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CHAPITRE CINQ

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21h45 – Heure avancée des Rocheuses (23h45 – heure d’été de l’Est)

Prison fédérale ADX Florence (Supermax) – Florence, Colorado


« On y est, » dit le gardien. « Bienvenue dans notre petit nid douillet. »

Luke traversait les couloirs de la prison la plus sécurisée des États-Unis. Deux gardiens corpulents en uniforme brun le flanquaient de chaque côté. Ils se ressemblaient comme deux gouttes d’eau, avec leur coupe militaire à la brosse, leurs épaules et leurs bras massifs, et leur abdomen protubérant. Leurs corps raides et lourds s’avançaient comme des joueurs de ligne qui n’auraient plus joué au football depuis quelques temps.

Ils n’avaient pas spécialement l’air en forme au sens traditionnel du terme, mais ils avaient la taille parfaite pour leur boulot. Au corps-à-corps, ils pouvaient appliquer suffisamment de force sur les prisonniers récalcitrants.

Le bruit de leurs pas résonnait sur le sol en pierre. Ils passèrent devant des dizaines de portes fermées de cellules. Les portes étaient en acier et elles avaient une ouverture étroite sur le bas, comme une fente de boîte aux lettres, à travers laquelle les gardiens faisaient glisser les repas aux prisonniers. Elles avaient également deux petites fenêtres en acier trempé qui faisaient face au couloir.

Quelque part dans le couloir, un homme hurlait. On aurait dit un cri d’agonie, qui continuait encore et encore, sans avoir l’air de jamais s’arrêter. C’était le soir et ce serait bientôt l’extinction des feux, et le hurlement de cet homme donnait la chair de poule. Luke crut discerner des mots au milieu des cris.

Il regarda l’un des gardiens.

« Il va bien, » dit le gardien. « Vraiment. Il n’a mal nulle part. Il se contente juste de hurler. »

L’autre gardien intervint. « La solitude leur fait parfois perdre un peu la tête. »

« La solitude ? » dit Luke. « Vous voulez dire l’isolement ? »

Le gardien haussa les épaules. « Oui. » Ce n’était qu’une question de sémantique pour lui. Après son boulot, il rentrait chez lui. Il mangeait au Denny’s du coin et bavardait avec les habitués. Il avait une alliance à la main gauche. Il devait avoir une femme et probablement des enfants. Il avait une vie en-dehors de ces murs. Mais les prisonniers ? Pas vraiment.

Luke savait que quelques criminels célèbres avaient fait un séjour ici. Le Unabomber Ted Kaczynski y était actuellement incarcéré, tout comme Dzhokhar Tsarnaev, l’un des deux terroristes du marathon de Boston. Le mafioso John Gotti avait vécu ici pendant des années, ainsi que son violent homme de main, Sammy ‘The Bull’ Gravano.

C’était une infraction aux normes de sécurité de laisser entrer Luke au-delà du parloir, mais on était de toute façon en-dehors des heures de visite et il s’agissait d’un cas spécial. Un prisonnier avait des informations importantes à donner mais il insistait pour parler personnellement à Luke – et pas par téléphone à travers une vitre épaisse, mais face à face, dans sa cellule. C’était la Présidente des États-Unis elle-même qui avait demandé à Luke d’accepter cette entrevue.

Ils s’arrêtèrent devant une porte blanche qui ressemblait à toutes les autres. Luke sentit son cœur s’arrêter. Il était un peu nerveux. Il ne chercha pas à apercevoir l’homme à travers les minuscules fenêtres. Il ne voulait pas le voir comme ça, enfermé dans une cellule. Il voulait qu’il soit plus grand que nature, qu’il reste légendaire.

« C’est mon devoir de vous informer, » dit l’un des gardiens, « que les détenus de cette prison sont considérés parmi les plus violents et les plus dangereux actuellement incarcérés dans le système pénitentiaire des États-Unis. Si vous choisissez d’entrer dans cette cellule, vous déclinez… »

Luke leva la main. « Épargnez-vous le discours. Je connais les risques. »

Le gardien haussa à nouveau les épaules. « Comme vous voudrez. »

« Je voudrais également que cette conversation ne soit pas enregistrée, » dit Luke.

« Il y a des caméras de surveillance qui filment l’intérieur des cellules vingt-quatre heures sur vingt-quatre, » dit le gardien. « Mais il n’y a pas de son. »

Luke hocha la tête. Il n’en croyait pas un mot. « OK. Je crierai si j’ai besoin d’aide. »

Le gardien sourit. « On ne vous entendra pas. »

« Alors j’agiterai frénétiquement les mains. »

Les deux gardiens se mirent à rire. « Je serai au bout du couloir, » dit l’un d’entre eux. « Cognez à la porte quand vous aurez envie de sortir. »

Un bruit de serrure se fit entendre et la porte se mit lentement à s’ouvrir. Apparemment, il y avait bien quelqu’un qui les observait quelque part.

La porte s’ouvrit sur une cellule sombre et minuscule. La première chose que Luke remarqua, ce fut la toilette en métal. Il y avait un robinet au-dessus. C’était une combinaison étrange mais plutôt logique, finalement. Tout le reste était en pierre. Un étroit bureau en pierre s’étendait depuis le mur et un tabouret rond surgissait du sol juste devant lui.

Sur le bureau, il y avait plusieurs feuilles de papier, quelques livres et quatre ou cinq gros crayons. Tout comme le bureau, le lit était étroit et fait en pierre. Un fin matelas y était posé, avec une couverture verte qui semblait être en laine. Il y avait une étroite fenêtre dans le mur du fond, encadrée de vert, qui faisait peut-être soixante centimètres de haut et quinze centimètres de large. Il faisait noir à l’extérieur, à l’exception d’une lumière jaune provenant d’une lampe fixée au mur extérieur et qui projetait une lueur blafarde à l’intérieur de la cellule. Il n'y avait aucun moyen de couvrir la fenêtre.

Le prisonnier portait une combinaison orange et leur tournait le dos.

« Morris, » dit le gardien. « Voici votre visiteur. Faites-moi le plaisir de ne pas le tuer. »

Don Morris, ancien colonel de l’armée des États-Unis et commandant de la Force Delta, fondateur et ancien dirigeant de l’équipe d’intervention spéciale du FBI, se retourna lentement. Son visage était plus ridé qu’avant et ses cheveux poivre et sel étaient devenus entièrement gris. Mais il avait toujours ce regard profond et acéré. Ses bras, ses jambes et ses épaules avaient toujours l’air aussi solides.

Un sourire se dessina sur ses lèvres.

« Luke, » dit-il. « Merci d’être venu. Bienvenue chez moi. Huit mètres carrés, plus ou moins deux mètres sur quatre. »

« Salut, Don, » dit Luke. « J’adore ce que tu as fait de cet endroit. »

« C’est votre dernière chance de changer d’avis, » dit l’un des gardiens derrière lui.

Luke secoua la tête. « Je pense que ça va aller. »

Don regarda les gardiens. « Vous savez qui est cet homme, n’est-ce pas ? »

« Oui. »

« Alors j’imagine, » dit Don, « que vous devez savoir le peu de danger que je représente pour lui. »

La porte se referma. Ils restèrent silencieux un moment, en s’observant d’un côté à l’autre de la cellule. Luke ressentit une sorte de nostalgie. Don avait été son supérieur et son mentor au sein de la Force Delta. Quand Don avait fondé l’équipe d’intervention spéciale, il avait recruté Luke comme son premier agent. À bien des égards, et pendant plus de dix ans, Don avait été comme un père pour lui.

Mais plus maintenant. Don avait été l’un des conspirateurs dans le complot qui avait mené à l’assassinat du Président des États-Unis, en vue de prendre le pouvoir. Il avait été complice dans l’enlèvement de la femme et du fils de Luke. Il savait à l’avance qu’un attentat allait avoir lieu, un attentat qui avait tué plus de trois cents personnes à Mount Weather. Don risquait la peine de mort et aux yeux de Luke, il la méritait amplement.

Les deux hommes se serrèrent la main et pendant une fraction de seconde, Don posa la main sur l’épaule de Luke. C’était un geste bizarre venant d’un homme qui n’était plus habitué au contact humain. Luke savait que les prisonniers Supermax avaient rarement l’occasion d’avoir des interactions entre eux.

« Merci pour toutes les visites que tu m’as faites et toutes les lettres que tu m’as envoyées, » dit Don. « Ça a été un véritable réconfort de savoir que mon bien-être était une telle priorité à tes yeux. »

Luke secoua la tête. Il faillit sourire. « Don, jusqu’à hier après-midi, je ne savais même pas où on t’avait enfermé. Et je n’en avais rien à cirer. Ça aurait tout aussi bien pu être au fond d’un trou. »

Don hocha la tête. « Ils peuvent faire ce qu’ils veulent de toi, une fois que tu as perdu la partie. »

« Amplement mérité, dans ton cas. »

Don fit un geste en direction du tabouret en pierre qui sortait du sol, tel un champignon. « Tu veux t’asseoir ? »

« Non, merci. Je préfère rester debout. »

Don regarda Luke, en penchant légèrement la tête sur le côté. « Je n’ai pas grand-chose à offrir en termes d’hospitalité, Luke. C’est tout ce que j’ai. »

« Et pourquoi est-ce que j’accepterais ton hospitalité, Don ? »

Don continua à fixer Luke du regard. « Tu rigoles, n’est-ce pas ? En souvenir du bon vieux temps, par exemple. Pour me remercier de t’avoir guidé au sein de la Force Delta et de t’avoir offert ton boulot actuel. Des raisons, il y en a plein. »

« C’est ça, le problème, Don. Quand je pense à toi, je revois surtout l’image de mon fils et de ma femme que tu avais kidnappés. »

Don leva les mains. « Je n’ai rien eu à voir avec ça. Je te le promets. Si ça n’avait tenu qu’à moi, aucun mal n’aurait été fait à Gunner et à Becca. Je les considère comme ma propre famille. Je t’ai prévenu parce que je voulais les protéger, Luke. J’ai découvert ce qui s’était passé après que ce soit arrivé. Je suis vraiment désolé. Il n’y a rien au cours de ma longue carrière que je ne regrette plus. »

Luke observa Don, sa gestuelle, son regard, en cherchant… quelque chose. Est-ce qu’il mentait ? Est-ce qu’il disait la vérité ? Qu’était devenu cet homme que Luke avait un jour aimé ?

Luke soupira. Il allait accepter son hospitalité. Il allait lui accorder ce plaisir, même s’il finirait par se demander pendant toute la soirée pourquoi il l’avait fait.

Il s’assit sur le tabouret en pierre et Don prit place sur le lit. Ils restèrent silencieux pendant un long moment.

« Comment se porte l’équipe d’intervention spéciale ? » finit par dire Don. « J’imagine qu’ils t’ont nommé directeur de l’équipe ? »

« Ils me l’ont proposé mais j’ai refusé. L’équipe d’intervention spéciale n’existe plus. Elle a été démantelée. La plupart des agents ont intégré d’autres départements au sein du FBI. Ed Newsam fait maintenant partie de l’équipe de libération d’otages. Mark Swann est allé à la NSA. Je suis toujours en contact avec eux et je fais parfois appel à eux pour certaines missions. »

Pendant une fraction de seconde, Luke vit une légère tristesse dans le regard de Don. Son bébé, l’équipe d’intervention spéciale du FBI, la culmination du travail de toute une vie, avait été démantelée. Est-ce qu’il le savait ? Luke supposait que non.

« Trudy Wellington a disparu, » dit Luke.

Quelque chose d’autre apparut dans les yeux de Don mais cette fois-ci, il ne chercha pas à le cacher. Et ça voulait dire qu’il voulait que Luke le remarque. Luke ne savait pas si c’était une émotion ou le souvenir d’un fait en particulier. Il était assez bon pour cerner les gens, mais Don était un ancien espion. Son esprit et son cœur étaient des livres scellés.

« Est-ce que par hasard tu saurais quelque chose à ce sujet, Don ? »

Don haussa les épaules, en souriant à moitié. « La Trudy que je connaissais était très intelligente. Elle restait à l’écoute. Peut-être qu’elle a entendu un grondement lointain qui ne lui plaisait pas et qu’elle a préféré s’enfuir avant que ça se rapproche. »

« Est-ce que tu lui as parlé ? »

Don resta silencieux.

« Don, ça ne sert à rien de penser que tu peux rester évasif sur certaines questions. Il me suffit de passer un appel et je saurai à qui tu as parlé, qui t’a écrit et le contenu des lettres. Tu n’as aucune vie privée. Est-ce que tu as parlé à Trudy, oui ou non ? »

« Oui, je lui ai parlé. »

« Et qu’est-ce que tu lui as dit ? » dit Luke.

« Je lui ai dit que sa vie était en danger. »

« Sur base de quoi ? »

Don leva un instant les yeux vers le plafond. « Luke, tu sais certaines choses mais il y en a d’autres que tu ignores complètement. C’est probablement l’une de tes rares lacunes. Ce que tu ne sais pas, parce que tu ne t’impliques pas en politique, c’est qu’il y a une guerre silencieuse qui a lieu depuis six mois dans l’ombre. L’attaque au Mont Weather ? De nombreuses personnalités de premier plan sont mortes cette nuit-là. Mais beaucoup de personnalités de second plan sont mortes depuis lors. Au moins autant que ceux qui sont morts dans l’attaque. Trudy n’était pas impliquée dans le complot contre Thomas Hayes, mais tout le monde n’en est pas persuadé. Il y a des gens qui cherchent encore à se venger. »

« Alors elle s’est enfuie sur base de tes dires ? »

« Oui, je pense que oui. »

« Est-ce que tu sais où elle est ? »

Don haussa les épaules. « Si je le savais, je ne te le dirais pas. Si elle veut un jour que tu saches où elle se trouve, je suis sûr qu’elle te le dira. »

Luke eut envie de lui demander si elle allait bien, mais il savait que ce n’était pas une bonne idée. Il ne voulait pas donner à Don ce genre de pouvoir sur lui – c’était exactement ce qu’il voulait. Il laissa plutôt le silence se réinstaller entre eux. Les deux hommes restèrent assis dans l’espace minuscule, en se fixant du regard. Ce fut finalement Don qui rompit le silence.

« Alors pour qui est-ce que tu travailles, si tu ne travailles plus pour l’équipe d’intervention spéciale ? J’ai du mal à imaginer Luke Stone rester très longtemps inactif. »

Luke haussa les épaules. « Je travaille en freelance, mais je n’ai qu’un seul client. Je travaille directement pour la Présidente, les rares fois où elle m’appelle. Comme elle l’a fait aujourd’hui, en me demandant de venir te voir. »

Don sourcilla. « En freelance ? Est-ce qu’ils te payent toujours le même salaire, avec des indemnités ? »

« Ils m’ont augmenté, » dit Luke. « En fait, je crois qu’ils m’ont donné ton ancien salaire. »

« Encore des dépenses inutiles, » dit Don, en secouant la tête. « En même temps, je trouve que ça te va plutôt bien. Tu n’as jamais été du genre à travailler du lundi au vendredi. »

Luke resta silencieux. De là où il était assis, il pouvait voir la vue qu’offrait la fenêtre – sur le mur d’une autre aile du bâtiment, avec un petit morceau de ciel nocturne au-dessus.

L’établissement se trouvait dans les Rocheuses – quand Luke était arrivé tout à l’heure, au-delà des tours de guet, du béton et du fil barbelé, il avait été frappé par la vue sur les sommets qui entouraient l’endroit. L’air était frais et il y avait un peu de neige au sommet des montagnes. Même de nuit, l’endroit était magnifique.

Mais les prisonniers ne le verraient jamais. Luke était certain que toutes les cellules de cette prison avaient la même vue sur un mur.

« Qu’est-ce que tu veux, Don ? Susan m’a dit que tu avais des informations importantes mais que tu ne les partagerais qu’avec moi. J’ai une vie un peu mouvementée ces derniers temps, mais je suis venu jusqu’ici parce que c’est mon devoir. Mais vu ton contexte actuel, je me demande vraiment comment tu as pu obtenir ce genre d’informations … »

Don sourit. Mais son regard n’avait absolument rien à voir avec l’émotion que son sourire essayait de transmettre. On aurait dit les yeux d’un alien ou d’un lézard. Il n’y avait aucune empathie dans son regard. C’étaient les yeux d’un être qui pouvait tout aussi bien vous dévorer ou vous fuir, mais qui ne ressentirait rien en le faisant.

« Il y a des hommes très intelligents enfermés ici, » dit-il. « Tu n’imagines pas la complexité du système de communication parmi les détenus. J’adorerais t’en parler davantage – je pense que ça te fascinerait – mais je ne veux pas mettre le système en péril ou me mettre en danger. Mais je vais tout de même te donner un exemple de ce dont je veux parler. Est-ce que tu as entendu l’homme qui hurlait tout à l’heure ? »

« Oui, » dit Luke. « Je n’ai pas bien compris pourquoi. Les gardiens m’ont dit qu’il avait perdu la tête… » Il s’arrêta de parler.

Mais oui, bien sûr. L’homme avait dit quelque chose, quand on savait comment écouter.

« C’est ça, » dit Don. « Je l’appelle le crieur public. Il n’est pas le seul et ce n’est pas le seul moyen utilisé. Loin de là. »

« Alors qu’est-ce que tu as entendu ? » dit Luke.

« Il y a une attaque qui se prépare, » dit Don, en baissant la voix. « Comme tu le sais, beaucoup des hommes incarcérés ici ont des liens avec des réseaux terroristes. Ils ont leurs propres moyens de communication. Ce que j’ai entendu, c’est qu’il y a un groupe en Belgique qui cherche à s’emparer d’anciennes ogives nucléaires qui sont stockées dans le pays. Les ogives se trouvent sur une base de l’OTAN en Belgique et elles ne sont pas sous haute surveillance. C’est plutôt le contraire. Les terroristes, je ne sais pas qui exactement, vont essayer de voler une ogive, ou peut-être un missile, et peut-être pas qu’un seul. »

Luke réfléchit pendant un instant. « Mais à quoi ça leur servirait ? Sans les codes, les ogives ne sont pas opérationnelles. Ils doivent le savoir. Ils risqueraient leur vie pour quelque chose d’inutile. »

« Je suppose qu’ils ont les codes, » dit Don. « Soit ils ont accès aux codes eux-mêmes, soit ils ont découvert un moyen de les générer. »

Luke le regarda. « Il est impossible qu’ils lancent une ogive nucléaire. Sans le dispositif approprié, ils ne généreront jamais l’énergie nécessaire pour la faire exploser. »

Don haussa les épaules. « Crois ce que tu veux croire, Luke. Je me contente de te dire ce que j’ai entendu. »

« C’est tout ? » dit Luke.

« Oui, c’est tout. »

« Pourquoi as-tu choisi de nous en parler ? Si quelqu’un apprend que tu nous as raconté les secrets que tu as entendus ici… eh bien, je pense que communiquer n’est pas la seule chose que ces types peuvent faire. »

Une expression de colère envahit soudain le visage de Don. Ses traits se durcirent et il regarda Luke d’un air rageur. Il prit ensuite une profonde inspiration pour essayer de se calmer.

« Pourquoi est-ce que je ne vous ferais pas part des informations dont je dispose ? J’ai bien peur que tu ne m’aies pas bien compris, Luke. Je suis un patriote, tout autant que toi, si pas plus. Je risquais déjà ma vie pour ma patrie avant même que tu sois né. J’ai fait ce que j’ai fait parce que j’aime mon pays, et pour aucune autre raison. Certains pensent que ce n’était pas la chose à faire et c’est pour ça que je suis là. Mais ne t’avise surtout pas de mettre ma loyauté en doute, ni mon courage. Il n’y a pas un homme dans cette prison qui me fait peur, toi y compris. »

Luke était toujours sceptique. « Et tu ne veux rien en retour ? »

Don resta silencieux pendant un long moment. Il fit un geste en direction du bureau. Puis il sourit.

« Il y a bien quelque chose que je voudrais. Et ce n’est pas trop demander. » Il fit une pause et regarda autour de lui. « Ça ne me dérange pas d’être ici, Luke. Certains détenus perdent vraiment la tête – ceux qui sont peu instruits et qui n’ont pas de richesse intérieure. Mais ce n’est pas le cas pour moi. À tes yeux, je suis enfermé derrière des murs en béton. Mais pour moi, c’est presque comme si j’étais en congé sabbatique. Je n’ai pas arrêté de courir dans tous les sens pendant quarante ans, sans avoir l’occasion de faire une pause. Ces murs ne m’emprisonnent pas. J’ai vécu l’équivalent de la vie d’une dizaine de personnes et tous ces souvenirs sont toujours bien là. »

En disant ces mots, il se tapa le front du doigt.

« Je repense à tout ce que j’ai vécu, à toutes ces missions auxquelles j’ai participé. J’ai commencé à écrire mes mémoires. Je suis sûr que ça pourrait en fasciner plus d’un. »

Il fit une pause et il eut soudain un regard lointain. Il regardait le mur devant lui, en se rappelant un souvenir. « Tu te souviens la fois où on nous a envoyés au Congo pour éliminer le chef de guerre qui se faisait appeler Prince Joseph ? Celui qui avait tous ces enfants soldats ? L’armée du paradis. »

Luke hocha la tête. « Je me souviens. Les dirigeants de la Force Delta ne voulaient pas que tu y ailles. Ils pensaient… »

« Que j’étais trop vieux. C’est bien ça. Mais j’y suis quand même allé. Et on nous a largués là-bas de nuit, toi, moi, et qui d’autre ? Simpson… »

« Montgomery, » dit Luke. « Et deux autres types. »

Les yeux de Don commencèrent à s’animer. « C’est ça. Le pilote a merdé et il nous a largués dans le fleuve. On a atterri dans l’eau avec un sac de dix-huit kilos sur le dos. »

« Je n’aime pas y repenser, » dit Luke. « J’ai dû abattre ce rhinocéros. »

Don le regarda. « C’est vrai. J’avais complètement oublié qu’un rhino nous avait chargés. Je le vois encore sous le clair de lune. Mais on s’en est sorti. On était trempé mais on est parvenu à aller trancher la gorge de cet enfoiré de meurtrier – on a décapité toute son équipe en une seule frappe décisive. Et aucun enfant n’a été blessé. J’étais fier de mes hommes cette nuit-là. J’étais fier d’être Américain. »

Luke hocha à nouveau la tête. « C’était il y a longtemps. »

« Pour moi, c’était comme si c’était hier, » dit Don. « Je viens juste de commencer à écrire le récit de cette mission. Demain, j’y ajouterai l’épisode du rhino. »

Luke resta silencieux. C’était l’une de leurs nombreuses missions. Les mémoires de Don allaient être un très long bouquin.

« C’est à ça que je veux en venir, » dit Don. « Ce n’est pas si mal ici. La nourriture n’est pas trop mauvaise – enfin, pas aussi mauvaise que je l’aurais pensé. J’ai mes mémoires à écrire. J’ai ma propre vie intérieure. J’ai également mis en place une routine d’entraînement que je peux faire ici, dans ma cellule. Des squats, des pompes et même des mouvements de yoga et de tai chi. J’ai mis un enchaînement en place que je suis tous les jours pendant plusieurs heures. Il inclut également une partie de méditation. Je pense que ça plairait à de nombreux détenus. J’aimerais en faire une marque de fabrique. Je suis en bien meilleure forme que je l’étais avant, quand je n’étais pas en prison et que j’étais libre de faire ce que je voulais. »

« OK, Don, » dit Luke. « C’est la résidence rêvée où prendre sa retraite. Tant mieux pour toi. »

Don leva la main. « Je veux vivre, c’est ça que j’essaie de te dire. Ils vont me condamner à la peine de mort. Tu le sais et je le sais. Mais je ne veux pas mourir. Écoute, je suis réaliste. Je sais que je n’obtiendrai jamais la grâce présidentielle, surtout dans le contexte politique actuel. Mais si les renseignements que je vous ai donnés s’avèrent être utiles, je voudrais que la Présidente commue ma condamnation à une peine d’emprisonnement à vie, sans possibilité de libération sur parole. »

Luke se sentit frustré par leur rencontre. Don Morris était assis dans une cellule minuscule en pierre, à écrire ses mémoires et à croire qu’il pouvait développer une routine d’entraînement originale. C’était pathétique. À une époque, Don avait été une personne exceptionnelle aux yeux de Luke.

Luke commençait à bouillonner intérieurement. Il avait ses propres problèmes et sa propre vie, mais bien sûr, Don n’en avait rien à faire. Il en était arrivé à se considérer comme le nombril du monde.

« Pourquoi est-ce que tu as choisi de faire ça, Don ? » Il lui montra la cellule d’un geste de la main. « Je veux dire… » Il secoua la tête. « Regarde cet endroit. »

Don n’hésita pas une seconde avant de répondre. « Je l’ai fait pour sauver mon pays et je le referais sans hésiter. Thomas Hayes était le pire Président qu’on ait eu depuis Herbert Hoover. Je n’ai aucun doute à ce sujet. Il nous menait droit au mur. Il ne savait pas comment projeter la puissance américaine dans le monde et il n’avait de toute façon aucune envie de le faire. Il pensait que les choses se réglaient d’elles-mêmes. Il avait tort. Les choses ne se règlent PAS d’elles-mêmes dans ce monde. Des forces obscures sont déployées contre nous – et elles se déchaînent dès le moment où on ne les garde plus à l’œil. Dès qu’on baisse la garde, elles prennent toute la place. Je ne pouvais plus rester impassible en voyant ça. »

« Et qu’est-ce que ça t’a apporté ? » dit Luke. « La Vice-Présidente d’Hayes est maintenant à la tête du pays. »

Don hocha la tête. « C’est vrai. Et elle a une bien plus grosse paire de couilles que lui. Les gens peuvent parfois te surprendre. Je ne suis pas mécontent avec la présidence de Susan Hopkins. »

« Tant mieux, » dit Luke. « Je ne manquerai pas de le lui dire. Je suis sûr qu’elle sera ravie d’apprendre que Don Morris n’est pas mécontent de sa présidence. » Il se leva du tabouret. Il était prêt à prendre congé.

Don sauta du lit. Il posa à nouveau la main sur l’épaule de Luke. Pendant une fraction de seconde, Luke pensa que Don allait lui lâcher un truc émotionnel, quelque chose qui mettrait Luke mal à l’aise, comme par exemple, « Ne pars pas ! »

Mais Don ne dit rien de tel.

« Ne sous-estime pas ce que je viens de te raconter, » dit-il. « Si c’est vrai, alors on a de sérieux problèmes. Une seule arme nucléaire dans les mains de terroristes serait la pire chose qu’on pourrait imaginer. Ils n’hésiteront pas à l’utiliser. Un seul lancement réussi et c’est le début de l’engrenage. Qui sera la cible ? Israël ? Qui est-ce qu’ils vont frapper en représailles ? L’Iran ? Comment on fait pour mettre un frein à tout ça ? On demande un temps mort ? J’en doute. Et si on est touché par une frappe ? Ou les Russes ? Ou les deux ? Et si les frappes automatiques de représailles sont lancées ? Peur. Confusion. Plus aucune confiance. Des hommes dans des silos, prêts à appuyer sur le bouton. Il y a encore beaucoup d’armes nucléaires sur terre, Luke. Une fois qu’elles commenceront à être lancées, il n’y aura aucune bonne raison de les arrêter. »

Lutter Contre Tout Ennemi

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