Читать книгу Histoire de l'abbaye d'Hautecombe en Savoie avec pièces justificatives inédites - Claudius Blanchard - Страница 23
Prospérité croissante du monastère. — Ses premières possessions dans les Beauges. — Règne de Thomas Ier. — Sa femme Béatrix-Marguerite est inhumée à Hautecombe.
ОглавлениеNous avons vu, dans la première partie de cet ouvrage, qu’avant sa translation sur les rives du lac, ou peu après, la communauté de Cessens avait reçu des biens-fonds situés sur la paroisse d’Aix, au pied du versant méridional de la montagne de la Chambotte, et que telle fut l’origine de la Grange d’Aix. Plusieurs autres donations vinrent étendre cet établissement rural pendant le XIIe siècle.
La constatation, faite au moment de la confection du cadastre (1728 à 1738), des biens de l’ancien patrimoine de l’Église, dans le but de les exempter de l’impôt, nous fournit à cet égard de précieux renseignements. En 1160, Anthelme Corbel et Poncet-Gottier donnent à l’abbaye une terre «auprès de Saint-Simond et la grange d’Aix.» En 1178, une personne, désignée sous le seul nom de Pétronille, cède à l’abbaye «toute la terre qu’elle avait rière Saint-Simond, procédée de son feu père Amblard, et la grange d’Aix est située partie rière ledit lieu.» L’année suivante, Anthelme Corbel d’Aix donne à l’abbaye «deux journaux de terre jouxt la terre de ladite abbaye.» Trois ans plus tard (1182), Gottier-Morens lui donne «tout ce qu’il pouvait avoir dès l’eau de l’abbaye jusque au lac;» et, en 1184, un nommé Gottier, peut-être le même que celui ci-dessus, fait donation d’un champ situé à Saint-Simon .
On voit avec quelle rapidité les richesses territoriales venaient étendre le patrimoine de notre monastère. Si sa position sur une bande de terre stérile et étroite rendait impossible une agglomération de fermes dans son voisinage, ses possessions sur la rive opposée du lac commençaient à former un centre d’exploitation; et l’on peut observer que non-seulement les comtes de Savoie, les sires de Grésy et ceux d’Aix, mais aussi d’humbles tenanciers, se montraient généreux en faveur de cette maison.
Vers cette même époque, l’abbaye jette les fondements de ses droits territoriaux dans les Beauges. Nantelme, évêque de Genève de 1185 à 1206, lui donne, pour bâtir une maison, un emplacement contigu à l’habitation de Jean, chapelain de Jarsy, qui demeurait sur le cimetière de cette paroisse. En 1192, Aymon de Aula, du Châtelard, abandonne, pour le salut de son âme et de ses ancêtres, tout ce qu’il possédait ou avait droit de posséder dans la montagne de Cheray ou Cherel. La donation est faite dans la paroisse de Jarsy, en présence du chapelain Jean, qui la reçoit et l’approuve. Bernard, oncle paternel d’Aymon, ayant fait une semblable cession de tous ses droits sur la même montagne, ils reçoivent, entre eux deux, cinq sols et un seralium. Enfin, deux ans plus tard (1194), un autre membre de la même famille, portant le nom d’Albert, donne également tous ses droits sur cette montagne, qui fait partie aujourd’hui de la commune de Jarsy . Cet ensemble de donations fit l’objet de diverses transactions, pendant les XIIIe et XIVe siècles, et il en résulta que toute la montagne ou alpe de Jarsy appartenait à l’abbaye, et que seulement après la descente de ses troupeaux, les habitants de Jarsy y avaient les droits d’affouage et de pacage. Nous verrons que le monastère possédait, en 1732, sur le territoire de cette commune, plus de 400 hectares en pâturages, bois, rocs, avec chalet et écurie.
Le XIIIe siècle s’ouvre, pour Hautecombe, par la faveur dont l’entoure Thomas Ier. Le souvenir de ce comte de Savoie est tellement attaché à sa prospérité, que nous devons en esquisser le glorieux règne.
A l’entrée d’une gorge des Alpes que la nature a élevées comme une muraille majestueuse entre l’Italie et les autres contrées de l’Europe, un mamelon se détache de la montagne voisine comme un ouvrage avancé, destiné à commander le défilé. A son sommet, apparaissent encore quelques pans de murs bien frustes, derniers vestiges de l’antique château de Charbonnières, où la tradition place le berceau de la Maison de Savoie. C’est de ce nid d’aigle qu’elle aurait pris son essor pour étendre peu à peu sa domination jusqu’aux plages les plus reculées de cette belle contrée:
Che Appennin parte il mar circonda e l’Alpe.
Vers 1178, venait au monde, dans cette résidence, Thomas Ier, l’héritier si désiré d’Humbert III et de Béatrix de Vienne. Orphelin à douze ans, il eut le bonheur de trouver un tuteur dévoué et habile au maniement des affaires publiques dans son oncle Boniface, marquis de Montferrat. La première préoccupation de ce tuteur fut de faire lever l’interdit politique jeté par Frédéric Barberousse sur les provinces échues à son neveu. Il l’obtint bientôt d’Henri, fils de l’empereur, et qui, trois ans auparavant, avait battu Humbert III à Avigliana.
Une autre négociation importante de cette régence fut le règlement des difficultés qui s’étaient élevées entre l’évêque d’Aoste et le comte de Savoie. En 1191, Thomas Ier se rend lui-même à Aoste avec son tuteur; un arrangement est conclu avec l’évêque, et, quelque temps après, le jeune comte, devenu majeur, accorde une charte d’affranchissement à la ville.
De là, il descendit dans les plaines du Piémont et travailla à récupérer les droits de ses ancêtres, compromis surtout pendant le règne précédent. Durant de longues années, il prit part aux guerres incessantes que se livraient tant de petites souverainetés couvrant le sol d’un réseau de droits inextricable, et, par là même, d’un exercice presque impossible sans heurter les droits du seigneur voisin.
Petit-fils du fondateur d’Hautecombe et fils d’un prince qui avait tant affectionné ce monastère, il ne s’écarta point de leurs exemples. Le 23 novembre 1203, étant à Chambéry, dans la maison de l’hôpital qui lui appartenait, en Présence de Nicolas, prieur d’Aiguebelle, et de plusieurs seigneurs, il donne aux religieux d’Hautecombe le pouvoir de transporter, acheter et vendre, dans toutes ses possessions, ce qui est nécessaire à leur usage, sans être soumis aux droits de péage, d’éminage, de vente, de lod, ni à toute autre redevance; il les autorise à acquérir des fiefs dépendant de lui, en maintenant les usages de ces fiefs, et confirme par avance ces acquisitions; il approuve toutes les investitures faites par lui ou les siens en faveur de l’abbaye, de quelque manière qu’elles aient été faites; enfin, il ordonne à ses officiers de ne rien exiger des hommes du couvent pour amendes encourues ou pour prise de gibier.
L’importance de ces concessions ressort de la situation des propriétés de l’abbaye. Déjà nombreuses et étendues, elles n’étaient point groupées autour du monastère, mais fort distantes les unes des autres. Les droits de péage, principal impôt de cette époque, se multipliaient à l’infini et pesaient lourdement sur les produits transportés de la ferme d’Aix et des Beauges à Hautecombe. Ainsi voyons-nous, en 1275, le curé du Châtelard invoquer cette charte pour faire remettre en circulation des fromages appartenant au couvent, qui avaient été arrêtés par le châtelain du lieu. D’autre part, étant autorisée par cette même charte à acquérir des fiefs sans autre condition que celle de reconnaître l’hommage dû au suzerain, l’abbaye allait devenir une puissance féodale.
Autant le règne précédent avait été funeste, autant celui-ci fut heureux pour la dynastie de Savoie.
Aimé sans doute du pape et du clergé, à cause de ses pieuses libéralités, Thomas Ier jouissait aussi de la faveur impériale. A Henri VI, qui avait si promptement révoqué la mise au ban de l’empire des possessions de la Maison de Savoie, avait succédé Philippe, son oncle, qui fut couronné par l’évêque de Maurienne, en l’absence de l’archevêque de Mayence. Ce nouvel empereur, ayant reçu à Bâle les hommages du comte de Savoie, lui remit, devant une assemblée nombreuse de princes et de sujets de l’empire, trois étendards, en signe d’investiture de tous les pays, terres et seigneuries qu’il tenait de ses prédécesseurs; et, «pour prouver l’affection qu’il porte au comte de Savoie, son très cher parent, et lui montrer qu’il est constamment plein de sollicitude pour son honneur et son intérêt,» il lui cède, en augmentation de fief, les villes de Quiers et de Testone en Piémont, et le château de Moudon dans le pays de Vaud (1207). Telle fut l’origine de la puissance de la Maison de Savoie dans la Suisse romande, qui entraîna une lutte prolongée contre le duc de Zœringen.
Nous ne suivrons pas le comte Thomas dans les nombreuses guerres, négociations et traités auxquels il prit une part glorieuse, pendant cette période qu’agitaient si profondément les compétitions à la couronne impériale, les dépositions de souverains par le pape, les rivalités incessantes entre les seigneurs féodaux. Nous signalerons seulement le rôle qu’il joua vis-à-vis de la ligue lombarde, et la haute dignité que lui conféra, à cette occasion, l’empereur d’Allemagne.
Frédéric II s’était rendu en Italie pour examiner l’état de cette ligue, qui se réorganisait contre lui comme autrefois contre son aïeul Barberousse. Désireux d’avoir près d’elle un ami puissant, il créa le comte de Savoie son vicaire impérial pour toute l’Italie, y compris la marche de Trévise (1226). Cette dignité réunissait dans sa personne toutes les prérogatives de la puissance impériale. L’empereur venant à manquer, le comte Thomas le remplaçait dans toute l’étendue du vicariat. Il pouvait concéder des franchises et des priviléges, revendiquer les régales et autres attributs de la souveraineté. Aussi, bientôt Savone, Albenga et diverses autres villes du littoral secouent l’autorité des Génois et demandent au comte de Savoie qu’il les gouverne au nom de l’empereur. Marseille est relevée de sa mise au ban de l’empire et reçoit du vicaire impérial de larges concessions. Le vicariat fut une des principales causes de la prépondérance de la Maison de Savoie et l’un des moyens puissants dont elle se servit pour augmenter et consolider son autorité par la fusion, en une seule monarchie, des nombreuses souverainetés sur lesquelles s’étendait sa haute suprématie.
Pendant ce temps, la ligue lombarde se resserre. Turin, Pignerol et Testone, qui en faisaient partie, signent, avec le Dauphin de Viennois, un traité d’alliance qui froisse les intérêts commerciaux des villes de Chieri et d’Asti. Leurs habitants prennent les armes, rasent Testone, indignent les populations par la férocité de leurs triomphes et suscitent une guerre générale.
De son côté, l’empereur compte parmi ses alliés les marquis de Montferrat, de Saluces et le comte de Savoie. Milan envoie contre eux une armée puissante, formée par vingt-quatre villes fédérées, et commandée par Humbert d’Ozimo. Après une série de victoires, Ozimo rencontre près des ruines de Testone le comte de Savoie; une horrible mêlée s’engage; 10,000 hommes, prétend-on, et le général de la ligue restent sur le champ de bataille (1231). Cet échec arrêta les succès des villes lombardes.
De retour en Savoie, Thomas Ier signait à Chambéry, l’année suivante, l’acte d’acquisition de ce bourg que lui vendait le comte Berlion, et une charte de concessions importantes en faveur de l’abbaye d’Hautecombe. Ces concessions avaient eu lieu à une époque antérieure et avaient même déjà reçu l’approbation spéciale de la comtesse de Savoie, Marguerite, issue de la maison de Genève, et de tous les fils du comte: Amédée, Aymon, Guillaume, Thomas, Pierre, Boniface et Philippe; ce qui ressort d’un acte Passé à Pierre-Châtel, le 26 février 1231, en présence de Robert, abbé ; de Thomas, cellerier; de Pierre de Mairey, Jean de Moras, moines d’Hautecombe; d’Humbert, seigneur d’Aix; de Maître Nicolas et de Jean Blanchard. Il y est dit que la donation est approuvée, «telle qu’elle sera contenue dans la charte que le comte doit faire rédiger.»
Cette charte le fut en effet l’année suivante, le 3 mars 1232. Son importance nous fait un devoir d’en relater ici les principaux passages et de la reproduire intégralement à la fin de l’ouvrage :
«Moi, Thomas, comte de Maurienne et marquis en Italie, je déclare que, voulant faire une aumône pour le salut de mon âme et de mes prédécesseurs, j’ai, dans le chapitre d’Hautecombe, en présence de la communauté de ce lieu et de mon fils Guillaume, évêque élu de Valence, d’Humbert de Seyssel, de Jean Blanchard, d’Aymon Chaine et de Raymond Burdin, donné, de mes propres droits, à la maison et aux religieux d’Hautecombe, tout le village de Méry avec ses dépendances, hommes tant présents qu’absents, leurs héritiers nés ou à naître, domaines, terres, vignes, prés, bois cultivés et non cultivés, redevances d’usage, fiefs, fondations et tous les droits de domaine et de propriété qui m’appartiennent; de telle sorte que les habitants présents ou futurs et les feudataires de cet établissement rural soient entièrement libres des tailles, cavalcades, corvées, etc., vis-à-vis de moi ou des miens, qu’ils soient exempts de toute nouvelle charge de la part de mon métrai et châtelain de Montmélian, et qu’ils continuent à jouir de leurs immunités et bonnes coutumes comme par le passé.»
Le comte déclare avoir également cédé tous les hommes qu’il avait à Chasarges, à Clarafond, à Frisinaz et à Drumettaz, avec ce qui leur appartenait; en outre, tout ce qu’il possédait ou avait droit de posséder en domaine direct ou utile depuis le cours d’eau qui, descendant de la Cluse, traverse un marais au-dessous de Sonnaz , jusqu’au ruisseau de Costan, qui coule entre Mouxy et Frisinaz, à l’exception du domaine de ces eaux. Dans les fiefs qui ne dépendent pas de Méry, le comte s’est retenu le droit de cavalcade et les amendes. Il confirme dès ce jour l’acquisition que les religieux pourraient faire de tout ou partie des autres droits dépendant de ces fiefs.
De plus, il leur a accordé toute liberté et immunité sur leurs hommes qui sont dans ses possessions. Il leur a donné «la Rama de Saint-Symphorien, telle qu’ils l’ont eue autrefois;» il les a autorisés à acquérir à Chambéry une maison libre de toute servitude, et à la posséder librement. Il les a, dès lors, mis en possession de tous ces divers droits, leur en a confirmé le plein domaine, en a investi corporellement l’abbé d’Hautecombe et a promis d’être fidèle à sa parole de la manière suivante:
«Étant sorti du chapitre pour entrer dans l’église, en présence de la communauté et des autres personnes sus indiquées, m’approchant du grand autel et faisant oblation de toutes ces choses, je promis, avec serment prêté sur les reliques des Saints, qui y furent apportées, de loyalement et en toutes manières maintenir, défendre, approuver, et de ne jamais enfreindre ces donations, sous quelque prétexte que ce soit.»
Enfin, le donateur rappelle l’engagement qu’il a pris de solliciter du Souverain Pontife l’approbation de ces libéralités, et de demander l’excommunication contre lui ou ses successeurs, s’ils venaient à les enfreindre. Il reconnaît aussi avoir reçu des religieux, à l’occasion de la cession des droits ci-dessus rappelés, mille livres fortes de Suse, qui lui ont servi à payer la partie de Chambéry qu’il a acquise du comte Berlion. Et afin que toutes ces dispositions soient perpétuellement exécutées, il a fait dresser le présent acte à Chambéry, «derrière la grille de l’église de la maison de l’ordre du Temple,» en présence d’un grand nombre de personnes et, entre autres, de Guillaume, évêque élu de Valence; de frère Thomas et de frère Jean, moines d’Hautecombe; du sire Humbert de Seyssel; de Guillaume Mareschal, châtelain de Montmélian; de Guy de Chevelud, administrateur de Chambéry; de Jean Blanchard, habitant de Lyon; témoins requis .
Par ces acquisitions, notre abbaye prenait rang parmi les puissances féodales. Le fief de Méry lui attribuait une juridiction formelle.
Ces nouvelles possessions, augmentées quelques années plus tard, comprenaient, en 1246, une étendue de vignes de 60 fosserées . Elles ne cessèrent de s’accroître pendant le XIIIe siècle , et elles formèrent une étape intermédiaire entre la grange d’Aix et le bourg de Chambéry, où l’abbaye allait bientôt acquérir des droits. L’abbé d’Hautecombe devint ainsi un des seigneurs importants du bassin du lac.
Douze jours après la donation du village de Méry, dans la même ville de Chambéry, et en présence de plusieurs des témoins de la donation précédente, Thomas Ier faisait rédiger les accords intervenus auparavant entre le vicomte Berlion et lui. Il acquérait ainsi tous les droits de Berlion sur le bourg de Chambéry, pour le prix de 32,000 sols forts de Suse, sous la réserve du château, de la leyde des bois, du péage de la ville et de divers autres droits .
Ayant repassé les Alpes pour guerroyer en Piémont, il fut pris à Aoste d’un mal subit, qui l’emporta le 1er mars de l’année suivante (1233) . Sa dépouille mortelle resta au-delà des Alpes. Hautecombe n’eut pas l’honneur de la recevoir .
La belle et mâle figure de Thomas Ier personnifie la période comtale de la Maison de Savoie. Plusieurs princes de sa race furent mêlés à des événements plus grandioses, eurent un règne plus brillant et plus connu; mais bien Peu réunirent la bravoure, la générosité, l’habileté et les vertus chrétiennes de Thomas. Appelé, à l’âge de douze ans, à régir des États mis au ban de l’empire, usurpés en grande partie par les seigneurs voisins, il réussit à récupérer le patrimoine de ses aïeux, à gagner la faveur impériale et à s’élever, par le vicariat impérial, au-dessus de toutes les souverainetés couvrant le sol du second royaume de Bourgogne et de la Haute-Italie. C’est de lui que date le commencement de l’unité politique des possessions de sa famille.
«Symétrisant, dans les relations internationales, ses fiefs épars sous le nom générique de Savoie, il donnait à son pays un nom, comme son grand-père lui avait donné un drapeau, et, par cela seul, agrandissait sa valeur propre et le cercle de son horizon .»
Prince des plus avisés de sa race, il fut loin de se raidir contre les idées d’affranchissement, de libertés municipales, qui grandissaient alors dans les villes. Après avoir accordé des franchises à Aoste, confirmé celles de Suse (1198), il les inaugura en Savoie par celles d’Yenne (1215). Pignerol, en 1220, et Chambéry, en 1232, en reçurent à leur tour.
Son souvenir est resté vivant à Hautecombe. Les donations et les visites qu’il fit à ce monastère, les nombreux actes passés sous son règne, de même que sous les suivants, dans lesquels figure comme témoin ou comme partie intéressée l’abbé d’Hautecombe, attestent que cette abbaye a toujours partagé, pendant la première période de son histoire, la gloire qui entourait le souverain.
Beaucoup d’autres monastères ressentirent aussi les effets de sa générosité . Il nous suffira de rappeler ici qu’il fonda, près de Suse, la chartreuse de Lose (1191), dont la durée ne fut pas très longue; qu’il gratifia de terres plus ou moins étendues le monastère du Betton en Savoie (1195), l’hospice du Mont-Cenis (1197), la chartreuse d’Aillon (1207 et 1216), et que, d’après Guichenon, il fonda l’église de Myans.
Pour compléter le bonheur de ce prince, il eut la plus belle lignée de sa race . Presque tous ses fils, après avoir suivi la carrière des armes et fait preuve de leur vaillance sur les champs de bataille de la France, de l’Angleterre, des Flandres et de l’Italie, vinrent reposer à côté de leur aïeul Humbert III.
Les historiens ne sont pas d’accord sur le nombre de ses mariages. Suivant l’opinion la plus probable, il n’aurait eu qu’une femme, Béatrix-Marguerite, qui prenait indistinctement l’un ou l’autre de ces deux noms . Elle était fille de Guillaume Ier, comte de Genevois. La date du décès de cette princesse, fixée par la chronique d’Hautecombe au 8 avril 1230, est évidemment erronée. Un grand nombre de chartes postérieures à cette année, l’interversion des dates dans la série des décès mentionnés dans cette chronique ou obituaire d’Hautecombe, le prouvent. Nous reporterons cette mort, avec Cibrario, au 8 avril 1257.
Cette princesse, souvent désignée sous le nom de Mater comitum, parce que trois de ses fils montèrent sur le trône de Savoie, fut inhumée à Hautecombe, au milieu de plusieurs de ses enfants. Elle n’y a pas de monument.