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LIVRE II
ENTRÉE DANS LA MARINE. – CAMPAGNES MARITIMES SOUS LA RÉPUBLIQUE ET SOUS L'EMPIRE
CHAPITRE V

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Sommaire: – Coup d'œil sur l'état-major de la division. – L'amiral Linois, son avarice. – Commencement de ses démêlés avec le général Decaen. – M. Vrignaud, capitaine de pavillon de l'amiral. – M. Beauchêne, commandant de l'Atalante; M. Motard, commandant de la Sémillante. – Le commandant et les officiers de la Belle-Poule. – M. Bruillac, son portrait. – Le beau combat de la Charente contre une division anglaise. – Le second de la Belle-Poule, M. Denis, les prédictions qu'il me fait en rentrant en France. – Son successeur, M. Moizeau. – Delaporte, lieutenant de vaisseau, son intelligence, sa bonté, l'un des hommes les meilleurs que j'aie connus. – Les enseignes de vaisseau par rang d'ancienneté, Giboin, L… moi, Puget, «mon Sosie», Desbordes et Vermot. – Triste aventure de M. L… sa destitution. – Croisières de la division. – Voyage à l'île Bourbon. – Les officiers d'infanterie à bord de la Belle-Poule, MM. Morainvillers, Larue et Marchant. – En quittant Bourbon, l'amiral se dirige vers un comptoir anglais nommé Bencoolen, situé sur la côte occidentale de Sumatra. – Une erreur de la carte; le banc appelé Saya de Malha; l'escadre court un grand danger. – Capture de la Comtesse-de-Sutherland, le plus grand bâtiment de la Compagnie anglaise. – Quelques détails sur les navires de la Compagnie des Indes. – Arrivée à Bencoolen. – Les Anglais incendient cinq vaisseaux de la Compagnie et leurs magasins pour les empêcher de tomber entre nos mains. – En quittant Bencoolen, l'escadre fait voile pour Batavia, capitale de l'île de Java. – Batavia, la ville hollandaise, la ville malaise, la ville chinoise. – Après une courte relâche, la division à laquelle se joint le brick de guerre hollandais, l'Aventurier, quitte Batavia au commencement de 1804, en pleine saison des ouragans pour aller attendre dans les mers de la Chine le grand convoi des vaisseaux de la Compagnie qui part annuellement de Canton. – Navigation très pénible et très périlleuse. – Nous appareillons et nous mouillons jusqu'à quinze fois par jour. – Prise, près du détroit de Gaspar, des navires de commerce anglais l'Amiral-Raynier et la Henriette, qui venaient de Canton. – Excellentes nouvelles du convoi. – Un canot du Marengo, surpris par un grain, ne peut pas rentrer à son bord. Il erre pendant quarante jours d'île en île, avant d'atteindre Batavia. – Affreuses souffrances. – Habileté et courage du commandant du canot, M. Martel, lieutenant de vaisseau. – Il meurt en arrivant à Batavia. – Conversations des officiers de l'escadre. On escompte la prise du convoi. – Mouillage à Poulo-Aor. – Le convoi n'est pas passé. – Le détroit de Malacca. – Une voile, quatre voiles, vingt-cinq voiles, c'est le convoi. – Temps superbe, brise modérée. – Le convoi se met en chasse devant nous; nous le gagnons de vitesse. – À six heures du soir, nous sommes en mesure de donner au milieu d'eux. – L'amiral Linois ordonne d'attendre au lendemain matin. – Stupéfaction des officiers et des équipages. – Le mot du commandant Bruillac, celui du commandant Vrignaud. – Le lendemain matin, même beau temps. – Nous hissons nos couleurs. – Les Anglais ont, pendant la nuit, réuni leurs combattants sur huit vaisseaux. – Ces huit vaisseaux soutiennent vaillamment le choc. – Après quelques volées, l'amiral Linois quitte le champ de bataille et ordonne au reste de la division d'imiter ses mouvements. – Déplorables résultats de cet échec. – Consternation des officiers de la division. – Récompense accordée par les Anglais au capitaine Dance.

La division avait eu des relations assez fréquentes de bâtiment à bâtiment, et, dès le début, sa position avait été assez critique pour que, déjà, nous pussions nous connaître parfaitement; nulle part, en effet, les hommes ne se jugent mieux, ni si vite, que lorsqu'ils sont frappés par un malheur commun, ou qu'ils sont réunis pour résister à un même ennemi. L'amiral107 avait une réputation de mérite personnel, généralement assez médiocre; mais son combat d'Algésiras et la bravoure qu'il y avait déployée, l'avaient beaucoup relevé dans l'opinion du corps. Malheureusement un vice vint à se développer en lui, qui, ordinairement, aliène tous les cœurs, ce fut une avarice sordide. Le général Decaen en fut le témoin de trop près, puisqu'il mangeait à sa table, pour ne pas en être frappé, et il lui en resta une impression si fâcheuse que l'accord qui pouvait assurer ou multiplier le succès des opérations combinées par ces deux chefs en fut incessamment troublé. Le fils même de l'amiral108, alors aspirant à son bord, puis officier sur la Psyché, et qu'il tenait dans une sujétion, dans une pénurie vraiment ridicules, ne pouvait se taire sur cette lésinerie, qui devait absorber, fausser, une grande partie des pensées de l'amiral. Quel horrible défaut! et qu'il coûta cher à M. Linois, non seulement pendant son commandement, où la considération personnelle était si importante pour lui, mais, par la suite, puisque son fils en prit un caractère tellement violent, tellement désordonné et qui éclatait avec tant d'essor, quand il pouvait éluder la surveillance de son père, que des querelles perpétuelles en étaient le résultat, et qu'il a fini par périr en duel! pourtant que de bonnes choses il y avait dans son cœur!

M. Vrignaud109, capitaine de pavillon de l'amiral, était un homme d'une bravoure consommée et qui avait très bien servi. On pouvait en dire autant de MM. Beauchêne110 et Motard111, qui commandaient l'Atalante et la Sémillante. M. Motard avait, en outre, des manières charmantes, qui ne gâtent jamais rien, et l'esprit plus orné que les autres capitaines.

Il me reste à parler du commandant et des officiers de la Belle-Poule, car il est inutile de revenir sur l'ancien commandant du Dix-Août, devenu celui de la Psyché, sur M. Bergeret, enfin, à qui je regrettais infiniment que le commandement de la division n'eût pas pu être dévolu. Quelle différence c'eût été pour les résultats!

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Charles-Alexandre-Léon Durand de Linois, né à Brest, le 27 janvier 1761, décédé à Versailles le 2 décembre 1848, appartenait à l'ancienne Marine, dans laquelle il avait servi comme officier auxiliaire. Après la Révolution, il avait, à bord de l'Atalante, croisé dans les mers de l'Inde pendant trois ans. Prisonnier de guerre en Angleterre du mois de mai 1792 au mois de janvier 1795, capitaine de vaisseau le 4 mai de la même année, chef de division le 22 mars 1796, le ministre de la Marine Bruix le nomma, le 8 avril 1799 contre-amiral pour la durée de la campagne de la Méditerranée, que l'auteur raconte plus haut. Le Premier Consul le confirma dans ce grade, le 25 janvier 1801, et lui confia le commandement de la division avec laquelle il s'illustra à Algésiras. À titre de récompense nationale, il reçut un sabre d'honneur, le 28 juillet 1801. Telle était la carrière de l'amiral Linois, lorsqu'il s'embarqua à Brest, en 1803. Les présents Mémoires racontent en détail sa campagne de l'Inde. Bornons-nous à ajouter que, créé comte de l'Empire, le 15 août 1810, pendant sa seconde captivité en Angleterre, il fut, à la paix, nommé gouverneur de l'île de la Guadeloupe. La seconde Restauration le mit à la retraite, le 18 avril 1816, après son acquittement par le premier conseil de guerre de la première division militaire, devant lequel il avait été traduit pour sa conduite à la Guadeloupe pendant les Cent-Jours. Plus tard le Gouvernement royal lui conféra le titre de vice-amiral honoraire par ordonnance du 22 mai 1825.

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Charles-Hippolyte Durand de Linois, nommé enseigne de vaisseau, le 5 juillet 1805.

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Joseph-Marie Vrignaud, né à Brest, le 23 février 1769, s'engagea comme mousse, à l'âge de treize ans, le 21 janvier 1782. Il était second pilote au moment de la Révolution. Il servit sous les ordres de Bruix, d'abord comme premier pilote, puis comme enseigne de vaisseau. Au moment du départ de la division, il avait le grade de capitaine de frégate depuis le 21 mars 1796; mais il fut élevé à celui de capitaine de vaisseau le 21 septembre 1803. Joseph-Marie Vrignaud prit sa retraite en qualité de contre-amiral. Il assista à quatre combats dans les mers d'Europe et à quatre autres dans celles des Indes orientales. Il avait déjà antérieurement reçu quatre blessures, lorsqu'un boulet de canon lui emporta le bras droit, dans le combat qui termina la campagne de la division.

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Camille-Charles-Alexis Gaudin de Beauchêne, né à Saint-Briac (aujourd'hui département d'Ille-et-Vilaine), le 11 septembre 1765, sortait de la Marine marchande, dans laquelle il avait servi comme officier. Il se couvrit de gloire dans le combat soutenu à Vizagapatam contre le vaisseau anglais le Centurion, combat auquel n'assistait pas la Belle-Poule, mais que l'auteur raconte cependant un peu plus loin. Lorsque M. Gaudin de Beauchêne mourut à Montpellier, le 19 juillet 1807, il était capitaine de vaisseau et officier de la Légion d'honneur.

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Léonard-Bernard Motard, plus tard baron de l'Empire, naquit le 27 juillet 1771 à Honfleur (aujourd'hui département du Calvados). Entré comme volontaire dans la Marine royale, le 1er avril 1786, la Révolution le nomma enseigne de vaisseau, le 1er avril 1793. À la bataille d'Aboukir, capitaine de frégate à bord du vaisseau l'Orient, qui sauta, il reçut deux blessures. Il obtint, lui aussi, le grade de capitaine de vaisseau, le 24 septembre 1803. Léonard Motard commanda la Sémillante du 20 avril 1802 au 5 février 1809. La Sémillante se sépara de bonne heure de la division et eut une histoire particulière. Elle prit part au combat de la baie de Saint-Paul de l'île de la Réunion, et lutta contre la frégate anglaise la Terpsychore. Le commandant Motard prit sa retraite, le 23 novembre 1813.

Mémoires du Baron de Bonnefoux, Capitaine de vaisseau, 1782-1855

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