Читать книгу Insurrections et guerre des barricades dans les grandes villes par le général de brigade Roguet - Christophe-Michel comte Roguet - Страница 14
VALOIS.
Оглавление10. Le 22 février 1358, pondant la captivité du roi Jean, le prévôt des marchands, Marcel, d'accord avec la municipalité turbulente de Paris, massacre les maréchaux de Champagne et de Normandie aux pieds du dauphin et intimide ce prince.
D'abord, il gouverne Paris au moyen des Trente-Six, presque tous bourgeois ou clercs, la province, par de semblables conseils démagogiques.
Le 14 mars, les États-Généraux et les Trente-Six, las de la commune, limitent son pouvoir et nomment le dauphin régent du royaume.
Ce prince se retire à Meaux; il transfère les États-Généraux de Paris à Compiègne, le 4 mai; une partie des députés refuse de le suivre, l'autre se montre très-ardente pour les réformes: il y eut deux assemblées nationales et deux gouvernements en guerre ouverte.
Marcel s'empare du Louvre, fortifie Paris, prend à sa solde des compagnies de gens de guerre.
Le dauphin, avec 30,000 hommes, intercepte les avenues de la capitale, principalement sur la Seine et la Marne.
Du 21 mai aux première jours du juin, cent mille paysans de Champagne et de Picardie font la guerre il la noblesse; les campagnes rentrent enfin dans l'ordre, mais restent incultes et dépeuplées.
Dès ce moment, les bourgeois de Paris et une partie des États qui siégent dans la capitale travaillent ouvertement à la Restauration; le dauphin reprend le blocus, interrompu par la jacquerie des paysans.
Le 30 juillet, Marcel embarrassé, sans vivres, sans argent, allait livrer Paris au roi de Navarre, et par suite, aux Anglais ses alliés: les royalistes l'assassinent; ils parcourent la ville, excitent le peuple contre cette trahison, arrêtent soixante chefs de la sédition et avertissent le dauphin qui arrive le 2 août avec son armée: les réactions commencèrent, et le pouvoir royal fut bientôt plus absolu qu'avant le mouvement.
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11. En 1381, Jean Wiclef, membre de l'université d'Oxford, prêchait les doctrines suivantes:
«Haine du peuple contre les riches.
«Les pauvres affranchis de toutes les puissances terrestres et seuls libres; entre eux, tout est commun, les femmes, l'argent, tous les biens et tous les maux de la terre.
«Tout ce qui est naturel est agréable à Dieu.
«Le vicieux doit être dépouillé; le droit de propriété est fondé sur la grâce, et les pécheurs ne peuvent réclamer aucun service des autres.
«Le peuple peut corriger à discrétion le souverain qui pèche.
«Les distinctions sociales ne sont que des tyrannies.»
Un prétexte rassemble, à Blackbeath, 60,000 paysans excités par ces doctrines; ils se portent sur Londres en chantant:
«Quand Adam labourait et Ève filait, qui était alors gentilhomme? Nous sommes tous égaux; plus de prélats, plus de seigneurs.»
Le bas peuple de Londres se déclara pour eux: les bourgeois n'osèrent pas résister et fermer leurs portes; beaucoup de nobles furent forcés de suivre. Le 12 juin, les insurgés étaient maîtres de la capitale, de Cantorbéry, de Rochester. Le roi Richard II, sur le point d'être assiégé à la Tour de Londres, où il s'était retiré avec peu de vivres et de moyens de défense, consentit à l'évacuer et à traiter; la tour fut prise, l'archevêque de Cantorbéry, chancelier d'Angleterre, avec trois autres personnages, y eurent la tête tranchée.
Le 15 juin, le roi se rendit à Smithfield pour conférer de nouveau avec les chefs de l'insurrection. Provoqué arrogamment par eux, Richard fit en vain preuve de courage, de modération et de présence d'esprit. Bientôt 8,000 soldats d'élite entourèrent Smithfield: alors Richard changea de langage, les insurgés prirent la fuite et trois des leurs furent exécutés; cette insurrection dura huit jours.
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12. Le 1er mars 1382, après la proclamation pour les perceptions, en France, du douzième denier sur les vivres, un collecteur fut battu aux halles; le cri: Aux armes pour la liberté se fit entendre dans Paris.
L'évêque, le prévôt, plusieurs conseillers du roi, divers riches bourgeois et Hugues Aubriot, ancien prévôt, tiré du cachot par les rebelles pour être élu capitaine, se dérobèrent afin de n'être pas confondus avec les séditieux. D'autres suivirent au contraire ceux-ci pour les modérer.
Les révoltés forcèrent l'Arsenal, l'Hôtel-de-Ville, l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, le Châtelet, l'Évêché, s'armèrent de maillets de plomb, seule arme non saisie par le duc d'Anjou; ils délivrèrent les prisonniers et assommèrent les collecteurs.
Le jeune roi était à Meaux ainsi que le duc d'Anjou et ses oncles. Il se dirigea d'abord sur Rouen, avec sa maison, pour punir cette ville moins difficile à réduire; l'émeute n'y avait duré qu'un jour; le roi y entra, avec sa petite armée, par un pan de mur abattu exprès; la bourgeoisie tremblante fut désarmée, les chefs de la révolte exécutés et les impôts rétablis.
Ensuite le roi se rapprocha de Paris; l'Université et l'avocat-général Desmarets lui demandèrent grâce à Vincennes. Le pardon fut accordé et les impôts les plus odieux supprimés, à condition que les chefs des métiers seraient punis.
À la vue des apprêts du supplice, les maillotins exaspérés s'emparèrent de la place et demandèrent grâce; l'exécution eut lieu la nuit.
Dans le midi, les paysans abandonnent leurs champs, leurs villages, et se forment en bandes sous le nom de truchins, secondés, dit-on, par l'ordre inférieur de la bourgeoisie, dans toutes les villes, ils firent une guerre impitoyable aux hautes classes. On correspondait, à cet effet, d'Angleterre, d'Allemagne et de France, avec Gand, centre de tous ces mouvements.
«Rien ne montre mieux la vie anarchique des cités communales que l'existence continuellement tumultueuse des villes de Flandres. Comme le commerce y était très-abondant, les ouvriers, surtout les tisserands et les foulons, y faisaient de grands gains, et on les voyait presque toujours dans les tavernes, sur les places publiques, en querelles perpétuelles. Dans une seule année on compte 1,400 meurtres à Gand.»
(Hist. des Français.)
Pendant les expéditions que le roi entreprit ensuite contre les villes flamandes révoltées, les Parisiens attendaient chaque jour la nouvelle d'un succès des Gantois pour exécuter leur projet de raser le Château-Beauté, le Louvre, Vincennes, et toutes les fortes maisons autour de Paris. À Reims, Châlons, Orléans, Blois, Beauvais, et même dans toute la France, la bourgeoisie ne demandait qu'un signal pour massacrer la noblesse; elle se tenait en rapport, avec les Flandres, pour les succès desquelles étaient tous ses vœux, considérant la guerre comme allumée, non point de nation à nation, mais partout entre la noblesse et le peuple.
Charles VI licencia les compagnies des provinces éloignées; et, avec celles de Bretagne, de l'Île-de-France, de Normandie, de Picardie, s'achemina de Flandre sur Saint-Denis, en janvier, 1383, par Arras et Compiègne. Ses coureurs eurent ordre de préparer les logements dans Paris.
Le 10 février, le prévôt des marchands, assurant au roi que la capitale est entièrement soumise, obtient qu'il n'ajournerait pas davantage son entrée. La ville, effrayée, espérait soit flatter, soit intimider le roi, par le spectacle d'une grande réception militaire.
Toute la milice, prête à livrer bataille, et parmi laquelle étaient plus de 20,000 maillotins, se rangea, le 11, du côté de Montmartre, entre Paris et Saint-Ladre; elle fit au connétable, qui précédait le roi, des protestations d'obéissance: celui-ci déclara que la première preuve de soumission était de rentrer chez eux et de désarmer immédiatement: on obéit sans murmurer.
Aussitôt le roi entra dans Paris, à la tête d'une partie de son armée, l'autre restant campée dehors; l'ordre avait été donné d’abattre les portes et toutes les chaînes que les bourgeois tendaient le soir aux coins des rues; de faire partout des patrouilles, la nuit comme le jour.
Le roi vint déposer, sur l'autel de Notre-Dame, un étendard semé de fleurs de lis d'or, et fut loger au Louvre. Les seigneurs s'établirent dans leurs hôtels; les soldats furent mis en quartier chez les bourgeois, avec ordre, sous peine de la vie, de les respecter ainsi que leurs propriétés.
Le 16, 300 bourgeois les plus remuants, avocats au parlement de Paris ou négociants, étaient arrêtés.
Le 21, toutes les chaînes avaient été arrachées et transportées à
Vincennes. On procéda, par visites domiciliaires, au désarmement.
Dans les quinze derniers jours de février, l'avocat-général Desmarets, qui s'était souvent interposé entre le peuple et le roi, et cent bourgeois des plus influents, la plupart anciens compagnons de Marcel, furent exécutés.
Les principaux bourgeois, qui avaient exercé des charges pendant les séditions, furent successivement appelés devant la chambre du conseil, qui les taxa à des amendes, selon leur fortune. Les impôts furent maintenus.
Le roi fit récapituler, devant le peuple assemblé au Louvre, toutes les séditions des Parisiens, depuis les trente dernières années; il déclara, néanmoins, que grâce était accordée au reste de la population.
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13. Dans la première moitié du XVe siècle, la France, théâtre sanglant de guerres civiles et étrangères, n'appartint, à proprement parler, ni aux Valois, ni à l'Angleterre.
On vit les factions de Bourgogne et d'Armagnac, abusant de la démence de Charles VI, troubler l'État, déjà trop affaibli par les malheurs d'Azincourt et les progrès des Anglais.
Le meurtre du duc de Bourgogne, Jean-sans-Peur, à Montereau, jeta, dans les bras de ceux-ci, son successeur aveuglé par la vengeance.
On vit la reine soutenir successivement les deux factions qui désolaient la France quelquefois contre le roi, toujours contre son propre fils; en 1420, par le traité de Troyes, elle fait déshériter le dauphin, en faveur de sa fille promise au roi d'Angleterre, Henri V.
Les deux rois Charles VI et Henri V font leur entrée à Paris: les États-Généraux ratifient le traité; la capitale, qui partageait ces sentiments éhontés, fêta les succès des Anglais et du malheureux Charles VI contre le dauphin. Plus tard, lors de la mort presque simultanée des deux monarques lignés, elle proclama Henri VI roi de France et d'Angleterre.
Charles VII en appela à Dieu et à son épée: il se fit couronner roi de France dans la même ville de Poitiers où, avant la mort de son père, il avait déjà pris le titre de régent et organisé des universités, des parlements en opposition à ceux de Paris: les simulacres d'États-Généraux, assemblés à Bourges et à Carcassonne, lui donnèrent quelques subsides.
La noblesse, en Aquitaine, en Dauphiné, en Champagne et en Lorraine, qui ne lui aurait peut-être pas obéi s'il eût été puissant, lutte, par amour du pillage, sous sa bannière, contre les Anglais. Le Midi, animé de sa vieille haine envers le Nord, sauve la nationalité française.
Après des armées de fortunes diverses, de constance et d'efforts, les ducs de Bourgogne et de Bretagne se détachent successivement des Anglais.
En 1429, Jeanne d'Arc fait lever miraculeusement le siège d'Orléans et sacrer le roi à Reims.
En 1436, Charles VII redevient maître de Paris, où il ne se hâte pas de rentrer, par éloignement pour sa bourgeoisie turbulente; de Bourges, il réorganise l'administration de la capitale, il rétablit le parlement et règle les monnaies.
En 1437, il visite Paris sans rien faire pour cette ville ruinée, paraissant encore décidé à transporter la capitale au delà de la Loire; l'année suivante, les États d'Orléans créent une armée royale permanente de 9,000 cavaliers.
Malgré la révolte du nouveau dauphin et des seigneurs Français que Charles VII dut aller soumettre, dans cette même Aquitaine, d'où la monarchie s'était relevée, toutes les provinces furent successivement enlevées aux Anglais: dès 1450, ceux-ci ne possédèrent plus, en France, que Calais.
Le souvenir de Jeanne d'Arc, de cette longue et mémorable lutte de trente années, où le roi et les peuples du midi sauvèrent la nationalité française, restera un des plus populaires de notre histoire: à plus d'un titre, il est encore digne d'être médité; les positions ou contrées suivantes jouèrent alors un rôle important:
1° Les places de la moyenne Loire, de l'Yonne, de l'Oise, de l'Aisne, de la Basse-Marne, pivots des opérations, autour de Paris, pour le couvrir ou le bloquer;
2° La Normandie, la Picardie, comme bases des opérations des étrangers auxiliaires de l'insurrection contre la nationalité;
3° Le pays entre l'Oise et l'Aisne, grande voie stratégique des divers ennemis du roi;
4° La Champagne, la Lorraine, les rives de la Loire, le Dauphiné, sont les éléments de la résistance nationale contre Paris et l'étranger: en dernier lieu, la Bretagne, devient l'auxiliaire de cette résistance.
5° Bourges et Poitiers servirent de capitales éventuelles.
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14. En 1461, après la bataille de Northampton, Charles VII pressa les Gênois d'envoyer une flotte contre celle des Anglais; cette demande irrita une ville, dont le commerce aurait eu des valeurs considérables compromises à Londres; les conseillers refusèrent, en disant que le trésor était vide.
Louis de la Vallée, gouverneur français, chercha à le remplir par de nouvelles taxes; les nobles lui conseillèrent d'augmenter les droits de consommation dont ils étaient exempts; la querelle s'engagea entre les diverses classes, sur les priviléges de la noblesse.
Les officiers français, tous gentilshommes, oublièrent alors le rôle de neutralité qui leur convenait; ils se prononcèrent vivement pour la noblesse gênoise et excitèrent ainsi, dans le peuple, une haine qui fut fatale à la France.
Le 9 mars, un homme obscur sortit de l'un des conseils en criant: aux armes! Les plébéiens répondirent à son appel; Louis de la Vallée fut contraint de se retirer, avec tous les Français, dans la forteresse du Castello, abandonnant la ville aux partis du clergé et du peuple, momentanément réunis.
Le 17 juillet, une nouvelle armée de six mille Français débarqua à Savonne: elle attaqua Gênes, par les hauteurs, de concert avec la noblesse du pays, tandis que la flotte se présentait devant le port; repoussés avec grande perte, les Français se rembarquèrent; le Castello fut évacué; la flotte regagna la Provence et Louis de la Vallée tint garnison à Savonne.
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15. En 1488, les soldats allemands de Maximilien pillaient la campagne; ses courtisans étaient logés chez les bourgeois de Bruges, et en exigeaient une table splendide; ils cherchaient à séduire leurs femmes et leurs filles; souvent ils les maltraitaient; les menaçait-on de porter plainte au roi des Romains, ils répondaient: Maximilien nous permettra de baigner nos bras dans le sang bourgeois.
Le 1er février, après la révolte de Gand, Maximilien crut intimider le peuple par une grande revue de ses troupes sur la place: le comte de Sornes commanda: abaissez les piques; les soldats répondirent par le cri de vive le roi; les bourgeois croyant qu'on allait les charger, coururent aux armes. Tout à coup 52 bannières furent déployées, la place du marché occupée, et 49 canons dirigés contra l'hôtel de Maximilien; celui-ci, bloqué avec sa garde, s'estima heureux d'éviter les hostilités qu'il avait voulu provoquer; il signa, le 16 mai, avec la révolte, un traité, mal exécuté depuis, par suite duquel il devait évacuer la Flandre en huit jours, renonçant à ses droits et se contentant d'une pension de 6,000 livres: la jactance, les exactions, les provocations n'ont jamais réussi.
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16. En mai 1547, une insurrection éclata à Naples, par suite des intrigues des Français et de l'inquisition que don Pedro de Toledo, gouverneur espagnol, voulait introduire.
Aucune des promesses de secours de la France ne se réalisa; les députés de la noblesse napolitaine n'obtinrent de Charles-Quint que l'ordre d'obéir; des troupes espagnoles arrivèrent de toutes parts, contre Naples, qui dut se soumettre.
Le 12 août, après l'exécution des principaux chefs de la révolte, et une amende de 100,000 ducats d'or imposée à la ville, une amnistie fut publiée.
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17. En 1548, lors des ordonnances de François Ier pour rendre le prix du sel uniforme, Tristan de Monneins, lieutenant du roi de Navarre, s'était rendu odieux dans la Guienne par sa sévérité. Il eut la malheureuse idée de venir de Bayonne à Bordeaux pour intimider, par la menace des châtiments réservés aux révoltés, ce peuple jusque-là tranquille.
La multitude, rassemblée par lui, vit ses forces et s'unit pour se venger de proclamations impolitiques. Elle se porta à l'arsenal, y prit des armes, et vint assiéger Monneins dans Château-Trompette.
Le président au Parlement de Bordeaux, La Chassagne, obtient du peuple une capitulation pour Monneins: mais, voyant ce dernier assassiné, et tant d'excès commis, il se réfugie dans un couvent.
La Chassagne pressé par le peuple de prendre l'autorité, adopta immédiatement les mesures suivantes, dans l’intérêt de l'ordre et du gouvernement dès ce moment menacés:
1° Fermeture des portes de la ville, après renvoi des paysans accourus pour prêter main-forte à la révolte;
2° Milice bourgeoise armée et organisée, pour fournir des corps du garde et des patrouilles dans toutes les rues;
3° Réouverture des tribunaux; arrestation, jugement et exécution des principaux chefs de la révolte, à commencer par celui qui avait appelé aux armes en sonnant le tocsin.
Le connétable, venu à Toulouse pour y réunir les troupes et marcher sur Bordeaux, repoussa une députation de cette ville, demandant que les landsknechts n'y entrassent pas. Nonobstant la soumission d'une cité qui aurait pu se défendre, il y pénétra par une large brèche qu'il fit ouvrir à travers les murailles, cantonna militairement ses troupes dans les principaux quartiers de la ville, procéda au désarmement des habitants et fit transporter les armes au château.
Une information sévère eut lieu; 140 chefs furent successivement exécutés; la ville elle-même perdit tous ses priviléges; la maison de ville dut être rasée, et toutes les cloches transportées dans des châteaux fortifiés exprès; deux galères seraient équipées pour défendre les gouverneurs de la province contre une nouvelle révolte: toutes les dépenses nécessitées par ces mesures furent à la charge de la ville.
Le 9 novembre, le connétable quitta Bordeaux, en y tenant le comte de
Lude, avec une forte garnison devenue désormais nécessaire.
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18. Pendant les journées du 11 au 17 mai 1562, les réformés, quoique maîtres de l'hôtel de ville, dès le 11, échouèrent dans leur projet de s'emparer de l'intérieur de Toulouse.
25,000 protestants, ayant pour eux les huit capitouls, devaient célébrer la Cène le 17 mai; le parlement leur défend de s'assembler et ordonne aux étrangers de sortir de la ville.
Un cordelier défroqué, chef des calvinistes, les excite à s'emparer du Capitole, ce qui est exécuté, par surprise, dans la nuit du 11 au 12 mai.
Le parlement remplace les capitouls, demande des secours à Montluc et aux capitaines à proximité, fait sonner le tocsin, et, en robe rouge, il conduit le peuple à l'assaut de l'hôtel de ville, des librairies ou des maisons de réformés: celles-ci sont incendiées ou pillées.
Les protestants, retranchés dans un tiers de la ville, défendaient l'hôtel de ville avec du canon, en attendant les secours promis par Montauban et autres villes du parti.
Mais Montluc, à la tête d'un corps nombreux de cavalerie, donna de suite, du dehors, des ordres qui plus tard n'auraient pas été efficaces; il arrêta les secours de l'insurrection, fit sonner le tocsin, à huit lieues à la ronde, pour appeler aux armes les paysans catholiques; il introduisit successivement, et à propos, des renforts dans la ville, dont les principales portes étaient gardées.
En vain, pour réduire le Capitole, la populace mit le feu au quartier environnant, l'incendie fut arrêté. Les deux partis firent usage de mantelets roulants.
Le 17 mai, les protestants, affaiblis par la désertion, privés de munitions et de vivres, cernés de toutes parts dans l'hôtel de ville et les positions conservées par eux, furent heureux qu'on leur permît de se retirer sans armes ni bagages.
À huit heures du soir, après avoir célébré la Cène, ils sortirent par la porte Villeneuve; mais à peine éparpillés dans la campagne, le tocsin rassembla contre eux les paysans: 3,000 périrent.
Au long tems que j'ai porté les armes, disait à ce sujet le maréchal de Montluc, le 18, au parlement de Toulouse, j'ai appris qu'en telles affaires, il vaut mieux se tenir dehors, pour y faire acheminer les secours, sachant que cette canaille n'étoit pas pour forcer si tôt la ville; que, s'ils m'eussent attendu, jamais entrepreneurs n'eussent été mieux accommodés.
Ces paroles résument, il est vrai, d'une manière un peu rude, la théorie de la répression des émeutes dans une ville de province: elles ne doivent même pas être oubliées contre une capitale, dans certains cas. Il serait à désirer que les anarchistes les comprissent: ils y verraient quelle peut être leur impuissance contre un pouvoir habile, et renonceraient, sans doute, à leurs projets.
Quoi qu'il en soit, Montluc fit poursuivre les instigateurs de la révolte. Le parlement de Toulouse, refusant trois fois d'enregistrer l'amnistie accordée aux protestants par le roi, fit juger et exécuter 200 personnes; 440 furent condamnées par contumace. La guerre civile ne développe que les mauvais penchants.
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La journée du 12 mai 1588, dite des barricades, est, pour le sujet qui nous occupe, une des plus fécondes en enseignements.
En avril et en mai, le roi négligea deux occasions de faire arrêter, en flagrant délit de conspiration, Jean Leclerc et Lachapelle-Marteau, chefs du conseil secret des Seize, ces aventuriers perdus de dettes, qui excitaient le due de Guise et les révoltes futures, pour arriver à la ruine du pays.
Pressé, à Soissons, par les Seize, de venir se mettre à la tête des 30,000 milices bourgeoises de Paris, Guise les invite à s'organiser d'abord militairement; il fait déployer sous leurs yeux, par Lachapelle, un grand plan de Paris, qui fut aussitôt divisé en cinq quartiers au lieu de seize; dans chacun de ces arrondissements, l'action militaire fut centralisée sous un des cinq colonels, que Guise envoya avec un gros état-major. 500 chevaux vinrent occuper la banlieue, au nord de la capitale.
Le désordre fut principalement excité, dans Paris, par 15,000 étrangers turbulents qui trompèrent la population. Henri III négligea l'occasion de comprimer la révolte, en faisant arrêter ou expulser les hommes les plus dangereux, et surtout le duc de Guise, qu'il avait eu, un moment, en son pouvoir au Louvre.
Le 12 mai, Guise excite la bourgeoisie de Paris, en annonçant l'entrée dans la capitale des 4,000 suisses venus d'abord de Lagny à Saint-Denis, et de 2,000 soldais d'élite. À cette nouvelle vraie, il ajoute celle d'un prétendu projet d'exécution des seize et de cent principaux Parisiens dont il fait circuler la liste.
La modération, à l'égard des factieux, fut sans succès. Après l'invitation faite par Henri III au duc de Guise de prêter son concours pour l'expulsion des étrangers, celui-ci annonce que le roi a peur, qu'on obtiendra de lui les États-Généraux et, par ceux-ci, tout ce qu'on voudra.
Le maréchal de Biron ne comprit pas les ordres du roi, qui étaient d'occuper, extérieurement au quartier militaire du Louvre, trois positions avancées, dans les faubourgs Saint-Denis, Saint-Antoine et Saint-Marceau.
Les places Saint-Antoine et Maubert, l'hôtel de Guise, furent les centres d'insurrection. À neuf heures du matin, leurs environs; à midi, le reste de la ville, et jusqu'aux approches du Louvre, étaient déjà barricadés de cent pas en cent pas. Des petits groupes, en tête de chacun desquels étaient des officiers du duc de Guise, péroraient, faisaient tendre les chaînes au coin des rues, et élevaient derrière des barricades de poutres ou de tonneaux remplis de terre.
Les suisses et les gardes françaises, accablés de pierres du haut des maisons, sans communications avec leurs chefs, sans vivres et tombant sons les coups d'hommes invisibles, se replièrent sur le Louvre, où les 6,000 hommes de troupes royales furent bientôt resserrés, sans positions extérieures.
Dans la nuit du 12 au 13, un corps de 15,000 hommes, envoyé par le duc de Guise à travers la Chaussée-d'Antin, acheva de bloquer la Cour, sur toute la rive droite, dans son quartier militaire trop rétréci.
La reine-mère et Villequier exhortèrent Henri III à sortir du Louvre pour se montrer au peuple; ils assuraient qu'éblouis de l'éclat de la majesté royale, les mutins le respecteraient et rentreraient dans le devoir.
Le roi, qui ne manquait pas de courage, trouva ce conseil trop téméraire; il ne jugea pas à propos d'exposer sa réputation, sa dignité, et peut-être sa vie, à la discrétion de cette multitude déchaînée.
Faute d'approvisionnements de vivres et de munitions, dans le Louvre, la défense y était impossible.
Le 13 mai, au matin, tandis que la reine-mère était venue écouter les arrogantes propositions du duc de Guise, Henri III sortit par la porte neuve du pont Royal, jurant de ne rentrer dans sa capitale que par la brèche, et de la mettre hors d'état de se révolter désormais. Le duc de Guise ne put déguiser son dépit et ses craintes, en apprenant que le roi s'était soustrait à la révolte pour mieux la combattre. Cette nouvelle inattendue, modifiant tout à coup ses projets, frappa un moment d'indécision et de découragement ce chef, jusque-là toujours maître de lui-même.
Henri III, bientôt suivi des gardes françaises et des suisses, coucha à Rambouillet; il fut le lendemain rallier, à Chartres, son gouvernement et ses moyens de répression.
Cette victoire inespérée des milices urbaines sur des troupes aguerries surprend les deux partis dans l'incertitude; la reine-mère et la régente restent au Louvre pour tenter encore de profiter de ce moment de stupeur; néanmoins, la capitale, compromise plus qu'elle ne l'avait voulu, rejette l'autorité royale et délègue tous pouvoirs au conseil secret des Seize. Guise, peu confiant dans la masse des émeutiers, organise aussi bien que possible ses partisans les plus éprouvés en deux régiments; il se hâte de prendre Saint-Cloud, Lagny, Charenton, Pontoise, d'occuper Corbeil et Troyes, pour prévenir le blocus de la capitale dans la lutte longue et sérieuse à laquelle, dès ce moment, il croit devoir s'attendre. Il ne partage aucune des illusions de l'anarchie, et, pour ne pas échouer, s'efforce d'organiser, en dehors d'elle, des ressources de guerre plus réelles et moins ingouvernables.
En juin, le roi s'établit à Rouen, en septembre à Blois, où les États-Généraux furent convoqués. Le 14 août, à l'instigation des deux reines restées à Paris, le duc de Guise fut nommé lieutenant-général du royaume, mesures de conciliation qui restèrent sans résultat.
En juillet 1589, les rois de France et de Navarre, après avoir pris Gergeau, Pithiviers, Étampes, Pontoise, réunirent, à Saint-Cloud, 42,000 hommes dont 15,000 suisses amenés par Sancy.
Henri III s'établit au nord de la Seine, le roi de Navarre au midi, pour attaquer, le 2 août, Paris et les 8,000 hommes de Mayenne, également découragés; mais le 1er août, au matin, le roi était assassiné.
La détermination prise par Henri III, le 13 mai 1588, retarda la chute des Valois et sauva la monarchie française; bien que sérieusement menacée par l'esprit de trahison, la couronne devait cependant avoir encore de nombreux et éclatants jours de gloire.
La reine-mère pensait que le trône n'aurait jamais pu, au milieu du débordement révolutionnaire, et sous sa pression, se rétablir dans la splendeur qu'il eut depuis; mieux valait aborder de suite les plus redoutables difficultés que de rester dans une voie qui, éternisant la crise, conduirait tôt ou tard à une position plus désastreuse encore.
La transmission de la couronne au roi de Navarre devint possible. Nous verrons Henri, après l'assassinat du dernier Valois, combattre pendant six années, avec des succès très-divers, mais toujours en intrépide soldat et en politique consommé, le parti révolté le plus souvent maître de la capitale et appuyé par l'Espagne; il soutint cette lutte difficile jusqu'au jour où les peuples, guéris de tant d'excès anarchiques, revinrent au pouvoir légitime, en délaissant les factieux qui les exploitaient de concert avec l'étranger.