journal du règne de ce prince, tome 1er, pages 124 et suivantes.

Tandis que l’attention du prince était concentrée sur ce papier, le religieux saisit vivement un couteau, qu’il tenait caché dans sa manche, et porta au Roi un coup tellement violent dans le bas-ventre, que les entrailles sortirent avec le sang.

Henri III s’écria:

— Malheureux! que t’ai-je fait pour m’assassiner?

Et retirant l’arme de la plaie, il en frappa le régicide au front.

A ses cris, on accourt. M. de Laguesle renverse l’assassin d’un coup d’épée; les quarante-cinq ordinaires l’achèvent à coups de dague, et jettent son corps par une fenêtre dans la cour d’honneur.

Comme tous les crimes politiques, celui-ci ne servit en rien l’idée qui l’avait enfanté. C’est au nom de la religion catholique que Henri III fut frappé, et c’est un prince protestant qui recueillit les fruits de cet odieux attentat.

Dans son Histoire du Valois, Carlier rapporte que le cœur et les entrailles de Henri III furent enterrés secrètement dans l’église de Saint-Cloud par les soins de Benoise, fidèle serviteur et secrétaire du cabinet du feu roi.

Après que Henri IV fut monté sur le trône, Benoise fit placer une épitaphe au-dessus de cette sépulture, et fonda, dans la même église, une messe anniversaire à perpétuité pour le repos de l’âme de Henri III.

Tout à côté de l’Hôtel de Gondi, au bas de la grande cascade, s’élevait la maison du Tillet, réunie depuis au palais de Saint-Cloud.

Henri de Bourbon s’y établit comme roi de France et de Navarre. Il y prit le deuil, et fit tendre ses appartements en violet.

Tel était alors l’état de ses finances que l’on fut réduit à enlever de l’hôtel de Gondi les tapisseries et ameublements qui avaient servi au deuil de Catherine de Médicis, et de les porter à la maison du Tillet.

Un arrêt royal, daté de cette même habitation, ordonne que le corps de Jacques Clément, après avoir été tiré à quatre chevaux, sera brûlé et ses cendres jetées dans la Seine. La première partie de cet arrêt fut exécutée sur la place de l’église collégiale de Saint-Cloud, en présence du sieur Duplessis, grand prévôt.

En opposition à cette sentence, nous voyons que l’effigie du régicide fut exposée sur les autels à la vénération des fidèles, et que son éloge, l’éloge d’un assassin! fut fait, en plein consistoire, par le pape Sixte-Quint.

Il en avait été de même, en 1584, lors du meurtre de Guillaume de Nassau, prince d’Orange, frappé par Balthazard Gérard, comme il sortait de table, dans son palais de Delft, en Hollande. Un recueil des plus rares, édité par les soins du parti catholique, et que nous avons consulté à la Bibliothèque impériale de Paris, fait l’apologie de ce forfait et compare l’assassin au Christ. Ce document porte pour titre: «Les cruels et horribles torments de Balthazar Gérard, Bourguigno, vrai martyr, soufferts en l’exécution de sa glorieuse et mémorable mort, pour avoir tué Guillaume de Nassau, ennemi de son roi et de l’Église catholique .»

Le quatrième jour d’août 1789, le prince de Conti, les ducs de Montpensier, de Longueville et de Montbazon, le maréchal de Biron et l’élite de la noblesse française vinrent reconnaître et proclamer pour leur roi Henri quatrième.

Chose étrange! ce même palais de Saint-Cloud était destiné à voir tout à la fois l’alpha et l’oméga de la maison de Bourbon: Henri IV et Charles X.

A l’époque où Monsieur, frère de Louis XIV, prit possession de cette résidence, voici de quelles diverses acquisitions elle se composait; nous puisons ces renseignements dans les Archives de la couronne:

1° La maison de Gondi, achetée à Barthélemy Hervard, contrôleur général des finances, par contrat du 25 octobre 1658, passé devant Mouffle et Lefoin, notaires à Paris, moyennant 240,000 livres;

2° La maison du Tillet, acquise du sieur Martin, trésorier de la marine, par contrat du 29 mai 1659, moyennant 60,000 livres;

3° Une maison appartenant au sieur Duverdier, vendue 39,000 livres, par contrat passé devant Gigault, le 12 décembre 1673;

4e Une autre maison acquise du duc de Charost, par contrat passé devant Béchet, le 13 novembre 1683, moyennant 66,000 livres, et le fief de Villeneuve, vendu par la dame de Saint-André, par contrat passé devant Bellanger, le 25 octobre 1695, moyennant 57,200 livres;

5° Diverses acquisitions de maisons et terrains. Enfin, pour faciliter l’agrandissement du parc, Louis XIV fit don à Monsieur, par lettres patentes de décembre 1678, de 31 arpents 67 perches de terres sur le haut de la montagne, derrière les murs du parc de Saint-Cloud, et aussi par lettres patentes de décembre 1677, Sa Majesté donna encore à Monsieur la moitié de la seigneurie de Sèvres. Le prince y joignit le fief de l’arpent franc, une parcelle de terre appelée la pièce des Rivières, acquise du sieur de Longueil; une maison sise à Sèvres, appartenant au sieur Monnerot, et plusieurs autres à Marne, Saint-Cloud et Ville-d’Avray.

La totalité de ces diverses acquisitions se monte à 1,156 arpents, d’après le plan rédigé par Legrand, en 1736, des palais, jardin, parcs et dépendances de Saint-Cloud.

Nous ne retraçons ici que l’histoire générale de cette résidence impériale; chaque fait particulier trouvera sa place au chapitre consacré à la pièce où ce fait se sera produit.

Après être resté plus d’un siècle dans la famille d’Orléans, Saint-Cloud fut vendu, le 24 octobre 1784, par Louis-Philippe d’Orléans, fils de Louis, qui avait épousé secrètement la marquise de Montesson.

Blessée du peu d’égards que la cour lui accordait, la marquise fit donner le Palais-Royal au duc de Chartres et livrer Saint-Cloud à Marie-Antoinette, moyennant la somme de six millions.

Ensuite, elle se retira, ainsi que le duc, à Sainte-Assise, château bâti par Louis-Philippe d’Orléans, sur les bords de la Seine, entre Corbeil et Melun.

Marie-Antoinette confia sa nouvelle acquisition à son architecte Micque; les fossés furent comblés, une nouvelle chapelle élevée; par malheur, le beau salon d’Armide disparut, entraînant, dans son désastre, le plafond de M. Pierre qui représentait les cinq actes de l’opéra d’Armide.

Ce que la jeune reine cherchait, c’était, avant tout, d’échapper à l’étiquette. De là ces jolis boudoirs bourgeoisement décorés avec les toiles peintes de Jouy, et ces meubles coquets si peu en rapport avec le style sévère des grands appartements.

Pendant les jours agités de la révolution, Saint-Cloud est délaissé jusqu’à l’heure où le général Bonaparte y crée le berceau de sa dynastie. La physionomie du château, assombrie durant la terreur, change alors tout à coup; Saint-Cloud retrouve sa splendeur passée après les événements des 18 et 19 brumaire; il devient la résidence d’été du premier Consul, voit disparaître les boudoirs de l’architecte Micque, et se bâtir une nouvelle salle de spectacle à l’extrémité de l’Orangerie.

Bientôt la France vient offrir, dans la galerie d’Apollon, le manteau impérial au nouveau César, par les mains des grands corps de l’État. La révolution est terminée, l’anarchie détruite, la France redoutée et admirée, florissante et fière de son chef, et elle donne la puissance suprême à celui qui l’a placée à la tête des nations. Saint-Cloud est associé aux phases les plus heureuses de la vie du nouvel Empereur; les chancelleries de l’Europe disent le Cabinet de Saint-Cloud, comme autrefois le Cabinet de Versailles.

Hélas! 1814 et 1815 arrivent! sombres et douloureuses années! Les hordes étrangères envahissent la France. Le prince de Schwartzemberg respecte ce beau séjour de Saint-Cloud, où il établit son quartier général; mais un Blucher, la honte de l’armée prussienne, se venge de ses défaites en saccageant la résidence de l’homme qui l’a si souvent vaincu. Il se couche tout habillé dans le lit de Napoléon; il se plaît à déchirer de ses éperons les draperies impériales, et il laisse la meute de chiens qui le suit partout dévaster les chambres et mettre en lambeaux les livres précieux de la bibliothèque, jetés pêlemêle sur le parquet.

Enfin nos amis les ennemis, comme disait alors le peuple dans son opposition sourde et railleuse, se retirent, et les Bourbons s’empressent de faire disparaître les traces du passage de leurs alliés. Par les ordres de Louis XVIII, on construit, en 1818, des écuries pour les gardes du corps, et en 1820, on termine la nouvelle église commencée par Marie-Antoinette.

C’est à Saint-Cloud que Charles X signa les Ordonnances de juillet, et M. de Sémonville vint répéter à ce prince la sentence terrible de M. de Shonen à la commission municipale: Il est trop tard!

Deux ans après, le roi Louis-Philippe quittait Saint-Cloud pour comprimer l’insurrection de 1852; il y rentrait en disant, d’après M. Vatout:

«La république et la contre-révolution sont vaincues!»

Février 1848 n’a pas fait de ces paroles une prophétie.

Ce fut dans ce même palais de Saint-Cloud, qui semble si intimement lié à toutes les prospérités de la dynastie napoléonienne, que le prince-président de la seconde république reçut les grands corps de l’État venant lui offrir la couronne impériale, dans cette galerie d’Apollon où, un demi-siècle auparavant, le premier Consul avait été proclamé Empereur des Français. Nous avons placé le récit de ce mémorable événement au chapitre consacré à la galerie d’Apollon.

Depuis cette époque, le palais de Saint-Cloud A recouvré son ancienne splendeur, car l’Empereur Napoléon III parait l’avoir adopté pour sa résidence d’été favorite. Il va bien, chaque année, habiter Compiègne et Fontainebleau, Plombières et Biarritz, mais, s’il quitte Saint-Cloud, il y revient sans cesse comme vers un séjour de prédilection.

Aussi est-il peu d’événements importants, depuis dix ans, dont ce palais ne puisse réclamer sa part.

En 1855, l’Empereur, se trouvant à Saint-Cloud, y reçut la nouvelle de la prise de Malakoff, par une dépêche du général Pélissier, datée de Varna, 9 septembre, et adressée à S. Exc. le Ministre de la guerre. Les réduits de Malakoff et le redan du carénage venaient d’être enlevés, ce même jour, à midi, par nos braves soldats, aux cris de: Vive l’Empereur!

Le 12 septembre 1855, l’Empereur récompensait la vaillante armée de Crimée dans la personne de son chef, en signant, à Saint-Cloud, le décret qui élevait le général de division Pélissier à la dignité de maréchal de France.

Deux mois plus tard, l’un des princes alliés de la France dans cette formidable entreprise de Crimée, le roi Victor-Emmanuel, débarquait à Marseille, le 22 novembre 1855, s’arrêtait à Lyon, qui lui avait préparé une magnifique réception, et recevait de la population parisienne l’accueil le plus chaleureux pendant que ses troupes faisaient, à côté des nôtres, des prodiges de valeur.

De puissantes considérations politiques, qui ne rentrent pas dans les limites de notre cadre, avaient engagé le roi de Piémont à former cette alliance avec l’Empire français; elles sont exposées avec un rare talent par M. Charles de La Varenne, dans son dernier ouvrage, Le Roi Victor-Emmanuel.

Le futur roi d’Italie fut reçu aux Tuileries, et visita le Palais de Saint-Cloud.

Le 1er juin 1856, l’Empereur habitait cette dernière résidence, lorsque la nouvelle des inondations du midi de la France lui parvint.

N’écoutant que la voix de son cœur, spontanément, sans se laisser arrêter par aucune considération, l’Empereur partit sur-le-champ, accompagné seulement de deux ou trois personnes, et avec une telle précipitation qu’il dut monter dans un wagon ordinaire.

A huit heures et demie du soir, il entrait à Dijon.

La nuit arrivant, le danger d’aller au delà sur la voie ferrée parut assez menaçant aux ingénieurs de la ligne pour qu’ils se refusassent à laisser Sa Majesté continuer sa route avant le jour. Malgré ses instances, l’Empereur fut forcé de coucher a Dijon.

Le lendemain matin, à sept heures, Sa Majesté quittait cette ville, saluée par les acclamations de la foule qui se pressait depuis son hôtel jusqu’à la gare.

Arrivé à Lyon, l’Empereur, accompagné de M. Rouher, ministre de l’agriculture, du commerce et des travaux publics; de M. le maréchal comte de Castellane, de M. le sénateur Vaïsse, de MM. les généraux Niel et Fleury, de M. le marquis de Puységur, du directeur général des ponts et chaussées et des chemins de fer, et des ingénieurs de service, parcourut à cheval les parties de la ville qui avaient le plus souffert.

Sa Majesté visita les brèches faites aux deux digues du Rhône, et par lesquelles le fleuve avait fait irruption, l’avenue de Saxe, le cours Lafayette et le cours Bourbon jusqu’à la Guillotière.

Dans ce long trajet, l’Empereur dut traverser plusieurs parties des chaussées couvertes par les eaux. C’était un spectacle émouvant et sublime que celui de ces populations réunies autour des débris de leurs habitations renversées, et se livrant à des transports d’enthousiasme et de reconnaissance pour la généreuse pensée qui avait amené leur Souverain au milieu d’elles. Les maisons se trouvèrent pavoisées comme par miracle, et Sa Majesté, profondément émue, distribua personnellement de nombreux secours.

L’Empereur, par un décret du 1er juin, ordonna qu’une somme de trois cent mille francs serait affectée sur-le-champ aux victimes de l’inondation.

Il remit, en outre, à M. le sénateur Vaïsse, chargé de l’administration du département du Rhône, une somme de cent mille francs, prise sur sa cassette particulière, pour être distribuée aux familles pauvres qui avaient le plus souffert.

Vingt-cinq mille francs furent également donnés par Lui au préfet de l’Isère, pour secourir les inondés de ce département.

Entre Lyon et Valence, l’Empereur s’arrêta dans toutes les villes frappées par l’inondation.

Il remit à Vienne dix mille francs; aux Roches-de-Condrieu, deux mille; à Tain, cinq mille; à Tournon, deux mille; à Valence, vingt mille; et vingt mille pour les inondés du département de la Drôme.

De Valence, Sa Majesté gagna Avignon; mais Elle ne put y pénétrer qu’en bateau. Là aussi, Elle laissa les traces de son inépuisable générosité, et les sommes ainsi distribuées, avec autant de discernement que de bonté, s’élèvent à plus d’un million.

Pendant que l’Empereur portait ses consolations et ses secours, l’Impératrice, émue comme Lui de tant d’infortunes, fit ouvrir immédiatement une souscription pour les soulager, et envoya vingt mille francs en son nom, et dix mille francs pour le Prince Impérial. Grâce à cette puissante initiative, la France entière, et même les souverains et les nations étrangères adressèrent de précieuses offrandes aux nombreuses victimes des inondations.

La plus grande partie d’Avignon était couverte par les eaux; l’Empereur voulut tout visiter, et dut monter dans un bateau, malgré de véritables dangers. Il en fut de même à Tarascon, où Sa Majesté parcourut en bateau cinq kilomètres de champs submergés au milieu d’arbres, de murs écroulés qui menaçaient de briser sa frêle embarcation.

Les habitants étaient réfugiés dans les étages supérieurs de leurs maisons baignées par les eaux. Nous renonçons à décrire l’enthousiasme et la reconnaissance excitées dans cette population par la visite inattendue de l’Empereur.

Rentré à Saint-Cloud le 5 juin, Sa Majesté e quitta le 6 pour porter d’autres secours et l’appui moral de sa présence aux inondés de la Loire.

Elle visita Orléans, Blois, Tours, puis Nantes, Laval, Angers, où les ouvriers des ardoisières, leurs femmes et leurs enfants, groupés sur les hauteurs, accueillirent son passage aux cris enthousiastes de: Vive l’Empereur!

La visite de Sa Majesté dans les départements inondés produisit sur les populations désolées une impression que nous sommes impuissants à pouvoir rendre.

Le cœur de Napoléon III ne le trompait pas en lui inspirant la pensée de courir spontanément sur le théâtre des désastres pour y exercer la plus douce prérogative de la puissance, celle de consoler le malheur.

Aussitôt l’Empereur de retour, Leurs Majestés Impériales quittèrent Saint-Cloud pour venir s’établir pendant quelques jours aux Tuileries, d’où Elles se rendirent à Notre-Dame à l’occasion du baptême de S. A. le Prince Impérial, né le dimanche 16 mars 1856, à trois heures du matin. Leurs Majestés revinrent au palais de Saint-Cloud aussitôt après cette auguste cérémonie.

En 1857, S. M. le Roi de Bavière, arrivé à Fontainebleau le 17 mai et logé aux Tuileries, fit une courte apparition le 4 juin au château de Saint-Cloud, et le 5 août suivant, S. M. l’Empereur quittait cette belle résidence avec l’Impératrice pour aller à Osborne rendre visite à S. M. la Reine d’Angleterre.

Le 12 août 1857, paraissait, daté de Saint-Cloud, un décret qui remplissait de joie les survivants de la merveilleuse épopée impériale en instituant la médaille de Saint-Hélène.

Ce décret est ainsi conçu;

«Voulant honorer, par une distinction spéciale, les militaires qui ont combattu sous les drapeaux de la France dans les grandes guerres de 1792 à 1815,

«Avons décrété et décrétons ce qui suit:

«Art. 1er. — Une médaille commémorative est donnée à tous les militaires français et étrangers des années de terre et de mer qui ont combattu sous nos drapeaux de 1792 à 1815. Cette médaille sera en bronze et portera, d’un côté, l’effigie de l’Empereur, de l’autre, pour légende: Campagnes de 1792 à 1815, à ses compagnons de gloire sa dernière pensée, 5 mai 1821.

«Elle sera portée à la boutonnière, suspendue par un ruban vert et rouge.»

Le 14 août, l’Empereur quitta Saint-Cloud pour les Tuileries, afin de faire, en personne, l’inauguration solennelle du nouveau Louvre, cette œuvre nationale commencée par François Ier, embellie par Henri II et terminée par Napoléon III.

En 1858, LL. MM. l’Empereur et l’Impératrice, et S. A. le Prince Impérial n’arrivèrent à Saint-Cloud que le 20 juin; huit jours après l’Empereur partait pour Plombières, puis il allait visiter les travaux d’installation du camp de Châlons, pendant que S. M. l’Impératrice et S. A. le Prince Impérial continuaient d’habiter le palais de Saint-Cloud.

Le 3 août, l’Empereur et l’Impératrice quittaient cette résidence, et parcouraient la Normandie et la Bretagne, au milieu des acclamations des populations accourues sur leur passage, et le 21 août, Leurs Majestés rentraient dans Saint-Cloud, émues de l’enthousiasme qu’Elles avaient rencontré sur leur route.

1859 vient de sonner, année féconde pour les destinées de la France, qui va s’augmenter de nouveaux territoires, grande année aussi pour son souverain, qui s’apprête à donner au monde entier le rare spectacle d’un vainqueur s’arrêtant au milieu d’une série continue de victoires et offrant la paix à un ennemi écrasé.

A la nouvelle de l’invasion du territoire sarde par 150,000 Autrichiens marchant droit sur Turin, l’Empereur avait envoyé en toute hâte 120,000 hommes au secours de son allié de Crimée, et lui-même quittait Paris le 10 mai. Jamais le tableau sublime et touchant de ce départ ne sortira de notre mémoire. Ceux qui, comme nous, ont vu l’Empereur traverser sa capitale ce jour-là se rappelleront éternellement l’attitude émue de la population accourue de toutes parts et se pressant autour de la voiture impériale en faisant retentir l’air des acclamations les plus enthousiastes. Les larmes baignaient les visages, les voix étaient tremblantes d’émotion. Ce n’était pas un cortége ordinaire que celui de cette foule se pressant sur les pas de son souverain; il y avait mieux, il y avait une famille qui venait donner un suprême adieu à son chef, à son père, qui l’accompagnait de ses plus ardentes sympathies et lui promettait son or jusqu’à la dernière pièce et le sang de ses enfants jusqu’à la dernière goutte pour chasser de ses frontières le puissant étranger qui les eût menacées s’il fût parvenu à détruire le Piémont.

Durant cette courte et magnifique campagne d’Italie commencée glorieusement à Palestro par le Roi Victor-Emmanuel, et terminée par l’Emreur à Solferino, S. M. l’Impératrice, nommée Régente de l’Empire, habita presque constamment Saint-Cloud avec le Prince Impérial.

Le 4 juin, Elle reçut les maires, les conseillers municipaux, les curés des communes voisines, les officiers de la garde nationale et du régiment de la garde; S. A. le Prince Impérial assistait à cette réception.

Le 18 juin parut un décret instituant, sous la présidence de l’Impératrice Régente, un comité chargé de centraliser le produit des sommes offertes dans le but de venir en aide aux blessés et aux familles de militaires et marins tués ou blessés à l’armée d’Italie, et de diriger l’emploi de ces dons. Ce décret, daté de Saint-Cloud, se termine ainsi:

«Pour l’Empereur

«Et en vertu des pouvoirs qu’il Nous a confiés,

«EUGÉNIE.»

Ce décret nommait comme membres du comité :

S. M. l’Impératrice Régente,

S. A. I. la princesse Marie-Clotilde-Napoléon,

S. A. I. la princesse Mathilde,

Madame la maréchale comtesse Vaillant,

Madame la maréchale duchesse de Malakoff,

Madame la maréchale comtesse Randon,

Madame la maréchale duchesse de Magenta,

Madame la maréchale comtesse Regnauld de Saint-Jean-d’Angély,

Madame l’amirale Parseval-Deschènes,

Madame l’amirale Hamelin,

S. Em. Monseigneur le cardinal archevêque de Paris,

M. le comte de Germiny, gouverneur de la Banque de France,

M. le baron Barbier, intendant de la Indivision militaire,

M. Davennes, directeur de l’Assistance publique.

Les troupes françaises venaient de passer le Mincio; le quartier général était venu s’établir à Valeggio. Les deux armées sarde et française n’attendaient qu’un signal pour continuer leur œuvre d’émancipation et arracher aux Autrichiens le quadrilatère et Venise, lorsque l’Empereur, cédant à des considérations politiques dont son admirable discours (que nous reproduisons dans le chapitre consacré au Salon de Mars) nous donnera la clef, crut devoir offrir la paix à l’empereur d’Autriche. Cette paix fut signée le 11 juillet à Valleggio.

Le 13 juillet, les membres du corps diplomatique s’empressèrent de venir individuellement offrir leurs félicitations à S. M. l’Impératrice Régente.

Le 16 juillet, l’Empereur rentrait au palais de Saint-Cloud, où Il entendait la messe à midi; et, malgré le plus strict incognito, Il avait reçu partout, sur la route, les témoignages les plus chaleureux de l’admiration et de la sympathie des populations heureuses et fières de saluer le vainqueur de Magenta et de Solferino.

Le 20 juillet, les grands corps de l’Etat, le corps diplomatique et les hauts dignitaires furent reçus par S. M. l’Empereur, entouré des grands officiers de service et ayant auprès de lui S. Exc. le Ministre des affaires étrangères. Nous retraçons le tableau de ces réceptions dans les chapitres consacrés aux salons où elles ont eu lieu.

Le 6 août suivant, l’Empereur partit pour le camp de Châlons, revint le 10 et quitta de nouveau Saint-Cloud avec S. M. l’Impératrice, pour se rendre dans les Hautes-Pyrénées.

Chaque année apporte à l’émotion publique de nouveaux aliments, de nouveaux dangers pour la paix du monde.

Le mois d’août 1860 venait à peine de commencer lorsque les horribles massacres de Syrie furent connus en France. Il n’y eut qu’un cri d’indignation pour flétrir Je fanatisme religieux des Musulmans et qu’une voix pour bénir le courage déployé, dans ces terribles journées, par l’émir Abd-el-Kader. Entouré de ses Algériens, l’émir lutta toute une semaine contre une armée de forcenés ivres de sang, de pillage, soutenus en secret par des chefs turcs se croyant assurés de l’impunité et ne respectant ni la vieillesse ni l’enfance. Pendant ces longues heures d’incendie, de carnage, Abd-el-Kader réussit à sauver dix à douze mille malheureux chrétiens; il leur donna un asile, des vêtements et du pain. Il recueillit les membres de la communauté des Lazaristes et les sœurs de Charité, dont les couvents brûlaient encore; enfin, sans sa tutélaire intervention, pas un chrétien peut-être n’eût échappé à la mort.

Un décret daté de Saint-Cloud, 5 août, élève l’émir à la dignité de grand-croix de l’ordre impérial de la Légion d’honneur, — «voulant donner à l’émir Abd-el-Kader, dit le décret, un témoignage du sentiment que nous a inspiré sa noble conduite à Damas. «Ce décret est contre-signé par M. Thouvenel, ministre secrétaire d’Etat au département des affaires étrangères.

Deux ans plus tard, M. Thouvenel se retirait devant des nécessités politiques, emportant dans sa retraite l’estime de tous pour la loyauté de son caractère et sa capacité hors ligne.

Une de ces lettres qui savent trouver le chemin du cœur qu’elles sont chargées de consoler et dont l’Empereur a le secret partait du palais de Saint-Cloud pour porter à M. Thouvenel la haute expression de l’estime et de l’attachement de Sa Majesté pour son ancien ministre. Cette lettre, nous la reproduisons:

«Saint-Cloud, le 15 octobre 1862.

«Mon cher monsieur Thouvenel, dans l’intérêt même de la politique de conciliation que vous avez loyalement servie, j’ai dû vous remplacer au ministère des affaires étrangères; mais, en me décidant à me séparer d’un homme qui m’a donné tant de preuves de son dévouement, je tiens à lui dire que mon estime et ma confiance en lui n’en sont nullement altérées.

«Je suis persuadé que, dans toutes les positions que vous occuperez, je pourrai compter sur vos lumières comme sur votre attachement, et je vous prie, de votre côté, de croire toujours à ma sincère amitié.

«NAPOLÉON.»

Cette même année 1862, l’Empereur et l’Impératrice étaient partis de Saint-Cloud où Ils avaient laissé le Prince Impérial, et Ils avaient consacré une partie de l’été à visiter, avec le plus bienveillant intérêt, les départements de la Nièvre, du Puy-de-Dôme et du Cher. De là l’Empereur avait gagné Vichy; tandis que S. M. l’Impératrice se rendait à Saint-Cloud auprès du jeune Prince.

En 1863, Leurs Majestés et S. A. le Prince Impérial n’arrivèrent à Saint-Cloud, le 7 juillet, que pour le quitter, l’Empereur se rendant de Fontainebleau à Vichy, et S. M. l’Impératrice allant le rejoindre le 23 juillet.

Le 14 août eut lieu, comme chaque année à l’occasion de la fête de l’Empereur, un bal fort brillant, avec l’intermède d’un feu d’artifice, où furent conviés un petit nombre d’invités. Il n’est pas parlé de cette fête dans le Moniteur.

C’est encore de Saint-Cloud que l’Empereur, accompagné de S. A. le Prince Impérial, s’est rendu, cette même année 1863, au camp de Châlons, le 17 août; Sa Majesté et Son Altesse Impériale revinrent au palais de Saint-Cloud le 26 août, suivies de S. A. R. le prince de Hohenzolern, de S. A. R. le prince Antoine et de S. A. le prince Murat, ainsi que de S. Exc. le maréchal O’Donnell, duc de Tétouan, et du général Hamilton, de l’armée anglaise.

Comme on vient de le voir dans cette esquisse rapide des principaux événements qui se sont passés au palais de Saint-Cloud, cette résidence s’est trouvée associée à tous les grands drames de notre histoire. Nous n’avons dû faire entrer, dans ce récit général, que les faits qu’il était impossible de rattacher avec certitude à tel ou tel salon.

Les autres, le lecteur les rencontrera sur son chemin, en arrivant à la pièce où ils se sont déroulés.

En tête de l’ouvrage, nous avons placé un plan du premier étage.

C’est là que sont situés les grands appartements, les plus intéressants, et les seuls que le public soit admis à visiter.

Sur ce plan, à chaque pièce, se trouve un numéro se rapportant à un même numéro d’ordre indiqué dans la légende explicative placée au bas; de cette façon, tout visiteur, fût-il sans guide et complétement étranger au palais, pourra le parcourir et connaître l’histoire de chaque salon sans crainte de se tromper.

Pour que notre plan soit parfaitement exact, nous avons pris le soin de le faire graver d’après un plan établi par l’Administration du domaine de la Couronne.

Palais de Saint-Cloud, résidence impériale : domaine de la Couronne

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