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CHAPITRE I.

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Table des matières

C’était en l’an 943. Sur la fin d’un beau jour d’automne, une agitation extraordinaire régnait dans l’intérieur du château de Baveux, en Normandie.

En entrant par la porte voûtée, on se trouvait dans la grande salle, au plafond bas et cintré, soutenu par des colonnes courtes et massives, et ressemblant à la crypte d’une cathédrale. Les fenêtres, sus vitres, étaient petites et tellement enfoncées dans les épaisses murailles que par les plus fortes pluies l’eau ne pénétrait jamais jusque dans l’intérieur de la salle. D’ailleurs, quand bien même elle y eût pénétré, le mal n’eût pas été grand, car les murs étaient de pierre grossière, et de simples briques recouvraient le sol. — Un feu brillant pétillait à chaque extrémité de cette vaste salle, et de temps en temps une violente rafale de vent, descendant par l’immense cheminée, chassait d’épaisses bouffées de fumée qui montaient en tourbillonnant vers le plafond noirci et faisaient paraître la salle plus sombre encore.

C’était au bas de la salle que le feu était le plus ardent; de grandes chaudières étaient suspendues au-dessus du foyer, et plusieurs domestiques, hommes et femmes, la figure rougie par la chaleur, les bras nus et armés de longues fourchettes de fer ou d’autres ustensiles de cuisine, se pressaient tout autour d’un air affairé. A l’autre bout de la pièce, sur une espèce de tréteau élevé de trois pieds au-dessus du sol, se faisaient d’autres préparatifs. Deux jeunes filles étendaient des nattes par terre, tandis que plusieurs hommes dressaient une longue table de planches grossières, et y plaçaient des coupes d’argent, des cornes à boire et des plats de bois. La table était entourée de bancs; au milieu seulement, à la place d’honneur, s’élevait un fauteuil dont les pieds lourds et recourbés se terminaient en forme de griffes de lion, et sur les bras duquel était sculptée la tête de ce noble animal. Devant ce fauteuil était un marchepied de bois grossièrement taillé, et la coupe d’argent mise à cette place était d’un travail bien plus riche que les autres et ornée de feuilles de vigne, de grappes de raisins et de petits amours avec des pieds de bouc. Si cette coupe avait pu dire son histoire, chacun aurait fait silence pour l’écouter, car elle datait des temps les plus reculés de l’ancienne Rome, et avait été apportée d’Italie par quelque pirate normand.

Une femme âgée, à la démarche imposante, inspectait avec soin les préparatifs qui se faisaient aux deux extrémités de la salle. Elle portait un bonnet blanc d’une forme très élevée, et attaché sous le menton par un large ruban. Cette coiffure laissait voir une tresse épaisse de cheveux blonds, à peine nuancés de gris, qui entourait sa tête; sa robe traînante, d’une couleur sombre, avec des manches larges et pendantes, ajoutait encore à la majesté de sa démarche; elle portait en outre de longues boucles d’oreilles et un collier en or, qui semblaient aussi antiques que la coupe. La noble dame donnait des ordres aux domestiques, surveillait l’arrangement de la table, tenait conseil avec un vieux sommelier, et de temps en temps jetait vers la fenêtre un regard inquiet, comme si elle eût attendu quelqu’un. Enfin, elle parut perdre patience.

— Les jeunes paresseux, murmura-t-elle, n’apporteront pas la venaison à temps pour le souper du duc Guillaume.

Mais tout à coup elle releva la tète d’un air satisfait, car elle venait d’entendre les sons d’un cor de chasse; des bruits de pas retentirent au dehors, et un petit garçon d’environ huit ans s’élança dans la salle. Ses grands yeux bleus étaient brillants de joie et de vivacité ; l’air vif et l’exercice avaient coloré ses joues, et ses longs cheveux châtains retombaient en ondoyant sur ses épaules.

— Nous l’avons tué, nous l’avons tué, dame Astrida! s’écria-t-il, en courant vers la vieille dame et en élevant fièrement en l’air l’arc qu’il tenait à la main. C’est un cerf de dix branches, et je l’ai frappé au cou!

— Vous! monseigneur Richard! vous l’avez tué ?

— Oh! non; moi je n’ai fait que lui enfoncer une flèche dans le cou. C’est la flèche d’Osmond qui l’a attrapé à l’œil, et.... Pensez donc, dame Astrida, il sortit tout d’un coup d’un taillis, et moi j’étais comme qui dirait là, avec mon arc ainsi...

Et Richard allait donner une représentation de toute la scène de la chasse au cerf, mais dame Astrida, trop affairée pour l’écouter, l’interrompit en disant:

— Ont-ils apporté la venaison?

— Oui, Gauthier l’apporte. J’avais une longue flèche...

Un des chasseurs parut en cet instant, apportant la venaison sur ses épaules, et dame Astrida se hâta d’aller à sa rencontre; elle se remit alors à donner des ordres, tandis que Richard, la suivant partout, continuait son récit avec autant d’ardeur que si on l’eût écouté, expliquant comment il avait visé, comment Osmond avait tiré, imitant le bond qu’avait fait le cerf avant de tomber, et comptant les branches de son bois. A tout moment il s’écriait:

— Voilà quelque chose à raconter à mon père; croyez-vous qu’il arrive bientôt?

Sur ces entrefaites deux nouveaux venus entrèrent dans la salle, tous deux vêtus de leurs habits de chasse en peau, avec de larges ceintures brodées auxquelles étaient suspendus un couteau et un cor de chasse. Le plus âgé des deux était un homme d’environ cinquante ans, large d’épaules, au teint basané, à l’air plutôt sévère; l’autre, jeune homme de vingt-deux ans, avait la taille mince et élancée, des yeux vifs et intelligents, et un joyeux sourire. C’étaient Eric de Centeville, le fils de dame Astrida, et Osmond son petit-fils, aux soins desquels le duc Guillaume de Normandie avait remis l’éducation de Richard, son fils unique .

Les jeunes princes de la maison de Normandie étaient toujours confiés ainsi à quelque fidèle vassal, au lieu d’être élevés chez leurs parents, et l’une des raisons pour laquelle les Centeville avaient été choisis par le due Guillaume était que le comte Eric et sa mère parlaient uniquement la vieille langue norwégienne. Il désirait que le petit Richard fut bien instruit dans cette langue, oubliée par les Normands du reste du duché, qui parlaient ce qu’on appelait alors la langue d’oïl, mélange d’allemand et de latin, qui devint plus tard la langue française.

Ce jour-là, le duc Guillaume était attendu à Bayeux; c’est ce qui nous explique les grands préparatifs de dame Astrida. Il venait voir son fils avant de se mettre en route pour aller essayer de rétablir l’accord entre les comtes de Flandre et de Montreuil.

Dame Astrida, après avoir fait mettre la venaison à la broche et installé un petit garçon auprès du feu pour la tourner, vit qu’il était temps de songer à la toilette de Richard. Elle monta avec lui dans une des chambres de l’étage supérieur, et là il eut tout le loisir de faire ses récits, tandis qu’elle lissait ses boucles soyeuses et lui mettait une petite tunique de drap écarlate, qui laissait voir son cou, ses bras et son genou. Richard supplia dame Astrida de lui laisser porter à la ceinture un poignard au manche sculpte, mais elle ne le lui permit pas.

— Vous aurez assez à faire dans votre vie avec l’acier et les poignards, dit-elle; pourquoi vouloir commencer si tôt?

— Oh! bien sûr, je serai un fameux guerrier, s’écria Richard; on m’appellera Richard à la hache tranchante, ou le Courageux; vous verrez, dame Astrida. Nous sommes aussi braves de nos jours que les Sigurd et les Ragnar dont parlent vos ballades! Si seulement il y avait en Normandie des serpents et des dragons!

— Vous n’en rencontrerez que trop dans notre pays, dit dame Astrida; partout il y a des serpents qui cherchent le mal et qui sont aussi venimeux que ceux de mes sagas.

— Je ne les crains pas, dit Richard, ne la comprenant qu’à moitié. Oh! si je pouvais avoir ce poignard! Mais écoutez, écoutez! s’écria-t-il en s’élançant à la fenêtre; ils viennent, ils viennent! Voilà la bannière de Normandie!

Et l’heureux enfant sortit en courant, et ne s’arrêta qu’au bas de l’étroit escalier de pierre, devant la porte du château. Le baron de Centeville et son fils arrivaient en même temps que lui pour recevoir leur prince.

—C’est moi qui lui tiendrai l’étrier, n’est-ce pas? dit Richard en regardant Osmond, et en ce moment il se mit à sauter et à pousser des cris de joie, car un grand cheval noir entrait sous la porte voûtée, monté par un cavalier à la taille haute, au port majestueux: c’était le duc de Normandie. Une riche ceinture retenait les plis de sa robe de pourpre, et à cette ceinture était suspendue l’arme redoutable qui avait fait donner au duc le nom de Guillaume à la longue épée. Ses jambes et ses pieds étaient enfermés dans une cotte de mailles, il portait des éperons d’or, et ses cheveux bruns et courts étaient couverts par son bonnet ducal de couleur pourpre. Les bords de ce bonnet étaient relevés et garnis de fourrure, et une plume y était fixée par une agrafe de diamants. Le front du duc était grave et pensif, son visage frappait à première vue par une dignité mêlée de tristesse qui rappelait qu’il portait encore dans son cœur le deuil de sa jeune femme, la duchesse Emma, et qu’il était assiégé par bien des soucis. Il n’y avait cependant rien de redoutable dans cette gravité, car son regard était plein de douceur et sa physionomie exprimait la bonté.

En revoyant son petit Richard, un sourire de joie rayonna sur son visage; l’enfant rendit à son père, pour la première fois, les devoirs d’un futur chevalier, en lui tenant Strier tandis qu’il descendait de cheval, puis Richard s’agenouilla pour recevoir sa bénédiction, selon la coutume du temps. Le duc posa la main sur sa tête.

— Que la miséricorde de Dieu soit sur toi, mon fils, dit-il d’une voix émue, et, le prenant dans ses bras, il le pressa longtemps contre lui en le couvrant de baisers, tandis que Richard se suspendait tendrement à son cou.

Lorsqu’enfin il eut déposé son fils à terre, sire Eric, s’avançant pour recevoir son prince, ploya le genou devant lui, et après lui avoir baisé la main, il lui souhaita la bienvenue dans son château.

Il serait trop long de rapporter toutes les paroles amicales et courtoises qui furent prononcées, les compliments échangés entre le duc et la noble dame Astrida, et l’accueil fait aux barons qui composaient la suite du prince. Richard reçut l’ordre de saluer ces derniers; mais, tout en obéissant et en tendant la main à chacun d’eux, il ne put s’empêcher de se serrer contre son père d’un air timide et craintif.

Il y avait d’abord le comte Bernard de Harcourt, surnommé le Danois , qui avait les cheveux et la barbe rouges et hérissés, et mélangés de quelques mèches grises qui rendaient leur teinte encore plus étrange. D’épais sourcils, rouges aussi, ombrageaient son regard sauvage, et une cicatrice large et profonde lui traversait le visage. Il y avait encore le baron Rainulf de Ferrières, dont la taille gigantesque était emprisonnée dans une armure de fer qui résonnait à chaque pas. Venaient ensuite les hommes d’armes avec leurs casques et leurs grands boucliers, et Richard, en les voyant, crut presque que les armures suspendues dans la salle s’étaient détachées du mur pour se mettre à marcher.

Tous prirent place au banquet de dame Astrida. Celle-ci était à la droite du duc, et le comte de Harcourt à sa gauche. Osmond découpait les viandes, tandis que Richard faisait l’office d’échanson auprès de son père. Pendant le repas, le duc et les seigneurs s’entretinrent exclusivement de l’expédition pour laquelle ils allaient se mettre en route, et de l’entrevue qui devait avoir lieu dans une petite île de la Somme, entre Guillaume et le comte Arnulf de Flandre. En proposant cette entrevue, le duc avait eu pour but d’amener Arnulf à faire au comte Herluin de Montreuil réparation de certains torts qu’il avait eus envers lui. Plusieurs étaient d’avis qu’il fallait profiter de cette occasion pour exiger d’Arnulf qu’il cédât quelques villes de ses frontières auxquelles la Normandie avait des titres. Mais le duc secoua la tête en disant qu’il ne poursuivrait jamais un avantage personnel dans un cas où il était appelé à intervenir comme arbitre.

Ces conversations sérieuses ne convenaient guère au petit Richard, aussi trouva-t-il le souper bien long. Il eut une fin cependant; le chapelain récita les grâces, on enleva les planches qui avaient servi de table, et les convives se dispersèrent. Comme il faisait encore jour, plusieurs allèrent surveiller les soins donnés à leurs montures, d’autres allèrent voir les chevaux et les meutes du baron Eric, et ceux qui demeurèrent dans la salle formèrent entre eux des groupes animés.

Le duc put ainsi s’occuper enfin de son petit garçon; il le prit sur ses genoux, et Richard lui raconta ses parties de plaisir, en commençant par son exploit de ce jour-là ; il parla aussi de la bonté du sire Eric, qui lui permettait maintenant d’aller à la chasse sur son petit cheval, et dit que son ami Osmond lui avait promis de le mener baigner dans la belle et fraîche rivière, et enfin il décrivit comment il avait pris un nid de corbeau sur le haut de la vieille tour.

Le duc Guillaume souriait à ses récits, et avait l’air aussi heureux d’écouter que le petit garçon l’était de raconter.

— Richard, dit-il enfin, n’as-tu rien à me dire du père Lucas et de son grand livre? Quoi, pas un mot? Regarde-moi, Richard, et dis-moi comment vont les leçons ?

— 0 père, dit Richard à voix basse et les yeux baissés, tandis que ses doigts jouaient avec l’agrafe de la ceinture du duc, je ne puis pas souffrir ces lettres crochues qui sont sur ce vieux parchemin jaune.

— Mais tu essayes de les apprendre, j’espère? dit le duc.

— Oui, mon père, j’essaye, mais c’est bien difficile, les mots sont si longs, et le père Lucas vient toujours me chercher quand le soleil est si brillant et la forêt si verte, que je ne puis pas rester les yeux fixés sur ces crochets et ces lignes noires.

— Pauvre petit! dit le duc en souriant; et Richard se croyant encouragé, continua plus hardiment:

— Vous ne connaissez pas cette science, vous, mon père?

— Non, malheureusement pour moi, répondit le duc.

— Et le baron Eric ne sait pas lire non plus, ni Osmond, ni personne; pourquoi donc dois-je apprendre et me crisper les doigts en écrivant comme si j’étais un clerc au lieu d’être un jeune duc?

Là-dessus Richard leva les yeux sur son père, puis baissa la tête, un peu confus d’avoir osé mettre en question sa volonté. Cependant le duc lui répondit sans avoir l’air d’en éprouver du déplaisir.

— La tâche que je t’inflige est sans doute difficile pour le moment, mon enfant; mais j’ai en vue ton bien futur. Je donnerais beaucoup pour pouvoir lire moi-même ces saints Livres que je suis forcé de me faire lire par un clerc; malheureusement ce désir ne s’est réveillé en moi que depuis que je n’ai plus le temps d’apprendre.

— Mais les chevaliers et les nobles n’apprennent jamais à lire, dit Richard.

— Et trouves-tu que ce soit une raison pour ne pas le faire, alors qu’il s’agit d’une chose aussi profitable? D’ailleurs, tu te trompes, mon fils, car les rois de France et d’Angleterre, les comtes d’Anjou, de Provence et de Paris, et jusqu’au roi de Norwége, Hako) tous ceux-là savent lire. Je t’assure, pour ma part, que lorsqu’il fut question de signer le traité par lequel le roi Louis fut rétabli sur son trône, je me suis trouvé bien humilié de faire partie du petit nombre des vassaux de la couronne qui ne savaient pas écrire leur nom.

— Mais il n’y en a pas un qui soit meilleur ou plus grand que vous, mon père, dit Richard avec orgueil, le baron Eric le dit bien souvent.

— Eric aime trop son due pour voir ses défauts, dit Guillaume. Si j’avais eu les maîtres que tu as, j’aurais été bien meilleur. Et, sais-tu, Richard? non-seulement tous les princes ici savent lire, mais en Angleterre le roi Ethelstane veut que tous ses nobles l’apprennent. Ils étudient dans son propre palais, avec ses frères, et lisent les bons livres que le roi Alfred le Véridique a traduits dans leur langue.

— Je hais les Anglais, dit Richard d’un air sombre.

— Tu les hais? et pourquoi?

— Parce qu’ils ont tué traîtreusement le brave roi de mer Ragnar! Dame Astrida récite l’hymne de mort qu’il chantait au milieu des morsures des vipères, et où il se réjouit en pensant que ses fils amèneront des corbeaux qui se repaîtront des corps des Saxons. Oh! si j’avais été son fils, comme je l’aurais vengé ! comme j’aurais ri de joie en massacrant les traîtres et en brûlant leurs palais!

Les yeux de Richard étincelaient et ses lèvres répétaient instinctivement les vers sauvages des vieilles ballades norses. Le visage du duc s’était assombri.

— Il ne faut plus que dame Astrida te chante ces ballades, dit-il, puisqu’elles remplissent ton âme de pensées de vengeance, qui ne conviennent qu’aux adorateurs d’Odin ou de Thor. Ragnar et ses fils ne pouvaient que se réjouir dans l’espérance d’une vengeance mortelle, ils n’en savaient pas davantage; mais nous, chrétiens, nous savons que nous devons pardonner.

— Mais les Anglais avaient tué leur père! s’écria Richard avec surprise.

— Oui, Richard, et je ne les condamne pas de l’avoir vengé, car ils étaient alors ce que nous serions aujourd’hui, si le roi Harold aux cheveux blonds n’avait pas chassé ton grand-père du Danemark. Ils ne connaissaient pas la vérité ; mais à nous il nous a été dit: «Pardonnez, et il vous sera pardonné. » Ecoute-moi, mon cher enfant, alors même que notre nation se dit chrétienne, le devoir du pardon n’y est que trop souvent oublié ; mais qu’il n’en soit pas de même pour toi. Souviens-toi, quand tu vois la croix brodée sur nos bannières, ou sculptée en pierre dans nos églises, qu’elle nous parle de pardon, mais que nous ne goûterons jamais ce pardon si nous ne pardonnons pas à nos ennemis. T’en souviendras-tu, mon fils?

Richard hésita un instant.

— Oui, dit-il enfin; mais si j’avais été un des fils de Ragnar, jamais je n’aurais pardonné.

— Il pourrait arriver que tu fusses un joui dans leur cas, Richard, dit le duc; et si jamais je succombais dans une des querelles qui déchirent maintenant ce malheureux royaume de France, tu te souviendras de ce que je vais te dire: Je te conjure, pour l’amour de Dieu et de ton père, de ne conserver aucune haine dans ton cœur, de ne poursuivre aucune vengeance. Jamais je ne serai mieux vengé que lorsque tu auras pardonné aux auteurs de ma mort. Donne-moi ta parole qu’il en sera ainsi, Richard?

— Oui, mon père, dit Richard d’une voix soumise et tremblante, et il posa sa tête sur l’épaule du duc.

Il y eut un silence de quelques minutes, puis Richard recouvra sa gaieté et commença à passer ses doigts dans la barbe de Guillaume et à jouer avec son col brodé.

Tout en jouant, ses doigts rencontrèrent une chaîne d’argent, et, en la tirant, il vit qu’une clef y était suspendue.

— Oh! qu’est-ce que cela? demanda-t-il avec vivacité ; quelle est cette clef?

— C’est la clef qui ouvre mon plus grand trésor, répondit le duc, en replaçant dans son sein la chaîne et la clef.

— Votre plus grand trésor, mon père! est-ce votre couronne?

— Tu le sauras un jour, répondit le duc, en repoussant avec douceur la petite main qui cherchait de nouveau la chaîne. Et comme quelques-uns des barons rentraient dans la salle, il posa son fils à terre.

Le jour suivant, après que le service du matin eut été célébré dans la chapelle du château, le duc se remit en route. Il avait fait espérer à Richard qu’il serait de retour dans une quinzaine, et obtenu de lui la promesse d’être très attentif aux leçons du père Lucas, et obéissant envers le baron de Centeville.

Le petit duc

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