Читать книгу Mémoires du Baron de Bonnefoux, Capitaine de vaisseau, 1782-1855 - Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux - Страница 7
LIVRE II
ENTRÉE DANS LA MARINE. – CAMPAGNES MARITIMES SOUS LA RÉPUBLIQUE ET SOUS L'EMPIRE
CHAPITRE III
ОглавлениеSommaire: Je suis nommé second du cutter le Poisson-Volant, puis je reviens sur le Dix-Août. – Ce vaisseau est désigné pour faire partie de l'escadre du contre-amiral Ganteaume, chargée de porter des secours à l'armée française d'Égypte. – L'escadre part de Brest. – Prise d'une corvette anglaise en vue de Gibraltar. – Les indiscrétions de son équipage. – Le surlendemain, le Jean-Bart et le Dix-Août, capturent la frégate Success, qui ne se défend pas. – Chasse appuyée par le Dix-Août au cutter Sprightly. – Je suis chargé de l'amariner. – L'amiral change brusquement de route et rentre à Toulon. – Le commandant Bergeret quitte le commandement du Dix-Août; il est remplacé par M. Le Goüardun. – Mécontentement du premier Consul. – Ordre de partir sans retard. – L'escadre met à la voile. – Abordage du Dix-Août et du Formidable, dans le sud de la Sardaigne. – Graves avaries. – Relâche à Toulon. – L'amiral reçoit l'ordre de participer à l'attaque de l'île d'Elbe. Bombardement des forts. – Assaut. – Je commande un canot de débarquement. – Soldat tué par le vent d'un boulet. – Prise de l'île d'Elbe. – L'amiral Ganteaume débarque ses nombreux malades à Livourne. – Il fait passer ses 3.000 hommes de troupes sur quatre de ses vaisseaux et renvoie les trois autres sous le commandement du contre-amiral Linois. – Le moral des équipages et des troupes. – Le premier Consul accusé d'hypocrisie. – Digression sur le duel. – L'escadre passe le détroit de Messine, et arrive promptement en vue de l'Égypte. – À la surprise générale, l'amiral ordonne de mouiller et de se préparer à débarquer à 25 lieues d'Alexandrie. – Apparition de deux bâtiments anglais au coucher du soleil. – L'escadre appareille la nuit. – Un mois de navigation périlleuse sur les côtes de l'Asie-Mineure et dans l'Archipel. – Retour sur la côte d'Afrique, mais devant Derne. – Nouvel ordre de débarquement et nouvelle surprise des officiers. – Verbois, Hugon et moi, nous commandons des canots de débarquement. – À 50 mètres du rivage, l'amiral nous signale de rentrer à bord. – Fin de nos singulières tentatives de secours à l'armée d'Égypte. – Retour à Toulon. – Souffrance des équipages et des troupes. – La soif. – Rencontre à quelques lieues de Goze, du vaisseau de ligne de 74, Swiftsure. – Combat victorieux du Dix-Août contre le Swiftsure. – Pendant le combat, je suis de service sur le pont, auprès du commandant. – Mission dans la batterie basse. – Le porte-voix du commandant Le Goüardun. – Le point de la voile du grand hunier. – Paroles que m'adresse le commandant. – Capture du Mohawk. – Arrivée à Toulon. – Grave épidémie à bord de l'escadre et longue quarantaine. – La dysenterie enlève en deux heures de temps mon camarade Verbois couché à côté de moi dans la Sainte-Barbe. – Je le regrette profondément. – Fin de la quarantaine de soixante-quinze jours. – Le commandant Le Goüardun demande pour moi le grade d'enseigne de vaisseau. – Histoire de l'aspirant Jérôme Bonaparte, embarqué sur l'Indivisible. – Les relations que j'avais eues avec lui à Brest, chez Mme de Caffarelli. – Après la campagne, il veut m'emmener à Paris. – Notre camarade, M. de Meyronnet, aspirant à bord de l'Indivisible, futur grand-maréchal du Palais du roi de Wesphalie. – Paix d'Amiens. —Le Dix-Août part de Toulon pour se rendre à Saint-Domingue. – Tempête dans la Méditerranée. – Naufrage sous Oran, d'un vaisseau de la même division, le Banel. – Court séjour à Saint-Domingue. – Retour en France. – À mon arrivée à Brest, M. de Bonnefoux me remet mon brevet d'enseigne de vaisseau. – Commencement de scorbut. – Histoire de mon ancien camarade Sorbet. – Congé de trois mois. Séjour à Marmande et à Béziers. – L'érudition de M. de La Capelière. – Je retourne à Brest, accompagné de mon frère, âgé de quatorze ans, qui se destine, lui aussi à la marine.
Les campagnes de Bertheaume étaient trop insignifiantes pour que M. de Bonnefoux me les laissât faire longtemps; il me fit donc passer sur le cutter le Poisson-Volant, destiné à protéger nos convois dans la Manche, et il m'y embarqua comme commandant en second. Je craignis, d'abord, d'être embarrassé de tant d'autorité; mais tout allait assez bien, lorsque sept vaisseaux furent désignés par le consul Bonaparte pour aller porter des secours à l'armée qu'il avait abandonnée en Égypte. Le Dix-Août étant un de ses vaisseaux, j'y retournai avec empressement. J'y retrouvai mes anciens camarades, moins Moreau, mais plus Louin et Desbois, deux très bons jeunes gens de La Guerche81. Louin se retira du service, à la paix d'Amiens. Desbois a péri dans ses navigations, victime du climat des colonies; tu vois que la mort a terriblement moissonné dans nos rangs.
Cette armée d'Égypte était dans un état déplorable. Kléber, qui en avait pris le commandement après le départ de Bonaparte, avait été assassiné. Menou, qui l'avait remplacé, n'avait pas ce qu'il fallait pour remonter le moral d'hommes courroucés de l'abandon de leur premier général; et les généraux en sous-ordre, consternés de la mort de Kléber, ne pouvaient s'accorder ni entre eux, ni avec Menou, et ils revenaient en France dès qu'ils le pouvaient. Les vivres, les vêtements, les armes, les munitions, tout manquait, en Égypte, à nos soldats; le pays était en hostilité permanente; les ports étaient bloqués par des vaisseaux anglais; enfin, une armée de cette nation, débarquée sur le sol africain, faisait cause commune avec le pays.
Dans cet état, sept vaisseaux portant 3.000 hommes de troupes étaient bien peu de chose; aussi crut-on que le Consul voulait, seulement, paraître se rappeler ses compagnons d'armes. Ces vaisseaux étaient commandés par le contre-amiral Ganteaume82 montant l'Indivisible, et ayant sous ses ordres le contre-amiral Linois83, montant le Formidable, de 80 canons comme l'Indivisible84.
Sous Gibraltar, nous fûmes aperçus par des navires garde-côtes anglais. Dès le lendemain, au point du jour, une corvette anglaise se trouva à portée de canon de notre escadre. Elle ne résista pas et fut prise. Quelques indiscrétions nous firent savoir qu'à notre apparition le commandant de Gibraltar avait expédié ce bâtiment et deux autres qui étaient prêts, pour porter, dans toute la Méditerranée, la nouvelle de notre présence dans cette mer. Les deux autres bâtiments étaient la frégate Success et le cutter Sprightly. Admirons, toutefois, notre heureuse étoile. Le surlendemain, nous rencontrâmes la frégate que, malgré sa marche distinguée, le Jean-Bart et le Dix-Août atteignirent et réduisirent promptement; car elle ne se défendit en aucune manière; et, peu après, le Dix-Août aperçut et chassa le cutter.
D'abord il nous gagna et sembla devoir nous échapper. Le commandant Bergeret prévit que le temps faiblirait dans la soirée, qu'alors le Sprightly serait en calme, tandis que nos voiles hautes, beaucoup plus élevées que les siennes, porteraient encore. Il persista donc, et il fit bien, puisque, avant la nuit, ce bâtiment était à nous. J'y fus envoyé pour l'amariner; mais, comme l'amiral ne voulut pas l'adjoindre à son escadre, il l'expédia pour Malaga; ainsi je n'en gardai pas le commandement; ce fut un chef de timonerie qui fut chargé de cette mission de quelques heures.
Qui n'aurait cru, d'après cela, que nous allions continuer notre route avec diligence et sécurité? Il n'en fut pas ainsi: trois voiles furent vues, un soir, qui ne furent ni chassées ni reconnues, et que nous ne revîmes pas le lendemain. Leur aspect fit changer les projets de l'amiral, qui prit, aussitôt, la direction de Toulon, où il arriva85, et où il fut abandonné par deux capitaines, étonnés sans doute de cette rentrée. M. Bergeret était l'un d'eux. Quel vide il nous laissa et comme je le regrettai! Toutefois il fut remplacé par M. le Goüardun86, homme du monde, peu marin, mais très brave, très poli, très spirituel. Avant de quitter définitivement son bord, le commandant Bergeret nous fit appeler, Hugon et moi, pour nous embrasser et nous faire un cadeau d'adieu. Le mien fut le hamac de matelot dans lequel le commandant Bergeret couchait habituellement et quelques Essais sur la tactique navale, qu'il avait écrits pendant la campagne de Bruix.
Par l'un, il semblait me dire qu'un marin ne devait jamais être assez bien couché pour que la vigilance lui fût difficile; et, par son manuscrit, que, quels que fussent les devoirs que l'on eût à remplir, il fallait disposer l'emploi de son temps, de manière à pouvoir toujours donner quelques moments à l'étude. Excellentes leçons, et que je n'ai point oubliées; heureux de les avoir reçues d'un tel chef!
Bonaparte se montra mécontent de notre relâche, et il fallut partir presqu'aussitôt87. Nous naviguions, à dix heures du soir, dans le sud de la Sardaigne; je travaillais, à la lueur du fanal de la Sainte-Barbe, à quelques calculs nautiques avec Hugon, lorsqu'au milieu d'une violente secousse, un bruit effroyable se fit entendre: «Du canon», me dit Hugon; «Oui», lui répondis-je, «ou bien un abordage»; et déjà nous étions sur le pont. Quel spectacle! le Formidable et nous, nous nous étions abordés, fort maladroitement, à ce qu'il paraît. Nous avions perdu le mât de beaupré, et le Formidable celui d'artimon. Dans la nuit, le vent fraîchit; il nous portait droit sur les côtes de la Barbarie; mais heureusement qu'au point du jour il changea. La nuit fut bien pénible; la pluie entravait nos travaux et nous faisait beaucoup souffrir. Pour ma part, j'y contractai un rhumatisme au bras droit, qui ne s'est dissipé que pendant mes longues campagnes subséquentes des pays chauds de l'Inde.
Aujourd'hui de telles avaries se répareraient à la mer; alors nous étions moins expérimentés, surtout plus mal approvisionnés; nous rentrâmes donc à Toulon pour nous remettre en état.
Même mécontentement du Consul, qui nous fit repartir avec ordre de prêter, en passant, notre secours aux troupes qui attaquaient l'île d'Elbe et ses forts; nous nous y rendîmes, en effet, et tous les soirs nos vaisseaux défilaient, mettaient en panne devant ces forts et les canonnaient; ceux-ci ripostaient; mais c'était plus de bruit que d'effet, et il en résultait peu de dommage. L'assaut fut enfin résolu; l'amiral envoya un renfort de troupes, et je commandais un canot de débarquement. En passant sous un fort, son feu se dirige sur nous; un de nos soldats se lève entre les bancs des rameurs, et le voilà qui gesticule, menace l'ennemi, crie et s'agite. Ses mouvements gênent le jeu des avirons, et je lui donne ordre de s'asseoir; il fait semblant de ne pas m'entendre; je me lève à mon tour; je vais à lui, et, j'allais le prendre au collet, lorsqu'une volée très bien nourrie passe au-dessus du canot; le soldat, alors, s'abaisse, et il paraît se coucher au fond de l'embarcation. Le pauvre homme! nous vîmes, en débarquant, qu'il ne s'était pas couché de peur… il était mort, et il n'avait pas été atteint. Un boulet était passé entre sa figure et mon bras; l'action violente de ce boulet avait opéré sur sa respiration, du moins, on le dit ainsi; et il avait cessé de vivre.
L'île d'Elbe devint une conquête de Bonaparte, qui la perdit ensuite, et qui, plus tard, y subit un premier exil en face de cette autre île où il avait reçu le jour. Quant à nous, reprenant nos troupes, nous songeâmes à achever notre mission.
Cependant nous avions beaucoup de malades; nos bâtiments étaient mal armés; aussi l'amiral, débarquant ses malades à Livourne, jugea que le reste des soldats pourrait se placer sur quatre vaisseaux; il choisit les quatre meilleurs voiliers, les pourvut aux dépens des trois autres88, se dirigea vers le détroit appelé le phare de Messine et renvoya trois vaisseaux, sous le commandement de l'amiral Linois qui, plus tard, eut avec eux, à Algésiras89, un très beau combat, où il triompha de forces anglaises plus que doubles des siennes.
Le moral de nos équipages et de nos passagers était très affecté; on allait jusqu'à dire que Bonaparte se souciait fort peu de l'armée d'Égypte, qu'il ne voulait faire qu'une démonstration; et, en effet, il y avait lieu de le penser: d'abord, à cause de l'insignifiance de l'armement et de la singularité de l'avoir expédié de Brest plutôt que de Toulon; ensuite, en raison du simple mécontentement du Consul (lui qui était si absolu!), du départ toléré de deux bons capitaines, de la continuation de confiance accordée à l'amiral Ganteaume, du temps, pour ainsi dire perdu devant l'île d'Elbe, enfin du morcellement de nos forces. Plus tard cette opinion devint encore plus probable lorsque, l'Égypte ayant été conquise par les Anglais, nos soldats rendus à la paix d'Amiens furent aussitôt envoyés à Saint-Domingue, où le climat, les fatigues et la fièvre jaune les détruisirent presque tous. Il en fut de même des soldats de Moreau, qui eut des torts réels avec Bonaparte, mais qui fut traité par lui avec une grande dureté. Ces soldats avaient conservé un attachement touchant à leur général; Napoléon leur fit expier cet attachement aux mêmes lieux où succombèrent ceux qui l'avaient accompagné en Égypte, et qui avaient murmuré d'y avoir été abandonnés.
Je ne veux certainement pas atténuer les grandes choses que le Consul fit à cette époque; mais ce sont ces taches qui, ensuite, l'ont fait juger sévèrement par des esprits supérieurs. Mme de Staël, entre autres, dans ses sublimes Considérations sur la Révolution française, dit expressément de lui: «Il n'eut pas même cette sagesse commune à tout homme au milieu de la vie, quand il voit s'approcher les grandes ombres qui doivent bientôt l'envelopper: une seule vertu, et c'en était assez pour que toutes les prospérités humaines s'arrêtassent sur sa tête; mais l'étincelle divine n'était pas dans son cœur!» Chateaubriand et l'abbé Delille en ont parlé avec la même sévérité.
S'il est une carrière où il soit facile aux chefs de favoriser ceux qu'ils veulent avancer, c'est, sans doute, la Marine, car on ne peut guère y obtenir de grades qu'en allant à la mer sur des bâtiments de choix ayant des missions importantes, et qu'en en changeant à volonté. Les sept huitièmes des officiers n'ont pas cette facilité; mais ceux qui, tenant aux hommes élevés par leur rang ou par leur crédit, peuvent s'en prévaloir, sont presque toujours en évidence, et, tandis que les autres luttent péniblement, en cherchant une chance heureuse, ceux-là sont, sans cesse, en mesure de la trouver et d'en profiter. J'étais, alors, dans les rangs des favorisés, et tu as pu remarquer combien M. de Bonnefoux était attentif à me faire participer à ces avantages.
De ces nombreux changements de navires j'obtenais encore un résultat non moins profitable: celui de me trouver, à chaque instant, en rapport avec des hommes nouveaux, avec des chefs différents, avec d'autres camarades; or ceux-ci sont une excellente école pour la jeunesse. «L'équitation, a dit Plutarque, est ce qu'un prince apprend le mieux, parce que son cheval ne le flatte pas.» Les camarades non plus ne flattent pas; souvent même ils sont impitoyables. J'avais eu à souffrir des taquineries d'un d'entre eux à bord du Jean-Bart, et il fallut absolument une petite affaire, dite d'honneur, pour en finir; mais je n'en avais pas moins les genoux en dedans, le dos voûté, l'accent gascon; et, partout, je trouvais des rieurs et des mauvais plaisants. Enfin j'en pris mon parti: je ripostai, parfois, sur le même ton; mais, par-dessus tout, je m'attachai à la résolution de me redresser, de me corriger, et c'est ce qu'il y a de mieux à tout âge. Ainsi, me faisant une orthopédie à moi, m'assujettissant à des lectures lentes, étudiées, écoutant alternativement ou cherchant à imiter les personnes qui possédaient une bonne prononciation, j'arrivai à être comme tout le monde, et j'évitai, souvent, d'autres affaires.
On a beaucoup parlé contre le duel; je crois qu'on ne l'a pas assez envisagé sous son vrai point de vue. Quand il devient une sorte de profession ou seulement d'habitude, c'est évidemment une infamie; mais, sans le duel, beaucoup de choses seraient remises à la force brutale. Dans les réunions de jeunes gens, surtout, il n'y aurait, sans la ressource d'y pouvoir recourir, que des oppresseurs et des opprimés. Par le duel, au contraire, ou rien qu'en montrant à propos qu'on ne le craint pas, et, en faisant entrevoir, s'il le faut, qu'on est prêt à le proposer, on arrête les taquins, et l'on se fait respecter. Je n'avais guère que vingt-cinq ans, lorsqu'un camarade avec qui je jouais au reversis, et qui était fort mauvais joueur, se laissa aller à me dire des choses assez piquantes; les premières, je les laissai passer; les secondes étant plus vives, je vis où nous allions être conduits. Alors, loin de répondre sur le même ton, je posai les cartes sur la table, et je dis à mon interlocuteur: «Si vous voulez que la partie s'achève convenablement, changeons de conversation; mais si vous désirez me provoquer ou que je vous provoque, expliquez-vous clairement; il vaut beaucoup mieux que ce soit avant que les choses soient trop envenimées.» Je vois souvent cet ancien ami à Paris, et il m'a récemment avoué qu'il avait eu, en cette occasion, la bizarre humeur de m'entraîner à quelque réponse animée, pour aller ensuite sur le terrain, mais que mon sang-froid l'avait soudain ramené. J'avais, à peu près de même façon, éludé une autre affaire avec un officier d'infanterie passager sur un de nos bâtiments; et, toutes les fois que je l'ai revu depuis, il m'a témoigné une estime infinie; mais revenons à notre escadre.
Après avoir repris la route de notre destination et traversé le détroit de Messine, nous naviguâmes avec la plus grande vigilance. Comme c'était la saison des vents du nord-ouest, nous atteignîmes promptement les côtes égyptiennes. Nous en étions à vingt-cinq lieues, et nous nous attendions à voir, le lendemain, Alexandrie, à en forcer même l'entrée (comme récemment, et avec plus de danger, une de nos escadres a forcé Lisbonne), si les Anglais et leurs vaisseaux voulaient s'opposer au passage; mais, ô surprise! l'amiral ordonne de mouiller90 et de se préparer à débarquer nos troupes sur cette partie de la côte. Quel trajet il aurait resté à faire à nos soldats dans les sables, sans eau, presque sans provisions et ayant à combattre les indigènes et les détachements anglais qui parcouraient le pays! Cependant la mer était trop forte pour songer à un débarquement immédiat, et nous attendions le calme, lorsque deux bâtiments parurent au coucher du soleil et fort loin. Ce pouvaient être des transports destinés à approvisionner les Anglais; ce pouvait être encore une avant-garde; l'amiral le jugea ainsi91, et il appareilla dans la nuit.
Avec les vents du nord-ouest, il n'y avait qu'une route possible, celle qui tendait vers les côtes de l'Asie-Mineure ou vers l'Archipel de Grèce. Nous reconnûmes, en effet, les approches de Rhodes; et, louvoyant à grand'peine dans l'Archipel pour doubler Candie et Cérigo (Cythère), nous n'y parvînmes qu'après plus d'un mois de périlleuse navigation92.
Plus que jamais notre mission nous semblait un simulacre; cependant l'amiral revint sur la côte d'Afrique, mais, devant Derne93, c'est-à-dire à cent vingt lieues d'Alexandrie. Nouvel ordre de débarquement, et plus grande surprise de notre part, en voyant si bénévolement exposer, nous disions même, sacrifier nos troupes. On se mit en mesure d'exécuter l'ordre: le temps était superbe: nos canots partirent chargés d'officiers, de soldats, de munitions. Verbois, Hugon et moi, nous en commandions un chacun, et nous marchions de front. À cinquante pas du rivage, nous découvrîmes une jetée en pierre, construite au bas d'un petit monticule sur lequel retentissaient les sons d'une musique sauvage. Depuis notre apparition le pays avait appelé ses enfants; les chevaux arabes, sillonnant toutes les directions, avaient recruté, rallié tout ce qui, dans les environs, pouvait porter les armes; et, prompt comme l'éclair, l'essaim qui couvrait le monticule, pressé par la musique qui devenait plus animée, poussant des cris barbares, précipitant des coursiers renommés pour leur agilité, et agitant, dans les airs, ses armes brillantes, ses croissants dorés, ses bannières de mille couleurs, arrive à la jetée, met pied à terre, s'agenouille, appuie ses fusils sur les pierres et tire une volée très nourrie, mais peu meurtrière. L'odeur de la poudre excite nos soldats, et nous continuions à avancer avec ardeur, quand Verbois saisit son porte-voix et hèle qu'il vient à son tour d'être hélé pour un retour immédiat à bord, signalé par l'amiral94 à l'officier qui commandait le débarquement.
Là finirent nos singulières tentatives de secourir l'armée d'Égypte; et nous reprîmes le chemin de Toulon entre la Sicile et la côte d'Afrique, bien tristes, bien fatigués, réduits en rations de vivres et d'eau, car il fallait continuer à nourrir nos soldats, et ayant tant et tant de malades que notre batterie basse en était encombrée. Jamais je n'ai autant souffert, surtout de la soif, que pendant cette campagne. Une nuit, vers la fin de mon quart, je me traînai à quatre pattes, jusqu'à l'extrémité de la cale, où je parvins à obtenir d'un calier une ou deux cuillerées d'eau infecte, pour lesquelles, pourtant, j'aurais donné tout ce que je possédais. La fortune nous devait quelque dédommagement, et elle nous en offrit un à quelques lieues de Goze95, qui avoisine l'île de Malte.
Au point du jour, un vaisseau de ligne anglais fut reconnu à deux lieues au vent de l'escadre. L'Indivisible profita de sa marche supérieure pour se porter de l'avant à lui, afin de lui couper la retraite; le Dix-Août se tint par son travers pour l'empêcher de faire vent arrière; et nos deux autres vaisseaux virèrent de bord pour s'élever au vent, en cas que l'ennemi cherchât à s'échapper dans cette direction.
C'était une bonne disposition; mais ces deux vaisseaux s'éloignèrent tellement que l'Anglais, imitant en quelque sorte la ruse de guerre du dernier des trois Horaces, laissa porter sur le Dix-Août, espérant le dégréer avant que l'amiral l'eût rejoint, pour n'avoir plus affaire ensuite qu'avec l'Indivisible. C'est donc nous qui soutînmes le choc, et nous le soutînmes dignement; car, avant une demi-heure de temps, notre adversaire ne pouvait plus manœuvrer. L'Indivisible avait mis le cap sur nous, et l'amiral nous héla de laisser arriver pour qu'il pût prendre notre place. «Non, répondit l'intrépide Le Goüardun, plutôt mourir mille fois que de quitter le poste d'honneur!» L'amiral n'insista pas, et il manœuvra pour aller se placer sur l'avant du vaisseau anglais. Une ou deux volées de l'Indivisible suffirent pour achever de désemparer le vaisseau ennemi qui, bientôt, amena son pavillon96; et nous, nous jetâmes dans les airs les cris mille fois répétés de «Vive la République!» que, cette fois, je dois le dire, j'entonnais de grand cœur; car alors c'était bien de l'honneur national qu'il s'agissait, et quand de si grands intérêts sont en jeu, les ressentiments particuliers doivent se taire. C'était le vaisseau le Swiftsure, de 74, qui, comme nous, venait de quitter les parages d'Alexandrie pour aller se ravitailler à Malte.
Je voyais enfin mes vœux réalisés; j'avais assisté à un combat; nous avions longtemps lutté à forces égales; nous avions eu des avantages incontestables, le Swiftsure avait parfaitement manœuvré, s'était vivement défendu; j'avais tout vu, car j'étais l'aspirant de service auprès du commandant pendant le combat, et son admirable sang-froid avait excité mon enthousiasme. Dans le fort de l'action, il m'avait envoyé transmettre un commandement dans la batterie basse: c'est elle qui souffrit le plus; des malades, eux-mêmes (car nous en avions tant que la cale et l'entrepont n'avaient tous pu les contenir) y avaient reçu la mort dans leurs cadres. J'avais, en passant, serré la main à Verbois et à Hugon qui, solides à leur poste, excitaient de leur mieux les canonniers; mais je quittais à peine ce dernier qu'une file entière de servants d'une pièce est emportée devant moi, et j'arrive sur le pont couvert de la cervelle et des cheveux de ces nobles victimes. En ce moment le porte-voix du commandant étant fracassé devant sa bouche par un boulet, il se retourne pour en demander un autre; je l'envoie chercher par un pilotin, en disant au commandant que je suis prêt, en attendant, à porter ses ordres; et, comme il me voit teint de sang: «Il paraît, me dit-il, qu'il fait chaud en bas», et, un instant après, il ajouta, en suivant son idée: «Allez prendre l'air dans le gréement, et faites dépêcher les gabiers que vous voyez travailler au point de la voile du grand hunier.» Je galope dans les haubans; bientôt il me voit revenir, car la réparation était finie, et il me dit en frappant sur mon épaule: «Vous êtes un brave garçon, et je demanderai pour vous le grade d'enseigne de vaisseau!» Je crus rêver, tant ces paroles m'enivrèrent de joie… rien, désormais, ne me parut plus impossible; il m'aurait dit de sauter à pieds joints à bord de l'ennemi, que je me serais élancé, quoique nous en fussions à cinquante toises environ.
Un autre dédommagement de la fortune fut la prise du Mohawk, chargé de comestibles pour l'armée anglaise en Égypte. La répartition de ces comestibles fut faite aussitôt dans l'escadre. J'eus pour ma part un pain de sucre, une demi-livre de thé, deux livres de café et quelques autres provisions. Cette aubaine nous réconforta beaucoup. Nous n'en arrivâmes pas moins à Toulon97 dans un état sanitaire affreux. Une épidémie pestilentielle agissait sur nous sans relâche et nous enlevait tous les jours quelques compagnons d'armes; nos forces, ranimées pour le moment du combat, avaient disparu; le scorbut compliquait l'épidémie, et nous fûmes soumis à une longue quarantaine. Ce fut pendant cette éternelle quarantaine que, couché, une nuit, je sens mon cadre (ou lit de bord) violemment secoué par Verbois dont la place était voisine de la mienne, et je vois, à la lueur du fanal de la Sainte-Barbe, où nous couchions lui et moi, la figure de mon camarade entièrement décomposée. Sa bouche s'ouvre pour donner passage à une voix éteinte, convulsive, qui m'invite à aller chercher le docteur. J'y vole, je le ramène. Au premier aspect, celui-ci me dit: «Dépendez votre lit; fuyez: la dysenterie est ici!» Je n'en tins aucun compte; j'aidai les infirmiers; mais, deux heures après, ce brave jeune homme avait succombé! Nous avions dîné ensemble; nous avions, dans la soirée, fait une partie de barres au lazaret; nous nous étions couchés en tenant de ces discours d'intimité, si doux avec lui; et quelques heures plus tard! Jamais l'amitié n'a versé de plus sincères larmes que les miennes sur une fin si précoce.
Enfin la cruelle quarantaine s'acheva. Parmi les aspirants de l'escadre se trouvait Jérôme, frère de Napoléon, et, alors, mais pas pour longtemps, destiné par lui à la Marine. Le consul appelait son gouvernement une République, dénomination qu'il lui conserva, cauteleusement, assez longtemps après qu'il se fut nommé empereur; car, chez lui, la ruse allait toujours de pair avec la force; mais, quoique républicain, il agissait, dès lors, en tout, à la manière des anciens souverains; aussi M. l'aspirant Jérôme mangeait avec l'amiral; il n'avait jamais subi d'examen, et il ne faisait de service que ce qui lui convenait. À Brest, il avait été pompeusement conduit par le colonel Savary, depuis duc de Rovigo, mais alors aide de camp du Consul, et il logeait chez le préfet maritime, M. de Caffarelli98, dont M. de Bonnefoux était devenu le chef d'état-major. Mme de Caffarelli m'avait souvent fait déjeuner avec l'aspirant privilégié; nous nous étions assez liés pour qu'il fît des instances afin que je consentisse à passer du Dix-Août sur l'Indivisible; mais quitter Bergeret, Hugon, Verbois! mais jouer le rôle de flatteur ou de favori! ce n'était nullement dans mon caractère, et je refusai nettement, quoique avec beaucoup de politesse. Après la campagne, il retourna à Paris et voulut m'y emmener; si j'avais été mieux en fonds, j'aurais peut-être accepté, et j'y serais allé avec lui; mais cette considération, qu'il s'offrit pourtant à lever, m'en empêcha. C'eût été le commencement d'une belle liaison, selon les opinions de la multitude; toutefois, tout en rendant justice aux qualités sociales de Jérôme, je n'ai jamais regretté cette occasion; car, au plus tard, j'aurais renoncé à son amitié lorsque, par ordre de son frère, il déclara nul le mariage le plus valide qui fût jamais, contracté aux États-Unis d'Amérique, quelques années après, entre lui et miss Paterson. Depuis lors il fut créé roi de Westphalie, et l'un de nos camarades de l'Indivisible, M. de Meyronnet, qui s'était attaché à sa personne, devint grand maréchal du palais; mais il mourut ensuite pendant les interminables guerres impériales.
Le commandant Le Goüardun n'oublia pas sa promesse d'avancement pour moi; cependant les événements marchaient vite, et notre quarantaine, pendant laquelle Verbois avait péri de l'épidémie, avait été de 75 jours. L'Égypte avait été reconquise par les Anglais; la paix avait été signée à Amiens; une expédition pour la reprise de Saint-Domingue avait été ordonnée, nos vaisseaux en firent partie, et nous étions en marche pour y aller rejoindre tous ceux qui avaient été expédiés de divers ports de France et d'Espagne, avant que la réponse à la demande de M. Le Goüardun fût revenue de Paris. Nous ne restâmes à Saint-Domingue que le temps de débarquer nos troupes, de voir éteindre les flammes allumées par les noirs pour dévorer la resplendissante ville du Cap, et d'assister au naufrage d'un des vaisseaux que l'amiral Linois y conduisait de Cadix. J'oubliais de dire qu'à notre départ de Toulon nous avions eu de si mauvais temps que le Dix-Août vit périr, à quelques brasses de lui, et sous Oran, un des vaisseaux de notre division, le Banel, auquel nous ne pûmes seulement pas porter le moindre secours. Les bonnes qualités du Dix-Août suffirent à peine pour le préserver d'une semblable destinée. Notre retour en France fut également marqué par des vents impétueux, particulièrement vers la hauteur du banc de Terre-Neuve. Nous en souffrîmes beaucoup; et, dans ces parages, nous rencontrâmes deux navires de commerce, sans mâture, sans hommes, défoncés par la mer et flottant entre deux eaux. Sous d'autres rapports, cette campagne fut douce pour moi, parce qu'un enseigne de vaisseau venant à débarquer à Toulon, notre commandant ne fit pas de démarches pour le faire remplacer, mais m'installa dans ses fonctions; dès ce moment les officiers du vaisseau vinrent m'engager à prendre sa chambre, et, malgré la différence de mon traitement de table au leur, à manger avec eux. C'est ainsi que j'effectuai mon retour à Brest, où je trouvai mon brevet d'enseigne de vaisseau99, et où M. de Bonnefoux, avec une joie pour ainsi dire paternelle, me le remit ainsi qu'un congé de trois mois que je passai dans les délices, à Marmande et à Béziers, et que je ne devais pas voir se renouveler de bien longtemps.
Je ne partis, cependant, pas immédiatement. Il fallut me guérir d'un commencement de scorbut, qui me retint dix-sept jours dans ma chambre; heureusement que j'étais tout voisin de l'appartement d'un officier de marine, mort depuis en pays étranger, et dont la femme est aujourd'hui ma belle-mère100. Je reçus d'elle les attentions les plus affectueuses; ce fut elle qui me donna mes premières épaulettes; plus tard elle me fit un cadeau bien autrement précieux; ainsi je lui dois des soins pendant une maladie douloureuse, la récompense de mes premiers travaux, et le prix que pouvait seul obtenir un homme d'honneur et de bonne réputation.
Voici le moment de parler de Sorbet, que j'avais revu à Saint-Domingue. Après son embarquement de punition, il revint chez M. de Bonnefoux, afin de se mettre en mesure pour l'examen suivant, qu'il manqua encore. Même châtiment et puis même résultat. Il fit plus, cette fois-ci, il fit des dettes et ne fréquenta que les plus mauvais lieux de Brest. Un jour que, dans ses intérêts, je lui parlais de sa conduite, il me dit des choses si provoquantes que je me laissai aller à lui jeter un verre d'eau que je tenais à la main. J'avais eu, en diverses occasions, quelques vivacités de ce genre; celle-ci fut la dernière; car je pris, à son sujet, la résolution ferme de m'étudier à devenir aussi calme que j'étais emporté. Sorbet me demanda satisfaction de l'insulte, et il fallut me mettre à sa disposition, car j'avais mis les torts de mon côté, tandis qu'il est si utile, et qu'il aurait été si facile pour moi, de les mettre du sien; je poussai même la cruauté jusqu'à lui dire, avec dédain, que je voulais bien lui faire cet honneur. Parole imprudente, qui pouvait entraîner à une affaire à mort. Je me suis toujours reproché une répartie aussi peu généreuse, aussi mortifiante. Cependant nous nous donnâmes chacun un coup d'épée peu grave, et je n'étais pas encore bien rétabli du mien qu'il me fallut partir pour mes campagnes d'Égypte. Quant à lui, ayant bientôt passé l'âge des examens, et étant abandonné par M. de Bonnefoux, il fut obligé de continuer à servir comme novice ou comme matelot, et il se trouvait, à l'hôpital du Cap, en proie à la fièvre jaune qui y exerçait alors ses plus grands ravages, quand eut lieu l'arrivée du vaisseau le Dix-Août. Il me fit demander; je me rendis avec empressement auprès de lui; mais je ne pus le reconnaître qu'à la voix, il était à la dernière extrémité: «Je meurs bien malheureux, – me dit-il; – allez voir ma mère… et…» Ce furent ses dernières paroles, la maladie l'oppressa entièrement, et il ne reprit plus connaissance. Il ne put même pas entendre le désaveu que je voulais lui faire de ma bravade de Brest, qui était alors plus pesante sur mon cœur que jamais. Je la revis, sa mère infortunée, pendant mon congé; à mon aspect, elle s'évanouit et tomba inanimée sur le carreau! Des soins lui furent donnés; elle revint à elle, et je remplis ma triste mission. Depuis ce moment le bonheur et la santé l'abandonnèrent à tout jamais.
Une aventure assez piquante eut lieu pendant mon séjour à Béziers: J'étais en emplettes chez un chapelier; un garçon vint me présenter un chapeau que je demandais, et je reconnus, en lui, un de ces bons lurons qui avaient si bien daubé sur moi, à la suite d'une batadisse. Nous rougîmes tous les deux jusqu'au blanc des yeux en nous reconnaissant. Il me parla le premier, me disant avec trouble: «Vous voilà donc officier; on dit que vous avez fait de belles campagnes et que vous avez eu un beau combat.» Je lui tendis la main et lui répondis ces paroles: «Heureusement, pour moi, que le sort des armes est journalier.» L'érudit M. de La Capelière, cet officier du Canada qui, avant la mort de ma mère, avait donné des soins à mon instruction; et à qui je racontai cette conversation, me répéta, alors, que Crevier, continuateur de Rollin, dit en parlant du jeune Scipion, le second Africain: «Il est important d'amortir l'éclat d'une gloire naissante par des manières douces et modestes, et de ne pas irriter la jalousie par des airs de hauteur et de suffisance.» Il n'y avait certainement en moi rien de Scipion, et je n'avais pas à chercher à amortir l'éclat d'une gloire naissante; mais ce conseil, avec des modifications convenables, peut s'adresser à tout le monde; il était finement donné, et je me promis d'en faire mon profit. À l'expiration de mon congé, je revins à Brest avec mon frère101 que, sous mes auspices, mon père destina, comme moi, à la Marine; mon frère avait alors quatorze ans.
81
Chef-lieu de canton du département d'Ille-et-Vilaine, à 21 kilomètres au sud de Vitré.
82
Honoré-Joseph-Antoine Ganteaume, né le 13 avril 1755, à la Ciotat (aujourd'hui département des Bouches-du-Rhône), avait servi dans la Marine royale en qualité d'officier auxiliaire, lieutenant de frégate et capitaine de brûlot, du 30 mars 1779 au 17 mai 1785. Il y était rentré comme sous-lieutenant de vaisseau, le 1er mai 1786. La Révolution le nomma successivement lieutenant de vaisseau, en 1793, capitaine de vaisseau en 1794. Ce fut la partie brillante de sa carrière, pendant laquelle il servit avec éclat sous Villaret-Joyeuse et Renaudin. Contre-amiral en 1798, il ramena Bonaparte en France, au mois d'octobre 1799. Après le 18 brumaire, le premier Consul le fit entrer au Conseil d'État. Nommé vice-amiral, le 30 mai 1804, créé comte de l'Empire, Ganteaume est mort en activité de service à Aubagne (Var), le 28 septembre 1818. Il était pair de France et Inspecteur général des classes.
83
Voyez ci-après la notice sur l'amiral Linois.
84
L'escadre partit de Brest, le 23 janvier 1801.
85
Le 18 février 1801.
86
Louis-Marie Le Goüardun, né le 9 septembre 1754, était capitaine de vaisseau, depuis le 12 brumaire de l'an III. C'était un ancien officier auxiliaire de la Marine royale.
87
Le 19 mars 1801.
88
Indépendamment de ces quatre vaisseaux, Ganteaume garda en outre, sous ses ordres, une frégate, une corvette et quelques transports.
89
Combats d'Algésiras, des 6 et 13 juillet 1801, contre l'escadre de lord Cochrane (Voyez le rapport de l'amiral Linois, sur ces combats, dans Fr. Chassériau, Précis historique de la Marine française, son organisation et ses lois, Paris, 1845, t. I).
90
Le 5 juin, la frégate anglaise, la Pique, prit chasse devant l'escadre française et rallia celle de lord Keith. Le 7, l'amiral Ganteaume détacha la corvette l'Héliopolis, qui, échappant à la croisière anglaise, entra dans le port d'Alexandrie. L'amiral, ne la voyant pas revenir, la crut capturée et se décida, le 9, à mettre les troupes à terre. Voyez Chevalier, Histoire de la Marine française sous le Consulat et l'Empire, 1886, p. 45.
91
C'était bien, en effet, l'avant-garde de l'escadre de lord Keith.
92
Dans une Notice sur la campagne de l'amiral Ganteaume, rédigée à Toulon en janvier 1842 et conservée aux Archives nationales, M. Savy de Mondiol, capitaine de frégate en retraite, ancien aspirant de l'Indivisible, assigne seulement à cette navigation une durée de huit à dix jours.
93
Derne ou Dernah, l'ancienne Darnis ou Dardanis, ville maritime de la Cyrénaïque, comprise aujourd'hui dans le vilayet turc de Barca ou Barkah.
94
L'amiral Ganteaume comptait que le général Sahuguet achèterait le concours des Arabes au moyen d'une somme de 300.000 francs qu'il lui avait fait allouer. Voyez ses lettres au ministre de la Marine, qui sont conservées aux Archives nationales et en particulier celle du 4 ventôse an IX. L'accueil fait aux embarcations de l'escadre lui enleva ses illusions.
95
Goze ou Gozzo, île au nord-ouest de Malte, dont elle constitue une dépendance. Le combat raconté ci-après n'eut donc pas lieu, comme le dit le commandant Chevalier, entre Candie et la côte d'Égypte. À la vérité, il y a, sur la côte Sud de Candie, une petite île qui en dépend, et qui porte, elle aussi, le nom de Gavdo ou Gozzo. Seulement, d'après les Mémoires, c'est de la première qu'il s'agit ici.
96
Le Gouvernement consulaire accorda à chacun des deux vaisseaux l'Indivisible et le Dix-Août, deux grenades, deux fusils et quatre haches d'abordage d'honneur. En réalité, le Dix-Août avait à peu près seul soutenu le combat.
97
En thermidor an IX (août 1801).
98
Louis-Marie-Joseph de Caffarelli, comte de l'Empire, né au château du Falga, dans le Haut Languedoc, le 12 mars 1760, était lieutenant de vaisseau plusieurs années avant la Révolution. Le premier Consul l'appela, le 20 juillet 1800, à la Préfecture maritime de Brest, poste qu'il occupa pendant quatorze ans, et où il se distingua. Louis de Caffarelli est mort, le 14 août 1845.
99
En date du 24 avril 1802.
100
Mme La Blancherie, morte à Orly (Seine), en 1856, quelques mois après son gendre. Comme nous le disons dans la préface, et comme on le verra ci-après, Pierre-Marie-Joseph de Bonnefoux, veuf de Mlle Pauline Lormanne, épousa, en 1818, Mlle Nelly La Blancherie. Léon de Bonnefoux, auquel l'auteur s'adresse, était né du premier mariage de son père. Mme La Blancherie n'était donc pas sa grand'mère, bien qu'elle l'ait toujours traité comme un petit-fils. Cette observation explique le ton du récit.
101
Laurent de Bonnefoux né à Béziers en 1788.