Читать книгу Insurrections et guerre des barricades dans les grandes villes par le général de brigade Roguet - Christophe-Michel comte Roguet - Страница 12

TEMPS ANCIENS ET MOYEN ÂGE.

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2. Chez les anciens, plusieurs grandes villes, entre autres Thèbes, Syracuse, Rome et plus tard Constantinople, ont été, nonobstant des armes de jet moins puissantes, le théâtre d'émeutes sérieuses.

Le moyen âge offre des enseignements divers et nombreux: nous voyons l'évacuation des capitales ne pas toujours décider immédiatement la chute des dynasties; l'exemple suivant, nonobstant la différence des temps, a encore quelqu'intérêt, quoiqu'il soit difficile d'en tirer aucune conséquence utile pour l'époque actuelle.

Débordés par la féodalité, obligés de reconnaître, après de vaines résistances, l'hérédité des fiefs et offices royaux, de permettre aux seigneurs d'hérisser la France de châteaux, les derniers Carlovingiens luttèrent, de 843 à 991, pour obtenir une ombre de l'autorité que Charlemagne leur avait transmise: partout s'étaient élevés de petits États ayant une existence distincte, des intérêts séparés et une indépendance de fait.

Obligés de donner en fiefs leurs dernières provinces pour s'attacher des hommes vaillants, ils finirent par être réduits au rocher de Laon: ce fut là, mais seulement après soixante années de luttes, qu'expira la royauté Carlovingienne.

Ne possédant que Laon et son territoire, sans autre appui que des alliances dans le midi et l'influence du pape, ils résistèrent de 936 à 987, pendant trois règnes, avec des fortunes très-diverses, aux puissants seigneurs du nord, les ducs de France et de Normandie, le comte de Vermandois, qui n'avaient pas craint de faire hommage à un souverain étranger.

À la mort de Louis V, il ne restait qu'un Carlovingien, Charles, haï des

Français comme vassal germain.

Hugues-Capet fut proclamé roi par l'assemblée de Noyon, composée de ses vassaux et de ceux des ducs de Bourgogne et de Normandie ses proches.

Mais les comtes de Vermandois, de Flandres, de Troyes, de Blois, le duc d'Aquitaine, et presque tout le midi, ne tardent pas à lui opposer Charles.

En 988, celui-ci s'empare de Laon et s'y fait couronner; son oncle, l'archevêque de Rheims, lui livre cette dernière ville.

Hugues commence par isoler Charles de ses alliés, puis il assiége Laon deux fois sans succès: Charles s'empare de Soissons; mais, en 991, l'évêque de Laon ouvre les portes de la ville à Hugues.

Charles, prisonnier, fut enfermé à Orléans où il mourut.

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3. L'émeute a ensanglanté les Républiques italiennes du moyen âge; les Guelfes et les Gibelins, ces deux factions qui s'y disputèrent longtemps le pouvoir, avaient leurs maisons fortifiées même à l'intérieur des villes. À chaque émeute, leurs partisans prenaient position autour de ces espèces de citadelles constamment approvisionnées de vivres, d'armes et de munitions; ils attaquaient les postes environnants ou les défendaient, en élevant des barricades, tendant des chaînes préparées à l'avance.

Chaque chef de faction était établi dans un solide bâtiment commandant les communications voisines, ainsi que la barricade, chaîne ou cheval de frise qu'il faisait, au besoin, placer contre, à l'aide d'anneaux fixés aux murs.

En cas d'émeute, les uns défendaient ainsi les places et carrefours, d'autres gardaient les grandes communications, d'autres bloquaient, attaquaient les chefs et les administrations opposées.

Ces combats, souvent renouvelés et pour lesquels, quoique les armes à feu n'aient été en usage que vers le milieu du 14e siècle, on prenait déjà des dispositions qui égalent la science militaire moderne, finissaient ordinairement par l'expulsion et la ruine de l'un des deux partis; ils ont formé la plupart des hommes de guerre de l'Italie; ce beau pays, subissant depuis les conséquences fatales d'un trop funeste genre de gloire, n'a pu encore, après tant de siècles écoulés, reconstituer une nationalité profondément atteinte par ces luttes fratricides. Citons deux exemples entre tant d'autres.

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4. En 1215, la guerre civile éclata dans Florence à l'occasion d'une alliance manquée entre deux familles puissantes; des combats fréquents s'engagèrent entre quarante-deux familles Guelfes et vingt-quatre familles Gibelines: chacun éleva des tours et fortifia ses palais; les deux partis demeurèrent ensemble, dans l'enceinte des mêmes murs, pendant trente-trois ans; ils vécurent dans et pour la guerre civile jusqu'à l'expulsion de l'un d'eux par l'étranger.

Cette guerre continue, au sein de Florence, n'eut pas seulement pour effet d'accoutumer la nation aux luttes domestiques: elle imprima aussi un caractère particulier à son architecture, dont la force fait le principal et triste ornement; ce sont d'épaisses murailles embossées, des portes élevées au dessus du sol, de larges anneaux où l'on plaçait les drapeaux et les chaînes; enfin, tout l'appareil lourd et sévère de la guerre civile en permanence, de rue à rue, de maison à maison.

Les familles nobles des deux factions se combattaient fréquemment, soit devant les tours que chaque maison puissante avait élevées, soit dans quatre à cinq places principales, où les nobles de tout un quartier avaient placé des fortifications mobiles appelées serragli; c'étaient des barricades ou chevaux de frises pour barrer, en partie, une rue et se défendre derrière.

Les familles, près du palais desquelles les barricades étaient pratiquées, en conservaient le commandement, et elles se bâtaient de les fermer dès qu'il y avait une émeute: ainsi les Uberti, qui occupaient l'espace où est aujourd'hui le Palais vieux, commandaient la rue qui aboutit par cet endroit à la grande place; les Tedallini défendaient la porte Saint-Pierre; les Cattani la tour du Dôme.

En 1248, l'empereur Frédéric II, moyennant la promesse d'un secours de 1600 chevaux, engagea les Uberti à prendre les armes pour chasser les Guelfes; l'un et l'autre parti courut, avec fureur, à ses barricades accoutumées; les Gibelins, négligeant leurs autres retranchements, se concentrèrent tous à la maison des Uberti et obtinrent aisément la victoire sur les Guelfes d'un seul quartier; ils suivirent ainsi leurs adversaires de barricade en barricade, battant toujours des ennemis non encore réunis.

Tous les Guelfes échappés aux combats précédents se trouvèrent resserrés aux barricades des Guidollolli et des Bagnesi, en face de la porte San-Pier Scheraggio. Pour la première fois, les deux partis entiers furent en présence; pendant qu'ils combattaient, le secours promis par Frédéric arriva par une porte dont les Gibelins étaient les maîtres; les Guelfes soutinrent quelque temps l'effort des Gibelins et de la cavalerie allemande; mais, au bout de quatre jours, la nuit de la Chandeleur, ils se retirèrent tous dans leurs possessions de la campagne où ils se fortifièrent de nouveau. Jusqu'alors l'autorité publique avait cru pouvoir maintenir les deux factions d'une main impartiale. Mais, comme toujours, l'étranger était venu dire son mot décisif.

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5. Le 15 juin 1310, dans la soirée, le doge de Venise fut instruit de l'existence d'une conspiration: on lui rapporta qu'il se formait un grand rassemblement chez Boemond Liepalo et un autre devant la maison Quirini; aussitôt il fit réunir son monde, envoya sommer les séditieux de se disperser et fortifia toutes les avenues de la place Saint-Marc.

Pendant ce temps, les conjurés s'étaient rendus maîtres de la chambre des officiers de paix au Rialto et de celle des blés.

Au point du jour, ils marchèrent vers la place; la bataille fut sanglante: mais le doge, qui avait eu plusieurs heures pour se préparer, profita de l'avantage des lieux, avantage grand pour celui qui se défend.

Les rues qui aboutissaient à la place Saint-Marc étaient étroites et tortueuses; la multitude des assaillants y devenait inutile: ils tombaient sans avoir combattu, sous les coups de ceux qui défendaient les barricades, ou qui des maisons lançaient des pierres.

Après une attaque obstinée, les rebelles, découragés par l'inutilité de leurs efforts, se retirèrent vers le pont de Rialto et se fortifièrent dans le quartier de la ville, au delà du canal.

Si le doge les y avait poursuivis, il aurait éprouvé à son tour le même désavantage qui, dans Venise, est le partage des assaillants; mais il traita avec eux, profitant du découragement où ils étaient, par suite du combat de Saint-Marc.

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6. À la même époque, nos rois posaient les fondements de leur puissance en protégeant les bourgeois des communes contre les nobles et le clergé.

Il n'est pas de ville de France où cette émancipation n'ait donné lieu à des combats pareils à ceux dont il vient d'être question: mais livrés sur des théâtres moins importants, ils n'ont point toujours été signalés par l'histoire qui, cette fois, aurait pu constater le résultat heureux pour les peuples et pour la civilisation qu'en obtint quelquefois un pouvoir de plus en plus fort. Là se résume la politique intérieure des rois de France, de Louis-le-Gros à saint Louis.

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7. Plus tard, lorsque saint Louis n'est plus, que les croisades ont cessé, l'esprit du moyen âge expire avec son plus beau représentant: des faits d'un caractère nouveau, d'épouvantables excès assombrissent la fin de cette période et forment le prélude sanglant du mouvement social du 14e siècle et de la première moitié du 15e, qui, à deux reprises différentes, désolera les Flandres, Paris et les campagnes, l'Angleterre et l'Allemagne.

À la nouvelle du soulèvement des artisans de Bruges et de leurs désordres dans la campagne, en 1302, Jacques de Châtillon entra dans cette cité avec 1500 cavaliers et 2500 sergents à pied français.

Mais les chefs des tisserands et des bouchers introduisirent leurs bandes dans la ville pendant la nuit du 21 mars.

Les corps de métiers prirent les armes en silence, tendirent des chaînes dans les rues pour arrêter la cavalerie: chaque bourgeois s'était chargé de dérober au cavalier logé chez lui sa selle et sa bride; les soldats furent réveillés par le cri: Vive la commune; Mort aux Français. Ils furent attaqués en détail dans les rues et dans l'intérieur des maisons. Le massacre continua pendant trois jours; les prisonniers conduits devant la communauté, y étaient mis à mort: les femmes plus féroces précipitaient les soldats des fenêtres.

1200 cavaliers et 2000 sergents périrent. Jacques de Châtillon, qui n'avait pas su préserver la garnison de telles horreurs, se déroba par une prompte fuite.

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8. En 1306, le rétablissement du tarif des monnaies de saint Louis, par la réduction au tiers, exaspéra les Parisiens dont un grand nombre dut, par suite, payer le triple des loyers réellement convenus.

La populace se précipita vers le palais du Temple, où logeait alors Philippe IV, et n'ayant pu lui exposer ses plaintes, résolut de le forcer par la famine, en interceptant toutes les communications du palais.

La foule, informée qu'un riche propriétaire de maisons, nommé Barbet, avait suggéré par intérêt cette ordonnance, quitta le Temple pour se porter à sa maison, près Saint-Martin-des-Champs, et la piller.

Philippe IV profita de ce moment pour réunir et faire agir ses archers: les principaux agitateurs furent arrêtés et exécutés.

Néanmoins, dès le mois d'octobre, le roi modifia ce qu'il y avait de plus criant dans les ordonnances.

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9. En 1320, un prêtre et un moine déserteurs des autels entraînèrent, en procession mendiante, les gens des campagnes, sous le nom de pastoureaux.

Une de ces troupes arriva à Paris, délivra les prisonniers de Saint-Martin-des-Champs, força le Châtelet, Saint-Germain-des-Prés, et se retrancha au Pré-aux-Clercs, d'où le gouvernement effrayé la laissa s'échapper.

Cette bande se dirigea sur le Languedoc, qu'elle traversa en juin: 40,000 hommes entrèrent en même temps par différents côtés.

Ces malheureux, dont les magistrats et les prêtres demandaient l'extermination, étaient eux-mêmes animés d'une égale férocité: le massacre des juifs était leur mission; partout ils les livrèrent à d'affreux supplices.

Les juifs du diocèse de Toulouse s'étalent réfugiés, au nombre de 600, dans le château royal de Verdun-sur-Garonne: ils y furent bientôt assiégés, les officiers royaux ne pouvant engager aucun chrétien à prendre leur défense. Les pastoureaux les poursuivent dans la plus haute tour, mettent le feu aux étages inférieurs et les réduisent, avant de s'entregorger, à jeter leurs enfants aux assaillants, dans l'espoir, bientôt trompé, qu'on prendrait pitié de leur innocence.

Le pape, lui-même, effrayé dans Avignon, prononça l'anathème contre ces forcenés; il somma les sénéchaux de Beaucaire et de Carcassonne de résister: les pastoureaux se rejetèrent sur Aigues-Mortes, pour s'y embarquer: ils furent cernés et moissonnés dans ces plaines pestilentielles, faute de vivres et d'abris: ceux qui essayaient de s'échapper étaient exécutés.

Il y a des époques ou l'histoire des nations semble être celle de tous les excès.

Insurrections et guerre des barricades dans les grandes villes par le général de brigade Roguet

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