Читать книгу Le Cabinet des Fées - Charles-Joseph de Mayer - Страница 7

LE PETIT CHAPERON ROUGE

Оглавление

Table des matières

LE PETIT

CHAPERON ROUGE,

CONTE.

Il étoit une fois une petite fille de village, la plus jolie qu'on eût su voir. Sa mère en étoit folle, & sa mère-grand' plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge, qui lui séyoit si bien que partout on l'appeloit le petit Chaperon rouge.

Un jour sa mère ayant fait des galettes, lui dit: Va voir comment se porte ta mère-grand'; car on m'a dit quelle étoit malade: porte-lui une galette & ce petit pot de beurre. Le petit Chaperon rouge partit aussitôt pour aller chez sa mère-grand', qui demeuroit dans un autre village. En passant dans un bois, elle rencontra compère le Loup, qui eut bien envie de la manger; mais il n'osa, à cause de quelques bûcherons qui étoient dans la forêt. Il lui demanda où elle alloit? La pauvre enfant, qui ne savoit pas qu'il étoit dangereux de s'arrêter à écouter un loup, lui dit: Je vais voir ma mère-grand', & lui porter une galette avec un petit pot de beurre que ma mère lui envoie. Demeure-t-elle bien loin, lui dit le Loup? Oh oui, lui dit le petit Chaperon rouge; c'est par-delà le moulin que vous voyez tout là-bas, là-bas, à la première maison du village. Eh bien, dit le Loup, je veux l'aller voir aussi; je m'y en vais par ce chemin-ci, & toi par ce chemin-là, & nous verrons à qui plutôt y sera. Le Loup se mit à courir de toute sa force par le chemin qui étoit le plus court; & la petite fille s'en alla par le chemin le plus long, s'amusant à cueillir des noisettes, à courir après des papillons, & à faire des bouquets des petites fleurs qu'elle rencontroit. Le Loup ne fut pas long-temps à arriver à la maison de la mère-grand'; il heurte, toc, toc.—Qui est-là?—C'est votre fille le petit Chaperon rouge, dit le Loup en contrefaisant sa voix, qui vous apporte une galette & un petit pot de beurre que ma mère vous envoie. La bonne mère-grand', qui étoit dans son lit à cause qu'elle se trouvoit un peu mal, lui cria: Tire la chevillette, la bobinette cherra. Le Loup tira la chevillette, & la porte s'ouvrit. Il se jeta sur la bonne femme, & la dévora en moins de rien; car il y avoit plus de trois jours qu'il n'avoit mangé. Ensuite il ferma la porte, & s'en alla coucher dans le lit de la mère-grand', en attendant le petit Chaperon rouge, qui, quelque temps après, vint heurter à la porte. Toc, toc.—Qui est-là? Le petit Chaperon rouge, qui entendit la grosse voix du Loup, eut peur d'abord; mais croyant que sa mère-grand' étoit enrhumée, répondit: C'est votre fille le petit Chaperon rouge, qui vous apporte une galette & un petit pot de beurre que ma mère vous envoie. Le Loup lui cria, en adoucissant un peu sa voix: Tire la chevillette, la bobinette cherra. Le petit Chaperon rouge tira la chevillette, & la porte s'ouvrit. Le Loup la voyant entrer, lui dit en se cachant dans le lit sous la couverture: Mets la galette & le petit pot de beurre sur la huche, viens te coucher avec moi. Le petit Chaperon rouge se déshabille, & va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa mère-grand' étoit faite en son déshabillé. Elle lui dit: Ma mère-grand', que vous avez de grands bras!—C'est pour mieux t'embrasser, ma fille!—Ma mère-grand', que vous avez de grandes jambes!—C'est pour mieux courir, mon enfant.—Ma mère-grand', que vous avez de grandes oreilles!—C'est pour mieux écouter, mon enfant.—Ma mère-grand', que vous avez de grands yeux!—C'est pour mieux voir, mon enfant.—Ma mère-grand', que vous avez de grandes dents!—C'est pour te manger. Et en disant ces mots, ce méchant Loup se jeta sur le petit Chaperon rouge, & la mangea.

MORALITÉ.

On voit ici que de jeunes enfans,

Surtout de jeunes filles,

Belles, bien faites, & gentilles,

Font très-mal d'écouter toutes sortes de gens;

Et que ce n'est pas chose étrange,

S'il en est tant que le loup mange.

Je dis le loup, car tous les loups

Ne sont pas de la même sorte;

Il en est d'une humeur accorte,

Sans bruit, sans fiel & sans courroux,

Qui, privés, complaisans & doux,

Suivent les jeunes demoiselles

Jusques dans les maisons, jusques dans les ruelles.

Mais, hélas! qui ne sait que ces loups doucereux,

De tous les loups sont les plus dangereux?


Le Cabinet des Fées

Подняться наверх