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CHAPITRE PREMIER

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Charlotte de Bourbon, que ses parents, le duc et la duchesse de Montpensier, ont destinée à la vie monastique, est confinée par eux, dès son bas âge, dans l'abbaye de Jouarre, dont ils veulent qu'elle ait, un jour, la direction. – Aversion de Charlotte pour le régime du cloître. – Menaces et violences employées à son égard. – Scène sacrilège du 17 mars 1559, dans laquelle le rôle d'abbesse de Jouarre lui est imposé. – Sa protestation, par acte authentique, contre la contrainte qu'elle a subie, et témoignages des religieuses de Jouarre à l'appui de sa protestation. – La duchesse de Montpensier se repent de la dureté de ses procédés envers Charlotte. – Mort de la duchesse, en 1561. – Maintenue à Jouarre par l'opiniâtreté de son père, Charlotte n'exerce, des fonctions d'abbesse, que celles qui se concilient avec les enseignements du pur Évangile, qu'elle a été amenée à connaître par ses relations avec quelques-unes des hautes personnalités du protestantisme, telles, notamment, que sa sœur, la duchesse de Bouillon, et Jeanne d'Albret, reine de Navarre. – Le duc de Montpensier épouse, en secondes noces, Catherine de Lorraine. – Désormais maîtresse de ses actions, Charlotte de Bourbon confie à la duchesse de Bouillon et à la reine de Navarre sa résolution de quitter l'abbaye de Jouarre. – L'une et l'autre l'approuvent et lui assurent une retraite auprès de l'électeur palatin, Frédéric III, et de l'électrice. – En février 1572, Charlotte de Bourbon sort pour toujours de l'abbaye de Jouarre et se rend à Heydelberg, où elle est favorablement accueillie. – Lettre de Frédéric III au duc de Montpensier.

Nulle femme, par sa piété, par ses vertus, par le charme de ses exquises qualités, n'a porté plus haut que Charlotte de Bourbon le nom de la grande famille dont elle était issue.

Retracer la vie de cette noble femme, c'est mettre sur la voie du respect qu'elle commande et de la sympathie qu'elle doit inspirer à toute âme éprise de la grandeur morale et de l'intime alliance d'un cœur aimant à un esprit distingué.

Quelque courte qu'ait été cette belle vie, elle demeure féconde en précieux enseignements, qui, dégagés de tous commentaires, ressortiront naturellement du simple exposé des actions de l'excellente princesse et de la fidèle reproduction de son langage, toujours empreint de sincérité.

Dans l'isolement immérité, qui fut le triste lot de son enfance et de sa première jeunesse s'accomplit peu à peu, en elle, sous le regard de Dieu, un travail intérieur qui, épurant et éclairant son âme au contact des vérités éternelles, la fortifia contre de douloureuses épreuves, les lui fit surmonter, et, en réponse à ses légitimes aspirations, la mit enfin, comme femme et comme croyante, en possession d'une liberté d'agir, dont elle consacra dignement l'exercice à l'accomplissement des plus saints devoirs.

En ces quelques mots se résume la vie de la princesse. Etudions-en maintenant en détail les diverses phases.

Alliée, de longue date, à la maison royale de France1, la famille de Bourbon se divisait, vers le milieu du XVIe siècle, en deux branches, dont la principale était représentée par Antoine de Bourbon, d'abord duc de Vendôme, puis roi de Navarre; par Charles, cardinal de Bourbon, et par Louis Ier de Bourbon, prince de Condé. La branche secondaire avait pour seuls représentants Louis II de Bourbon, duc de Montpensier, et Charles de Bourbon, prince de la Roche-sur-Yon.

Louis II de Bourbon épousa, en 1538, Jacqueline de Long-Vic, fille de Jean de Long-Vic, seigneur de Givry, baron de Lagny et de Mirebeau en Bourgogne, et de Jeanne d'Orléans.

De l'union de Louis II avec Jacqueline naquirent un fils et cinq filles.

Sous l'empire des habitudes et des préjugés nobiliaires de l'époque, ce fils, François de Bourbon, portant le titre de prince dauphin d'Auvergne, fut pour ses parents, au point de vue de son avenir, l'objet d'une sollicitude particulière.

Des cinq filles, deux, par de hautes alliances qu'il leur fut donné de contracter, échappèrent à la vie du cloître, qui, de gré ou de force, devint le partage des trois autres.

Charlotte de Bourbon, née en 1546 ou 15472, était la quatrième de ces cinq filles. Son sort, à la différence de celui de ses sœurs, dont il sera parlé plus loin, fut, dès sa naissance, fixé par ses parents avec une inflexible rigueur, qui, pendant de longues années, ne cessa de peser sur elle.

Les faits sont, à cet égard, d'une signification précise.

L'opulente abbaye de Jouarre avait alors à sa tête la propre sœur de la duchesse de Montpensier, Louise de Long-Vic. Le duc et la duchesse obtinrent d'elle la promesse de ne se démettre de ses fonctions et de ses prérogatives abbatiales qu'en y substituant directement sa nièce Charlotte, dès que cette dernière aurait atteint l'âge requis pour être apte à lui succéder.

Méconnaissant ses devoirs de père, le duc, en qui la dureté de cœur s'alliait à un grossier despotisme d'idées et d'habitudes, proscrivit promptement du foyer domestique la pauvre enfant et la livra aux mains de sa tante, afin d'être façonnée et assouplie par elle au régime de la vie monastique.

Complice de son mari, en cette circonstance, la duchesse de Montpensier eut la coupable faiblesse de consentir à ce que la débile créature à laquelle elle avait récemment donné le jour demeurât, dès le berceau, privée de la tendresse maternelle qui eût dû l'entourer, et fût vouée à la torpeur d'une existence dont elle ne pourrait, semblait-il, secouer le joug, quelque intolérable qu'il devînt ultérieurement.

Toutefois, le père et la mère, en confinant dans l'enceinte d'un cloître le corps de leur fille, n'avaient pas compté avec les droits inaliénables de son âme. Que pouvaient-ils sur cette partie immatérielle de son être? La froisser, sans doute, l'ulcérer, la torturer même; mais l'arrêter dans son légitime essor, la comprimer, l'asservir? jamais! Quels que fussent, dans l'avenir, les assauts livrés à l'âme de Charlotte, ils devaient, en dépit des prévisions humaines, échouer devant l'irrésistible puissance du protecteur suprême, qui autorise tout enfant délaissé, dont les regards se tournent vers le ciel, à se dire3: «Si mon père et ma mère m'ont abandonné, l'Eternel toutefois me recueillera!» Abritée sous l'égide divine, Charlotte demeurait invincible. Aussi, ne pouvait manquer de venir, pour ses parents, un jour où l'évidence de leur défaite morale les contraindrait à reconnaître, dans l'amertume de la déception et du remords, qu'on ne se joue impunément ni de Dieu4, ni de l'âme humaine, qui relève de lui, par la double grandeur de son origine et de sa destinée.

Plus le jour dont il s'agit se fit attendre, plus il importe, en ce qui concerne Charlotte de Bourbon, de chercher à déterminer les circonstances dans lesquelles elle se trouva placée, avant qu'il advînt.

Et d'abord, comment s'écoula son enfance, dans l'abbaye de Jouarre, sous la direction de sa tante?

Si la réponse à cette question ne peut reposer sur la connaissance acquise de minutieux détails, elle se déduit du moins, jusqu'à un certain point, de divers faits caractéristiques, qui ressortent nettement soit des déclarations de la véridique Charlotte, soit de celles de personnes qui l'entourèrent à cette époque de sa vie. Ces faits sont: l'éveil et le développement de sa conscience; la souffrance de son cœur, privé de l'affection d'une mère et d'un père, qui la laissaient languir dans l'isolement; et, en même temps, l'invariable droiture de sa déférence envers eux, alors que, sourds à ses supplications, et sans pitié pour les angoisses de son âme, ils s'attachaient à lui imposer, par la menace et par la violence, des engagements, des devoirs, des pratiques, une profession extérieure, en un mot, tout l'ensemble de la vie monastique, pour laquelle elle éprouvait une insurmontable aversion. Mais, qu'importaient au duc et à la duchesse cette aversion, la loyauté qui l'avouait, l'énergique revendication des droits sacrés de la conscience, et la respectueuse résistance à une aveugle volonté qui s'arrogeait le droit de disposer, en maîtresse souveraine, d'une âme et d'une vocation! Obéir passivement, à l'état d'être automatique; devenir abbesse, à tout prix, même au prix de l'immolation d'une conscience taxée de rebelle, parce qu'elle s'indignait, à la seule idée du parjure: Voilà le sort auquel il fallait que Charlotte apprît à se plier!

Ici, comment ne pas être frappé d'un étrange contraste entre l'attitude du duc et de la duchesse de Montpensier, à son égard, et celle qu'il jugèrent opportun d'adopter, en 1558, vis-à-vis de Françoise de Bourbon, leur fille aînée! Voulant assurer à celle-ci une brillante situation dans le monde, ils la marièrent à Henri-Robert de La Marck, duc de Bouillon. Certes, ils ne se doutaient alors ni de la prochaine adhésion de ce prince et de sa jeune femme aux doctrines purement évangéliques, ni de l'appui que Françoise, au double titre de sœur dévouée et de haute personnalité protestante, prêterait, un jour, à Charlotte, pour l'aider à s'affranchir des liens dans lesquels on avait crû pouvoir l'enchaîner à jamais.

Avec l'année 1559, s'ouvrit pour l'infortunée Charlotte, touchant à l'adolescence, la sombre perspective d'un redoublement de souffrances morales.

Vainement, s'efforçait-on, plus encore que précédemment, de la dresser à ce rôle d'abbesse, qu'une inexorable tyrannie entendait lui imposer: la jeune fille persévérait dans sa résistance; mais, finalement, ses parents tinrent si peu compte de ses représentations réitérées, de ses ardentes supplications, de ses pleurs, que dans le cours du mois de mars, parvint à Jouarre l'injonction de tout disposer pour sa transformation forcée en abbesse, même avant qu'elle eût atteint l'âge fixé par les canons pour pouvoir être régulièrement investie de ce titre.

Alors, le 17 de ce même mois, dans l'église de l'abbaye, au sein d'une assemblée renforcée de l'assistance d'un représentant du duc et de la duchesse de Montpensier, se déroula le scandale inouï d'une scène sacrilège, dans laquelle la lâcheté de l'astuce s'associa à l'odieux de la contrainte. Qu'on en juge par ce qui suit!

Précipitamment poussée plutôt qu'introduite dans cette assemblée, prenant Dieu à témoin de la violence qui lui était faite, pâle, éperdue, fondant en larmes, s'affaissant sur elle-même, Charlotte de Bourbon fut, en véritable victime, traînée à l'autel; et là, devant un impassible prêtre, déviant de la sincérité de son ministère par un raffinement de simulation5, elle balbutia quelques paroles, dont on s'empara, contre elle, comme d'un engagement professionnel librement consenti, tandis que ces paroles avaient été extorquées par l'inexorable pression de ses parents, et aussitôt accompagnées de cette déclaration expresse de la victime: qu'elle ne se courbait sous le fardeau du sacrifice, que par crainte révérentielle.

Ce fut là ce que les profanateurs de l'époque osèrent appeler une entrée en religion.

Cela fait, ils se hâtèrent, sans pitié comme sans conscience, d'abandonner Charlotte à ses émotions déchirantes.

La pauvre enfant (qualification que lui donnaient les compatissantes religieuses de Jouarre, en parlant d'elle) fut saisie d'une fièvre violente, qui de longtemps ne la quitta pas6.

Tel est l'exposé sommaire de ce qui se passa, à l'abbaye de Jouarre, en 15597.

Mais il y a plus à apprendre sur la scène néfaste du 17 mars.

Ecoutons, en effet, Charlotte de Bourbon elle-même, parlant, plus tard, de la lamentable épreuve que son adolescence avait traversée: que déclare-t-elle8?

«Qu'elle fut mise en religion, dès le berceau; que y ayant esté nourrie, toute son enfance, si n'y put-elle jamais avoir, aucune volonté; – que ce qu'elle y continua fut, partie par les menaces estranges de madame de Montpensier, sa mère, et partie par la crainte qu'elle avoit d'offenser monseigneur son père, auquel elle eust désiré obéyr, au milieu de toutes ses fascheries, si sa conscience le luy eust pû permettre; – que, nonobstant toutes les rigueurs de madame sa mère, qui la vouloit faire professe, elle refusa tousjours, mesmes à l'extrémité, et en fit une protestation expresse et authentique, tesmoignée par toutes les religieuses de l'abbaye; – que Ruzé, évesque d'Angers, quand il fut question de luy faire faire le vœu, voyant combien elle en estoit aliénée, en avoit deux par escrit, l'un simulé, qui ne contenoit que choses douces, qui luy fut leu; l'autre, à l'ordinaire, dont jamais ne fut faicte lecture; – et que lesdites religieuses se mutinans, comme si elle n'eust point esté leur abbesse, n'en ayant pas fait le vray vœu, ledit Ruzé leur respondit qu'elles ne s'en missent pas en peine, et qu'elle ne lairroit pas de conserver leurs biens, aussi bien comme les précédentes; – que lors elle n'estoit âgée que de douze à treize ans; – que madame du Paraclet, sa cousine, qui lui donna le voile, n'avoit encore vicariat du Pape, et n'estoit pas abbesse, et par conséquent ne la pouvoit faire professe; tellement que les quatre principales causes qui rendent la profession nulle, y estoient intervenues, à sçavoir: force, fraude, bas âge, et incapacité de celle qui la faisoit professe, comme il appert par les canons; – que, aussi peu, aussi avoit-elle été abbesse, premièrement n'estant point professe, et secondement n'ayant jamais esté bénite, selon que portent les cérémonies observées en icelles choses.»

La protestation à laquelle Charlotte de Bourbon se référait dans les lignes ci-dessus transcrites était ainsi conçue9:

«Fut présente, en sa personne, très noble et très illustre princesse, dame Charlotte de Bourbon, à présent abbesse de l'abbaye Nostre-Dame de Jouarre, laquelle nous a dit et remonstré que, estant à l'âge de douze à treize ans, elle auroit esté par menaces, et de crainte de désobéir à monseigneur le duc de Montpensier, son père, et à madame Jaquette de Long-Wy, son épouse, sa mère, induite et persuadée, contre son gré, vouloir et intention, à faire profession en ladite abbaye, le 17e jour de mars 1559; ce qu'elle a plusieurs fois remonstré et protesté qu'elle ne vouloit estre religieuse, et que la profession qu'elle faisoit estoit par induction et crainte; dont elle auroit faict inmonstrance, en la présence de dame Jeanne Chabot, abbesse du Paraclet, et pour lors prieure de ladite abbaye de Jouarre, et commise au temporel et spirituel, le siège vacant, de dame Cécile de Crue, à présent prieure de ladite abbaye, et des sœurs Michelle, de Lafontaine, Jeanne de Vassery, Anne du Moulinet, Jeanne de Mouson, Antoinette de Fleury et Louyse d'Alouville, toutes religieuses professes en ladite abbaye, de messire Claude Bonnard, advocat au parlement, baillif et advocat de ladite abbaye, et de monsieur Ruzé, advocat audit parlement de Paris, conseiller et procureur desdits seigneur et dame de Montpensier, et envoyé à cette fin, de leur part: en la présence desquels et de plusieurs autres, ladite dame Charlotte de Bourbon auroit fait protestation de son jeune âge, qui estoit de douze à treize ans, et que la profession qu'elle faisoit estoit par crainte et révérence paternelle et maternelle desdits seigneur et dame, ses père et mère; dont elle auroit requis aux dessus dits nommez leur souvenir, pour en dire et déposer la vérité, ce qu'elle fit pour lors, comme elle fait de présent.

»Tous lesquelz susnommez présens, hormis ledit Ruzé, qui n'a esté présent à ce présent acte, nous ont dit et attesté pour vérité:

»Qu'ils ont esté présens à la profession de ladite dame Charlotte de Bourbon, à présent abbesse, et qu'elle ne pouvoit estre âgée que de douze à treize ans, lors de ladite profession, qui fut le 17 mars 1559; et qu'auparavant que faire sa profession, elle pleuroit et se complaignoit des craintes et menaces desdits seigneur et dame, ses père et mère; dit et répéta par plusieurs fois, que ce qu'elle faisoit estoit par crainte de désobéir à mesdits seigneur duc et duchesse de Montpensier, ses père et mère: et testa, en la présence des susnommez, le 16e jour dudit mois de mars et an, que la profession qu'elle devoit faire le lendemain estoit par crainte, contre sa volonté, et pour obéir auxdits sieurs, ses père et mère; ce qu'elle continua encore, au chapitre, en la présence des prieure et religieuses de ladite abbaye capitulairement assemblées, et dit publiquement et à haute voix: qu'ayant reçu commandement de sesdits seigneurs, père et mère, les duc et duchesse de Montpensier, elle faisoit ladite profession; et outre, furent tous les dessus nommez présens, quand ladite dame Charlotte de Bourbon, lors de la lecture de sa profession, continuant ses protestations, pleuroit, lisant icelles lettres de profession, comme faisant icelle par crainte et force. – Dont et de laquelle déclaration et déposition ladite dame Charlotte de Bourbon, abbesse, pour ce présent, a requis acte aux notaires soubzsignez, pour luy valoir et servir, en temps et lieu, ce que de raison; ce que nous, notaires soubzsignez lui avons octroyé, et certifions estre vray et ainsi avoir esté fait, le 25 août 1565. (Signé) Charlotte de Bourbon et tous les susnommez.»

»Et moy, soubzsigné, qui suis dénommé au présent acte, et qui n'ay esté présent aux signatures ci-dessus, certifie le contenu audit acte, toute la profession, déclaration et protestations et pleurs ci-dessus estre véritable, et y avoir esté présent. En témoin de quoy j'ay signé la présente certification, le 21 mars 1556, selon l'ordonnance du roy. (Signé) Jean Ruzé.»

Ces témoignages, d'une sérieuse portée, dans la modération même de leur expression10, militent, sans réserve, en faveur de la victime, à l'encontre des instigateurs et acteurs du sinistre drame dont, le 17 mars 1559, l'abbaye de Jouarre fut le théâtre.

Oui, si jamais le fait d'une effroyable pression exercée, au mépris de tout sentiment religieux, par un père et par une mère sur la conscience de leur enfant fut péremptoirement prouvé, c'est assurément celui dont il s'agit en ce moment. Inutile au surplus d'insister sur ce point; car l'évidence se passe du cortège des démonstrations.

D'une autre part, gardons-nous d'oublier que, dans le domaine moral, la justice suprême, qui condamne un coupable, laisse toujours ouverte, devant lui, la voie du relèvement.

En présence de cette vérité salutaire, à l'application de laquelle nous ne saurions assez fortement nous attacher, surgit ici une question délicate, qu'il importe essentiellement de résoudre, dans la mesure du possible, pour satisfaire au devoir primordial de l'impartialité historique. Cette question, dans laquelle est engagée, au premier chef, l'honneur paternel et maternel, est celle de savoir si le duc et la duchesse de Montpensier, revenant au sentiment du devoir, se désistèrent, vis-à-vis de Charlotte de Bourbon, de leurs âpres procédés, et accordèrent enfin à sa conscience la réparation qui lui était due.

De la part du père, le désistement et la réparation se firent attendre pendant de longues années, ainsi que l'établira la suite de ce récit.

Quant à la mère, dont l'existence se termina deux ans et demi après l'abus d'autorité du 17 mars 1559, nous demeurons convaincu que, déplorant sa faute, elle s'efforça de la réparer. Notre conviction ne s'appuie, il est vrai, en l'absence de preuves proprement dites, que sur des présomptions; mais ces présomptions nous semblent devoir se rapprocher extrêmement de la réalité; aussi nous y attachons-nous avec d'autant plus d'énergie qu'elles nous autorisent à applaudir à la réhabilitation du cœur maternel, dont il nous a été profondément pénible de constater la défaillance originaire.

Une précision complète dans la détermination des bases de nos présomptions est de rigueur: or, ces bases ne sont autres que des faits qui ne peuvent être révoqués en doute, et dont il faut soigneusement peser la valeur. Exposons-les rapidement.

Et d'abord, quelle fut, au dire d'hommes dignes de foi, tels, notamment que les présidents de La Place et de Thou, l'attitude de la duchesse de Montpensier, à dater de la seconde partie de l'année 1559, puis dans le cours de l'année 1560, et durant les huit premiers mois de 1561? Ce fut celle d'une femme éminemment recommandable par la dignité de son caractère et de ses actions.

Cela nous suffit pour juger qu'une transformation réelle s'était opérée alors dans l'âme de la duchesse, et que cette transformation dérivait de sa récente adhésion aux principes évangéliques, remis en honneur, au sein de la France, par les réformés. Cette adhésion, quelque restreinte peut-être qu'en ait été originairement la manifestation, n'en constitue pas moins, à nos yeux, un fait capital, que nous tenons d'autant plus à mettre en relief que les écrivains contemporains se sont bornés à l'énoncer transitoirement, sans en apprécier d'ailleurs la portée considérable.

Du fait générique d'une transformation ainsi opérée, sous l'influence du sentiment religieux, découlèrent, comme autant de corollaires, divers faits particuliers, dont chacun, dans sa spécialité, était singulièrement expressif. Leur énumération doit trouver ici sa place.

Tandis que le duc de Montpensier n'obéissait qu'à une aveugle ambition, qui, d'accord avec les suggestions de son étroit bigotisme, l'abaissait au niveau d'une honteuse servilité vis-à-vis des Guises et du gouvernement espagnol11, Jacqueline de Long-Vic devenait un modèle de droiture, de tolérance et de dévouement. L'histoire la représente, au milieu des agitations de l'époque, comme une femme «d'un courage et d'une prudence au-dessus de son sexe, qui ne cherchoit que la paix et la tranquillité publique12

Catherine de Médicis, qui la savait attachée à la religion réformée, ne l'en tenait pas moins pour «l'une de ses plus privées amies13». On lit dans une relation de l'ambassadeur vénitien J. Michiel14: «Le duc de Montpensier ne se mêle pas des affaires, mais, en revanche, sa femme le fait bien pour lui. Elle est gouvernante et première dame d'honneur de la reine, très familière avec elle, et elle en obtient tout ce qu'elle veut.»

Lors de la trame ourdie, en 1560, par la cour, à Orléans, contre Louis Ier et Antoine de Bourbon, Marillac, archevêque de Vienne, rappelant à la duchesse de Montpensier, dont il possédait toute la confiance, une promesse qu'elle lui avait faite naguère, de s'opposer, en temps opportun, aux desseins des Guises, lui signala les mesures à prendre pour tenter de détourner le coup que voulaient frapper les ennemis de la France et des princes du sang15. Il lui conseilla, entre autres choses, d'engager son gendre, le duc de Bouillon, à recevoir les enfants du prince de Condé dans Sedan et Jametz, et à consentir qu'on enfermât dans ces places les enfants ou les frères du duc de Guise, si l'on réussissait à les prendre, parce que leur vie répondrait de celle des Bourbons. La duchesse mit à exécution le conseil de Marillac, en envoyant un messager éprouvé au duc de Bouillon et aux princes protestants d'Allemagne, pour gagner leur concours à la cause des princes du sang.

Les rigueurs exercées, à ce moment, contre Antoine et Louis Ier de Bourbon, ainsi que contre la belle-mère de ce dernier, n'arrêtèrent ni le zèle ni le courage de Jacqueline de Long-Vic. Au risque de se voir, à son tour, traitée comme la comtesse de Roye, incarcérée alors au château de Saint-Germain, elle se prévalut de la familiarité, non ébranlée encore, de sa liaison avec Catherine de Médicis, pour plaider, en sa présence, la cause du prince de Condé, de sa belle-mère, et de son frère. Elle conjura la reine mère de se défier de l'arrogante puissance des Guises, de ne pas attendre que la mort du roi de Navarre et du prince l'eût portée au comble, et d'opposer aux Lorrains factieux la noblesse de France, qui, s'il le fallait, prendrait contre eux les armes16.

Elle donna de nouveau ses conseils lorsque s'agita la question de savoir qui serait appelé aux fonctions de chancelier de France, en remplacement d'Olivier. «La duchesse de Montpensier, dit de Thou17, favorite de la reine mère, princesse d'un esprit élevé, ne voyoit qu'avec peine, que la puissance des Lorrains croissoit de jour en jour; et communiquant ses chagrins à Catherine de Médicis, qui commençoit à redouter la violence de ces princes, elle persuada à cette reine ambitieuse que, si elle vouloit gouverner, elle devoit choisir un homme ferme et courageux qui s'opposât à leurs desseins,» en d'autres termes, Michel de l'Hospital. Ce fut, en effet, à cet homme si recommandable, à tant de titres, que les sceaux furent confiés.

Dans d'autres circonstances encore, la duchesse de Montpensier fit un noble usage du crédit dont elle jouissait.

Atteinte, en 1561, d'une grave maladie, elle donna de touchantes preuves de sa foi et de sa résignation, sous le poids de longues souffrances. Le ministre Jean Malot l'assista à ses derniers moments18.

Elle succomba, le 28 août 1551, laissant après elle d'unanimes regrets.

«Si elle eût plus longuement vescu, dit de La Place19, l'on estime que les troubles ne fûssent tels survenus, que depuis ils survinrent, pour ce qu'elle estoit, d'une part, fort aimée et creue de la reine, et, d'autre part, le roi de Navarre se sentoit fort obligé à elle, qui servoit d'un lien pour les unir et entretenir en paix et amitié. Elle estoit femme de bon entendement et clairvoyante aux affaires mesme d'Estat.»

A voir, d'après ce qui précède, les actes noblement accomplis par la duchesse de Montpensier, dans sa vie publique, de 1559 à 1561, sous l'impulsion des convictions religieuses qui l'animaient, on est en droit d'admettre que ces mêmes convictions ont nécessairement dû se traduire, dans sa vie privée, par des actes non moins nobles; et que surtout elle a agi, vis-à-vis de sa fille Charlotte, sous l'influence de sentiments maternels, qui ne sont jamais plus élevés et plus purs, dans leur expansion, que lorsque la foi chrétienne les inspire.

Puis, comment ne pas croire que les fréquentes relations de la duchesse avec des mères telles que Jeanne d'Albret, reine de Navarre, et que Mmes de Coligny, de Roye, de Soubize, de Rothelin, de Seninghen, se montrant à la fois judicieuses, fermes et tendres, à l'égard de leurs enfants, ne l'aient pas induite à faire retour sur elle-même et à suivre leur exemple?

Oui, tout porte à croire que Jacqueline de Long-Vic, déplorant amèrement le passé, aura résolument cherché à délivrer Charlotte du fardeau d'une intolérable situation, et à lui assurer dans la famille la place à laquelle elle avait droit.

Mais voici le point où nos conjectures, déjà si sérieuses, touchent à la réalité et se confondent, en quelque sorte, avec elle; c'est par la constatation et la portée d'un fait que de Thou20 atteste expressément, savoir: que la duchesse de Montpensier voulut marier Charlotte au fils de la marquise de Rothelin, au jeune duc de Longueville, que Calvin entourait, ainsi que sa pieuse mère, d'une affectueuse sollicitude21.

Ce fait est décisif, quant à la question qui nous occupe, car il implique virtuellement, de la part de la duchesse, le remords, la réprobation du passé, et le soin du bonheur de la jeune fille, aimée désormais par sa mère, comme elle eût dû toujours l'être.

Qu'importe d'ailleurs, au point de vue de la réhabilitation morale de Jacqueline de Long-Vic, que ses désirs et ses efforts en faveur de son enfant soient venus se briser, même à l'heure suprême, contre l'intraitable ténacité du duc: ils n'en attestent pas moins, à l'honneur de la duchesse, la loyauté de son relèvement, et nous font pressentir avec quelle ardeur, à son lit de mort, elle aura appelé les bénédictions d'en haut sur Charlotte et remis son sort entre les mains du Dieu des miséricordes.

Du fond de l'isolement où s'appesantissait sur elle la main tyrannique d'un père, que cependant elle continuait à respecter jusque dans ses aberrations, Charlotte se rattachait avec amour à la pensée d'avoir enfin conquis le cœur de sa mère, avant que celle-ci ne rendit le dernier soupir. Chercher, tout en pleurant sa mort, à se retremper au culte des pieux souvenirs, était déjà, sans doute, une tendance salutaire, une aspiration élevée; mais il fallait plus encore à l'âme de la jeune fille, dans sa détresse: il lui fallait l'action pénétrante d'une force supérieure qui la soutînt et la consolât. Dieu, qui, dans sa bonté, veillait sur l'infortunée, lui apprit à puiser cette force en lui seul; à quelle époque, dans quelles circonstances, par quels moyens? nous l'ignorons. Toutefois, ce que nous savons, c'est que, dans le laps des onze années qui s'écoulèrent, de 1561 à 1572, la jeune abbesse de Jouarre fut amenée à la connaissance des vérités évangéliques, et qu'elle y amena, à son tour, quelques-unes des religieuses de son abbaye22.

On comprendra sans peine quelles furent, pour Charlotte de Bourbon, les difficultés avec lesquelles elle se trouva aux prises, afin de sauvegarder, dans la situation qui lui était imposée, sa conscience et le développement de sa foi.

Antipathique à une religion au nom de laquelle on avait violenté son âme et prétendu enchaîner à jamais sa liberté de penser, de croire et d'agir, elle ne devait ni voulait se prêter à rien qui, de près ou de loin, sous quelques dehors que ce fût, portât la moindre atteinte à la dignité de ses convictions et de son caractère. Aussi, que devint pour elle la vie monastique? Resta-t-elle strictement celle qu'on l'avait abusivement condamnée à subir? Non; car si ce fut, d'un côté, une vie d'abnégation et de dévouement, qui ne compromettait que son repos, dont elle faisait volontiers le sacrifice; ce fut aussi, de l'autre, une vie d'indépendance morale légitimement revendiquée et fermement maintenue. Il n'y avait qu'honneur, pour Charlotte de Bourbon, à scinder de la sorte sa vie en deux parties distinctes, en apparence, mais en réalité corrélatives entre elles, alors qu'au fond de son âme elle avait le sentiment que cette même vie, dans l'ensemble de son expansion, comme dans l'unité de son principe, ne relevait que de Dieu et du service qui lui est dû. Par la seule force de ce sentiment elle pouvait dominer et domina, en effet, les difficultés et les périls du rôle qui lui était assigné.

De ce rôle d'abbesse elle accepta donc sans réserve et accomplit avec un zèle éclairé le devoir de guider les religieuses de Jouarre dans les voies de l'ordre et de la paix, de veiller sur leur bien-être moral et physique, de les former à l'exercice de la charité; et, en sa qualité de protectrice des intérêts temporels de la communauté, elle satisfit à l'obligation d'administrer avec vigilance et intégrité les biens qui appartenaient à celle-ci. Mais, quant aux règles dont ce même rôle d'abbesse impliquait, dans l'ordre spirituel, l'observation, elle se dégagea loyalement, sans blesser la liberté d'autrui, de celles qui froissaient ses convictions et ne s'abstint de répudier que celles à la pratique desquelles elle pouvait, sans hypocrisie, condescendre.

Agir ainsi, c'était faire preuve à la fois de droiture et de courage. Il n'en pouvait pas être autrement d'un cœur gagné, dans la captivité du cloître, aux pures doctrines de l'Évangile, et n'aspirant qu'à y demeurer fidèle.

Il serait intéressant de saisir les traces de l'allègement que purent apporter aux rigueurs du sort de Charlotte de Bourbon ses relations avec quelques notables personnalités du protestantisme français, dont, antérieurement à l'année 1572, la sympathie et les encouragements la soutinrent, probablement, dans ses efforts pour sortir de la vie monastique; mais les traces historiques sur ce point sont extrêmement rares; elles se limitent à peu près à une correspondance de Jeanne d'Albret, que nous reproduirons plus loin, et à une déclaration des religieuses de Jouarre, portant: que Charlotte recevait, à l'abbaye, quelques personnes professant la religion réformée, et spécialement les sieurs François et Georges Daverly, «qui étoient ordinairement à son conseil, et auxquels elle accordoit grande faveur23

Réduit, en dehors de la correspondance et de la déclaration dont il s'agit, à de simples conjectures, nous ne pouvons que supposer l'existence, d'ailleurs fort naturelle, d'un affectueux appui accordé à la jeune abbesse, dans l'isolement où la laissait la mort de sa mère, soit, avant tout, par sa sœur aînée, la duchesse de Bouillon24, et peut-être même par une autre de ses sœurs, Anne de Bourbon, mariée en 1561 au jeune duc de Nevers, soit par sa cousine et son cousin, la princesse et le prince de Condé, soit par Mmes de Roye, de Coligny, d'Andelot, et autres femmes chrétiennes, d'une condition analogue à celle de ces dames.

Quoi qu'il en soit à cet égard, une chose demeure certaine: c'est que, dans le laps ci-dessus indiqué de onze années (1561 à 1572), Charlotte de Bourbon suivit avec un intérêt toujours croissant la marche des circonstances extérieures, dont quelques-unes devaient, à un moment donné, influer sur sa destinée. Les principaux acteurs du grand drame religieux et politique dont la France fut alors le théâtre, la préoccupaient fortement, en deux sens opposés: les uns, les persécuteurs, ne lui inspiraient qu'aversion et qu'effroi; les autres, les persécutés, que sympathie et que respect. Au premier rang des généreux défenseurs de ces derniers apparaissait à ses yeux l'amiral de Coligny, duquel elle se montra toujours sincère admiratrice.

D'une autre part, alors que ses pensées se reportaient vers les divers membres de sa famille, qu'elle savait être plus ou moins engagés dans le conflit des événements contemporains, à peine osait-elle s'arrêter à la constatation, poignante pour son cœur de fille, des cruautés commises par le duc de Montpensier, devenu, dans son fanatisme, l'implacable ennemi des réformés, et, dans sa servilité, le suppôt des Guises, surtout à dater de 156225.

Avec les culpabilités de la vie publique d'un tel homme devait inévitablement coïncider la dépression de sa vie privée; aussi, que fut-il désormais comme père?

S'agissait-il de son fils: il restait sans autorité morale pour le guider dans la carrière dont l'accès lui avait été ouvert. Afin d'y marcher avec honneur, il fallait à ce fils autre chose que l'exemple des déviations paternelles.

Quant aux cinq filles, quelle était vis-à-vis d'elles, la contenance du duc?

Deux d'entre elles s'étant, si ce n'est peut-être de leur plein gré, du moins sans aucun murmure, pliées à la vie du cloître, ce dont son bigotisme s'applaudissait, il n'eut d'autre souci que celui d'aviser à ce qu'elles y restassent indéfiniment confinées; comme il laissa confinée dans son deuil une autre de ses filles, la duchesse de Nevers, devenue veuve en 1562.

Avec le calme relatif de l'existence de ces trois sœurs contrastaient les perplexités du servage de la quatrième.

Lorsqu'on 1565, comme on l'a déjà vu, Charlotte de Bourbon formula une protestation, qu'appuyaient les témoignages décisifs de religieuses de l'abbaye de Jouarre et du représentant officiel de son père et de sa mère à l'odieuse scène du 17 mars 1559, le duc de Montpensier s'indigna. Dans cet acte, qui eût dû dessiller ses yeux et le porter à désavouer sa conduite passée, il ne vit qu'un motif de plus pour faire peser sur Charlotte de nouvelles rigueurs.

Il voulut, en outre, que le contre-coup de son intolérance se fît sentir ailleurs qu'à Jouarre. De là toute une série de remontrances et d'obsessions, pour arracher sa fille aînée à ce qu'il appelait une criminelle hérésie. Déplorant, à huit ans de distance, le consentement qu'il avait donné à son mariage avec un prince qui depuis lors était devenu protestant, et dont elle partageait les convictions religieuses26; outré, en même temps, de l'antipathie de Charlotte pour la religion au nom de laquelle elle était opprimée par lui, il eut, en 1566, l'étrange prétention de ramener à la profession de cette même religion la duchesse de Bouillon, qui s'en tenait plus que jamais éloignée, d'un côté, par l'affermissement de son adhésion à la religion réformée, et, de l'autre, par la répulsion que lui inspirait le despotisme tenace dont sa sœur était victime. Harcelée par son père, mais fermement décidée à voir s'épuiser en stériles efforts son zèle de convertisseur et celui d'auxiliaires de son choix, elle le laissa mettre, devant elle, des docteurs catholiques aux prises avec des ministres protestants. Le plus clair résultat de leurs longues controverses fut de démontrer au duc de Montpensier le complet insuccès de sa tentative; car la duchesse, sa fille, demeura fidèle à la religion qu'elle professait27.

Quatre ans plus tard, ce déplorable chef de famille montra, de nouveau, combien, au foyer domestique, il était dépourvu de toute délicatesse de sentiments et de procédés. En effet, rompant avec le respect qu'il devait à la mémoire de sa femme et aux impressions qui, dans le cœur de ses enfants, survivaient à la perte de leur mère, il eut la téméraire prétention, en se remariant à l'âge de cinquante-cinq ans, de leur imposer, comme devant remplacer, vis-à-vis d'eux, Jacqueline de Long-Vic, une jeune fille de dix-neuf ans28, sans consistance morale, appartenant à cette funeste maison de Guise, contre l'ambition et les haines invétérées de laquelle la défunte duchesse s'était naguère noblement élevée.

Insulter ainsi au passé de celle qui n'existait plus, c'était, de la part du duc, blesser au cœur ses enfants.

C'en fut trop pour Charlotte de Bourbon! A dater du jour où son père voulut lui donner pour seconde mère Catherine de Lorraine, elle sentit qu'elle n'avait plus qu'à briser, dès qu'elle le pourrait, l'insupportable joug sous lequel il la tenait, à Jouarre, asservie depuis tant d'années. Libre de tout engagement, légalement maîtresse de sa personne et de ses actions, elle se décida à quitter pour toujours l'abbaye et à se ménager une retraite honorable hors de France.

Confiant alors à sa sœur, la duchesse de Bouillon, et à la reine de Navarre le secret de la résolution qu'elle avait prise et que ces femmes de cœur ne pouvaient qu'approuver, elle leur demanda conseil sur le choix des moyens propres à en assurer l'exécution.

La duchesse de Bouillon lui fit savoir, qu'elle et le duc, son mari, étaient prêts à la recevoir, et que leur affectueux dévouement lui était acquis, plus que jamais.

Les dispositions de la reine de Navarre n'étaient pas moins favorables. Tout en émettant l'avis que Charlotte de Bourbon devait se rendre directement auprès de sa sœur et de son beau-frère, elle estima que peut-être, quel que fût leur bon vouloir, elle ne se trouverait pas suffisamment en sûreté à Sedan, et que dès lors il serait prudent de lui procurer, au loin, un asile, à la cour de l'électeur palatin, Frédéric III. Aussi en écrivit-elle à ce prince, qui déclara consentir à recevoir la protégée de la reine. Il y eut plus: le séjour que Charlotte ferait à Heydelberg, ne devait être, dans la pensée de Jeanne d'Albret, qu'un moyen à l'aide duquel elle espérait obtenir du duc de Montpensier qu'il laissât sa fille se retirer définitivement en Béarn et y vivre auprès d'elle. Quoi de plus touchant que cette dernière partie du plan ainsi conçu par Jeanne d'Albret en faveur de sa jeune amie! Ajoutons que l'amiral de Coligny et sa famille, qui soutenaient alors, à La Rochelle, d'intimes rapports avec la reine de Navarre, approuvèrent sans réserve son plan, à l'exécution duquel le gendre de l'amiral, Téligny, se chargea de concourir en une certaine mesure.

Voilà ce que nous révèle la lettre suivante, à peine connue jusqu'ici29:

«Ma cousine, écrivait Jeanne d'Albret à Charlotte de Bourbon, j'ay receu vostre lettre et suis infiniment marrye que je ne vous puis servir comme je le désire; vous priant ne doubter point de mon affection, laquelle ne manquera jamais, à vostre endroict; mais vostre affaire est de telle importance, qu'il ne fault faire qu'une petite faulte pour tout gaster; et, puisque ce porteur m'a assuré vous faire rendre mes lettres bien seurement, je vous diray que nous ne trouvons point de meilleur expédient pour vous, que celuy que vous avons mandé, d'aller vers madame de Bouillon, vostre sœur, et delà en Allemagne. Et si avez besoing que j'en escrive encores au seigneur dont il est question, vous me le manderez, où je dresseray vostre voyage par mes lettres; car je ne doubte point que monsieur vostre père, sçachant que serez en pays estranger, ne trouve bien, pour vous en retirer, que veniez plustost en mes païs et avec moy; ce que je desire infiniment, pour vous monstrer l'affection que je vous porte, et que soyez avec moy comme ma fille; car, si je puis parvenir à cela, je vous feray office de mère en tout ce qui concernera vostre grandeur et contentement. Il faut, ma cousine, que ceci soit mené bien sagement et secrètement. Je vous prie, par le moyen de monsieur de Telligny, qui me fera seurement tenir voz lettres, me mander ce que vous voulez que je face, et faire estat de mon amitié. Et sur ceste asseurance, je prieray Dieu, ma cousine, qu'il vous donne accroissement de ses sainctes grâces. De La Rochelle, ce 28 de juillet 1571.

»Vostre bien bonne cousine et perpétuelle amye,

»Jehanne.

Charlotte de Bourbon accueillit avec gratitude les directions et l'affectueux patronage que mentionnait cette lettre.

Depuis sa réception, six mois s'écoulèrent en prudentes combinaisons et démarches, avant que la jeune princesse pût mettre à exécution son projet d'évasion.

Forte de l'appui que lui prêtaient sa sœur et la reine de Navarre, elle accepta, d'accord avec l'une et l'autre, celui d'un homme recommandable, François Daverly, seigneur de Minay, dont le dévouement était à la hauteur des devoirs que lui imposait le rôle de protecteur d'une noble fugitive, pendant le long et difficile trajet qu'elle allait entreprendre.

Ce fut en février 1572 que Charlotte de Bourbon quitta l'abbaye, d'où sortirent, en même temps qu'elle, deux de ses religieuses. Toutes trois étaient accompagnées par François Daverly et par son frère.

On croyait, en voyant l'abbesse de Jouarre et son entourage franchir l'enceinte du cloître, qu'il ne s'agissait que d'une simple visite à rendre à l'abbesse du Paraclet.

En réalité Charlotte de Bourbon s'acheminait vers Sedan, comme vers un lieu de refuge inaccessible à la persécution. Mais, là même, à en juger par certains indices d'hostiles menées, récemment ourdies en France, la persécution pouvait l'atteindre: aussi, presque aussitôt, des conseils inspirés par l'affection et la vigilance d'autrui la détournèrent-ils, à son vif regret et à celui de la duchesse, sa sœur, de son projet de résidence à Sedan, et la décidèrent-ils à se rendre directement à Heydelberg, où il lui était affirmé qu'elle serait en pleine sûreté, auprès de l'électeur Frédéric III et de l'électrice.

Un témoin bien informé30 nous fournit, sur l'évasion et le voyage de Charlotte de Bourbon, de précieux renseignements. S'adressant, après qu'elle eut cessé de vivre, à l'une des filles issues de son mariage avec un prince duquel il sera bientôt parlé, il dit:

«Quand feue, de très bonne et très louable mémoire, la très illustre princesse, vostre mère, se retira totalement de la superstition et idolâtrie papistique, dont Dieu luy avoit donné bien bonne cognoissance, et qu'elle fuyoit la France comme le climat auquel, lors, tous ceux et celles qui vouloient servir purement à Dieu estoient grièvement persécutez, sans aucune distinction de sexe, d'aage, ni de condition, voire mesmes sans espargner les princes et princesses du sang royal, ce qu'elle estoit, non plus que ceux du commun populaire, je sçay, comme tesmoin oculaire, qu'elle prit la route de Sedan, vers feue, de très heureuse mémoire, la très illustre princesse, duchesse de Bouillon, sa sœur; et ce, d'autant qu'audit lieu, la parole de Dieu estoit purement annoncée, et les sacremens de la religion chrétienne administrés selon leur institution: qui estoit le bien à la participation duquel tendoit et aspiroit le principal désir de son âme. Mais lors elle reçut advis et conseil, fondé sur plusieurs notables considérations, de n'y venir point establir son séjour, ains de passer oultre, si elle vouloit vivre en pleine tranquillité. Comme donc il estoit question de l'adresser à quelque bon port, auquel, autant qu'on en pouvoit juger, elle peust avoir ung assez sûr abry, pour n'estre point agitée de tant d'orages et tempestes qu'elle l'eust peult-estre esté en d'autres, elle fut aussi prudemment que heureusement adressée à ce phœnix des princes de son temps, le très illustre et très puissant Electeur, Frédéric troisième, comte palatin du Rhin, comme à celui qui estant le parangon de toute piété et vertu, recevoit volontiers tous ceux que ces mesmes marques rendoient recommandables.»

Avec cet exposé de faits si précis concorde celui qui émane d'un autre écrivain, également digne de foi31.

Il nous suffira de détacher de son livre les lignes suivantes:

«Il est certain que cette princesse (Charlotte de Bourbon) étoit peu disposée à prendre le voile. Néanmoins sa vertu et son bon naturel la firent demeurer dans une déférence entière aux volontés paternelles, et patienter en sa condition jusques à ce que la Providence divine brisât miraculeusement les chaînes qui sembloient brider et asservir sa conscience. Les guerres civiles ayant, quelques années auparavant, rempli la France de confusion, les lieux les plus inviolables furent exposés à la violence des armes, et le monastère de Jouarre courut la mesme fortune. Cette occasion servit pour mettre cette princesse en liberté. De fait, elle ne trouva meilleur asyle, parmi ces désordres, que de se retirer vers une sienne sœur, mariée avec M. R. de Lamarck, duc de Bouillon et seigneur de Sedan. C'est par ce moyen qu'elle fut conduite, en fuite, à la cour palatine, à Heidelberg, et accueillie par Frédéric III, électeur palatin, avec l'honneur dû à une princesse de sa naissance. Ceste cour estant, en ce temps-là, une école de vertu, soubs un prince religieux, cette vertueuse princesse ne crut pas pouvoir trouver une retraite plus innocente.»

Rappeler ici ce que fut Frédéric III, c'est légitimer, par cela même le respect qui s'attache à sa mémoire et démontrer immédiatement combien il était apte à étendre sur Charlotte de Bourbon un patronage efficace.

Peut-être Frédéric III n'a-t-il jamais mieux justifié le surnom de pieux, que par sa noble attitude, d'une part, au foyer domestique, et, de l'autre, dans la série de ses généreux efforts en faveur des protestants français, cruellement persécutés. Ils étaient pour lui des frères en la foi; et il le leur prouva, soit en prenant leur défense contre leur souverain, dans d'énergiques représentations adressées à celui-ci, soit en cherchant à les arracher au supplice, comme il le fit pour Anne du Bourg32, soit en répondant à leurs appels par l'envoi de troupes en France, sous la conduite d'un de ses fils, soit enfin en repoussant, dans une protestation mémorable33, les censures que l'empire germanique fulminait contre lui à raison de l'appui qu'il prêtait à la réforme française, et en défendant, en face de cet empire, les droits imprescriptibles de la conscience chrétienne.

La chaleureuse sympathie de Frédéric III pour ses co-religionnaires de France, et surtout pour Coligny, éclate dans sa correspondance34. Réciproquement, les lettres adressées par Coligny, d'Andelot, Condé, et autres, à Frédéric III, prouvent en quelle haute estime ils tenaient ce prince, dont Hotman, de son côté35, caractérisait le sage gouvernement, en ces termes: «Il y a, ce croy-je, seize ans, prince très illustre, que Dieu a mis une bonne partie de la coste du Rhin sous le pouvoir et sauvegarde de Vostre Excellence, et depuis ce temps-là on ne sauroit croire, ni suffisamment exprimer, en quel repos et tranquillité on a vescu en tous les pays de vostre obéissance, ressemblant proprement à une bonace riante de la mer plate et tranquille où il ne souffle aucun vent, que doux et gracieux: tant toutes choses y ont toujours esté, moyennant vostre sage prévoyance, paisibles, saintement et religieusement ordonnées.»

Des pasteurs français exprimaient à Frédéric III leur gratitude et celle de leurs troupeaux, en lui écrivant36: «Nous osons avoir recours à vous, veu principalement que vous avez jà depuis longues années fait une singulière profession de la religion chrétienne, de laquelle une bonne partie est employée à l'aide de ceux qui sont affligés pour le nom de Dieu et au soulagement des misères et adversitez de tous fidèles. Nous vous remercions, tant qu'il nous est possible, de tant et si singuliers bénéfices que, ces années passées, avons reçus de vostre bénignité et splendeur, ayant si souvent usé de prières et supplications à l'endroit des rois, nos souverains, pour nos frères qui, pour le nom du Christ, souffroient martyres et tourmens37

Si, par ce qui précède, on est amené déjà à pressentir la nature de l'accueil que Charlotte de Bourbon devait recevoir, à la cour d'Heydelberg, on peut en outre, se convaincre de tout ce qu'il y eut de simple et de touchant dans cet accueil, en entendant J. Couet ajouter à son récit ces lignes expressives38: «Comme l'électeur Frédéric III étoit d'un vray naturel de prince, il receut aussi ceste princesse et la recommanda à la très illustre électrice, d'affection accompagnée de si graves propos concernans la condition de ceux qui préféroient Jésus-Christ à toutes les grandeurs et commodités desquelles ils pouvoient jouyr en ce monde, dont elle avoit devant ses yeux un bel objet, que ladite très illustre princesse a eu toute occasion de dire, comme souvent elle le disoit entre ceux qui luy estoient familiers, que Dieu, par sa singulière grâce et miséricorde, lui avoit fait rencontrer, en ce sien exil, un second père et une seconde mère, puis un domicile tellement orné de piété et de toute autre vertu, qu'il lui estoit plus agréable que n'avoit jamais esté celui de sa propre naissance.»

Frédéric III s'empressa d'informer le roi de France, la reine mère et le duc de Montpensier de l'arrivée de Charlotte de Bourbon à Heydelberg, et de l'accueil qu'il avait, ainsi que l'électrice, cru devoir lui faire.

Il est digne de remarque que sa lettre au duc portait la date du 15 mars 1572, mois qui était précisément celui dans le cours duquel, onze ans auparavant, avait eu lieu, à Jouarre, l'odieuse scène qualifiée d'entrée en religion. Asservie alors, Charlotte était libre désormais.

«Monsieur mon cousin, écrivait l'électeur au père de la jeune princesse39, ce gentilhomme, présent porteur, vous dira comme il a laissé ma cousine, vostre fille, en ma maison, où je l'ay receue et veue bien volontiers, pour la bonne affection que j'ay congneu qu'elle a, tant à la gloire de Dieu, que à vous rendre tous les devoirs d'obéissance et service; de quoy je vous ay bien voulu advertir, et, par mesme moïen, prier Dieu que le malcontentement que vous pourriez avoir de son absence, n'empêche point que vous ne la recongnoissiez pour ce qu'elle vous est; dont je m'asseure, puisque ceux à qui elle ne touche pas de si près en veulent bien prendre soing. J'ai faict sçavoir au roy et à la royne mère comment et pour quelle occasion elle soit venue pardeçà; et, comme je ne fais nul doubte que leurs royales dignitez estans informées de son faict, ne se sentent bien fort contentes et satisfaites, ainsi je me persuade qu'aussi vous, sçachant que c'est que de la force de conscience, principalement quant au faict de la religion, ne trouverez point mauvais ce département de madite cousine, vostre fille, ains, comme père très débonnaire, usant de vostre prudence et bonté accoustumées, ne ferez que prendre le tout en la meilleure part, et moïenner les choses de sorte, qu'avec la liberté de sa conscience elle puisse servir à Dieu, vous obéyr et jouyr de ses biens, selon les édicts du roy; à quoy je vous prierois davantage, si je ne craignois de mettre par là en doubte la bonne affection paternelle que portez à ladite vostre fille, laquelle je sçay vous estre par trop bien recommandée. Par tant je feray fin de ceste présente; priant Dieu, monsieur mon cousin, vous donner en santé bonne et heureuse vie. De Heidelberg, le 15e jour de mars 1572.»

Que ressort-il de cette lettre, dont le ton était à la fois si digne et si conciliant?

Une sérieuse manifestation du bienveillant intérêt que l'électeur portait à Charlotte de Bourbon, à raison de sa bonne affection à la gloire de Dieu, point capital sur lequel il était parfaitement à même de se prononcer, et de son respect filial pour le duc;

La revendication, en faveur de la pieuse fugitive, d'une situation qui assurât la liberté de sa conscience et lui permît de concilier avec l'exercice du culte évangélique, qu'avant tout elle entendait professer sans contrainte restrictive, le respect qu'elle ne cesserait de porter à son père;

L'espoir que le duc, avec sa prudence et sa bonté accoutumées, accueillerait cette légitime revendication.

Mais, qu'attendre, en fait de prudence et de bonté, de la part d'un homme à idées rétrécies et grossières, violent, haineux, tel que le duc de Montpensier? rien, absolument rien. Sa conduite et son langage, depuis l'évasion de sa fille, ne le prouvèrent que trop, ainsi qu'on va pouvoir en juger.

1

Par le mariage de Béatrix de Bourbon avec Robert, l'un des fils du roi saint Louis.

2

Charlotte de Bourbon, ainsi que le prouve un acte émané d'elle le 25 août 1565, lequel sera ci-après reproduit, ignorait à tel point la date précise de sa naissance, qu'elle ne pouvait pas plus se dire, en 1565, âgée de treize ans que de douze.

3

Psaume XXVII, 10.

4

Ep. aux Galates. VI. 7.

5

Ce prêtre, l'un des familiers de la maison du duc et de la duchesse de Montpensier, à titre de précepteur de leur fils, n'était autre que Ruzé, qui depuis devint évêque d'Angers: c'est ce que déclara le duc de Montpensier lui-même dans une lettre adressée, le 28 mars 1572 à l'électeur palatin, et insérée ici au no 2 de l'Appendice.

6

Voir une information secrète du 28 avril 1572, dont le texte complet sera reproduit plus loin.

7

A peine est-il nécessaire d'ajouter que la résignation du titre et des fonctions d'abbesse de Jouarre, par la tante au profit de sa nièce, concorda avec l'entrée en religion dont il s'agit.

8

Bibl. nat., mss., f. fr., vol. 3, 182, fo 82. —Ibid. Collect. Clérambault. vol. 1,114, fo 182. – Coustureau, Vie du duc de Montpensier, in-4o, p. 217.

9

Coustureau, Vie du duc de Montpensier, p. 221.

10

Ils sont, avec addition de détails complémentaires, pleinement confirmés par l'information secrète du 28 avril 1572, contenant les dépositions de six religieuses de l'abbaye de Jouarre, autres que celles qui avaient, le 25 août 1565, attesté, en leur déclaration la sincérité des faits énoncés par Charlotte de Bourbon, dans sa protestation du même jour.

11

«Quant au duc de Montpensier, il portoit telle inimitié à la religion (réformée), et avoit esté de telle sorte pratiqué par ceux de Guise, qu'il se bandoit du tout contre soy-mesme, sans pouvoir gouster la conséquence des entreprises contraires.» (Regnier de La Planche, Hist. du règne de François II, édit. de 1576, p. 567).

12

De Thou, Hist. univ., t. III, p. 59.

13

Regnier de La Planche, loc. cit., p. 39.

14

Ap. Tommasco, Relazioni, in-4o, t. Ier, p. 133.

15

De La Place, Comment., édit. de 1565, p. 109, 110, 111. – De Thou, Hist. univ., t. II, 824, 825.

16

De Thou, Hist. univ., t. II, p. 832.

17

Hist. univ., t. II, p. 776.

18

De La Place, Comment., p. 237.

19

Comment., p. 237. – Voir à l'Appendice, no 1, une pièce de vers composée, peu de temps après la mort de la duchesse de Montpensier, et qui donne une idée des sentiments élevés dont on la savait animée.

20

«La duchesse de Montpensier avoit destiné une de ses filles, nommée Charlotte au duc de Longueville.» (De Thou, Hist. univ., t. III, p. 60.)

21

Lettres françaises de Calvin, t. II, p. 179, 265, 267, 286, 499. L'une de ces lettres, adressée par Calvin au jeune duc de Longueville, le 22 août 1559 (p. 286) contenait ce passage: «Monseigneur, vous avez un grand advantage, en ce que madame vostre mère ne désire rien plus que de vous voir cheminer rondement en la crainte de Dieu, et ne sçauroit recevoir plus grand plaisir de vous qu'en vous voyant porter vertueusement la foy de l'Évangile.»]

22

D'Aubigné, Hist. univ., t. II, liv. Ier, ch. 11.

23

Information secrète du 28 avril 1572. – François Daverly portait le titre de seigneur de Minay.

24

Il nous semble impossible qu'une active correspondance, inspirée par la plus tendre affection, n'ait pas existé entre Charlotte de Bourbon et sa sœur la duchesse de Bouillon, surtout depuis l'année 1562; époque à laquelle cette femme si distinguée, à tant de titres, avait, ainsi que le duc, son mari, ouvertement embrassé la religion réformée, et dès lors chaleureusement servi, avec lui, non seulement les intérêts spirituels et matériels des habitants du duché, mais aussi ceux d'une foule de personnes venues de France, auxquelles un asile était accordé à Sedan et à Jametz. Des documents précis, postérieurs à 1572, témoignent au surplus de l'étroite amitié qui unissait l'une à l'autre les deux sœurs, Charlotte et Françoise de Bourbon.

25

Nous ne tracerons pas ici le tableau des monstrueux excès par lesquels le duc se déshonora. On frémit d'indignation et de dégoût à l'aspect des lugubres et cyniques détails dans lesquels sont entrés, sur ce point, Brantôme (édit. L. Lal., t. V, p. 9 et suiv.), et, plus amplement encore l'auteur de l'Histoire des martyrs (in-fo 1608, p. 589 à 591, et 593, 594). – Voir aussi l'Histoire des choses mémorables advenues en France, de 1547 à 1597 (édit. de 1599, p. 186 à 193).

26

On lit dans un rapport relatif à un synode provincial des églises réformées, tenu à Laferté-sous-Jouarre, le 27 avril 1564, le passage suivant: «Le duc de Bouillon a envoyé paroles de créance par Perucelly, qui disoit avoir parlé à luy à Troyes, ou ès environs, et par Journelle, par lesquelles il faisoit entendre le bon vouloir qu'il a de s'employer pour le Seigneur, avec madame sa femme, et que, en brief temps il exterminerait la messe et prestres de ses terres, et que de cela ne pouvait estre empesché, parce qu'il ne dépendoit que de Dieu et de l'espée. Il prioit l'assemblée de luy faire venir des régents de Genève pour dresser un collège à Sedan, lequel il veult renter de deux ou troys mille francs; promettant que ses places seront toujours seur refuge aux fidèles, et qu'elles estoient munies suffisamment de tout ce qu'il falloit.» (Bibl. nat. mss., f. fr., vol. 6.616, fos 96, 97).

27

E. Benoit, Histoire de l'Édit de Nantes, t. Ier, p. 42. – De Thou, Histoire univ., t. III, p. 655. – Bayle, Dict. phil., Ve Rosier (Hugues, Sureau du).

28

«Quoy que le duc de Montpensier eût eu de la duchesse, sa femme, un fils et plusieurs filles, il ne laissa pas de songer à un second mariage, à l'âge de cinquante-cinq ans passés; et ayant fait choix de Catherine de Lorraine, fille de François de Lorraine, duc de Guise, et d'Anne d'Este, pour lors âgée seulement de dix-huit ans, le traité en fut passé à Angers, le 4 février 1570.» (Coustureau, Vie du duc de Montpensier, addit., p. 179). – Brantôme dit de Catherine de Lorraine que «bien tendrette d'aage, elle espousa son mary qui eût pu estre son ayeul». (Édit. L. Lal., t. IX, p. 646). – Le Laboureur (addit. aux Mém. de Castelnau, t. II, p. 735) allant au fond des choses, n'hésite pas à dire: «Le duc de Montpensier se maria, en premières noces à Jacqueline de Long-Vic, pour profiter du crédit de l'admiral Chabot, qui avoit épousé Françoise de Long-Vic, sa sœur aînée; et ce fut pour la mesme considération qu'il prit pour seconde femme Catherine de Lorraine, sœur du duc de Guise, auquel cette alliance fut plus utile pour achever de détacher ce prince des intérêts de sa maison, et pour le discréditer parmi des siens, qu'elle ne lui fut avantageuse… Il apprit par les suites des différends qu'il eut à la cour et par la conduite que cette seconde femme tint avec lui, qu'on n'avoit eu d'autre dessein que de désunir sa maison… en luy donnant pour le veiller une femme fort entreprenante et qui luy donna bien des affaires.»]

29

British museum, mss. Harlay, 1.582, fo 367.

30

Jacques Couet, ministre de la parole de Dieu, auteur du Traité servant à l'esclaircissement de la doctrine de la prédestination, Basle, »in-8o, 1779.» – Les lignes ci-dessus transcrites sont tirées de la préface de ce traité, dans laquelle Couet s'adresse «à haulte et puissante» dame, madame Louise-Julienne de Nassau, Electrice palatine.»]

31

Mémoires sur la vie et la mort de la sérénissime princesse Loyse-Julienne, Electrice palatine, née princesse d'Orange. 1 vol. in-4o; à Leyden, de l'imprimerie de Jean Main, 1625, fo 12.

32

De Thou, Hist. univ., t. II, p. 701.

33

Bibl. nat., mss. f. fr., vol. 6.619.

34

Frédéric III s'est, en quelque sorte, peint lui-même dans cette vaste correspondance et dans son testament. En publiant l'une et l'autre, le savant et judicieux M. Kluckhohn a élevé un monument durable à la mémoire du prince électeur. Voir 1o sur Frédéric III, Le Laboureur, addit. aux Mém. de Castelnau, in-fo, t. Ier, p. 538 à 542; – les Mém. de Condé, passim; – D'Aubigné, Histoire univ., passim; – La Popolinière, Hist., passim; – Brantôme, édit., L. Lal., t. Ier, p. 313; – Baum, Th. de Bèze, append.; – Archives de Stuttgard, Frankreich, 16, no 40; —Bulletin de la Soc. d'hist. du prot. fr., année 1869, p. 287. – 2o Écrits de Frédéric IIIdas Testament Friedrichs des frommen, Kurfürsten der Pfalz, von A. Kluckhohn, in-4o; – Kluckhohn, Briefe Friedrichs des frommen, etc., etc., in-8o, 1868, 3 vol. – Voir, pour d'autres lettres de Frédéric III, en Angleterre, Calendar of State papers, foreign series, ann. 1560, 1562, 1563, 1567, 1668 et suiv.; – à Genève, Archiv., portef. histor., no 1.753; – en France, Bibl. nat., mss., f. fr., vol. 2.812, 3.193, 3.196, 3.210, 3.314, 3.318, 6.619, 15.544, et fonds Colbert, Ve vol. 397.

35

Dédicace de son célèbre ouvrage, intitulé la Gaule françoise (ap. Mém. de l'Estat de France sous Charles IX, t. II, p. 579).

36

Mém. de Condé, in-4o, t. III, p. 431.

37

Frédéric III couronna sa carrière par une profession solennelle de sa foi qu'il consigna dans un testament du 23 septembre 1575, contenant d'ailleurs, sur des points divers, une longue suite de dispositions. L'une d'elles, notamment, atteste sa constante sollicitude pour les nombreuses victimes des persécutions religieuses, qui, à leur sortie de France ou d'autres pays, avaient trouvé dans le Palatinat un accueil hospitalier, et pour celles qui à l'avenir, y chercheraient un refuge; il voulait que les unes continuassent à jouir des avantages dont elles étaient pourvues, et que des secours fussent assurés d'avance aux autres. Sa sollicitude se portait aussi, dans l'intérêt des professeurs, des étudiants et étrangers, de toutes conditions, qui ne parlaient pas l'allemand, sur la continuation du service divin qui se célébrait, en langue française, à Heydelberg.

38

Loc. cit.]

39

Bibl. nat., mss., f. fr., vol. 3.193, fo 62.

Charlotte de Bourbon, princesse d'Orange

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