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CHAPITRE IV. LA SÉLECTION NATURELLE OU LA PERSISTANCE DU PLUS APTE
DU PROGRÈS POSSIBLE DE L'ORGANISATION

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La sélection naturelle agit exclusivement au moyen de la conservation et de l'accumulation des variations qui sont utiles à chaque individu dans les conditions organiques et inorganiques où il peut se trouver placé à toutes les périodes de la vie. Chaque être, et c'est là le but final du progrès, tend à se perfectionner de plus en plus relativement à ces conditions. Ce perfectionnement conduit inévitablement au progrès graduel de l'organisation du plus grand nombre des êtres vivants dans le monde entier. Mais nous abordons ici un sujet fort compliqué, car les naturalistes n'ont pas encore défini, d'une façon satisfaisante pour tous, ce que l'on doit entendre par «un progrès de l'organisation». Pour les vertébrés, il s'agit clairement d'un progrès intellectuel et d'une conformation se rapprochant de celle de l'homme. On pourrait penser que la somme des changements qui se produisent dans les différentes parties et dans les différents organes, au moyen de développements successifs depuis l'embryon jusqu'à la maturité, suffit comme terme de comparaison; mais il y a des cas, certains crustacés parasites par exemple, chez lesquels plusieurs parties de la conformation deviennent moins parfaites, de telle sorte que l'animal adulte n'est certainement pas supérieur à la larve. Le criterium de von Baer semble le plus généralement applicable et le meilleur, c'est-à-dire l'étendue de la différenciation des parties du même être et la spécialisation de ces parties pour différentes fonctions, ce à quoi j'ajouterai: à l'étal adulte; ou, comme le dirait Milne-Edwards, le perfectionnement de la division du travail physiologique. Mais nous comprendrons bien vite quelle obscurité règne sur ce sujet, si nous étudions, par exemple, les poissons. En effet, certains naturalistes regardent comme les plus élevés dans l'échelle ceux qui, comme le requin, se rapprochent le plus des amphibies, tandis que d'autres naturalistes considèrent comme les plus élevés les poissons osseux ou téléostéens, parce qu'ils sont plus réellement pisciformes et diffèrent le plus des autres classes des vertébrés. L'obscurité du sujet nous frappe plus encore si nous étudions les plantes, pour lesquelles, bien entendu, le criterium de l'intelligence n'existe pas; en effet, quelques botanistes rangent parmi les plantes les plus élevées celles qui présentent sur chaque fleur, à l'état complet de développement, tous les organes, tels que: sépales, pétales, étamines et pistils, tandis que d'autres botanistes, avec plus de raison probablement, accordent le premier rang aux plantes dont les divers organes sont très modifiés et en nombre réduit.

Si nous adoptons, comme criterium d'une haute organisation, la somme de différenciations et de spécialisations des divers organes chez chaque individu adulte, ce qui comprend le perfectionnement intellectuel du cerveau, la sélection naturelle conduit clairement à ce but. Tous les physiologistes, en effet, admettent que la spécialisation des organes est un avantage pour l'individu, en ce sens que, dans cet état, les organes accomplissent mieux leurs fonctions; en conséquence, l'accumulation des variations tendant à la spécialisation, cette accumulation entre dans le ressort de la sélection naturelle. D'un autre côté, si l'on se rappelle que tous les êtres organisés tendent à se multiplier rapidement et à s'emparer de toutes les places inoccupées, ou moins bien occupées dans l'économie de la nature, il est facile de comprendre qu'il est très possible que la sélection naturelle prépare graduellement un individu pour une situation dans laquelle plusieurs organes lui seraient superflus ou inutiles; dans ce cas, il y aurait une rétrogradation réelle dans l'échelle de l'organisation. Nous discuterons avec plus de profit, dans le chapitre sur la succession géologique, la question de savoir si, en règle générale, l'organisation a fait des progrès certains depuis les périodes géologiques les plus reculées jusqu'à nos jours.

Mais pourra-t-on dire, si tous les êtres organisés tendent ainsi à s'élever dans l'échelle, comment se fait-il qu'une foule de formes inférieures existent encore dans le monde? Comment se fait-il qu'il y ait, dans chaque grande classe, des formes beaucoup plus développées que certaines autres? Pourquoi les formes les plus perfectionnées n'ont-elles pas partout supplanté et exterminé les formes inférieures? Lamarck, qui croyait à une tendance innée et fatale de tous les êtres organisés vers la perfection, semble avoir si bien pressenti cette difficulté qu'il a été conduit à supposer que des formes simples et nouvelles sont constamment produites par la génération spontanée. La science n'a pas encore prouvé le bien fondé de cette doctrine, quoi qu'elle puisse, d'ailleurs, nous révéler dans l'avenir. D'après notre théorie, l'existence persistante des organismes inférieurs n'offre aucune difficulté; en effet, la sélection naturelle, ou la persistance du plus apte, ne comporte pas nécessairement un développement progressif, elle s'empare seulement des variations qui se présentent et qui sont utiles à chaque individu dans les rapports complexes de son existence. Et, pourrait-on dire, quel avantage y aurait-il, autant que nous pouvons en juger, pour un animalcule infusoire, pour un ver intestinal, ou même pour un ver de terre, à acquérir une organisation supérieure? Si cet avantage n'existe pas, la sélection naturelle n'améliore que fort peu ces formes, et elle les laisse, pendant des périodes infinies, dans leurs conditions inférieures actuelles. Or, la géologie nous enseigne que quelques formes très inférieures, comme les infusoires et les rhizopodes, ont conservé leur état actuel depuis une période immense. Mais il serait bien téméraire de supposer que la plupart des nombreuses formes inférieures existant aujourd'hui n'ont fait aucun progrès depuis l'apparition de la vie sur la terre; en effet, tous les naturalistes qui ont disséqué quelques-uns de ces êtres, qu'on est d'accord pour placer au plus bas de l'échelle, doivent avoir été frappés de leur organisation si étonnante et si belle.

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