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CHAPITRE III
LA DUCHESSE ET LE CHEVALIER
ОглавлениеComme toujours, le cardinal de Richelieu avait été exactement renseigné. C’était bien dans une simple gentilhommière située aux alentours du château de Chevreuse, qu’Anne d’Autriche, sur le point d’être mère, était venue se cacher. Sa meilleure amie, la duchesse de Chevreuse, l’une des femmes les plus jolies et, à coup sûr, la plus intelligente et la plus spirituelle de son temps, lui avait ménagé cette retraite où toutes les précautions avaient été prises pour que l’événement se passât dans le plus grand mystère.
Il avait d’abord été convenu qu’en dehors d’elle et une sage-femme, qu’elle avait fait venir de Touraine et qui, par conséquent, ne connaissait point la future accouchée, nul n’approcherait la reine.
Anne d’Autriche, confinée dans une chambre située au premier étage, tout au fond d’un couloi roù nul n’avait le droit de s’aventurer, attendait, non sans angoisse, l’heure de la délivrance.
Ce soir-là, après avoir apporté elle-même à la reine son repas du soir et l’avoir réconfortée par quelques-unes de ces paroles affectueuses et enjouées dont elle avait le secret, la duchesse était descendue dans un modeste salon du rez-de-chaussée, d’où elle pouvait surveiller, à travers les fenêtres donnant sur un jardin, les allées et venues des rares domestiques de la maison.
Bientôt, il lui sembla entendre un bruit de pas sur le gravier. Elle ne se trompait pas. Moins de deux minutes après un laquais introduisit dans le salon le comte Capeloni qui, tout en saluant, dit à la duchesse :
– Je vous apporte, je crois, une nouvelle qui va doublement vous faire plaisir.
– Laquelle donc, monsieur de Mazarin ?
L’amant d’Anne d’Autriche répliqua aussitôt :
– J’ai trouvé l’homme qu’il nous faut et, cet homme, vous le connaissez !
– Son nom ?
– Le chevalier Gaëtan de Castel-Rajac !…
– Quelle est cette plaisanterie ? s’écria la belle Marie.
– Je ne plaisante pas, affirma l’Italien… J’ai soupé tout à l’heure avec ce gentilhomme et, ayant appris qu’il était venu ici pour vous retrouver…
– Il connaissait donc mon nom ? interrompit Mme de Chevreuse.
– Il n’a même pas été très long à le découvrir, car il ne manque ni de charme… ni de finesse.
Feignant un vif mécontentement, la duchesse s’écria :
– Alors, il a eu l’insolence de vous raconter…
– Il a été au contraire d’une discrétion admirable, affirma Mazarin. C’est moi qui lui ai tiré les vers du nez.
– Cela ne m’étonne pas de vous, déclara Marie, car vous seriez capable de faire parler une statue. Mais continuez.
– J’ai promis au chevalier de Castel-Rajac que vous le recevriez dans une heure.
– Monsieur de Mazarin, vous mettez le comble à vos impertinences.
– Madame la duchesse, ne soyez point courroucée, je vous en prie. Vous qui êtes la bonté, la générosité mêmes, vous ne pouvez décourager un amoureux qui vous est resté fidèle depuis de si longs mois et n’a pas hésité à quitter sa famille et à faire un voyage aussi hasardeux pour s’en venir tout simplement apercevoir de loin votre adorable silhouette. Et puis, laissez-moi vous le dire, bien que vous exerciez encore sur vos amis de si terribles ravages, je ne crois pas que vous ayez encore inspiré un amour aussi franc, aussi puissant que celui dont brûle pour vous ce jeune et intrépide Gascon. Je suis certain que vous lui demanderiez de sacrifier sa vie pour vous qu’il n’hésiterait pas une seconde à le faire.
– Je n’ai nullement cette intention, déclara Marie de Rohan.
– Vous ne seriez peut-être pas fâchée de rencontrer, pour vous accompagner au cours du voyage très périlleux que vous allez entreprendre, un cavalier dont vous avez déjà pu apprécier la bravoure, la loyauté et… le dévouement !
– Je vous comprends, déclara la duchesse, devenue pensive. Ce n’est peut-être point une mauvaise idée !
Et, d’un ton qui n’était pas exempt d’une certaine ironie, elle ajouta :
– Puisque vous, monsieur de Mazarin, vous ne pouvez pas m’accompagner !…
– Dieu sait si j’en suis désolé, s’écria l’Italien avec toutes les apparences de la sincérité. Mais vous n’ignorez pas que Sa Majesté la reine l’a interdit et qu’Elle tient absolument, en cas d’alerte toujours possible, que je sois auprès d’elle.
La belle Marie se taisait. Sans doute réfléchissait-elle à la proposition que venait de lui faire son interlocuteur car la charmante amie d’Anne d’Autriche avait conservé un excellent souvenir du bref et tendre moment qu’elle avait passé en compagnie de l’ardent Méridional.
Il ne lui en avait pas fallu davantage pour se rendre compte que si Castel-Rajac était un gentilhomme vaillant et sûr entre tous, il était aussi un de ces amants qu’il n’est point donné à une amoureuse de rencontrer souvent sur sa route.
Mazarin l’observait du coin de l’œil. On eût dit qu’il devinait toutes ses pensées ; car, à mesure que Mme de Chevreuse se plongeait dans ses réflexions, un sourire de satisfaction entrouvrait ses lèvres.
Redressant son joli front qu’encadraient ses cheveux blonds d’une auréole de boucles naturelles, Marie lança, sur un ton de parfaite bonne humeur :
– Décidément, monsieur de Mazarin, vous avez encore et toujours raison. Faites savoir au chevalier de Castel-Rajac que je l’attends.
L’Italien riposta aussitôt :
– Madame, il sera ici dans une demi-heure.
Et, s’inclinant avec grâce devant la charmante femme, il se retira aussitôt.
Demeurée seule, Mme de Chevreuse quitta le salon, remonta l’escalier et s’en fut doucement frapper à la porte de la chambre où se cachait Anne d’Autriche. L’huis s’entrebâilla doucement, laissant apercevoir seulement la tête de la sage-femme, qui ne quittait plus le chevet de la reine, dans l’attente d’un événement qui ne pouvait plus tarder. C’était une paysanne au visage énergique et intelligent, qui semblait avoir une claire conscience de sa valeur.
– Comment va mon amie ? interrogea à voix basse Marie de Rohan.
– Elle repose, répondit la sage-femme, en adoucissant son timbre qui n’était point sans rappeler celui d’un chantre de paroisse.
Et elle ajouta, avec l’air assuré de quelqu’un qui ne se trompe jamais :
– Ce sera pour cette nuit !
Sans rien ajouter, elle referma la porte au nez de la duchesse et cela semblait nettement signifier qu’elle entendait qu’on la laissât en paix.
Mme de Chevreuse n’hésita pas. Ce n’était ni le moment ni l’occasion de mécontenter cette femme persuadée qu’elle avait été appelée auprès d’une dame du monde désireuse de cacher à son mari une maternité dont il était impossible de rendre celui-ci responsable.
La situation demandait, en effet, une extrême prudence. Soulever le moindre incident, n’était-ce pas risquer de provoquer le plus effroyable scandale qu’ait jamais eu à enregistrer la Cour de France ?
La duchesse était trop fine mouche pour ne pas éviter, par tous les moyens, un esclandre qui eût à jamais déshonoré sa reine, sa meilleure amie, et lui eût peut-être coûté, à elle, la prison perpétuelle. Elle se contenta de songer :
« Si cette femme pouvait dire vrai ! Car plus vite l’enfant viendra au monde, plus tôt notre sécurité à tous sera assurée. »
Et, tout en descendant l’escalier, elle se prit à murmurer :
– Ce diable de Mazarin aurait mieux fait de rester en Italie !
Elle regagna le salon qui était maigrement éclairé par des bougies plantées dans des appliques en bronze doré fixées de chaque côté d’une vaste glace surmontant une haute cheminée. Poussée par un mouvement de coquetterie bien féminine, elle s’approcha du miroir et s’y regarda avec plus de sévérité que de complaisance. Cet examen fit envoler aussitôt les doutes qu’elle pouvait avoir sur son pouvoir de séduction.
Jamais, en effet, elle n’avait été plus séduisante.
– Allons, se dit-elle, mon jeune chevalier ne me trouvera pas changée à mon désavantage et, ainsi que le prétend Mazarin, je crois que je vais pouvoir en faire, non pas mon chevalier, mais mon esclave, car, moi, ayant tout à lui accorder, il n’aura rien à me refuser.
Une demi-heure après, ainsi que l’avait annoncé l’Italien, on frappait de nouveau à la porte du salon et Mazarin se présentait avec Castel-Rajac, qui, pendant le temps qu’il était resté à l’hostellerie de Dampierre, en avait profité pour faire un brin de toilette, s’épousseter, et réparer le désordre de ses vêtements et de son abondante chevelure noire.
Maintenant, toute hardiesse l’avait abandonné. Il n’était plus qu’un amoureux effaré de la bonne fortune inattendue qui lui tombait du ciel et, oubliant même de saluer la dame de ses pensées, il demeura immobile, pour une fois muet de saisissement.
Ses yeux clairs et ardents exprimaient de si tendres sentiments que, plus émue qu’elle ne voulût le paraître et désireuse de le mettre tout de suite à son aise, Mme de Chevreuse s’avança vers lui, et dit simplement :
– Est-il vrai, chevalier, que vous eussiez fait le voyage d’Agen jusqu’ici uniquement pour me revoir ?
– Oui, madame, répondit timidement le jeune Gascon, en cherchant des yeux le pseudo-comte Capeloni, qui, telle une ombre discrète, s’était déjà évanoui.
Affectant un ton de reproche, la duchesse poursuivit :
– Savez-vous, monsieur le chevalier, que vous avez agi envers moi avec une étourderie qui frise l’impertinence.
– Oh, madame !
– Et que je serais en droit de vous en vouloir vivement. Mais rassurez-vous, je vous pardonne. Car je ne vous cacherai point que, non seulement je ne vous avais pas complètement oublié, mais que j’ai éprouvé, en vous retrouvant, un plaisir non moins égal au regret que j’avais ressenti d’être obligée de vous quitter si promptement.
– Ah ! madame, s’écria Gaëtan, auquel ces quelques mots avaient suffi pour rendre tout son aplomb, vous ne pouvez vous imaginer à quel point je suis heureux de vous entendre me parler ainsi. Il me semble que je vis un rêve.
» Ah ! vous voir, vous entendre ! Certes, depuis l’an passé votre voix aux inflexions harmonieuses n’avait cessé de chanter à mes oreilles ; mais ce n’était qu’un souvenir, qu’une illusion, tandis que vous êtes là, près de moi ; il me suffirait d’étendre la main pour toucher la vôtre. Ah ! madame, je vous en prie, laissez-moi vous admirer, vous adorer en silence, car, vraiment, je suis incapable de trouver les mots qu’il faudrait pour vous exprimer mon amour… Je crois même qu’il n’en est pas sur terre…
Et, tout en disant, Castel-Rajac se pencha vers la duchesse qui, reconquise de nouveau par cette ardeur juvénile et si sincère, le contemplait, elle aussi, prête à s’abandonner de nouveau.
Tout à coup, le visage du jeune Gascon s’assombrit. Un pli d’amertume tordit sa bouche et un léger soupir gonfla sa poitrine.
– Qu’avez-vous ? interrogea Marie de Rohan.
– Je songe, hélas ! que mon rêve est éphémère et qu’il va bientôt se briser en éclats.
Tout en lui souriant, la duchesse lui dit doucement :
– Et si je vous donnais le moyen de le prolonger ?
– Pendant longtemps ?
– Plus longtemps, peut-être, que vous ne l’imaginez !
– Oh ! madame, vous seriez la plus généreuse…
– Écoutez-moi, mon ami… Bien que vous vous soyez montré à mon égard d’une indiscrétion que je reconnais, d’ailleurs, fort excusable…
– Madame, vous permettez ? interrompit le Gascon.
– Dites !
– Je vous avais juré de ne point interroger vos serviteurs, mais je ne vous avais nullement promis de ne point questionner les autres personnes qui étaient à même de me donner sur vous les renseignements que la passion que vous m’aviez inspirée me forçait à leur demander.
Tout en accentuant son sourire, Mme de Chevreuse poursuivit :
– Le gentilhomme qui vient de vous amener ici avait raison.
– Le comte Capeloni…
– Oui. Il me disait que vous étiez plein de finesse.
– Ce n’est pas ma faute. Dans tout l’Agenais, nous sommes ainsi.
– Ne vous en défendez pas, c’est une qualité de plus à votre actif et je suis la dernière à m’en plaindre. D’autant plus que vous survenez ici à un moment où j’ai besoin d’avoir à mes côtés un ami, un défenseur qui allie à un courage absolu une adresse sans égale.
– Madame, vous me faites peur, observa le Gascon.
– Pourquoi donc ?
– Un dévouement sans limites, j’en suis capable, surtout quand c’est vous qui me le demandez… Un courage absolu, mon Dieu, je ne voudrais pas avoir l’air de me vanter, mais, mordious ! je crois que je le possède. D’ailleurs, parmi les Gascons, c’est une qualité qui n’a rien d’exceptionnel. Nous sommes tous braves en naissant et on ne peut faire moins en grandissant de le devenir davantage ?
» Quant à l’adresse sans égale, ça, madame, je ne veux pas trop m’avancer. Il me suffit de vous dire que je ferai de mon mieux pour vous servir.
– J’en suis sûre, répondit la duchesse et voilà pourquoi je n’hésite plus un seul instant à vous révéler ce que j’attends de vous.
Le jeune Gascon était tellement empoigné par son interlocutrice et tellement désireux de ne point perdre la moindre parole qu’elle allait prononcer, qu’il s’avança encore vers Marie, jusqu’à la toucher.
– Mon cher chevalier, attaqua-t-elle, vous avez peut-être été surpris de constater que je vous recevais dans cette vieille maison…
– Pas du tout, protesta Gaëtan. L’amour n’adore-t-il pas le mystère ?
– Et même, souligna la duchesse, il l’ordonne, parfois… Mais ce n’est point là le vrai motif qui fait que nous nous sommes rencontrés ici. Une de mes amies a eu l’imprudence de se laisser conter fleurette par un galant pendant l’absence d’un mari parti pour un long voyage. Il en est résulté pour la pauvre femme des suites telles qu’il est absolument indispensable de les dissimuler à tous. Aussi est-elle venue se cacher dans cette maison qui m’appartient et où tout a été préparé de façon que personne n’y soupçonne sa présence.
Tout en baissant la voix, comme pour donner plus de poids à sa révélation, Mme de Chevreuse ajouta :
– L’enfant va naître cette nuit.
La figure de Castel-Rajac s’éclaira d’un franc sourire et, sur un ton plaisant, il s’écria :
– Ah ça ! madame, auriez-vous l’intention de m’en faire endosser la paternité ?
– Pas du tout, répliqua Mme de Chevreuse, en partageant la gaieté de son amoureux. Il s’agit seulement que vous m’aidiez à le faire disparaître…
– Mordious !
– Quand je dis « disparaître », j’emploie un terme impropre, car mon amie tient essentiellement à ce que cet enfant, qu’elle ne peut garder près d’elle, soit bien élevé, bien traité et n’ait surtout que de bons exemples sous les yeux.
– Très bien, approuvait le Gascon.
Marie de Rohan reprenait :
– Aussi, lorsque votre ami l’Italien…
– Le comte ?
– Oui, le comte, est venu m’annoncer qu’il avait soupé avec vous dans une hostellerie de Dampierre, tout de suite j’ai pensé que vous m’étiez envoyé par la Providence.
– Madame, déclarait Gaëtan, je ne demande pas mieux de faire pour ce petit tout ce qu’il dépendra de moi, puisque c’est vous qui me le demandez… Mais je ne puis, pourtant, être sa nourrice !
Tout en lui donnant une tape amicale sur la main, la duchesse, de plus en plus amusée, reprenait :
– Je ne vous le demande pas non plus ! Je désirerais plutôt que vous soyez son grand frère, et que, l’élevant à votre image, vous en fassiez, non pas un freluquet de Cour, mais un fier et beau gentilhomme, et que vous soyez toujours prêt à le défendre au cas où il serait menacé.
– Madame, dit Castel-Rajac, gravement, cette fois, la mission que vous me faites l’honneur de me confier est trop noble pour que je ne l’accepte pas sur-le-champ. Je me charge de l’enfant ! Je m’engage à tout mettre en œuvre pour qu’il soit un jour ce que vous désirez. Mais, par exemple, je me demande où et comment je vais l’emporter ?
– Écoutez-moi, demanda Mme de Chevreuse, devenue, elle aussi, très sérieuse. Dès que l’enfant sera venu au monde, nous partirons immédiatement pour votre pays.
– Nous partirons ! s’exclama le chevalier, en tressaillant d’allégresse.
– Oui, précisa la belle Marie. L’enfant, la femme qui doit lui donner le sein pendant le voyage, vous et moi.
– Dieu soit loué ! s’exclama le Gascon avec enthousiasme.
– Vous le remercierez encore bien davantage, insinua Mme de Chevreuse, lorsque je vous aurai dit que mon séjour dans votre pays est appelé à se prolonger assez longtemps pour que nous ayons l’occasion de nous rencontrer très souvent.
– Tous les jours, je l’espère…, déclara galamment Castel-Rajac.
Mme de Chevreuse, se redressant, dit d’un ton presque solennel qui contrastait avec ses précédentes allures si gentiment familières :
– Maintenant, chevalier, je me vois dans l’obligation d’exiger de vous un serment, celui de ne chercher jamais à savoir quel est l’enfant que je vous confie et pour lequel on vous fera parvenir chaque année une somme destinée à son entretien.
– Madame, répliqua Castel-Rajac, l’enfant, je l’accepte, mais, la somme, je la refuse. Moi, je ne fais pas les choses à moitié. Nous ne sommes pas riches, là-bas, mais on y vit bien et à peu de frais. Et puis, croyez-moi, si vous voulez qu’un jour cet enfant me ressemble, il ne faut pas qu’il soit élevé dans un luxe qui engendre fatalement la mollesse ; il faut, au contraire, qu’il soit trempé, comme nous le sommes tous, dans ce bain de soleil qui nous rend beaucoup plus riches en sang, en bravoure, en audace et en gaieté, que tous les louis d’or que pourrait contenir une galère royale.
– Je suis heureuse de vous entendre parler ainsi, s’écria Marie de Rohan.
– Je vous ai dit ce que je pensais.
– Décidément, nous sommes faits pour nous entendre.
Et, tout en enveloppant le jeune Gascon d’un regard plein d’amoureuse admiration, elle lui dit :
– Lorsque j’aurai appris à mon amie à qui je confie son enfant, ce sera pour elle un grand réconfort de le savoir entre vos mains.
– Ah ! madame, vous pourrez lui dire d’être bien tranquille et que je serai trop heureux, lorsqu’elle viendra l’embrasser, de lui prouver que je sais tenir une parole.
– Hélas ! mon ami, reprit Mme de Chevreuse, mon amie n’aura même pas cette consolation.
– Pourquoi ?
– Parce que… Mais, je vous en prie, ne m’interrogez pas, car je ne puis pas vous en dire davantage…
– Oui, c’est vrai…
Le regard comme illuminé par une flamme, Castel-Rajac, le front haut, s’écria :
– Chez nous, madame, quand on fait un serment, c’est toujours l’épée nue à la main.
Et, tirant sa rapière de son fourreau, il l’étendit en disant :
– Je jure de respecter le secret de cette mère, comme je jure d’être un frère pour son enfant.
Et, d’un geste large, il replaça sa lame dans le fourreau.
Alors, n’écoutant plus que son cœur qui, maintenant, ne battait plus que pour son beau chevalier, la duchesse de Chevreuse se jeta dans ses bras et tous deux échangèrent un long et ardent baiser.