Читать книгу La lutte pour la santé: essai de pathologie générale - Charles Burlureaux - Страница 13
CHAPITRE IV GESTATION
ОглавлениеSur les influences qui atteignent l'enfant pendant la gestation, nous n'avons aucune donnée précise à fournir. Nous n'avons pas remarqué, par exemple, qu'une mère ayant eu une grossesse pénible, voire même des vomissements incoercibles, donnât naissance à un enfant plus spécialement faible; inversement même, bien des femmes d'une santé médiocre ont des grossesses superbes. J'étonnai fort une malade, un jour, en lui disant qu'elle ne devait aller bien que pendant ses grossesses. C'est qu'elle avait de la ptose abdominale, et que la grossesse devait lui produire l'effet d'une sangle, en soutenant les organes. Mais il n'est guère vraisemblable qu'un état de santé aussi artificiel, et aussi transitoire, soit, pour le produit de la conception, un brevet de santé future.
Par contre, les «maladies» de la mère pendant la grossesse ont une influence bien connue sur la valeur de l'enfant à naître. Quand elles ne provoquent pas l'avortement, elles impriment à l'enfant une tare.
J'ai observé, à cet égard, un fait bien suggestif. Une jeune femme, au quatrième mois de sa première grossesse, avait eu une appendicite si nettement caractérisée que le confrère qui devait l'accoucher, et moi-même, avions été sur le point de provoquer l'intervention d'un chirurgien. La malade avait pu, cependant, être traitée médicalement: mais l'enfant, né à terme, a présenté dès sa naissance une intolérance intestinale véritablement anormale. Une première nourrice, choisie par l'accoucheur, lui a donné un lait qui a semblé trop fort, car l'enfant a eu, dès le deuxième jour, de la diarrhée verte et des vomissements. Dans l'espace de quatre semaines, trois autres nourrices, toujours choisies avec le plus grand soin, n'ont pas eu plus de succès: à chaque nouvelle nourrice, vomissements, fièvre ardente, diminution rapide du poids. Mais, pendant qu'on cherchait à grand prix des nourrices idéales, on était bien obligé de donner à l'enfant du simple lait de vache coupé; alors il allait mieux, la fièvre tombait, le poids augmentait très vite, la vie revenait: de telle sorte que, après ces quatre tentatives d'allaitement par le lait de femme, l'accoucheur me dit: «Mais enfin, pourquoi s'obstiner à trouver une nourrice? Cet enfant a probablement un intestin extrêmement délicat, à cause de l'appendicite de sa mère pendant la gestation; donnons-lui simplement du lait stérilisé coupé!» Et il eut raison; grâce à d'infinies précautions, à une surveillance méthodique, l'enfant put être élevé.
Il est bien clair qu'en rapportant ce fait je n'entends pas faire le panégyrique de l'allaitement artificiel: je ne le cite que pour prouver comment la «maladie» d'un organe de la mère pourrait bien avoir une répercussion sur le fonctionnement du même organe, chez l'enfant qu'elle porte en son sein.
Ce que l'on sait encore, c'est que les émotions de la mère, pendant la grossesse, peuvent avoir un retentissement sur la qualité du produit. Et de là dérive le devoir strict, pour la société, de protéger la femme enceinte. Quelques philanthropes l'ont bien compris; mais cette notion n'a pas assez pénétré dans nos moeurs, et l'on peut dire que c'est un scandale, pour une nation civilisée, de voir le peu qui est fait pour assister la femme enceinte, pour lui épargner les soucis de l'avenir prochain et les fatigues des derniers jours de la gestation.
Un mot, enfin, sur les enfants nés avant terme. S'ils naissent avant terme par le fait de la «maladie» des générateurs, de la syphilis par exemple, leur valeur biologique est sensiblement réduite, et peut même être réduite à zéro. Mais s'ils naissent avant terme accidentellement, par exemple à la suite d'une chute de leur mère, ou d'une intervention obstétricale raisonnée, leur sort est beaucoup moins compromis qu'on ne le croit dans le public non médical. Le tout est de leur assurer une température qui se rapproche de celle qu'ils avaient dans le sein maternel.
Pour ce faire, les inventeurs ont multiplié les modèles de couveuses artificielles. Ces appareils, certes, peuvent rendre des services; mais il ne faut pas oublier qu'on peut très bien s'en passer, en préservant l'enfant du froid, ce qui s'obtient: 1° en chauffant convenablement sa chambre, et en l'entourant de boules d'eau chaude; et 2° en sachant l'alimenter dès sa naissance. Ce second problème est difficile; pour le résoudre, il faut se rappeler une grande loi que nous retrouverons plusieurs fois dans le cours de cette étude, et qui consiste à proportionner la valeur nutritive de l'aliment, et le nombre de prises alimentaires, à la puissance de l'estomac. Chez l'enfant né avant terme, on donnera donc, toutes les demi-heures, une cuillerée à café de lait, coupé de 2/3 d'eau bouillie sucrée.
L'enfant va naître; quel préjudice lui cause l'accouchement au forceps? Nous ne pouvons pas nous défendre de redouter, pour notre part, la compression colossale qu'impose l'application du forceps à la masse cérébrale de l'enfant. Mais l'étude approfondie de cette question, qui aurait pourtant de quoi intéresser les neurologistes, n'a pas encore été faite, à notre connaissance du moins, d'une façon suffisante. En tout cas, on est en droit de considérer comme coupable une intervention au forceps faite pour gagner du temps, ou pour faire valoir l'importance des soins obstétricaux.