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PROLOGUE

Hope Nelson jeta un dernier coup d’œil dans la boutique alors qu’elle s’apprêtait à fermer pour la nuit. Elle était fatiguée, et avait passé une longue et interminable journée de travail. Il était minuit passé, et elle était là depuis très tôt ce matin.

Elle était seule maintenant, parce qu’elle avait renvoyé le dernier de ses employés grognons chez lui un peu plus tôt. Aucun d’eux n’aimait travailler tard le samedi soir. En semaine, le magasin fermait toujours à 17 h, ce qui ne semblait pas leur déplaire.

Non pas qu’elle ait eu beaucoup de sympathie pour le personnel.

Posséder cet endroit avec son mari, Mason, signifiait faire plus d’heures que n’importe qui d’autre ; arriver en premier et partir en dernier la plupart des jours. Ce n’était pas un secret pour Hope que les gens d’ici les détestaient, Mason et elle, pour être les gens les plus riches de la petite ville miteuse de Dighton.

Et elle les détestait en retour.

Sa devise personnelle était...

L’argent, c’est la responsabilité.

Elle prenait ses nombreuses fonctions au sérieux, tout comme Mason, qui avait officié en tant que maire de la ville. Ils n’étaient pas du genre à prendre des congés ou même un jour de repos occasionnel. Parfois, Hope avait l’impression que Mason et elle étaient les seules personnes dans les parages à se soucier de quoi que ce soit.

En regardant la marchandise bien rangée ; le matériel et l’équipement électrique, les aliments, les semences et les engrais ; elle pensa comme elle le faisait souvent...

Dighton ne tiendrait pas un jour sans nous.

En fait, elle se disait que ce serait vrai pour le comté tout entier.

Parfois, elle rêvait qu’ils partaient tous les deux, juste pour le prouver.

Ça leur apprendrait à tous.

Elle éteignit les lumières avec un soupir de consternation. Puis, alors qu’elle se dirigeait vers l’alarme pour l’activer avant de partir, elle vit une silhouette à travers la porte vitrée. C’était un homme debout sur le trottoir sous le réverbère, à moins de dix mètres de là.

Il donnait l’impression de l’observer.

Elle fut frappée de voir que son visage était gravement marqué et buriné, que ce soit de naissance ou à la suite d’un terrible accident, elle n’en avait aucune idée. Il portait un t-shirt, elle put ainsi voir que les terribles cicatrices n’avaient épargné ni ses bras, ni ses mains.

Ça doit être dur pour lui, de vivre avec ça, se dit-elle.

Mais qu’est-ce qu’il faisait là dehors si tard un samedi soir ? Était-il venu au magasin plus tôt ? Si oui, un de ses employés avait dû s’occuper de lui. Elle ne s’était certainement pas attendue à le voir lui ou qui que ce soit d’autre ici après la fermeture.

Mais il était là, à la fixer et à sourire.

Qu’est-ce qu’il voulait ?

Quoi que ce soit, cela signifiait que Hope allait devoir lui adresser la parole. Cela la dérangeait. Cela allait être dur de faire semblant de ne pas remarquer son visage.

Se sentant nettement mal à l’aise, Hope composa le code de l’alarme, sortit et verrouilla la porte d’entrée. L’air chaud de la nuit lui fit du bien après avoir été enfermée dans le magasin toute la journée avec des odeurs désagréables, notamment celle de l’engrais.

Alors qu’elle commençait à marcher vers l’homme, elle força un sourire et lui lança...

— Désolée, nous sommes fermés.

Il haussa les épaules tout en continuant à sourire et murmura quelque chose d’inaudible.

Hope étouffa un soupir. Elle voulait lui demander de parler plus fort. Mais elle se surprit à ne rien vouloir lui dire qui ressemblerait à un ordre ou même à une demande polie. Elle avait irrationnellement peur de blesser ses sentiments.

Son sourire s’élargit à mesure qu’elle s’approchait de lui. Encore une fois, il dit quelque chose qu’elle ne put entendre. Elle s’arrêta quelques mètres devant lui.

— Excusez-moi, mais nous sommes fermés pour la nuit, redit-elle.

Il marmonna à nouveau quelque chose d’inaudible. Elle secoua la tête pour indiquer qu’elle ne pouvait pas l’entendre.

Il parla juste un peu plus fort, et cette fois, elle comprit les mots...

— J’ai un petit problème avec quelque chose.

— Qu’est-ce que c’est ? lui demanda Hope.

Il murmura autre chose qui était inaudible.

Peut-être qu’il veut rapporter quelque chose qu’il a acheté aujourd’hui, pensa-t-elle.

La dernière chose qu’elle voulait maintenant, c’était devoir déverrouiller la porte et désactiver le système d’alarme juste pour qu’elle puisse reprendre la marchandise et lui rendre son argent.

— Si vous voulez rendre quoi que ce soit, vous devrez revenir demain, dit Hope.

L’homme défiguré marmonnait…

— Non, mais…

Puis il haussa les épaules en silence, toujours souriant. Hope avait du mal à maintenir son regard sur lui. Regarder directement son visage était difficile. Et d’une certaine façon, elle sentit qu’il le savait.

À en juger par son sourire, il appréciait peut-être même.

Elle réprima un frisson à la pensée qu’il pourrait prendre plaisir à l’inconfort qu’il provoquait chez les gens.

Puis il dit un peu plus fort et distinctement...

— Venez voir.

Il montra du doigt son vieux pick-up, qui était garé près de la bordure du trottoir, pas très loin de là. Puis il se retourna et commença à marcher vers le véhicule. Hope resta là un moment. Elle ne voulait pas le suivre, et elle ne savait pas pourquoi elle devait s’embêter...

Quoi que ce soit, ça peut sûrement attendre demain.

Mais elle ne pouvait pas se résoudre à faire demi-tour et partir.

Une fois de plus, elle avait peur de lui paraître grossière.

Elle le suivit jusqu’à l’arrière du camion. Il ouvrit le couvercle de la plate-forme du pick-up et elle vit une masse de barbelés, étalés en vrac et enchevêtrés partout sur la plate-forme de la camionnette.

Soudain, il la saisit par derrière et lui mit un chiffon humide sur la bouche et le nez.

Hope lui donna un coup de pied et essaya de se dégager, mais il était bien plus grand et plus fort qu’elle.

Elle n’arrivait même pas à se libérer du chiffon pour crier. Il était imbibé d’un liquide épais dont l’odeur et le goût étaient horriblement sucrés.

Puis une étrange sensation commença à l’envahir.

C’était un mélange de vertige et d’exaltation, comme si elle était sous l’emprise d’une sorte de drogue.

Pendant quelques secondes, cette euphorie empêcha Hope de comprendre qu’elle courait un grand danger. Puis elle essaya à nouveau de lutter, mais réalisa que ses membres étaient devenus trop faibles et semblaient presque caoutchouteux.

Quoi que l’homme essayât de lui faire, elle ne pouvait pas le combattre.

Se sentant désormais presque à l’extérieur de son corps, elle se rendit compte qu’il la ramassait et la jetait à l’arrière de son camion au milieu de l’enchevêtrement de barbelés. Pendant tout ce temps, il tenait le chiffon serré contre son visage, et elle n’avait d’autre choix que de respirer les vapeurs épaisses.

Hope Nelson ne prit que vaguement conscience des petites piqures lancinantes sur tout le corps alors qu’elle sombrait inexorablement et perdait lentement connaissance.

Piege Mortel

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