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CHAPITRE SEPT

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10h20

La Maison Blanche, Washington DC


Ça ressemblait à la fois à des funérailles nationales, à l’inauguration d’un garage de voitures d’occasion et à un spectacle comique amateur.

Susan Hopkins, la Présidente des États-Unis, portait une robe bleue et un châle, conçus spécialement pour l’occasion par la créatrice Etta Chang. Elle regarda les dignitaires et les journalistes rassemblés sur la pelouse Sud de la Maison Blanche. C’était un groupe trié sur le volet. L’invitation à cet événement était convoitée par de nombreuses personnalités depuis des mois. En ce beau jour ensoleillé d’automne, sous un ciel bleu, la Maison Blanche – l’un des symboles les plus immuables de l’Amérique – était reconstruite et prête à être de nouveau utilisée.

Des agents des services secrets se tenaient autour de Susan, afin de couvrir tous les angles de tir autour d’elle. Elle avait l’impression d’être perdue au milieu d’une forêt d’hommes. Il était interdit de survoler Washington DC, la Virginie et le Maryland aujourd’hui matin. Si vous n'aviez pas atterri avant 7 heures du matin, tant pis pour vous.

La cérémonie commençait à être longue. Elle avait commencé à 9 heures du matin et il était presque 10h30. Entre le défilé militaire d’ouverture avec le clairon jouant l’extinction des feux et le cheval sans cavalier en l’honneur de Thomas Hayes, le lâcher de colombes pour symboliser tous ceux qui étaient morts ce jour-là, le survol par les avions de chasse, la chorale des enfants, et les différents discours et les bénédictions…

Ah oui, les bénédictions.

La Maison Blanche avait été bénie tour à tour par un rabbin orthodoxe de Philadelphie, un imam musulman, l’archevêque catholique de Washington DC, le pasteur de l’église de Zion de la rue North Capitol, et le célèbre moine bouddhiste et militant pacifiste Thich Nhat Hanh.

Rien que les difficultés liées au choix de ces dignitaires religieux… ça avait vraiment enlevé à Susan tout intérêt pour cet événement. Quoi ? un rabbin orthodoxe ? Les femmes du judaïsme réformé avaient fait entendre leur mécontentement – elles auraient voulu que ce soit un rabbin femme. Sunnite ou chiite pour l’imam ? Il était impossible de satisfaire les deux. Finalement, Kat Lopez avait résolu ce problème en choisissant un imam soufi.

Les catholiques n’étaient pas non plus enchantés concernant Pierre. Le mari de la Présidente était homosexuel ? Et marié à une femme ? C’était vraiment n’importe quoi. Ce problème avait fini par être résolu quand Pierre a décidé de ne pas assister à la cérémonie et de la regarder à la télé depuis son appartement à San Francisco.

Pierre et les filles avaient disparu de la vie publique depuis le scandale. C’était une bonne chose de maintenir les filles à l’écart des projecteurs après tout ce qui s’était passé, mais cette cérémonie était importante et Pierre n’avait même pas voulu venir. Et ça préoccupait un peu Susan. En fait, plus qu’un peu. Et bien sûr, les militants des droits homosexuels étaient maintenant fâchés sur Pierre, car pour eux, il avait décidé de s’incliner devant la pression de l’église catholique. C’était en tout cas comme ça qu’ils le voyaient.

Sur l’estrade, Karen White, la nouvelle Présidente de la Chambre, terminait son discours. Karen était une excentrique, et c’était peu dire – elle portait un chapeau avec un grand tournesol, qui aurait été plus approprié à une chasse aux œufs de Pâques avec des enfants qu’à l’événement d’aujourd’hui. Si Etta Chang avait vu ce chapeau, elle aurait probablement insisté pour lui faire un relooking.

Les remarques de Karen n’avaient pas été trop acerbes concernant les libéraux au pouvoir – tant mieux, parce que les élections organisées spécialement en vue de reconstituer le Congrès avaient lieu dans deux semaines. Les campagnes d’élection s’étaient transformées en de véritables discours haineux – et les historiens adoraient passer sur CNN et sur Fox News pour expliquer combien le discours civil dans ce pays avait atteint son point le plus bas depuis la Guerre de Sécession.

Ce dont Karen White manquait en rhétorique offensive sur le plan domestique, elle le compensait largement sur le plan international. Son discours avait l’air de suggérer – à la grande surprise de beaucoup de personnes présentes dans le public – que la Maison Blanche n’avait pas été détruite par des éléments incontrôlés du mouvement conservateur et de l’armée américaine, mais par des agents étrangers, venant probablement d’Iran ou de Russie. À un certain moment, l’envoyé spécial d’Iran s’était levé de sa chaise et il avait quitté l’audience, suivi de deux de ses diplomates.

« Ne te tracasse pas, » dit Kurt Kimball à son oreille. C’était son conseiller en sécurité nationale. « Ils savent tous que Karen est un peu cinglée. Enfin… regarde son chapeau. On s’arrangera pour que quelqu’un des affaires étrangères arrange les choses. »

« Comment ? » dit Susan.

Il haussa les épaules. « Je ne sais pas. On trouvera bien quelque chose. »

Sur l’estrade, Kat fit un signe de tête à Susan. C’était à son tour de parler. Elle monta sur le podium et attendit que les agents des services secrets prennent place autour d’elle. L’estrade était entourée sur trois côtés par des vitres pare-balles. Elle resta silencieuse un instant et observa la foule rassemblée devant elle. Elle n’était pas du tout nerveuse. Parler en public avait toujours été l’un de ses points forts.

« Bonjour, » dit-elle. Sa voix résonna à travers la pelouse.

« Bonjour, » lui répondirent quelques comiques présents dans l’audience.

Elle se lança dans le discours qu’elle avait préparé à l’avance. C’était un bon discours. Elle leur parla du sacrifice commun, de la perte d’êtres chers et de la capacité à résister et à s’adapter. Elle leur parla de la grandeur de l’Amérique – quelque chose dont ils étaient déjà au courant. Elle leur parla du courage de ces hommes qui lui avaient sauvé la vie cette nuit-là et elle désigna Chuck Berg – qui était maintenant chargé de sa sécurité intérieure et qui se tenait avec elle sur l’estrade – et Walter Brenna, qui avait une place d’honneur au premier rang. Les deux hommes reçurent un tonnerre d’applaudissements.

Elle leur dit qu’elle emménageait aujourd’hui même dans la Maison Blanche – ce qui provoqua une véritable ovation – et elle les invita à venir faire le tour du propriétaire pour voir ce qui y avait changé.

Elle termina son discours avec un geste théâtral, en faisant écho à ce héros qu’elle admirait tant, John Fitzgerald Kennedy.

« Il y a presque soixante ans, John Fitzgerald Kennedy était élu Président des États-Unis. Son discours d’investiture est l’un des discours les plus remarquables et les plus cités de l’histoire. Il nous y disait de ne pas se demander ce que notre pays pouvait faire pour nous, mais ce que nous pouvions faire pour notre pays. Mais vous savez quoi ? Il y a une autre partie de ce discours qui est moins connue et que j’affectionne tout autant. Et les mots qu’il y a prononcés semblent tout à fait appropriés aux événements d’aujourd’hui et c’est comme ça que j’aimerais terminer mon discours. Voici ce que Kennedy a dit. »

Elle prit une profonde inspiration, en respectant les pauses que Kennedy avait prises lors de son discours. Elle voulait prononcer ses mots exactement de la manière dont il l’avait fait.

« Que chaque nation sache, » dit-elle, « qu’elle nous veuille du bien ou du mal… que nous paierons le prix… que nous porterons tout fardeau… »

Des ovations commencèrent à se faire entendre dans la foule. Elle leva la main pour les calmer, mais ce fut inutile. Ils allaient continuer à l’ovationner. C’était à elle à s’adapter et à parvenir à se faire entendre par-dessus leur explosion de joie, jusqu’à la dernière ligne.

« Que nous ferons face à toute épreuve… » hurla-t-elle.

« Oui ! » lui répondit quelqu’un dans la foule, en hurlant.

« Que nous soutiendrons tout ami, » dit Susan, en levant le poing en l’air. « Et que nous nous opposerons à tout ennemi… pour assurer la survie et la victoire de la liberté ! »

La foule s’était mise debout. L’ovation continuait… encore et encore.

« Nous nous engageons à ça, » dit Susan. « Et à plus encore. » Elle fit à nouveau une pause. « Merci, mes amis. Merci. »

* * *

L’intérieur du bâtiment lui donnait la chair de poule.

Susan traversa les couloirs, suivie de près par ses agents secrets, Kat Lopez et deux assistants. Le groupe passa les portes menant au Bureau ovale. Se retrouver là lui faisait bizarre. Elle avait ressenti la même chose une semaine plus tôt, quand elle avait fait pour la première fois le tour de la Maison Blanche. Il y avait quelque chose ici de surréel.

Presque rien n’avait changé. Le Bureau ovale était identique à la dernière fois qu’elle l’avait vu – le jour où il avait été détruit, le jour où Thomas Hayes et plus de trois cents personnes étaient mortes. Trois grandes baies vitrées aux rideaux tirés offraient toujours une vue sur le jardin des roses. Au milieu de la pièce, il y avait un espace confortable pour s’asseoir, placé sur un tapis luxueux arborant le sceau du Président. Même le bureau – ce cadeau offert par la reine Victoria d’Angleterre à la fin du XIXe siècle – se trouvait là, à son endroit habituel.

Bien entendu, ce n’était pas le même meuble. Il avait été reconstruit au cours des trois derniers mois, sur base des dessins originaux, dans un atelier de la campagne galloise. Mais c’était justement à ça qu’elle voulait en venir – tout avait l’air exactement identique. Elle avait presque l’impression que le Président Thomas Hayes – qui mesurait au moins dix centimètres de plus que tous ceux qui l’entouraient – allait entrer à tout moment et froncer les sourcils en la regardant.

Est-ce que ce bâtiment réveillait des traumatismes en elle ?

Elle savait qu’elle préférerait vivre à l’Observatoire naval. Cette magnifique résidence avait été sa maison depuis maintenant cinq ans. C’était un endroit aéré, ouvert et lumineux. Elle s’y sentait bien. La Maison Blanche, en revanche – surtout la partie résidence – était plutôt morne et sinistre, avec des courants d’air en hiver et très peu de lumière naturelle.

C’était une grande maison, mais on s’y sentait à l’étroit. Et il y avait… quelque chose d’autre dans ces lieux. Elle avait toujours l’impression qu’elle allait tomber sur un fantôme à chaque coin de couloir. Avant, elle pensait aux fantômes de Lincoln, de McKinley ou de Kennedy. Mais maintenant, elle savait que ce serait celui de Thomas Hayes.

Elle redéménagerait dans la seconde à l’Observatoire naval si elle le pouvait – si elle n’avait pas laissé l’endroit à quelqu’un d’autre. Sa nouvelle Vice-Présidente, Marybeth Horning, allait y emménager dans les prochains jours. Elle sourit en pensant à Marybeth – cette sénatrice ultra-libérale de Rhode Island – qui était occupée à mener une enquête sur une atteinte aux droits de l’homme au sein d’exploitations avicoles en Iowa, le jour où avait eu lieu l’attaque au Mont Weather. Marybeth était une défenseuse acharnée des droits des travailleurs et des femmes, de l’environnement et de tout ce qui tenait à cœur à Susan.

L’élever au poste de Vice-Présidente avait été l’idée de Kat Lopez. Une idée parfaite – Marybeth était une gauchiste tellement fervente que personne de la droite ne voudrait jamais que Susan soit assassinée. Ils finiraient avec leur pire cauchemar en tant que Présidente. Et le nouveau règlement des services secrets stipulait que Susan et Marybeth ne pourraient jamais se retrouver au même endroit au même moment, jusqu’à la fin du mandat de Susan – d’où l’absence de Marybeth aux festivités d’aujourd’hui. C’était un peu dommage parce que Susan aimait vraiment beaucoup Marybeth.

Susan soupira et regarda autour d’elle. Son esprit se mit à vagabonder. Elle repensa au jour de l’attaque. Ça faisait deux ans qu’elle et Thomas étaient un peu plus distants. Mais ça ne l’avait pas tracassée. Elle aimait son boulot de Vice-Présidente et David Halstram – le chef de cabinet de Thomas – veillait à ce que son emploi du temps soit toujours bien rempli de rendez-vous et d’événements, loin du Président.

Mais ce jour-là, David lui avait demandé d’être aux côtés du Président. La cote de popularité de Thomas avait chuté et le Président de la Chambre avait demandé sa destitution. Il était assiégé de toutes parts, tout ça parce qu’il ne voulait pas entrer en guerre avec l’Iran. Bien sûr, le Président de la Chambre à cette époque, c’était Bill Ryan, l’un de ceux qui avaient comploté le coup d’état et qui, à cet instant précis, était incarcéré dans une prison fédérale, en attendant d’être transféré dans le couloir de la mort.

Elle se revit, occupée à examiner une carte du Moyen-Orient dans ce même bureau, en compagnie de Thomas. Ils ne parlaient de rien de sérieux. Ils se contentaient de plaisanter. Ce n’était pas une véritable réunion stratégique, juste une conversation.

Soudain, deux hommes avaient fait irruption dans la pièce.

« FBI ! » hurla l’un d’entre eux. « J’ai un message important pour le Président. »

L’un de ces hommes était l’agent Luke Stone.

Sa vie avait changé à cet instant et elle n’avait plus jamais été la même. Son mariage avait presque été anéanti par un scandale. Sa fille avait été kidnappée. Susan avait vieilli de dix ans en six mois et elle avait dû essuyer plusieurs attaques terroristes et politiques.

Maintenant, elle se retrouvait à devoir dormir toute seule dans cette vieille maison pleine de courants d’air. Ils avaient dépensé un milliard de dollars pour rénover l’endroit et elle n’avait pas envie d’y vivre. Hum. Il allait falloir qu’elle en parle à Kat.

« Susan ? »

Elle leva les yeux et vit Kurt Kimball. Son apparition soudaine la tira hors de sa rêverie. Kurt était un homme de grande taille et aux épaules larges, avec une tête ronde et lisse comme une boule de billard. Son regard était vif et alerte. Il était l’image même de la vitalité à l’âge de cinquante-trois ans. Il était ce genre de personnes à penser que la cinquantaine, c’était un peu comme la trentaine. Jusqu’à ce qu’elle devienne Présidente, Susan aurait sûrement été de son avis. Mais maintenant, elle n’en était plus aussi sûre. Il lui restait deux ans avant la cinquantaine. Et si les choses continuaient comme ça, au moment où elle atteindrait ce cap, la cinquantaine allait plutôt être pour elle l’équivalent de la soixantaine.

« Salut, Kurt. »

« Susan, l’agent Stone est là. Il a interrogé Don Morris au Colorado hier soir. Il pense avoir des informations qui pourraient nous intéresser. Je ne lui ai pas encore parlé, mais mes hommes m’ont appris qu’il avait été impliqué dans un incident quand il est rentré ce matin à Washington. »

« Un incident ? Quel genre d’incident ? » Ça n’avait pas l’air d’être une bonne nouvelle. Mais en même temps, quand est-ce que l’agent Stone n’avait pas été, d’une manière ou d’une autre, impliqué dans un incident ?

« Il y a eu une fusillade à Georgetown. Deux hommes dans un pickup ont apparemment essayé de le tuer. Luke en a descendu un, mais l’autre a réussi à s’enfuir. »

Susan regarda Kurt. « Est-ce que ça a quelque chose à voir avec Don Morris ? »

Kurt secoua la tête. « On ne sait pas. Mais c’est arrivé à deux pâtés de maisons de l’appartement de Trudy Wellington. Comme vous le savez, Wellington a disparu, mais apparemment Stone s’est rendu directement à son appartement après son entrevue avec Morris. Tout ça, c’est plutôt… inhabituel. »

Susan prit une profonde inspiration. Stone lui avait plus d’une fois sauvé la vie. Il avait également sauvé sa fille des griffes de kidnappeurs. Il avait sauvé d’innombrables vies au cours de l’attaque de l’Ébola et la crise nord-coréenne. Il avait même rendu service au monde en assassinant au passage le dictateur de la Corée du Nord. C’était un atout inestimable pour Susan. C’était un peu son arme secrète. Mais il était également instable. Il était violent et il s’impliquait parfois dans ce qu’il ne devrait pas.

« En tout cas, » dit Kurt, « il est ici pour faire son rapport. Je pense qu’on devrait inaugurer la nouvelle salle de crise et entendre ce qu’il a à nous dire. »

Susan hocha la tête. C’était presque un soulagement d’avoir quelque chose à se mettre sous la dent. La salle de crise de la Maison Blanche était un espace dédié uniquement à cet effet et ça n’avait rien à voir avec la salle de réunion qu’ils avaient utilisée à l’Observatoire naval. C’était un centre de commandement entièrement rénové et mis à jour, avec tout un équipement de pointe. Cela leur permettrait d’augmenter considérablement leur capacités stratégiques – en tout cas, c’était ce qu’on lui avait dit.

Le seul problème ? C’était que c’était au sous-sol et que Susan aimait les fenêtres.

« Donne-moi juste une minute pour aller me changer, OK ? » Susan montra la robe de designer qu’elle portait. « Je ne pense pas que ce soit très indiqué pour une réunion des renseignements. »

Kurt sourit. Il la regarda de haut en bas.

« Non, viens comme ça. Tu es superbe. Ils seront impressionnés – ça veut dire que tu t’es remise direct au travail après l’inauguration. »

* * *

Luke se trouvait dans l’ascenseur qui descendait vers la salle de crise. Il était fatigué – il avait été interrogé pendant deux heures par la police de Washington, avant de pouvoir se reposer quelques heures. Il avait complètement raté la cérémonie d’inauguration de la Maison Blanche.

Mais la reconstruction du bâtiment et son inauguration n’étaient pas vraiment des priorités à ses yeux. En entrant, il avait à peine fait attention aux lieux et à la foule qui s’extasiait devant. Il était perdu dans ses pensées – il pensait à sa vie, à Becca et à Gunner, à Don Morris et aux choix qu’il avait faits et qui l’avaient mené à cette fin. Luke avait également tué un homme la nuit dernière et il ne savait toujours pas pourquoi.

Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent sur une salle de crise ovale. Elle était plus petite et on s’y sentait plus à l’étroit que dans la salle de réunion qu’ils avaient utilisée à l’Observatoire naval. Elle était également moins ad hoc. L’endroit ressemblait au module de commandement d’un vaisseau spatial hollywoodien. Il était conçu pour une utilisation maximale de l’espace, avec de grands écrans encastrés dans les murs à un mètre les uns des autres, et un écran géant de projection sur le mur du fond. La table de réunion était équipée de fentes d’où sortaient des tablettes et des micros – qui pouvaient facilement être rangés dans ces mêmes compartiments, si la personne préférait utiliser son propre ordinateur.

Tous les sièges en cuir autour de la table étaient occupés – majoritairement par des décideurs d’âge moyen et à moitié obèses. Quant aux sièges le long des murs, ils étaient occupés par de jeunes assistants, qui tapaient des messages sur leur tablette ou parlaient au téléphone.

Susan Hopkins était assise dans un fauteuil, vers le bout de la table. Tout au fond, se tenait Kurt Kimball, le conseiller à la sécurité nationale de Susan. Les mêmes têtes que d’habitude occupaient les sièges qui les séparaient.

Kurt vit Luke entrer et il frappa des mains. On aurait dit le bruit d’un livre qui tombait sur un sol en pierre. « Un peu de silence, tout le monde ! Silence, s’il vous plaît. »

Peu à peu, le brouhaha diminua. On n’entendait plus que quelques assistants qui parlaient le long du mur.

Kurt frappa à nouveau dans les mains.

CLAP. CLAP.

La pièce devint totalement silencieuse.

« Salut, Kurt, » dit Luke. « Ce n’est pas mal, votre nouveau centre de commandement. »

Kurt hocha la tête. « Agent Stone. »

Susan se tourna vers Luke et ils se serrèrent la main. « Madame la Présidente, » dit-il. « Ça fait plaisir de vous revoir. »

« Bienvenue, Luke, » dit-elle. « Quel genre de nouvelles avez-vous à nous apprendre ? »

Il regarda Kurt. « Vous êtes prêts à écouter mon rapport ? »

Kurt haussa les épaules. « C’est pour ça qu’on est là. Si vous n’étiez pas là, on serait à l’étage et on profiterait des festivités. »

Luke hocha la tête. Ça avait été une longue journée et il était encore tôt. Il avait envie d’en finir le plus vite possible et d’aller dans la maison de campagne qu’il avait partagée avec Becca. Il en avait assez de tout ça. Ce qu’il désirait le plus, c’était faire une sieste. Une simple sieste sur le divan et peut-être plus tard, en fin d’après-midi, regarder le soleil se coucher sur l’eau avec une tasse de café en main. Il y avait beaucoup de choses auxquelles il devait réfléchir et il avait beaucoup de planning à faire. L’image de Gunner lui apparut en tête.

Tous les yeux étaient sur lui. Il prit une profonde inspiration et répéta ce que Don lui avait dit. Des terroristes islamiques allaient voler des armes nucléaires dans une base aérienne en Belgique.

Un homme blond, costaud et de grande taille leva la main. « Agent Stone ? »

« Oui. »

« Haley Lawrence. Secrétaire à la défense. »

Luke l’avait su mais jusqu’à cet instant, il l’avait oublié.

« Monsieur le Secrétaire, » dit-il. « Que puis-je faire pour vous ? »

L’homme eut un léger sourire, qui ressemblait presque à un rictus. « Comment pensez-vous que Don Morris a pu obtenir ces renseignements ? Il est enfermé dans une prison fédérale de haute sécurité, la plus sécurisée que nous ayons actuellement. Il est détenu en isolement dans sa cellule vingt-trois heures par jour et il n’a aucun contact direct avec personne, excepté les gardiens. »

Luke sourit. « Je pense que c’est une question qu’il faudrait poser aux gardiens. »

Quelques rires se firent entendre dans la salle.

« Je connais Don Morris depuis longtemps, » dit Luke. « C’est probablement l’une des personnes les plus débrouillardes et pleines de ressources que je connaisse. Je ne doute pas un seul instant qu’il reçoive des renseignements, même dans sa situation actuelle. Est-ce que ce sont des renseignements fiables ? Je n’en ai aucune idée, et lui non plus. Il n’a aucun moyen de pouvoir les vérifier. J’imagine que ça, c’est notre boulot. »

Il jeta un coup d’œil en direction de Kurt. « Ça, ce sont toutes les informations dont je dispose. »

Kurt fit une pause, puis hocha la tête. « OK, on va reprendre ça un peu à la volée mais on a déjà pas mal d’informations qui pourraient nous être utiles. J’ai en effet la Belgique en tête depuis quelques années, comme vous pouvez vous en douter. » Il se tourna vers une assistante qui se tenait derrière lui. « Amy, peux-tu afficher une carte de la Belgique ? Avec les noms de Molenbeek et de Kleine Brogel, si tu veux bien. »

La jeune femme pianota sur sa tablette, pendant qu’un autre assistant allumait l’écran principal qui se trouvait derrière Kurt. Quelques secondes s’écoulèrent avant que l’écran bleu du bureau apparaisse à l’écran. Entretemps, les conversations avaient repris à voix basse dans la salle.

Kurt regarda son assistante, qui hocha la tête. Kurt regarda alors la Présidente.

« Susan, tu es prête ? »

« Prête. »

Une carte de l’Europe apparut à l’écran derrière lui. L’image zooma rapidement sur l’Europe occidentale, puis sur la Belgique.

« OK. Derrière moi, vous voyez une carte de la Belgique. Il y a deux endroits dans ce pays sur lesquels je voudrais attirer votre attention. Le premier, c’est la capitale, Bruxelles. »

Derrière lui, l’image zooma à nouveau. Ils virent le réseau dense d’une ville, avec une autoroute qui l’entourait. La carte bougea dans le coin supérieur gauche et ils virent plusieurs photos de rues pavées, d’un édifice gouvernemental datant du XIXe siècle, et d’un pont imposant et majestueux au-dessus d’un canal.

Il se tourna vers son assistante. « Est-ce que tu peux montrer Molenbeek, s’il te plaît. »

L’image zooma à nouveau et d’autres photos de rues apparurent. Sur l’une d’entre elles, un groupe d’hommes barbus manifestaient en portant une bannière blanche, les poings levés. Sur le haut de la bannière, des caractères arabes étaient inscrits en noir. En-dessous, se trouvait la traduction en anglais :

Non à la démocratie !

« Molenbeek est une commune de Bruxelles, comptant environ quatre-vingt-quinze mille habitants. C’est la commune la plus densément peuplée de la ville et, dans certains quartiers, quatre-vingts pourcents des habitants sont musulmans, pour la plupart de descendance turque ou marocaine. C’est un foyer d’extrémisme. Les armes qui ont été utilisées pour l’attaque du Charlie Hebdo avaient été cachées à Molenbeek. Les attaques terroristes de 2015 à Paris y ont été planifiées, et les auteurs de ces crimes sont tous des hommes qui ont grandi et ont vécu à Molenbeek. »

Kurt regarda autour de lui. « En bref, si des attaques terroristes sont actuellement planifiées en Europe, et nous pouvons supposer que c’est bien le cas, il y a de grandes chances que la planification ait lieu à Molenbeek. Est-ce que nous sommes bien clairs sur ce point ? »

Un murmure d’approbation traversa la salle.

« OK, voyons maintenant Kleine Brogel. »

À l’écran, l’image fit un zoom arrière, se déplaça légèrement sur la droite et zooma à nouveau. Luke aperçut les pistes et les bâtiments d’un aérodrome, à proximité d’une petite ville.

« La base aérienne de Kleine Brogel, » dit Kurt. « C’est un aérodrome militaire belge situé à environ cent kilomètres à l’Est de Bruxelles. Le village que vous voyez, c’est Kleine Brogel, d’où le nom de la base aérienne. Elle abrite le 10e Wing tactique de l’armée belge. Ils opèrent avec des F-16 Fighting Falcons, des avions de chasse supersoniques qui peuvent, entre autres choses, larguer des bombes nucléaires B61. »

À l’écran, la carte disparut et fut remplacée par l’image d’une bombe en forme de missile, montée sur un chariot à roues et garée sous le fuselage d’un avion de chasse. La bombe était longue et lisse, de couleur grise avec une pointe noire.

« Voici le B61, » dit Kurt. « Un peu moins de trois mètres cinquante de long, environ soixante-quinze centimètres de diamètre, avec un poids d’environ trois cent vingt kilos. C’est une arme à rendement variable, qui peut larguer jusqu’à trois cent quarante kilotonnes sur une cible – environ vingt fois la magnitude de l’explosion d’Hiroshima. Si on compare ça aux mégatonnes des missiles balistiques, on voit bien que le B61 est une petite ogive nucléaire tactique. Elle est conçue pour être transportée par des avions rapides, comme le F-16. Remarquez sa forme épurée – qui lui permet de supporter les vitesses que les avions de chasse sont susceptibles d’atteindre. Ce sont des bombes de fabrication américaine et nous les partageons avec la Belgique dans le cadre de l’OTAN. »

« Donc ces bombes se trouvent actuellement dans cette base aérienne ? » demanda Susan.

Kurt hocha la tête. « Oui. Il doit y en avoir environ une trentaine. Mais je peux obtenir le nombre exact si cela s’avère nécessaire. »

Un murmure se fit entendre dans la salle.

Kurt leva la main. « Mais ce n’est pas tout. Kleine Brogel représente un enjeu politique en Belgique. Beaucoup de Belges détestent le fait que des bombes y soient stockées et ils veulent qu’elles sortent du pays. En 2009, un groupe de militants pacifistes belges ont décidé de montrer au public combien ces bombes étaient dangereuses. Ils sont passés à travers le système de sécurité de la base aérienne. »

La carte réapparut à l’écran. Kurt montra un endroit en périphérie de la base aérienne. « Au Sud de l’aérodrome, il y a quelques exploitations laitières. Les militants ont tout simplement traversé les champs, puis ils ont grimpé la clôture. Ils se sont baladés dans la base aérienne pendant au moins quarante-cinq minutes avant que quelqu’un remarque leur présence. Quand ils ont finalement été interceptés – par un pilote belge portant une arme non chargée – ils se trouvaient juste devant un bunker où certaines des bombes sont stockées. Ils avaient déjà tagué le bunker de slogans et accrochés des banderoles. »

Des murmures remplirent à nouveau la salle, mais le brouhaha fut plus prononcé cette fois-ci.

« OK, OK. Ça a été un sérieux manquement à la sécurité. Mais avant de s’emballer, il y a encore quelques points à préciser. Tout d’abord, les bunkers étaient verrouillés – il n’y avait aucun danger que les militants parviennent à y entrer. Et les bombes sont stockées dans des chambres en sous-sol – même si les militants étaient parvenus à entrer dans les bunkers, ils auraient été incapables de faire fonctionner les élévateurs hydrauliques pour remonter les bombes à la surface. Les militants étaient à pied, alors même s’ils étaient parvenus à remonter les bombes, ils n’allaient pas aller très loin en portant une arme qui pèse trois cent vingt kilos. »

« Alors, en tenant compte de tout ça, quel est, selon vous, le niveau de risque ? » demanda Haley Lawrence.

Kurt fit une longue pause. Il avait le regard perdu au loin. Son esprit fonctionnait telle une calculatrice, prenant en compte tous les éléments qu’il venait de décrire, en les ajoutant, les soustrayant, les multipliant et les divisant entre eux.

« Un niveau élevé, » dit-il.

« Élevé ? »

Kurt hocha la tête. « Oui, bien sûr. Le niveau de menace est élevé. Est-ce qu’un groupe terroriste pourrait projeter de voler une bombe à Kleine Brogel ? Bien sûr. Ce n’est pas la première fois qu’on entend parler de cette idée – ça a déjà été mentionné dans des chats sur des réseaux terroristes que la NSA et le Pentagone ont interceptés. Une cellule terroriste à Bruxelles pourrait très bien avoir un ou plusieurs contacts à la base aérienne qui pourraient les aider – en fait, c’est un scénario très probable. Oui, c’est vrai, les bombes ne sont pas opérationnelles sans les codes et oui, c’est vrai, elles sont conçues pour être larguées par des avions de chasse. Mais si les Iraniens voulaient ces bombes juste pour en étudier l’ingénierie ou en extraire le matériel nucléaire ? Les militants à Molenbeek sont en général des sunnites et ils détestent l’Iran. Nos militants pourraient être des mercenaires, qui proposeraient leurs services au plus offrant.

« Ou on pourrait encore envisager un autre cas de figure, » continua Kurt. « L’armée de l’air somalienne possède une poignée d’avions de chasse obsolètes. La plupart sont en ruine, mais je suis sûr qu’il doit encore y en avoir l’un ou l’autre qui peut voler. Le gouvernement somalien est faible, sous l’attaque constante de l’islam radical, et il est sur le point de s’effondrer. Et si des militants islamistes réquisitionnaient ces avions, y chargeaient une bombe et crashaient l’avion au cours d’une attaque nucléaire suicide ? »

« Est-ce que tu ne viens pas juste de dire que les bombes ne pouvaient pas être amorcées sans les codes ? » demanda Susan.

Kurt haussa les épaules. « Les codes nucléaires font partie des cryptages les plus perfectionnés au monde. À notre connaissance, ils n’ont jamais été déchiffrés, volés ou transmis. Mais ça ne veut pas dire que ce ne sera jamais le cas. Afin de se préparer au pire des scénarios, je pense qu’il vaut mieux partir du principe que ces codes seront un jour déchiffrés, s’ils ne l’ont pas déjà été. »

« Alors que suggérez-vous que nous fassions ? »

Kurt n’hésita pas une seconde. « Renforcer la sécurité sur la base aérienne de Kleine Brogel. Et tout de suite. Nous avons des troupes là-bas, mais il y a des tensions constantes avec les autorités belges. Afin d’augmenter de manière considérable le niveau de sécurité à Kleine Brogel, on va devoir marcher sur certaines plates-bandes. Il faut également réexaminer de près les mesures de sécurité mises en place sur les autres bases de l’OTAN où des armes nucléaires américaines sont stockées. Je pense qu’on constatera très vite que ces mesures sont suffisantes. Car en termes de sécurité laxiste, les Belges ont vraiment le pompon.

« Pour finir, je recommanderais de faire quelque chose que j’ai envie de faire depuis un petit temps – envoyer quelques agents d’opérations spéciales sur le terrain à Bruxelles, et plus particulièrement à Molenbeek. Pour qu’ils aillent fouiner et poser des questions. C’est le genre de choses que les Belges devraient faire régulièrement, mais qu’ils ne font pas. Ça ne devrait pas forcément être une opération secrète – ce serait peut-être même mieux si ce n’était pas le cas. Il suffit juste d’envoyer les bons agents, ceux qui ne prennent pas un non pour une réponse et qui savent mettre la pression. »

Au bord de l’épuisement, Luke écoutait d’une oreille distraite. Il essayait surtout de tenir le coup jusqu’à la fin de la réunion. Mais il se rendit soudain compte que plusieurs personnes dans la salle le regardaient.

Il leva les mains en l’air et s’enfonça dans son siège.

« Merci, » dit-il, « mais non. »

* * *

« Alors qui essaie de vous tuer ? » demanda Susan.

Luke était assis dans un fauteuil en cuir dans le Bureau ovale. Sous ses pieds, se trouvait le tapis orné du sceau du Président des États-Unis. La dernière fois qu’il s’était trouvé dans ce bureau, les services secrets l’avaient plaqué au sol sur ce même tapis. Mais bien sûr, ce n’était pas le même – car bien que la pièce soit identique, elle était entièrement neuve. La précédente avait été complètement détruite. Pendant une fraction de seconde, il l’avait presque oublié.

Mon dieu, comme il était fatigué.

Un assistant lui avait amené une tasse de café. Peut-être que ça l’aiderait à se réveiller. Il but une gorgée – le café de la Présidente était toujours excellent.

« Je ne sais pas, » dit-il. « Apparemment, ils sont occupés à faire des tests ADN et à analyser les empreintes du type que j’ai tué. »

Luke observa le visage de Susan. Elle avait vieilli. Les rides de sa peau s’étaient accentuées et étaient devenues de véritables sillons. Sa peau n’était plus aussi ferme et dynamique. Elle était parvenue à garder sa beauté d’adolescente pendant des années, mais en six mois de présidence, le temps l’avait rattrapée.

Luke repensa au jeune Abraham Lincoln quand il était devenu Président, un homme tellement énergique et puissant qu’il était connu pour ses tours de force. Quatre ans plus tard, juste avant qu’il soit assassiné, le stress de la Guerre de Sécession l’avait transformé en un vieil homme affaibli et ratatiné.

Susan était toujours belle, mais de manière différente. Elle avait presque l’air usée. Il se demanda ce qu’elle devait en penser, et si elle l’avait même remarqué. Mais il sut tout de suite la réponse à cette question – bien sûr, qu’elle l’avait remarqué. C’était une ancienne mannequin. Elle remarquait probablement le moindre changement dans son apparence. Pour la première fois, il remarqua la robe qu’elle portait. Elle était bleu foncé, très élégante, et elle épousait parfaitement les formes de son corps.

« Très jolie robe, » dit-il.

Elle montra sa robe d’un air nonchalant. « Ce vieux truc ? C’est juste quelque chose que j’ai enfilé à la hâte. Vous savez qu’il y avait une cérémonie aujourd’hui, n’est-ce pas ? »

Luke hocha la tête. Il savait. « C’est vraiment impressionnant, » dit-il. « La manière dont ils ont tout reconstitué à l’identique. »

« Personnellement, je trouve ça un peu glauque, » dit Susan. Elle regarda autour d’elle. « J’ai vécu à l’Observatoire naval pendant cinq ans. J’adorais cette maison. Ça ne m’aurait pas dérangé d’y vivre jusqu’à la fin de ma vie. En revanche, il va me falloir un peu de temps avant de m’habituer à celle-ci. »

Le silence s’installa entre eux. Luke était uniquement venu pour lui présenter ses respects. Dans une minute, il allait lui demander une voiture, ou mieux encore, un hélicoptère, pour l’emmener jusqu’à la côte.

« Alors qu’est-ce que vous en pensez ? » demanda-t-elle.

« Qu’est-ce que je pense ? À quel sujet ? »

« Au sujet de la réunion qu’on vient d’avoir. »

Luke bâilla. Il était fatigué. « Je ne sais pas quoi penser. Est-ce qu’on a des armes nucléaires en Europe ? Oui. Est-ce qu’elles sont vulnérables ? Apparemment, on dirait qu’elles pourraient être mieux protégées qu’elles le sont. Au-delà de ça… »

Il s’arrêta de parler.

« Est-ce que vous irez là-bas ? » demanda-t-elle.

Luke faillit se mettre à rire. « Vous n’avez pas besoin de moi en Belgique, Susan. Il vous suffit d’accroître le niveau de sécurité à la base aérienne, d’y placer des Américains avec de préférence des armes chargées. Ça devrait suffire. »

Susan secoua la tête. « Si c’est une menace crédible, il faut qu’on s’attaque directement à la source. Écoutez, ça fait bien trop longtemps qu’on fait du pied aux Belges. Il y a eu bien trop d’attaques venant de Bruxelles, et je veux démanteler ces réseaux. C’est inadmissible qu’après les attaques de Paris, ils n’aient pas entièrement bouclé Molenbeek. Parfois je me demande de quel côté ils sont. »

Luke leva les mains en l’air. « Susan… »

« Luke, » dit-elle. « J’ai besoin de vous sur cette affaire. Il y a quelque chose qui n’a pas été mentionné lors de la réunion, et qui rend la situation bien plus urgente que vous le pensez. Kurt est au courant, moi aussi, mais personne d’autre. »

« Qu’est-ce que c’est ? »

Elle hésita. « Luke… »

« Susan, vous m’avez appelé hier et vous m’avez demandé de prendre un avion pour le Colorado. Ce que j’ai fait. Et maintenant, vous voulez que j’aille en Belgique. Vous dites que c’est important mais vous ne voulez pas me dire pourquoi. Vous savez que ma femme a un cancer ? Je vous le dis pour que vous sachiez exactement ce que vous êtes occupée à me demander. »

Pendant une fraction de seconde, il pensa qu’il allait lui en dire plus, peut-être même tout lui dire. Que son couple avait éclaté. Que sa femme venait d’une famille riche, mais que Luke ne voulait pas d’argent de sa part. Il voulait juste voir son fils de manière régulière et Becca le menaçait de lui retirer ce droit. Elle s’était préparée à lutter pour avoir la garde de Gunner et maintenant, elle avait soudain un cancer. Elle allait probablement mourir. Et elle voulait quand même continuer à se battre. Toute cette histoire avait pris Luke par surprise. Il ne savait pas quoi faire. Il se sentait complètement perdu.

« Luke, je suis vraiment désolée. »

« Merci. C’est dur. On a eu beaucoup de problèmes entre nous, et maintenant… ça. »

Elle le regarda droit dans les yeux. « Si ça peut vous consoler, je veux que vous sachiez que je comprends très bien. Mes parents sont morts quand j’étais jeune. Mon mari a visiblement déserté notre mariage et s’est reclus de son côté. Je ne lui en veux même pas. C’est normal qu’il n’ait pas envie de continuer à supporter toutes ces attaques. Mais il a emmené nos filles avec lui. Je sais ce que ça fait d’être seule – j’imagine que c’est ce que j’essaye de vous dire. »

Luke fut surpris qu’elle se confie comme ça à lui. Il réalisa combien elle lui faisait confiance et ça lui donna encore plus envie de l’aider.

« OK, » dit Luke. « Alors dites-moi pourquoi c’est si important. »

« Il y a eu une fuite de données au Ministère de l’énergie. Personne n’en connaît encore l’étendue, si c’était un accident ou si c’était planifié. Personne ne sait rien. Beaucoup d’informations ont tout simplement disparu, y compris des milliers d’anciens codes nucléaires. Personne ne sait même dire si c’est vraiment grave – s’ils fonctionnent encore. Ça va prendre du temps pour mettre de l’ordre dans tout ça, mais en attendant, il est hors de question qu’on égare une arme nucléaire. »

Il s’enfonça dans son siège. Il allait y aller. Avec un peu de chance, il lui suffirait de mettre la pression sur quelques personnes, d’accroître les protocoles de sécurité et il serait de retour dans deux jours. Il vit mentalement Gunner jouer au basket dans la cour arrière.

Tout seul.

« OK, » dit Luke. « Mais j’ai besoin de mon équipe. Ed Newsam, Mark Swann. Et il me manque un membre. J’ai besoin d’un officier des renseignements pour remplacer Trudy Wellington. Quelqu’un de bon. »

Susan hocha la tête et lui décocha un sourire de gratitude.

« Je m’en occupe. »

Lutter Contre Tout Ennemi

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