Читать книгу La lutte pour la santé: essai de pathologie générale - Charles Burlureaux - Страница 7
PRÉFACE
ОглавлениеLa «lutte pour la santé» qui fait le sujet de ce livre n'est pas celle qu'ont entreprise, et que poursuivent avec un succès toujours plus marqué, nombre de ligues et sociétés philanthropiques. Certes, personne n'admire plus que moi l'effort généreux de ces sociétés. Qu'il s'agisse de combattre la mortalité infantile, ou de répandre et de faire appliquer les règles de l'hygiène, ou encore d'enrayer l'extension de ces trois plaies sociales, la tuberculose, l'alcoolisme, et la syphilis, ce sont là des campagnes infiniment bienfaisantes; et je considère comme un honneur d'avoir pu, modestement, prendre ma part de quelques-unes d'entre elles.
Mais à côté de cette grande lutte collective, il y a une autre «lutte pour la santé», tout individuelle, qui se livre tous les jours dans la vie de chacun de nous. Celle-là est une forme de la loi universelle de la lutte pour l'existence. Sans cesse, depuis l'instant où nous naissons, notre organisme tend à maintenir ou à rétablir cet équilibre de ses forces que l'on appelle «la santé»; et sans cesse une foule d'influences, intérieures ou venues du dehors, tendent à détruire cet équilibre, éminemment instable.
Ces influences varient à l'infini, suivant l'âge, le sexe, l'hérédité, les conditions de la vie: mais toutes travaillent, en nous, à la même fin; et l'on peut dire que l'histoire entière de notre vie physique n'est que l'histoire des péripéties de la «lutte» incessante qui se déroule entre elles et la tendance naturelle de l'être à persévérer dans son être. Et si, parmi ces influences hostiles à notre santé, beaucoup ont un caractère fatal et inévitable, s'il y a malheureusement beaucoup de causes de «maladie» contre lesquelles nous sommes désarmés, il y en a aussi un très grand nombre qui peuvent être évitées, ou combattues victorieusement. Toute la médecine, en fait, ne consiste qu'à aider la nature dans sa lutte contre elles.
Mais la médecine est moins une science qu'un art. De la multiplicité des circonstances, de la diversité des esprits, il résulte que chaque médecin, quand il est parvenu à un certain point de sa carrière, s'aperçoit que l'ensemble de ses observations et de ses réflexions l'a amené à se faire une expérience propre, personnelle, des conditions générales de la «lutte pour la santé» et des moyens d'aider l'organisme à la bien conduire. C'est le fruit de mon expérience particulière que j'ai essayé de recueillir et de présenter, dans le livre que voici.
De longues années de pratique médicale m'ont donné l'occasion de voir, sous des aspects très variés, la naissance et l'évolution de la «maladie». J'ai aussi vu à l'oeuvre bien des méthodes de traitement, anciennes et nouvelles. Pénétré, dès le début, de l'importance de la tâche qui m'était confiée, je me suis efforcé de ne subir aucun parti pris d'école ni de doctrine, de ne rien rejeter ni de ne rien admettre sans l'avoir contrôlé, de borner toujours mon ambition à empêcher ou à soulager la souffrance par tous les moyens,—que l'idée de ces moyens me vînt de moi-même ou d'autrui, qu'ils fussent ou non approuvés par les autorités du moment, qu'ils appartinssent à la thérapeutique d'hier ou à celle de demain. Et maintenant, ayant parcouru déjà une grande partie de ma route, il m'a semblé que j'avais le devoir de faire profiter les autres de tout ce que mon expérience, ainsi acquise, pouvait contenir d'intéressant et d'utile pour eux.
C'est dire que ce petit livre s'adresse à tout le monde. Je n'ai pas voulu en faire une thèse scientifique, mais plutôt quelque chose comme ces Conseillers de la Santé que l'on était assuré de trouver, autrefois, au chevet du lit de nos grands-parents. Laissant aux ouvrages spéciaux l'étude des «maladies» accidentelles, de ces chocs extérieurs où notre organisme est sans cesse exposé, je m'en suis tenu aux différentes manifestations de ce que j'appellerai, d'un terme général, la «maladie», en entendant par là cette rupture de l'équilibre normal de nos forces, cette dépréciation plus ou moins complète de notre capital biologique, qui se produit, tôt ou tard, dans l'existence de chaque créature humaine, et s'exprime par une variété infinie de symptômes morbides. J'ai essayé d'indiquer les principales causes qui, aux différents âges, depuis l'enfance jusqu'à la vieillesse, risquent de compromettre ou de détruire la santé; et surtout j'ai essayé de montrer, au fur et à mesure, par quels moyens ces causes peuvent être évitées, ou leurs mauvais effets heureusement réparés.
Plusieurs de ces moyens étonneront peut-être le lecteur, accoutumé aux complications savantes de la médecine d'aujourd'hui; et leur simplicité même lui semblera peut-être avoir quelque chose de révolutionnaire. C'est un danger que j'ai prévu, et que, certes, je n'affronte pas de gaîté de coeur. Mais il n'y a pas une ligne de mon livre qui ne dérive, à la fois, d'une expérimentation méthodique et de réflexions patiemment mûries. Si jamais l'on peut être sûr de quelque chose, en une matière aussi variable et aussi délicate, je suis sûr de l'efficacité des avertissements et des conseils qu'on trouvera ici. Puissent-ils seulement être entendus, et porter leur fruit!
Ce livre était déjà sous presse lorsque j'ai reçu l'intéressant ouvrage de mon confrère et ami le Dr. Sigaud sur Les Origines de la «maladie» (1 vol. Maloine, 1906). Je regrette de n'avoir pas pu en citer certaines pages qui s'accordent avec les idées que j'ai moi-même exprimées sur plusieurs points, et, notamment, sur le danger qu'il y a à attacher trop d'importance aux symptômes en pathologie.