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Les télégrammes brésiliens.--Attitude nouvelle de la

presse, en France et en Angleterre.

Nous avons expliqué, n'est-ce pas justifié qu'il faut dire? nos réserves, à propos des appréciations de MM. de Moussy et Arcos, à propos des appréciations de ce dernier principalement, sur le gouvernement et sur la société du Paraguay. Il convient maintenant de déterminer la somme d'autorité qui appartient à M. John (est-ce donc un anglais?) Le Long, dans la discussion où nous sommes engagés tous les deux.

Sans imiter le procédé de cet écrivain qui fouille, à l'exemple de l'auteur de la Plata, dans la vie privée de ceux dont il prétend juger la conduite politique, nous pouvons dire que l'avocat de l'empire esclavagiste est un ancien entrepreneur de colonisation, échoué sur les rives des fleuves platéens.

Gêné dans ses opérations par la loi française, M. Le Long troqua la houe de l'exploitation agricole contre la plume du journaliste. Il embusqua alors son ambition dans les colonnes de la Tribuna de Buenos-Ayres. C'est dans cette feuille gouvernementale que notre contradicteur combattit longtemps les adversaires de la domination implacable de Buenos-Ayres; c'est de là qu'il lança ses plus violentes diatribes contre le général Urquiza, d'abord l'ami de Rosas, devenu ensuite le mortel ennemi du dictateur argentin.

Voilà, certes, une attitude bien résolue.

Le nouveau collaborateur de la Tribuna défend la suprématie de Buenos-Ayres contre les légitimes réclamations des provinces argentines.

En 1843, M. Le Long fait volte-face; son esprit a été subitement éclairé, comme celui de S. Paul sur le chemin de Damas, et il a compris que la vérité, c'est-à-dire la justice, se trouvait du côté des ennemis de Rosas: les Varela, Alsina, Rivera, Paz, Yndarte, sans oublier Carlos Antonio Lopez, aujourd'hui l'objet de ses attaques rétrospectives.

C'est à cette époque que, insuffisamment protégés dans leurs biens et dans leur personne par suite de la politique équivoque du cabinet de Paris, les Français résidant à Montevideo s'organisèrent militairement, et s'entendirent avec leurs compatriotes établis à Buenos-Ayres pour nommer un délégué chargé de défendre leurs intérêts.

Ce délégué des Français de la Plata fut un négociant honorable, M. Battmar.

M. Le Long ne dit donc pas exactement et complétement la vérité lorsque, pour donner plus de poids à ses jugements et pour mieux établir sa compétence, il fait suivre sa signature de cette qualification:

Ancien délégué des Français résidant dans la Plata.

M. Battmar fut obligé de quitter momentanément le pays. Avant de partir, et de son autorité privée, il transmit ses pouvoirs à M. Le Long.

C'est donc la volonté du négociant susdit, et non point le vote populaire de ses compatriotes, qui a élevé M. Le Long au rang de sous-délégué provisoire.

M. Le Long voudra bien nous pardonner cette indiscrétion qui l'atteint peut-être dans sa vanité, mais qui ne saurait le blesser sérieusement.

Comme défenseur des intérêts français, M. Le Long unissait ses efforts, contre le despotisme de Rosas, à ceux de l'Oriental Rivera et des Argentins Lavalle, Lamadrid, Paz, chefs des forces de l'Entre-Rios, de Corrientes et des autres provinces de la Confédération.

Tous ces patriotes illustres avaient pris les armes pour renverser une dictature qui entretenait la guerre civile sur le territoire de l'Uruguay, et qui ruinait 13 des provinces argentines au profit de la 14e, Buenos-Ayres.

Or, nous le démontrerons bientôt, la question qui s'agite, à cette heure, dans les régions platéennes est, sous une autre face, la même qui ensanglantait alors les deux rives de la Plata et qui avait nécessité l'intervention de la France.

En affirmant, à cette heure, le droit de la triple alliance, notre contradicteur devient donc aussi le sien, et, de plus, son patriotisme s'égare, puisqu'il combat une cause qui a eu, qui possède encore les sympathies de son pays.

Nous croirions volontiers que M. John Le Long est, comme son prénom semble l'indiquer, de nationalité anglaise, si cette cause, dont il se déclare aujourd'hui l'adversaire, après l'avoir soutenue en 1843, n'avait pas été également protégée, à cette époque, par le gouvernement de la Grande-Bretagne.

Qui nous expliquera la nouvelle évolution que l'ex-collaborateur de la Tribuna vient d'accomplir?

Nous ne ferons pas l'injure à M. Le Long d'attribuer cet étrange revirement d'opinion à la nouvelle donnée par la presse de Buenos-Ayres, et relative à un traitement mensuel de 500 francs qui lui aurait été accordé pour subvenir à ses frais de campagne contre le Paraguay.

A notre avis, un publiciste qui défend, par conviction, un gouvernement, gagne aussi honnêtement le prix attaché à son travail, que l'avocat, ses honoraires, lorsqu'il plaide une cause qu'il croit juste. Aussi, en admettant que les feuilles argentines aient dit vrai, nous trouvons bien modique la rétribution allouée à l'ancien délégué de M. Battmar.

Un dévouement qui va jusqu'aux personnalités les plus blâmables, jusqu'à l'outrage pour les femmes, jusqu'à la profanation des tombeaux, mérite mieux, il faut en convenir, qu'une mesquine rémunération de deux mille écus par an.

M. Le Long partage notre opinion à ce sujet, si, comme on le prétend, il a réclamé une augmentation de salaire, laquelle, hélas! lui a été refusée.

Le gouvernement de Buenos-Ayres qui paye généreusement ceux qui, comme le colonel Ascazubi, embauchent en France et en Italie des soldats pour sa légion étrangère, estimerait donc à un prix plus élevé la besogne des agents recruteurs que celle des journalistes, de certains journalistes, devrions-nous dire, peut-être?

Ceci est affaire entre notre contradicteur et ceux qui l'emploient.

Pour ce qui nous concerne, nous n'avons pas à rechercher si l'auteur de l'article publié dans la Revue Contemporaine sous ce titre: Le Paraguay, reçoit un traitement, et si ce traitement est proportionné à ses mérites.

Nous pensons qu'un gouvernement est un client tout comme un autre, plus riche qu'un autre, par exemple, partant, qu'il n'accomplit qu'un acte de stricte justice en rétribuant, selon ses moyens, ceux qui le servent.

Quant à ceux-ci, ils n'ont pas à rougir de recevoir le prix d'un travail que leur conscience approuve.

Un écrivain ne se dégrade que lorsqu'il ment publiquement à ses convictions; lorsqu'il affirme cyniquement l'excellence d'une politique que, dans son for intérieur, il juge détestable; lorsque, enfin, pour une somme quelconque, il a vendu à des patrons qu'il méprise son âme avec sa plume.

Ce n'est point là, assurément, le cas de M. Le Long, défendant la cause de la triple alliance, et à qui sa conscience ne fait aucuns reproches, même quand il jette, souillés, mutilés, aux pieds du président Mitre, le cadavre des morts illustres du Paraguay et l'honneur des chefs qui leur ont survécu.

La bonne foi de notre contradicteur n'est donc pas mise en question: ce qu'il nous importe de déterminer, c'est le degré d'autorité qui appartient à ses jugements.

Etant établi que M. Le Long est devenu en 1867 le champion féroce d'un système qu'il a combattu avec acharnement de 1843 à 1852.

Et que ce publiciste, sans se soucier de se donner un triple démenti, rétrograde de 24 ans, pour harceler de nouveau le général Urquiza qu'il a violemment attaqué avant 1843, mais dont il a été l'allié à Caseros.

Nous avons le droit, cette énorme contradiction étant acquise, de demander à M. Le Long laquelle de ses opinions il adopte définitivement, celle d'avant 1843, celle de 1852, ou bien celle de 1867?

L'enseignement qui jaillit du choc de ces deux dates, en achevant de fixer le lecteur sur la somme de confiance que mérite, quant à ses articles contre le Paraguay, le commentateur de M. Arcos, nous dispense de formuler autrement nos conclusions à son égard.

Ces brutalités de langage qui ne respectaient rien de ce qui touche à la République Paraguayenne, ni l'histoire, ni le caractère des citoyens, ni les institutions, ni le président Lopez, ni les membres de sa famille, ni la mémoire de son père couché depuis huit ans dans le tombeau, ni les publicistes candides qui affirmaient le bon droit de la petite république, accusent le diapason choisi par les feuilles alliées, pour répondre à l'argumentation précise, calme, serrée, de l'Étendard.

En faisant face à ses nombreux contradicteurs, cet organe sérieux des vrais intérêts platéens dérangeait donc toutes les ingénieuses combinaisons qui avaient été imaginées, en vue de capter les sympathies des peuples.

De là ce débordement de propositions extravagantes, insensées, odieuses aussi, les lecteurs le savent, qui se produisit brusquement, comme à un signal donné, sur toute la ligne des journaux dévoués.

Par l'accaparement de la publicité, en France et en Angleterre, les alliés avaient pu jusqu'alors refaire l'histoire à leur profit, et accommoder les faits de guerre à la convenance de leur orgueil, sans qu'on leur eût répondu. Bientôt, parce qu'ils venaient de bloquer le Paranà, ils se flattèrent d'avoir définitivement étouffé la voix du Paraguay.

La polémique soutenue dans l'Étendard ne tarda pas à leur prouver qu'ils avaient nourri de fausses espérances.

Leur cause, qu'ils croyaient avoir gagnée devant les populations, commençait à être compromise, par ce fait seul que d'autres que leurs amis parlaient au monde civilisé.

Le président Lopez avait désormais des avocats, tout comme le président Mitre, l'empereur Dom Pedro II, et même, proh pudor! comme le sinistre vainqueur de Florida.

La question paraguayenne était née, en un mot; elle s'imposait pour une discussion sérieuse, approfondie.

N'allez pas croire que devant ce revirement de l'opinion, les agents de toute sorte, officiels et officieux, que la triple alliance entretenait en Europe, aient renoncé à leurs télégrammes effrontés. Ces déloyales manoeuvres ont été chaque fois éventées et hautement flétries; elles l'ont été vainement.

Il semble, en vérité, qu'aux yeux des agents susdits, altérer systématiquement la vérité soit une tactique savante, un moyen stratégique pour mener à bien la guerre de plume où ces agents se sont imprudemment engagés.

L'immoralité de l'acte leur échappe; dès lors ce qui paraissait être du cynisme au premier chef, n'est au fond, pour ces esclavagistes inconscients, qu'une extrême naïveté qui rappelle la stupidité de l'autruche.

Parce qu'ils ne veulent pas remarquer la défaveur que toutes nos rectifications jettent sur leur cause, ils s'imaginent que le public est dupe de leur procédé.

Aussi, chaque paquebot continue-t-il à apporter des correspondances qui, habilement manipulées en certains lieux, présentent sous un faux jour les hommes et les choses de la Plata.

Vous prenez là, bonnes gens, une peine désormais inutile, depuis, surtout, qu'un des ministres des États Confédérés a stigmatisé publiquement vos pratiques, dans une apostrophe indignée--protestation d'une conscience honnête--qui a été entendue de ce côté de l'Atlantique.

Dans sa dépêche, déjà citée, qu'il adressait, le 28 février 1867, à S. Exc. le ministre des affaires étrangères du Brésil, M. Antonio Coelho da Sa e Albuquerque, le ministre oriental à Rio-de-Janeiro, M. Andrès Lamas, signale d'abord les illusions que nourrit ce personnage sur l'issue du conflit platéen, l'inflexibilité arrogante et l'imprévoyance de sa politique qu'il juge incapable de donner à la guerre une prompte fin, etc., etc.

(Nous reviendrons en temps et lieu sur ce document dont l'origine garantit l'impartialité.)

Puis, ne pouvant contenir le sentiment qui l'oppresse, M. Lamas s'écrie:

«Ne fabriquons (le mot y est) pas, monsieur le ministre, des vérités de convention, d'amour-propre, ou de courtoisie.»

Nonobstant ce sage conseil qui surnage au milieu de beaucoup d'autres, la fabrique de nouvelles mensongères ne cesse pas de fonctionner, répétons-le, à l'arrivée de chaque paquebot, mais c'est en pure perte.

Les articles rédigés en vue de l'emprunt brésilien, à Londres, et qui affirment, tantôt, la reprise des affaires à Buenos-Ayres et à Montevideo; tantôt, la prospérité toujours croissante de l'Empire, dont le chef se rend au Sénat dans un carrosse d'or massif; tantôt, l'enthousiasme des populations brésiliennes et platéennes pour la guerre contre le Paraguay: ces articles, disons-nous, ne parviennent pas plus aujourd'hui à abuser la crédulité trop longtemps éprouvée des lecteurs, que les bulletins pompeux qui changent de désastreuses défaites en victoires éclatantes.

Maintenant, en Europe, on apprécie à sa juste valeur la solidité tant vantée du colosse impérial, et le patriotisme de ses enfants qui confient à des esclaves et à des forçats la défense de l'honneur national.

Ses ressources, qu'on disait immenses, inépuisables, on sait qu'elles ont été dévorées par la guerre actuelle, à la faveur d'une entente qui s'est établie entre les fournisseurs de l'armée et certains fonctionnaires civils et militaires.

Quelque invraisemblable qu'il soit, ce fait rencontre fort peu d'incrédules sur les bords de la Plata. M. Elisée Reclus qui l'a recueilli dans un article intitulé: l'Élection présidentielle de la Plata et la guerre du Paraguay, dit textuellement, en parlant des officiers impériaux:

«On dirait qu'en effet ils cherchent à prolonger la guerre, jusqu'à ce qu'ils soient devenus riches aux dépens de la nation épuisée de ressources 7

Revenant sur le même sujet, ce publiciste ajoute:

«Il ne serait pas étonnant que des fournisseurs génois, argentins ou brésiliens de l'armée d'invasion se chargent eux-mêmes d'approvisionner les assiégés (d'Humaïta), car, si l'on en croit la rumeur publique, c'est par l'entremise d'officiers alliés--en train de devenir millionnaires--que les Paraguayens reçoivent déjà presque toutes leurs munitions. Les magasins d'Ytapirù et de Curupaïty servent d'entrepôt aux troupes de Lopez aussi bien qu'à celles du marquis de Caxias 8

Note 7: (retour) Revue des Deux-Mondes, livraison du 15 août 1868.

Note 8: (retour) Même livraison, même article.

D'après les bruits qui courent à Rio-de-Janeiro même, les dilapidations et les rapines pratiquées sur les rives du Paranà, auraient dépassé les excès scandaleux de 1852, dans la campagne entreprise contre Rosas 9.

Note 9: (retour) En rappelant que ces excès donnèrent lieu à une double enquête qui n'aboutit point, à cause du nombre des individus compromis et de la haute position de quelques-uns d'entre eux (parmi ces derniers figurait un maréchal de l'Empire), nous devons expliquer par la force de la tradition et par la certitude de l'impunité la cynique audace des officiers alliés, qui sont en train de devenir millionnaires aux dépens de la nation. De pareilles manoeuvres s'harmonisent parfaitement avec l'état des moeurs publiques au Brésil.

L'on est fondé à adopter cette conclusion, quelque triste qu'elle soit, en présence des paroles adressées, en 1853, par un membre du gouvernement, à un groupe de députés qui exigeaient que le ministère compétent justifiât de l'emploi des sommes votées pour l'entretien de l'armée. Ces paroles les voici:

«Vous vous plaignez bien fort des vols scandaleux qui ont été commis. Eh! mon Dieu! il n'y a pas là de quoi faire tant de tapage. Il est arrivé, en cette circonstance, ce qui arrive tous les jours ici et dans toutes les administrations.»

Cette déclaration, officielle, nous est un sûr garant que si, sous la pression de quelques députés indignés, une enquête s'ouvre jamais sur l'ignoble tripotage qui s'exerce présentement dans les lignes du maréchal Caxias, le résultat en sera forcément négatif, et, cela, pour les mêmes causes qui firent échouer l'instruction de 1853. La justice aurait à frapper un trop grand nombre de coupables dans les hautes régions de l'administration et dans les hauts grades de l'armée.

La solidarité dans le crime, par suite de l'énervement de la loi, tel est le seul genre de moralité que puisse produire l'esclavage.

L'on sait, surtout, que la résistance du Paraguay est fondée sur le droit et sur la justice; et que les soldats du maréchal Lopez combattent pour la liberté et pour la civilisation, contre une ligue formée en vue de la suppression de deux républiques dont l'existence est un obstacle à la domination exclusive du Brésil et de Buenos-Ayres sur les fleuves et sur les territoires platéens.

La lumière s'est faite, répétons-le, et nous en avons une preuve manifeste dans les nouvelles dispositions de la presse, tant en France qu'en Angleterre et en Amérique.

Aujourd'hui, à l'exception des Débats et du Mémorial diplomatique, dont les attaches sont connues, toutes les feuilles parisiennes qui ont une réelle importance: la Revue des Deux-Mondes, le Siècle, la Gazette de France, l'Opinion Nationale, l'International, auxquelles sont venus se joindre deux adversaires désabusés, la Patrie et le Pays, proclament le bon droit du Paraguay.

La presse anglaise est entrée dans la même voie, depuis que les projets de spoliation et de conquête du Brésil et de Buenos-Ayres sont devenus évidents pour tous.

Au Standard, qui est resté le champion de l'empire esclavagiste, nous opposerons le Star, le Daily-News, le Pall-Mall Gazette, le Times, et surtout l'organe le plus autorisé du commerce britannique, la Shipping and mercantile Gazette. Ces journaux, avec lesquels font chorus les principales feuilles de Liverpool, de Manchester, d'Edimbourg, défendent avec une énergique persistance la cause de l'État Paraguayen.

Parmi les journaux américains qui sont gagnés à cette cause, nous citerons un des plus estimés et des plus répandus, le New-York Herald, dont l'article publié le 2 novembre dernier sous ce titre: le Roman et la Réalité dans la guerre du Paraguay, restitue à cette guerre le caractère essentiellement national qui lui appartient, quoi qu'en disent les écrivains esclavagistes, sur la rive droite du Paranà.

Si nous rappelons la protestation indignée des Républiques latines du Pacifique contre le traité spoliateur du 1er mai 1865, puis les deux offres de médiation présentées par le gouvernement des États-Unis, et la troisième tentative de ce genre due à l'initiative du Pérou et du Chili; si nous signalons enfin, avec le Moniteur du 23 novembre dernier, le mécontentement général que vient de causer dans la Plata la déclaration du nouveau président argentin, M. Sarmiento, relative au maintien de l'alliance avec le Brésil, c'est pour mieux indiquer le véritable état de l'opinion sur les deux rives de l'Atlantique à propos du conflit platéen, et, partant, pour constater le nombre et la valeur des sympathies que le monde civilisé accorde aux persévérants efforts du maréchal Lopez et de ses vaillants compagnons d'armes.

Sans doute, cette situation, désormais acquise, d'un petit peuple infligeant défaites sur défaites aux arrogants envahisseurs de son pays, n'implique pas logiquement que la justice, au début de la guerre, ait été du côté de ce peuple héroïque.

Malheureusement, encore, dans l'état de perturbation morale où les usurpations violentes et les iniquités victorieuses ont jeté les sociétés modernes, le bon droit, reconnu, du Paraguay, ne suffirait pas pour expliquer la réprobation générale et vengeresse qui s'élève contre le Brésil et ses alliés.

Quelque triste qu'il soit, cet aveu devait être fait.

Mais ce qui, aux yeux des plus prévenus, justifiera l'énergique attitude prise par la République du Paraguay et la résistance désespérée qu'elle oppose aux brutales attaques dont elle est l'objet; ce qui, en même temps, achèvera d'établir que la cause que nous avons embrassée est réellement celle de la civilisation, c'est cette démonstration fournie par l'histoire, que la protestation armée du peuple paraguayen procède essentiellement des traités conclus avec les Etats platéens, par les grandes puissances de l'Ancien et du Nouveau-Monde.

Ces traités ayant été audacieusement violés par l'empire esclavagiste, Buenos-Ayres et Montevideo, le Paraguay n'a pas hésité, malgré son infériorité apparente, à tirer l'épée pour faire respecter les engagements internationaux qui garantissent l'équilibre des Etats dont il est ici question.

On n'ignore ces vérités ni dans les conseils du président Mitre, ni dans ceux de l'empereur Dom Pedro II; il convient, toutefois, de les rappeler ou de les révéler aux publicistes qui s'obstinent encore à solliciter les sympathies de l'opinion en faveur de la triple alliance.

Notre proposition, si catégorique, ne peut manquer d'effaroucher ceux d'entre nos contradicteurs qui s'imaginent, dans leur profonde ignorance des choses de la Plata, que Buenos-Ayres, sortie enfin de cet état de barbarie guerrière où elle se débat stérilement depuis la proclamation de son indépendance, s'occupe aujourd'hui, non-seulement à développer son commerce et son industrie dans les conditions de liberté qui lui sont communes avec les treize autres provinces argentines, mais encore qu'elle «travaille généreusement,» suivant les termes de sa Constitution, «au bonheur du genre humain.»

Cette même proposition révoltera davantage les écrivains naïfs qui, sur la foi d'un présomptueux diplomate de Rio-de-Janeiro, le baron de Penedo, ont osé affirmer que l'empire des noirs est, dans l'Amérique du Sud, au même titre que la France, en Europe, le missionnaire par excellence du progrès 10.

Note 10: (retour) Consulter à ce sujet notre brochure intitulée: l'Ouverture de l'Amazone et ses conséquences politiques et commerciales, par Claude de la Poëpe. Dentu, éditeur. Paris, 1867.

Eh bien! soit! que l'indignation de ceux-là éclate, d'abord. Mais si, comme nous, ils cherchent sincèrement la vérité; si, réellement, ils sont libres dans leurs appréciations, qu'ils se décident enfin à contrôler, par le témoignage de l'histoire, les déclarations des diplomates, des ministres, des plumitifs brésiliens et argentins. L'histoire leur apprendra alors ce que, avec son aide, nous allons établir, à savoir, que la manière dont la présente guerre a été engagée et conduite par les confédérés platéens rappelle le souvenir des âges barbares, où le droit était inexorablement égorgé par la force.

La politique du Paraguay, au contraire, est l'affirmation éclatante des principes qui régissent les sociétés modernes, puisqu'elle met la force au service du droit.

Comment en serait-il autrement, lorsque cette politique est absolument, identiquement, la même que celle qu'ont défendue, les armes à la main et à différentes reprises, dans les eaux de la Plata, les deux puissances occidentales qui marchent à la tête de la civilisation: la France et l'Angleterre?


La politique du Paraguay

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