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PRÉFACE.

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Pour toute préface aux Dialogues sur l’Eloquence, je me bornerai à transcrire l’opinion que Cicéron avait lui-même de son œuvre. Je crois quil serait difficile de porter sur elle un meilleur jugement.–Ainsi, écrivant à Lentulus, après lui avoir fait quelques réflexions sur l’état présent de la république, sur sa position personnelle, sur ses travaux littéraires et les ouvrages qu’il a terminés, il ajoute: «J’ai également composé, d’après la méthode d’Aristote, telle a été du moins mon intention, trois livres de discussions ou de dialogues sur l’orateur, que je ne crois pas sans utilité pour votre fils, Lentulus; ils s’éloignent, en effet, des préceptes ordinaires, et comprennent tout ce que les anciens, je veux dire Aristote et Isocrate, on écrit sur l’art oratoire.»

Dans une autre lettre, à Lepta, je trouve sur le dialogue intitulé l’Orateur un jugement, qui nous fait encore mieux connaître le prix que Cicéron attachait à ses discussions sur l’éloquence: «Je suis heureux de tous les éloges que vous donnez à mon Orateur, et j’avoue que si je possède quelques connaissances dans l’art oratoire, c’est dans ce livre que je les ai consignées. S’il est réellement ce que vous le trouvez, je ne serai pas moi-même sans mérite, sinon je consens qu’on retranche de ma réputation d’écrivain tout ce qu’on ôtera à celle de mon livre. Je désire que notre jeune Lepta se sente déjà du goût pour des ouvrages de ce genre; malgré sa jeunesse, il est bon que son oreille se façonne à cette langue.

Cicéron ne dit rien du Brutus, mais son silence n’enlève rien à la valeur littéraire de cette peinture des plus grands orateurs d’Athènes et de Rome. Tacite a écrit sur ce dialogue quelques lignes que je me plais à traduire:

«Il n’est personne parmi nous qui ne connaisse le livre que Cicéron a intitulé BRUTUS, et où il raconte dans la dernière partie (car la première est consacrée à l’histoire des anciens orateurs) ses études, ses progrès, comment s’est formée son éloquence.–Quintus Mucius lui apprit le droitcivil, Philon l’académicien et l’historien Diodote lui découvrirent tout ce que la philosophie dans chacune de ses divisions a de plus caché. Mais, non content de cette foule de maîtres que Rome lui avait offerts, il parcourut la Grèce et l’Asie pour embrasser en son entier le cercle si varié des connaissances humaines. Aussi peut-on remarquer, en lisant Cicéron, que ni la géométrie, ni la musique, ni la littérature, ni aucune des sciences libérales ne lui furent étrangères. Il connut les subtilités de la dialectique, les utiles préceptes de la morale, la marche et les causes des phénomènes naturels; et c’est ainsi, mes amis, croyez-le bien, que d’une vaste érudition, d’une infinité de connaissances, d’un savoir universel se sont grossis et débordent les flots de cette admirable éloquence; car le génie oratoire et sa puissance ne sont pas, comme les autres talents, enfermés dans un espace étroit et déterminé, mais celui-là seul est orateur, qui peut sur toute question parler d’une manière élégante, ornée, persuasive, comme il convient au sujet, aux circonstances, au plaisir de ceux qui écoutent.»

A cette appréciation du Brutus je n’ajouterai qu’un mot. Les Dialogues de Cicéron sur l’éloquence sont au nombre de trois: le premier, de l’Orateur, est la Théorie de l’art oratoire; le second, le Brutus, est l’histoire de cet art chez les Grecs et chez les Romains; le troisième, l’Orateur, est l’idéal de l’éloquence, la perfection que l’orateur doit constamment rechercher, et que Cicéron a personnifiée dans Démosthène. Je terminerai ces réflexions en rapportant le jugement de Fénelon sur ces deux hommes, qui selon lui ont fait le plus d’honneur à la parole:

«Je ne crains pas de dire que Démosthène me paraît supérieur à Cicéron. Je proteste que personne n’admire Cicéron plus que je fais; il embellit tout ce qu’il touche; il fait honneur à la parole; il fait des mots ce qu’un autre n’en saurait faire; il a je ne sais combien de sortes d’esprit; il est même court et véhément toutes les fois qu’il veut l’être: contre Catilina, contre Verrès, contre Antoine. Mais on remarque quelque parure dans son discours; l’art y est merveilleux, maison l’entrevoit. L’orateur, pensant au salut de la république, ne s’oublie pas et ne se laisse point oublier. Démosthène paraît sortir de soi et ne voir que la patrie; il ne cherche point le beau, il le fait sans y penser; il est au-dessus de l’admiration; il se sert de la parole comme un homme modeste de son habit pour se couvrir; il tonne, il foudroie; c’est un torrent qui entraîne tout; on ne peut le critiquer, parce qu’on est saisi; on pense aux choses qu’il dit, et non à ses paroles; on le perd de vue, on n’est occupé que de Philippe, qui envahit tout. Je suis charmé de ces deux orateurs; mais j’avoue que je suis moins touché de l’art infini et de la magnifique éloquence de Cicéron que de la rapide simplicité de Démosthène.»

Si cette prééminence accordée par Fénelon à l’orateur grec sur l’orateur romain peut rencontrer quelque opposition, la peinture à la fois si hardie et si naturelle qu’il fait de leur génie n’aura jamais que des admirateurs.

II

Je préviens le lecteur qu’il trouvera plusieurs lacunes dans les dialogues de l’Orateur,Brutus,l’Orateur, qui du reste lui seront indiquées par les chiffres des alinéas et quelques points. Je dirai seulement que ces lacunes sont peu regrettables. Plusieurs passages m’ont paru trop longs, offrir peu d’intérêt, je les ai supprimés. Sans doute j’ai recherché l’utile, mais sans renoncer à l’agrément. Je pense comme Voltaire, «en fait de lecture tout est bon moins ce qui ennuie.» A l’égard du texte, que quelques personnes pourront regretter de ne pas trouver au bas des pages, je leur ferai observer qu’une traduction peut être considérée sous deux points de vue, ou comme un moyen de mieux comprendre le livre traduit, ou comme un livre original. Dans le premier cas la version la plus littérale est la meilleure, et ce n’est pas celle qu’on doit le plus estimer, car elle n’exige pas un grand talent; elle est inséparable du texte: dans le second cas, le mérite d’une traduction se proportionne au plus ou moins d’exactitude que le traducteur a mis à reproduire la pensée de l’auteur traduit, et à la forme plus ou moins belle qu’il a su donner à son expression; mais cela même l’oblige à la séparer du texte, rien n’empêchant d’apprécier le style de la traduction ou du livre, comme une lecture alternative et comparée de l’une et de l’autre.

Il m’eût été facile de composer de longs arguments sur les divers traités de Cicéron que j’ai traduits; j’aurais pu les analyser, les commenter, y insérer des dates, des jugements, des comparaisons: je ne l’ai pas fait. Après avoir passé une partie de ma vie à étudier le plus grand écrivain de Rome, à sentir les beautés de diction qu’il renferme, entraîné comme par une passion à les reproduire, j’ai pensé que les vrais admirateurs de Cicéron n’auraient aucune peine à me pardonner l’absence de quelques notes inutiles, s’ils retrouvaient dans mon travail le mouvement, la couleur, la forme du style que j’ai voulu imiter. C’est là ce que j’ai cherché. Je n’ai pas fait preuve d’érudition, soit: ai-je manqué d’intelligence et de goût?

Décembre1851.

Dialogues sur l'éloquence: De oratore, Brutus, Orator

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