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CHAPITRE QUATRE

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18h15

Observatoire Naval des États-Unis – Washington DC

Luke était assis à l’arrière du SUV noir qui s’engagea dans l’allée en demi-cercle qui menait à l’imposante résidence de style reine Anne datant des années 1850, qui était depuis de nombreuses années la résidence officielle du Vice-Président des États-Unis. À la suite de la destruction de la Maison Blanche il y a deux mois, cet endroit était devenu la Nouvelle Maison Blanche, ce qui était plutôt pratique pour la Présidente, vu qu’elle avait vécu dans cette maison pendant cinq ans avant d’assumer son nouveau rôle en tant que chef d’état.

Pendant ces deux derniers mois, Luke n’avait presque pas pensé à cet endroit, ni aux personnes qui y travaillaient. Il avait gardé un téléphone satellite sur lui à la demande de la Présidente, mais ce ne fut qu’au cours des premières semaines qu’il vécut dans la crainte de recevoir un appel. Après ça, il avait même presque oublié qu’il avait ce téléphone.

Une jeune femme l’attendait sur le porche de la maison. Elle était brune, grande et très belle. Elle portait une chemise noire et une veste. Ses cheveux étaient tirés en arrière dans un chignon. Elle tenait une tablette dans sa main gauche. Elle tendit l’autre main à Luke, d’un geste ferme et assuré.

« Agent Stone ? Je suis Kathryn Lopez, la chef de cabinet de Susan. »

Luke fut un peu surpris. « Vous avez l’air bien jeune pour un tel poste. »

« Je prendrai ça pour un compliment, » dit-elle, sur un ton qui lui indiquait que c’était le genre de commentaire qu’elle devait très souvent entendre, et plutôt sous la forme de critique. « J’ai trente-sept ans. Je vis à Washington depuis treize ans, depuis le moment où j’ai terminé mon master. J’ai travaillé pour un représentant de la Chambre, deux sénateurs et l’ancien Directeur des services de santé. Je ne suis pas tout à fait une novice. »

« OK, » dit Luke. « Je vois que vous maîtrisez. »

Ils entrèrent dans l’édifice. De l’autre côté, ils se retrouvèrent face à un contrôle de sécurité, avec trois gardes armés et un détecteur de métal. Luke retira son Glock de l’étui et le posa sur le tapis roulant. Il se baissa et détacha le petit revolver de poche et le couteau de chasse qui étaient accrochés à ses mollets et les posa également sur le tapis. Il finit par sortir ses clés de sa poche et les posa à côté.

« Désolé, » dit-il. « Je ne me rappelais pas qu’il y avait un contrôle de sécurité à l’entrée. »

« Il n’y en avait pas, » dit Kat Lopez. « Il a été installé il y a seulement quelques semaines. Il y a de plus en plus de gens qui entrent ici et il a fallu renforcer les contrôles de sécurité. »

Luke se rappela le jour des attaques. Thomas Hayes avait été tué et Susan s’était soudain retrouvée Présidente des États-Unis. La Maison Blanche avait été détruite, et tout avait été orchestré d’une main de maître. Ça avait été des jours de folie. Il était content d’avoir pu s’éloigner de tout ça pendant quelques temps. Mais c’est vrai que Susan n’avait pas eu cette chance.

Les gardes de sécurité effectuèrent une autre fouille rapide sur Luke à l’aide d’un détecteur manuel de métal, avant qu’on lui donne le feu vert pour entrer.

L’endroit bouillonnait d’effervescence. Le vestibule grouillait de gens en costume ou en uniforme militaire, et de personnes aux manches de chemise relevées, marchant d’un pas rapide à travers les couloirs, en entraînant à leur suite toute une floppée d’assistants. Une chose lui sauta directement aux yeux – il y avait beaucoup plus de femmes qu’avant.

« Qu’est-ce qui est arrivé à l’ancien chef de cabinet de Susan ? » demanda Luke. « Richard… »

Kat Lopez hocha la tête. « Richard Monk. Eh bien, après l’attaque à l’Ébola, lui et Susan ont tous les deux trouvé que c’était un bon moment pour que leurs chemins se séparent. Mais il a su retomber sur ses pattes. Il travaille en tant que chef de cabinet pour le nouveau Représentant du Delaware, Paul Chipman. »

Luke savait que de nouveaux représentants et de nouveaux sénateurs avaient surgi de l’ombre, pour remplacer ceux qui étaient décédés dans l’attaque à Mount Weather. Toute une floppée de personnes avaient ainsi profité de cette occasion pour prendre place dans la cour des grands, ou pour reprendre du service alors qu’elles avaient pris leur retraite. Beaucoup d’entre eux étaient des personnes nommées par des gouverneurs à l’éthique douteuse, adeptes de systèmes de patronage établis de longue date. Des faveurs étaient accordées un peu partout.

Il sourit. « De chef de cabinet de la Présidente des États-Unis, Richard se retrouve à travailler avec un obscur représentant du deuxième plus petit état du pays, et vous appelez ça ‘retomber sur ses pattes’ ? Je dirais plutôt qu’il s’est brisé le cou. »

« Sans commentaire, » dit Kate, avec un léger sourire aux lèvres. C’était le premier signe d’humanité qu’elle exprimait depuis qu’il l’avait rencontrée. Elle le guida à travers la foule jusqu’à une double porte qui se trouvait au bout du couloir. Luke connaissait déjà cet endroit. Quand Susan était Vice-Présidente, elle avait utilisé cette vaste pièce ensoleillée comme salle de réunion. Mais après avoir prêté serment, cette pièce était devenue la Salle de Crise.

La pièce avait également été transformée et officialisée. Des parois modulaires avaient été installées tout le long de la pièce, pour recouvrir les fenêtres. D’énormes écrans plats avaient été accrochés à un mètre cinquante d’intervalle. Une immense table de réunion en chêne avait été installée et le sceau du Président avait été accroché au mur, juste derrière. Il y avait environ une vingtaine de personnes présentes dans la pièce quand Luke et Kat entrèrent. Une douzaine d’entre eux étaient assis à la table, tandis que les autres étaient installés sur des chaises alignées contre les murs.

Le nombre de femmes présentes avait également changé. Luke se rappelait très bien le jour où il s’était retrouvé dans cette même pièce, deux mois plus tôt, et qu’on lui avait parlé de l’échantillon d’Ébola. Sur les trente personnes présentes dans la salle ce jour-là, Susan était la seule femme. Vingt-neuf hommes imposants et baraqués, et une seule femme frêle.

Et maintenant, la moitié des personnes présentes étaient des femmes.

Quand Luke entra, Susan se leva de sa chaise en bout de table. Elle aussi, elle avait changé. Elle avait l’air plus dure. Plus mince qu’avant. À une époque, elle avait été mannequin et elle avait toujours conservé un visage assez jeune. Mais maintenant, elle avait les yeux entourés de rides. Son regard semblait plus concentré, plus incisif. Où qu’elle aille, elle avait toujours été considérée comme une très belle femme – mais il se pourrait que ce ne soit plus le cas, une fois que son mandat de Présidente toucherait à sa fin.

« Agent Stone, » dit-elle. « Je suis heureuse que vous ayez pu nous rejoindre. »

Il sourit. « Madame la Présidente, s’il vous plait, appelez-moi Luke. »

Elle ne lui retourna pas son sourire. « Merci d’être venu. »

Debout devant l’un des grands écrans, se trouvait Kurt Kimball, le Conseiller à la sécurité nationale de Susan. Luke l’avait déjà rencontré. Il était grand, avec de larges épaules. Son crâne était complètement chauve.

Kimball lui tendit la main et Luke la serra. Si la poignée de main de Kat Lopez avait été ferme, celle de Kurt Kimball était en acier. « Luke, ça fait plaisir de vous revoir. »

« De même. »

L’atmosphère était tendue. Mais tous ces gens ne venaient pas non plus de passer les deux derniers mois à faire du camping et de la voile. Il n’empêche que Luke était venu du Maine dès qu’on l’avait appelé, et qu’il avait dû laisser son fils avec sa future ex-femme en colère, qui y avait vu une raison de plus pour demander le divorce. Et du coup, il s’était attendu à un accueil un peu plus chaleureux.

Mais quelque part, ça se comprenait. Des centaines de personnes étaient mortes ce matin et les gens présents dans cette pièce pensaient qu’il s’agissait d’une attaque terroriste.

« Je vous en prie, asseyez-vous, » lui dit Kimball.

Il y avait une chaise disponible à la droite de Susan et Luke s’y assit.

À l’écran, apparut la photo d’un énorme barrage, avec un bâtiment de six étages devant lui – le centre de contrôle. Six écluses partiellement ouvertes se trouvaient en-dessous. Le bâtiment avait l’air minuscule, avec la masse énorme du barrage qui se dressait derrière lui. Le long du bord, il y avait une centrale hydroélectrique, avec des rangées et des rangées de transformateurs.

« Luke, voici le barrage de Black Rock, » dit Kurt Kimball. « Il mesure un peu plus de deux cents mètres de haut et retient le lac de Black Rock, qui fait vingt-six kilomètres de long, a une profondeur de cent-vingt mètres, et qui contient à tout moment trois cents millions de mètres cubes d’eau. Comme vous l’avez probablement vu à la télé aujourd’hui, un peu après sept heures du matin, les six écluses se sont entièrement ouvertes et sont restées bloquées pendant trois heures et demie, avant que les techniciens parviennent à les désassocier du système informatique qui les contrôle et les fermer manuellement. »

Kimball utilisa un laser pour montrer les écluses.

« Si vous regardez la taille des écluses en comparaison avec l’édifice, vous constaterez qu’elles sont assez grandes. Chacune mesure dix mètres de haut, ce qui signifie que six énormes jets d’eau ont été lâchés en même temps. La pression hydraulique du lac a envoyé cette avalanche d’eau à une vitesse approximative de trente kilomètres à l’heure. Ça ne paraît pas si rapide que ça, sauf quand on se trouve sur son chemin. Jusqu’à ce matin, l’hôtel de Black Rock se dressait à cinq kilomètres au Sud du barrage. Le bâtiment était presque entièrement construit en bois. Le mur d’eau a complètement balayé l’hôtel et d’après ce qu’on sait, les seuls survivants sont quelques clients qui étaient partis tôt le matin pour faire une randonnée ou pour parcourir les routes pittoresques des environs. »

« Combien de clients y avait-il à l’hôtel ? » demanda Luke.

« Il y avait deux cent quatre-vingt-un clients répertoriés dans leur système de réservation en ligne. Peut-être qu’une vingtaine d’entre eux avaient quitté l’hôtel avant la catastrophe, ou n’étaient jamais arrivés, pour une raison ou une autre. Tous les autres ont été balayés par les flots et sont supposés morts. Si on ajoute à ça d’autres destructions en aval, il faudra quelques jours avant d’avoir le nombre précis des victimes. »

Luke ressentit une sensation qui lui était familière et qui lui donna la nausée. C’était comme un vieil ami qu’il n’aurait plus vu depuis longtemps et qu’il espérait ne jamais revoir. Il eut l’impression que son estomac se retournait en pensant à la mort de toutes ces personnes innocentes, qui n’avaient rien demandé à personne. Luke ne connaissait que trop bien cette sensation.

« Est-ce qu’on a essayé de les prévenir ? » demanda-t-il.

Kimball hocha la tête. « Les travailleurs du centre de contrôle ont appelé l’hôtel dès qu’ils se sont rendus compte que les écluses étaient ouvertes, mais apparemment l’avalanche d’eau les avait déjà atteints. Quelqu’un décrocha le téléphone mais la conversation prit fin presque immédiatement. »

« Mon dieu. Et quels sont les autres dégâts en aval dont vous parliez ? »

Une carte apparut à l’écran. On y voyait le lac, le barrage, l’hôtel et les villes environnantes. Kimball en désigna une à l’aide de son laser. « La ville de Sargent se trouve à vingt-six kilomètres au Sud de l’hôtel. C’est une ville de deux mille trois cents habitants et c’est la porte d’entrée au Parc national pour les touristes qui visitent le coin. La majorité de la ville est construite sur une petite colline et ils ont eu un peu plus de temps que l’hôtel pour se préparer à la catastrophe. Les sirènes d’alarme ont même eu le temps de retentir avant l’inondation. Avec vingt-six kilomètres supplémentaires à descendre, les flots ont perdu un peu de leur force et l’inondation fut un peu moins violente qu’à l’hôtel. Beaucoup de maisons et de bâtiments situés sur la colline ont résisté à l’inondation sans être balayés. Mais beaucoup de constructions plus basses ont rapidement été inondées. Plus de quatre cents habitants de Sargent sont actuellement portés disparus et supposés morts. »

Luke fixait l’écran des yeux pendant que le laser de Kimball montrait les villes de Sapphire, de Greenwood et de Kent, qui étaient à chaque fois un peu plus éloignées du barrage mais qui avaient également souffert des inondations. L’envergure de la catastrophe était épouvantable et bien que les écluses aient été fermées, la masse d’eau continuerait à dévaler les pentes pendant encore quelques jours. Une vingtaine de villes avaient été évacuées, mais il y aurait tout de même d’autres victimes. Il est probable que certaines personnes dans des régions isolées n’auraient pas la possibilité de fuir.

« Et vous pensez que le système a été piraté ? Comment est-ce que ce serait possible ? »

Kimball regarda autour de lui. « Est-ce que vous êtes tous autorisés à entendre ce qui va suivre ? Je demande à toute personne n’ayant pas cette autorisation de sortir immédiatement de cette pièce. »

Des murmures se firent entendre dans la salle, mais personne ne bougea. « OK, je vais partir du principe que vous avez tous le droit d’être ici. Si ce n’était pas le cas, c’est votre carrière que vous mettez en jeu. Ne l’oubliez pas. »

Il se retourna vers Luke.

« Le barrage a été construit en 1943 pour générer l’électricité indispensable pendant la guerre. Il a été construit, et il est géré depuis lors, par la Tennessee Valley Authority. Pendant de nombreuses années, les écluses étaient actionnées par des commandes moins sophistiquées que le dispositif d’ouverture de la porte de votre garage. Il y a environ vingt ans, la Tennessee Valley Authority a cherché à économiser de l’argent en automatisant ses barrages. En effet, les centres de contrôle dans les vieux barrages hydroélectriques sont d’une incroyable inefficacité par rapport aux normes actuelles. En gros, des gens sont payés toute la journée pour lire et écrire dans des registres, et pour ouvrir et refermer de temps en temps les vannes de déversoir. Les écluses ne sont presque jamais ouvertes.

« La Tennessee Valley Authority avait l’intention de rassembler dix ou vingt centres de contrôle dans un seul grand centre principal. Ils ont donc équipé plusieurs barrages d’un logiciel informatique qui peut être commandé à distance. Black Rock était l’un d’entre eux. Il s’agit d’un logiciel vraiment très simple – ‘oui’ pour ouvrir les écluses, et ‘non’ pour les refermer. Pour une raison ou une autre, ils n’ont jamais créé le centre principal de contrôle, mais ils ont néanmoins fait en sorte de pouvoir accéder à leur logiciel via internet, au cas où ils se décidaient à le faire. La dernière chose importante à savoir, c’est qu’à l’époque, le cryptage en était à ses balbutiements et que le logiciel n’a jamais été mis à jour depuis le moment où il a été installé. »

Luke le fixa des yeux, d’un air surpris.

« C’est une blague. »

Il secoua la tête.

« C’était très facile de pirater le système. C’est juste que personne n’y avait songé avant. Et puis… quel terroriste connaîtrait même l’existence de ce barrage ? Il se trouve dans un coin perdu, en pleine montagne. Il n’y a pas beaucoup de prestige à détruire une ville comme Sargent, en Caroline du Nord. Mais comme nous avons pu le voir, les résultats sont aussi dévastateurs que s’ils avaient attaqué Chicago. »

Susan prit la parole pour la première fois depuis le début de la présentation. « Et le pire dans tout ça, c’est qu’il y a des centaines de barrages dans le genre aux États-Unis. Nous n’en connaissons même pas le nombre exact et nous ne savons pas combien d’entre eux sont susceptibles d’être attaqués. »

« Et pourquoi est-ce que vous pensez que ce sont les Chinois qui sont derrière tout ça ? » demanda Luke.

« Nos pirates informatiques à la NSA ont pu tracer l’infiltration jusqu’à une série d’adresses IP dans le Nord de la Chine. Et il y a eu des communications depuis ces adresses vers un compte internet dans un motel d’Asheville, en Caroline du Nord, à cent kilomètres à l’Est du barrage de Black Rock. Les communications ont eu lieu au cours des quarante-huit heures précédant l’attaque. Une équipe SWAT du Bureau des alcools, du tabac et des armes est active dans cette région, où elle est chargée de contrôler les distilleries et les brasseries sans permis. On a demandé à cette équipe SWAT d’intervenir dans ce motel. Ils sont descendus dans la chambre en question et ils ont arrêté un Chinois de trente-deux ans du nom de Li Quiangguo. »

Une photo apparut à l’écran. Luke y vit un Chinois, escorté hors d’un petit motel quelconque par un groupe d’officiers de la SWAT. Une autre image de cet homme apparut ensuite. Il était debout sur une étroite route en face d’un lac. Il se tenait à côté d’une plaque historique où il était inscrit Barrage Black Rock – 1943, suivi d’une courte description.

« Bien qu’il ait des documents et un passeport sous ce nom, nous ne pensons pas qu’il s’agisse de son véritable nom. Comme vous le savez, l’ordre dans les noms en Chine sont inversés – le nom de famille vient en premier, suivi du prénom. Li est l’un des noms de famille les plus courants en Chine, un peu comme Smith aux États-Unis. Et Quiangguo signifie Une nation forte, en mandarin. C’est un prénom à connotation militariste qui était très courant après la Révolution chinoise, mais qui est un peu tombé en disgrâce il y a environ une quarantaine d’années. De plus, Li a été retrouvé avec une arme et une petite fiole contenant des pilules de cyanure en sa possession. Nous pensons qu’il s’agit d’un agent du gouvernement chinois travaillant sous un faux nom et qu’il était supposé se donner la mort s’il était sur le point de se faire arrêter. »

« Et apparemment, il n’en a finalement pas eu le courage, » dit Luke.

« Soit ça, soit il n’a pas eu le temps de mettre la main sur les pilules de cyanure. »

Luke secoua la tête. « Après une opération d’une telle envergure, un agent qui serait vraiment prêt à mourir tiendrait la fiole de cyanure en main, ou il la garderait en poche, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En quoi consistaient les communications ? »

« Il s’agit d’une série d’emails cryptés. Nous n’avons pas encore réussi à les déchiffrer et il se pourrait que ça nous prenne des semaines avant d’y arriver. C’est un cryptage que la NSA n’a encore jamais vu. Très complexe et très difficile à déchiffrer. Alors pour l’instant, nous ne savons pas ce que contiennent ces emails. »

« Est-ce que l’homme vous a dit quoi que ce soit ? » demanda Luke.

Kimball secoua la tête. « Il se trouve dans un centre de détention de la FEMA, dans le Nord de la Géorgie, à environ cent-cinquante kilomètres au Sud-est du barrage de Black Rock. Il persiste à dire qu’il n’est qu’un touriste qui se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. »

« C’est pour ça que nous avons fait appel à vous, » dit Susan. « Nous voudrions que vous alliez lui parler. On s’est dit qu’à vous, il parlerait peut-être. »

« Aller lui parler, » dit Luke.

Susan haussa les épaules. « Oui. »

« Et le faire parler ? »

« Oui. »

« Pour ça, il me faudra probablement l’aide de mon équipe, » dit Luke.

Susan, Kurt Kimball et Kat Lopez échangèrent un regard.

« On ferait mieux de parler de ça en privé, » dit Kimball.

*

« OK, Susan, alors c’est le moment où vous m’expliquez à nouveau que l’Équipe d’intervention spéciale a été dissoute, c’est bien ça ? »

« Luke… » commença-t-elle à dire.

Ils étaient assis dans le bureau de Susan qui se trouvait à l’étage. La pièce était exactement comme dans les souvenirs de Luke : une vaste pièce rectangulaire avec du parquet et un grand tapis blanc au centre. Sur ce tapis, se trouvaient une table basse de salon et de grands fauteuils.

Un mur entier du bureau était recouvert d’une bibliothèque qui montait jusqu’au plafond. Cette bibliothèque lui faisait toujours penser au livre Gatsby le Magnifique.

Et puis, il y avait les fenêtres. De grandes baies vitrées qui offraient de magnifiques vues sur les terrains vallonnés de l’Observatoire naval. Les fenêtres étaient situées au Sud-ouest et laissaient entrer la lumière de l’après-midi. Une lumière un peu vaporeuse qui inspirerait bien des artistes.

Luke remarqua que les journées commençaient déjà à raccourcir. Bien qu’il ne soit pas encore 19h, c’était une lumière de début de soirée qui filtrait à travers les fenêtres. La journée se terminait déjà. Luke repensa brièvement à l’interaction qu’il avait eue avec Becca quand il était allé déposer Gunner chez elle. Mais il balaya très vite cette image de sa tête. C’était trop pour l’instant.

Il était assis en face de la Présidente. Kurt Kimball se trouvait à côté et Kat Lopez, juste derrière Susan, sur sa droite.

« Oui, » dit Susan. « Il n’y a plus d’Équipe d’intervention spéciale. La plupart de ses membres ont été réaffectés ailleurs au sein du FBI. À l’heure actuelle, il serait difficile de reconstituer ce que vous considérez comme votre équipe. »

« Susan, » dit Luke. « C’est vous qui me demandez à nouveau de reprendre du service, alors que j’ai pris ma retraite. Vous savez ce que j’ai fait ces deux derniers mois ? Je vais vous le dire. Du camping, de la pêche, des randonnées, de la voile. Un peu de chasse. Un peu de plongée. » Il frotta sa barbe. « Et j’ai beaucoup dormi. »

« Alors, vous êtes bien reposé, » dit Kurt Kimball.

Luke secoua la tête. « Je suis rouillé. J’ai besoin de mon équipe. Je leur fais confiance. Je ne peux pas vraiment fonctionner sans eux. »

« Luke, si vous étiez resté dans le coin au lieu de disparaître, on aurait peut-être pu vous conserver une équipe… »

« J’essayais de sauver mon mariage, » dit-il.

Susan le regarda droit dans les yeux. « Et comment ça s’est passé ? »

Il secoua légèrement la tête en disant : « Pas très bien, pour l’instant. »

« Je suis désolée de l’entendre. »

« Moi aussi. »

Susan jeta un coup d’œil derrière elle. « Kat, est-ce qu’on sait où se trouvent les anciens membres de l’équipe de Luke ? »

Kat Lopez regarda la tablette qu’elle tenait en main. « Bien sûr, c’est facile à savoir. Mark Swann a quitté le FBI pour un boulot au sein de la NSA. Il travaille à leur siège central, ici, dans la banlieue de Washington. Ça fait trois semaines et demie qu’il a commencé. Il évolue au sein de leur système de classification et il devrait commencer à travailler sur le projet d’extraction de données PRISM dans environ un mois.

« Edward Newsam est toujours au FBI. Il était en arrêt maladie en juin et en juillet. Sa hanche est maintenant totalement rétablie et il a été réaffecté à l’équipe de libération d’otages. Il est actuellement en formation à Quantico pour un possible travail de renseignement à l’étranger qui devrait commencer vers la fin de l’année. Dans son dossier, il est indiqué que son statut sera probablement classé Top Secret dans les prochaines semaines et qu’une autorisation spéciale sera nécessaire pour en savoir plus sur lui. »

Luke hocha la tête. Ce n’était pas une surprise. Swann et Newsam étaient parmi les meilleurs dans leur domaine. « Est-ce que vous pensez qu’on pourrait les emprunter quelques jours ? » demanda-t-il.

Kat Lopez hocha la tête. « Si on en fait la demande, je pense que les agences n’auront aucun problème pour nous les prêter. »

« Et Trudy ? » dit Luke. « J’ai aussi besoin d’elle. »

« Luke, Trudy Wellington est en prison, » dit Susan.

Luke fut totalement pris par surprise en entendant ces mots. Il fixa Susan des yeux, en essayant de comprendre ce qu’elle venait de dire.

« Quoi ? » parvint-il finalement à articuler.

Susan secoua la tête.

« Je n’arrive pas à croire que vous ne soyez pas au courant. Qu’est-ce que vous avez fait ces derniers mois, vivre dans une grotte ? Vous ne lisez pas les journaux ? »

Il haussa les épaules. « Je vous l’ai dit, je suis resté déconnecté et loin de tout. Ils ne vendent pas de journaux là où je me trouvais et j’ai laissé mon ordinateur à la maison. »

Kat Lopez se mit à lire ce qu’il y avait sur sa tablette. Le ton de sa voix était automatique, c’était presque la voix d’un robot.

« Trudy Wellington, trente ans, était la maîtresse de Don Morris pendant au moins un an, lors de la planification des attaques du 6 juin. Des emails, des messages, des enregistrements informatiques et des relevés téléphoniques suggèrent qu’à partir du mois de mars, elle avait connaissance du plan mis en place pour assassiner le Président et la Vice-Présidente des États-Unis, et qu’elle connaissait l’identité de certains des conspirateurs. Elle est accusée de trahison, de conspiration, de plus de trois cents chefs d’inculpation pour meurtre et de nombreuses autres accusations. Elle est emprisonnée sans possibilité de remise en liberté sous caution dans l’établissement pénitentiaire fédéral pour femmes de Randal, dans le Maryland. Si elle est reconnue coupable des charges qui pèsent contre elle, elle risque plusieurs condamnations de prison à vie et jusqu’à la peine de mort. »

Luke se passa la main dans les cheveux. Il avait l’impression d’avoir reçu un coup sur la tête. Il revit Trudy, avec ses comiques lunettes rouges, le regardant par-dessus le couvercle de son ordinateur portable. Il la revit la nuit où il s’était rendu chez elle à 3h du matin. Elle lui ouvrit la porte en ne portant rien d’autre qu’un long t-shirt tout fin et une arme en main. Il se revit avec elle cette nuit-là, et leurs corps enlacés.

Et elle était en prison ? Ce n’était pas possible.

« Trudy Wellington risque la peine de mort ? » dit-il.

« En un mot, oui. »

« Tout ça parce qu’elle n’a pas dénoncé Don ? »

Susan secoua la tête. « C’est une trahison, quelle que soit la manière dont on veut le voir. Beaucoup de personnes sont mortes, y compris Thomas Hayes, qui était Président des États-Unis, mais aussi un ami personnel. Wellington aurait pu éviter tout ça et elle a choisi de ne pas le faire. Elle n’a même pas essayé. À ce stade, le seul moyen pour elle de sauver sa peau, c’est de témoigner contre les conspirateurs. »

« J’ai du mal à croire qu’elle ait pu être au courant, » dit Luke. « Elle a avoué ? »

« Elle nie tout, » dit Kat Lopez.

« J’aurais tendance à la croire, » dit Luke.

Kat lui tendit sa tablette. « Il y a environ deux cents pages de pièces à conviction et on a accès à la majorité de ces preuves. Vous pouvez y jeter un coup d’œil. Peut-être que vous changerez d’avis après ça. »

Luke secoua la tête. Il regarda Susan. « Alors, ça nous laisse quoi, comme option ? »

Elle haussa les épaules. « Vous pouvez avoir Mark Swann et Ed Newsam pour quelques jours, si vous avez besoin d’eux. Mais vous n’aurez pas Trudy Wellington. »

Elle le regarda, avant d’ajouter : « Et votre hélico décolle dans quelques heures. »

Salle de Crise

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