Читать книгу Le Sens Du Courage - Davide Piccolo, Davide Piccolo, Martyn Fogg - Страница 4

Оглавление

Chapitre I

Carpe diem

Arrivé devant la porte du bureau de Russo, Marco frappa et le patron répondit gentiment : «Entrez!»

Marco entra dans la pièce à petits pas, troublé de devoir décevoir les attentes de Monsieur Russo.

« Marco, quel plaisir ! Assieds-toi. »

Le manager prit place dans un fauteuil en cuir; il soupira.

Pendant quelques secondes d’attente silencieuse, ils se regardèrent; une atmosphère de tension bien visible plana.

Puis, Marco décida finalement de rompre le silence. Il annonça : « J’ai reçu une offre de la JW Corporation de New York.

- Comment ?

- Oui, vous avez bien compris. »

Monsieur Russo ouvrit la bouche comme pour parler mais il la referma, en attendant que son directeur général de confiance lui fournît d’autres détails concernant la proposition de l’illustre société américaine.

« Il y a quelques mois, expliqua Marco, j’ai été contacté par Monsieur Walker lui-même. Après les présentations rituelles, il m’a dit être au courant de l’excellent travail effectué pour Russo S.p.A. et avoir l’intention de me confier le poste de directeur général.

-Et tu as refusé, n’est-ce pas ? demanda Monsieur Russo d’un ton suppliant.

- Non, j’ai accepté. »

Silence.

« Mais alors… Pourquoi es-tu encore ici ? », demanda-t-il soupçonneux, dans l’espoir qu’il pût s’agir d’une plaisanterie imaginée par Marco.

-Parce que j’ai accepté à condition que mon départ fût repoussé à la fin de l’année en cours. Vous me connaissez, je déteste faire les choses à moitié. Je me suis senti dans l’obligation de rendre la confiance reçue pendant ces deux ans, en clôturant de la meilleure des manières le parcours entrepris ensemble.

- À combien s’élève l’offre de Monsieur Walker ?

- Pour m’avoir à sa disposition coûte que coûte, il m’a offert un contrat pharaonique quinquennal de 500000 € annuels et il a mis à ma disposition une villa luxueuse de 500 mètres carrés, une Bentley Continental Gt, une domestique et un jardinier qui aura également la fonction de chauffeur.

-Marco, je comprends combien cette offre est alléchante, mais… s’il te plaît, reste…

- Monsieur Russo, je suis moi aussi vraiment désolé de quitter l’entreprise, croyez-moi, mais ce genre d’occasions n’arrive qu’une fois dans la vie…

- Je suis disposé à tripler ton salaire. 150 000 € par an. Certes, les ressources dont je dispose sont loin d’être comparables à celles de Jason Walker, mais je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour te retenir.

- Ce n’est pas seulement une question économique, répliqua Marco avec fermeté, bien que touché par le suprême effort de Monsieur Russo pour éviter de perdre son meilleur collaborateur. Ma plus grande ambition est de devenir manager au niveau international et je suis convaincu qu’une expérience à l’étranger, en particulier dans une société aussi célèbre que la JW Corporation, est adaptée à ce but.»

La discussion était close. C’était évident.

Alors, désormais résigné à faire ses adieux à Marco, Monsieur Russo admit sur un ton plus approbateur : « Vois-tu, d’un côté je te comprends, car, il y a vingt ans, j’étais directeur et plénipotentiaire d’une petite entreprise dans la banlieue de Naples et, juste au moment où elle se trouvait à l’apogée de son essor, je reçus une offre tentante d’Italie du Nord, de Brescia pour être précis, là où nous nous trouvons en ce moment. Même si j’avais été moi aussi toujours très heureux de travailler pour cette société, je pris la décision de suivre mon instinct et de partir, dans le but de marquer un tournant dans ma modeste carrière. Certes, quitter mes proches, ma terre et l’entreprise qui avait atteint des objectifs ambitieux sous ma direction, s’est avéré très difficile. Mais le désir que j’avais d’obtenir un rôle plus important me donna le courage nécessaire pour entreprendre une nouvelle aventure professionnelle, qui s’annonçait certainement plus satisfaisante et rémunératrice. C’est ainsi que, convaincu d’avoir fait le bon choix, je déménageai. Avec le recul, je peux affirmer avec certitude que je n’ai pas commis d’erreur en acceptant ce nouveau défi qui, comme tu vois, m’a permis d’atteindre des objectifs qui auraient été hors de portée si j’avais décidé de rester dans ma ville. Pour cette raison, je comprends parfaitement ton choix d’accepter l’offre de la JW Corporation. Évidemment, tu ne peux avoir la certitude que ton expérience sera conforme à tes attentes, mais j’espère de tout cœur que tu pourras réaliser ton rêve de devenir un manager à l’échelle internationale. »

À ces mots, Marco poussa un soupir de soulagement et sa bouche se détendit enfin dans un sourire.

Finalement, Monsieur Russo avait prononcé la phrase que Marco attendait, faisant fuir tout doute résiduel concernant la rectitude de son choix.

D’ailleurs, si celui qui avait toujours été pour lui un modèle à imiter pour son expérience professionnelle et sa force de volonté ne l’avait pas fait, qui d’autre, mieux que lui, aurait pu lui transmettre la certitude du meilleur chemin à entreprendre pour atteindre une carrière enviable ?

« Je suis content que vous compreniez les raisons de ma décision, conclut Marco.

- Bien sûr que je comprends. Mais il était de mon devoir d’essayer de prendre parti pour mon entreprise jusqu’au bout. Je me demande comment nous ferons sans toi…

- Ne vous inquiétez pas. Je suis certain que vous saurez remédier brillamment à mon absence. Vous êtes tous des professionnels hors de pair : vous repèrerez bientôt un manager capable de combler le vide laissé par mon départ. Cette entreprise a fait ses preuves maintenant. Même un manager de haut niveau jouerait des pieds et des mains pour être embauché chez Russo S.p.A.

- Je l’espère. »

Satisfait du résultat de son entrevue, Marco se leva de son fauteuil et décida de retourner dans la salle préparée pour la fête de Noël, suivi de Monsieur Russo, inquiet pour le futur incertain qui attendait sa société.

Cependant, pendant qu’il parcourait la courte distance qui le séparait de la salle, le jeune manager se rendit compte que ce changement imminent l’avait étourdi. Il marchait presque machinalement, sourd à la musique à tout volume qui réjouissait la journée de ses collègues qui, eux, ne savaient pas encore que rien ne serait plus comme avant.

Lorsqu’il mit pied dans la salle, il fut immédiatement envahi par un bruit incroyable, provoqué par ses collègues en fête qui chantaient ses louanges avec une admiration accrue, en entonnant des chants de stade.

Malgré cet accueil magnifique, sa réponse se traduisit uniquement par un sourire mesquin et forcé, sans émotion.

La vague d’affection des autres employés lui donnait la sensation d’avoir trahi toutes les personnes qui l’entouraient.

Cette impression se renforça, car il avait pris conscience d’avoir laissé ses amis et ses collègues à leur destin, en les abandonnant à l’égide future d’un manager inconnu.

Tandis que ces pensées se bousculaient dans sa tête, il scrutait les visages joyeux de ses camarades, sourd à leurs paroles ; il songeait que, dans sa nouvelle aventure professionnelle, il allait devoir entrer en relation avec des personnes inconnues de lui, qui parlaient une autre langue, ne savaient même pas qui il était et probablement ne se seraient pas intéressés à son histoire personnelle, mais seulement au travail et à l’économie.

Mon Dieu, comme ils lui auraient manqué.

Mais la décision était prise, il ne pouvait plus revenir en arrière.

Ainsi, angoissé par la tâche ingrate de devoir éteindre l’enthousiasme de ses collègues par son propre discours d’adieux, il monta à la tribune, approcha le micros de sa bouche et, ayant attiré l’attention de toutes les personnes présentes, il dit : « Mes amis, le moment est venu de vous prévenir que, comme je viens de l’annoncer à Monsieur Russo dans une brève entrevue, j’ai pris la décision irrévocable d’accepter une offre prestigieuse provenue des États-Unis, de la JW Corporation. »

Ces paroles furent suivies d’un murmure de préoccupation, qui se répandit rapidement parmi les auditeurs.

« Il s’agit pour moi d’une occasion économique et professionnelle à laquelle je ne puis renoncer, poursuivit-il. Toutefois, je désire adresser mes remerciements à chacun d’entre vous, parce que votre très précieux concours, votre disponibilité et votre entière collaboration, m’ont donné la possibilité de faire grandir cette société et de marquer un tournant dans ma vie de travail qui me permettra de m’approcher du rêve que j’ai de devenir un manager célèbre, connu même au-delà des frontières italiennes et européennes. Cependant, je vous suis surtout reconnaissant pour l’amitié sincère que vous m’avez toujours témoignée depuis le jour où j’ai été accueilli parmi vous dans l’entreprise. À présent », conclut-il avec émotion, « il ne me reste qu’à vous saluer et à vous souhaiter d’obtenir des résultats toujours meilleurs. »

Son discours d’adieu toucha profondément ses collègues, qui exprimèrent par un silence assourdissant leur regret de devoir quitter le manager dont le talent avait réussi à coordonner leur travail.

Prenant part à leur déception, Marco déposa le micros et, la tête basse, il rejoignit les autres employés, encore bouleversés par le torrent d’émotion qui venait de les submerger.

Le seul qui eut la force de reprendre l’usage de la parole fut son cher ami Massimo, un homme imposant, au caractère gai et prompt à la répartie. Mais il avait perdu sa bonne humeur contagieuse.

« Giovanni, dit-il, tout triste, en se tournant vers un collègue à sa droite, ne rallume pas la musique; à présent, nous n’avons plus de raison de fêter quoi que ce soit. Sans Marco, notre entreprise est finie et bientôt nous nous retrouverons au chômage… ».

Son intervention fut entièrement approuvée par tous, y compris Luisa, la secrétaire, qui était accourue pour écouter les déclarations du manager et qui, les yeux éteints, fixait maintenant le mur récemment repeint.

La fête se termina tristement. Marco passa quelques interminables minutes à dire adieu à ses ex-collègues avant de sortir de l’établissement, tandis que leurs commentaires choqués résonnaient à ses oreilles avec mélancolie.

Pas même le ronflement du moteur de sa voiture ne parvint à le tirer de ses réflexions, alors qu’il se dirigeait vers la maison.

Au moment où il aperçut l’habitation où il vivait avec Francesca, il se rappela soudain que la jeune fille pouvait accueillir la nouvelle du déménagement avec une colère bien compréhensible, étant donné qu’elle non plus n’avait pas été mise au courant de la proposition de Jason Walker.

«J’aurais dû lui en parler», songea Marco.

Mais maintenant il était trop tard.

Troublé par cette prise de conscience, il gara la voiture, sonna et attendit que sa fiancée lui ouvrît.

Le Sens Du Courage

Подняться наверх