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Introduction

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Utopie et Communauté

En 1516, l’humaniste londonien, Thomas More, publia son célèbre ouvrage, L’Utopie. Ce terme, qu’il a inventé, renferme une ambiguïté fondamentale qui est voulue par son créateur. En effet, le terme utopie, d’origine grecque, pourrait indiquer un «non-lieu», un lieu qui n’est pas, dans le cas où il serait créé par l’union du préfixe ou (non) et du mot topos (lieu). Il pourrait également signifier un lieu favorable, s’il procède de l’union de topos avec le préfixe eu (bien). L'oeuvre de More parle justement d’une cité idéale et parfaite, mais, en même temps, irréalisable. Bien que le terme utopia ait, jusqu’à nos jours, conservé ce sens, à savoir le rêve irréalisable d’une société parfaite, il faut admettre que l’histoire de l’Occident, et pas seulement, est constellée d’exemples de groupes de personnes qui ont tenté de fonder des communautés, en ayant des objectifs spécifiques et programmatiques. Il suffit de songer aux monastères médiévaux, aux communautés anabaptistes des Hussites, à l’école pythagoricienne et aux collectivités américaines des années 70. La différence fondamentale entre ces expériences et n’importe quelle autre expérience rurale ou nomade, à chaque époque et sur chaque continent, réside dans l’intentionnalité. Selon la définition de Zablocki, une communauté intentionnelle est:

Tout groupe de cinq individus adultes, voire plus, avec ou sans enfants, sans lien de sang ni rapport conjugal, ayant choisi de vivre ensemble, pour une durée indéterminée, afin d’atteindre un objectif idéologique, fondé sur la vie communautaire, où la cohabitation est jugée nécessaire.

Cette réalité a tendance à apparaître et à s’épanouir cycliquement aux époques de crise systémiques et de récession économique, mais aussi durant les périodes de profonde transformation culturelle, où l’on assiste au déclin des modèles établis et à l’affirmation de nouveaux systèmes de pensée. Le rapport entre communauté et société est un des thèmes fondateurs de la sociologie. Cette discipline scientifique est sans doute née pour donner une réponse précise aux questions que la modernité posait au XIXème siècle : la transformation brutale du mode de vie de millions de personnes issues des campagnes, venues grossir les villes industrielles naissantes. En fait, à ce moment-là, on observe une désagrégation des réalités communautaires millénaires, définies par les premiers sociologues allemands comme Gemeinschaft, et, en même temps, la formation d’une société urbaine, dynamique et complexe, constituée d’individus, c’est-à-dire la Gesellschaft. Les premières générations de sociologues, de Durkheim à Tönnies, élaborèrent des systèmes théoriques pour tenter d’expliquer ces transformations et d’analyser ces configurations sociétales extrêmement hétérogènes. Aujourd’hui, en revanche, à une époque où, en Occident, le processus d’urbanisation et d’individualisation a atteint un stade avancé, il peut être intéressant d’aller étudier ces communautés intentionnelles, composées de personnes qui ont décidé d’abandonner la dimension individualiste de la société, urbaine ou rurale, pour vivre en communauté.

Types de communautés

Pour réaliser une classification des réalités communautaires contemporaines, il faut envisager une multitude de paramètres. En effet, on constate des variations significatives en termes de longévité, de peuplement, de position géographique, de système de production et, surtout d’orientation idéologique. D’après la classification de Diana Leafe Christian, rédactrice de la revue américaine Communities, en Occident, on peut distinguer sept types de communautés en fonction de l’empreinte idéologique :

• Communautés chrétiennes

• Communautés spirituelles

• Cohabitat

• Communautés urbaines

• Communautés égalitaires

• Communautés rurales d’autoproduction

• Villages écologiques

Dans la catégorie des communautés chrétiennes, outre les expériences monastiques pluriséculaires, on trouve également des établissements ruraux, regroupant des familles et des individus, qui sont fondés sur une stricte discipline religieuse. Songeons aux communautés anabaptistes : Amish, Hussites et Mennonites, présents en Amérique du Nord, ou encore au «Peuple de Nomadelfia», une expérience communautaire catholique, dont nous parlerons en détail dans le chapitre suivant. Par ailleurs, le cadre des réalités monastiques sera illustré et approfondi par le cas de Taizé, une communauté chrétienne œcuménique de frères consacrés, fondée en Bourgogne durant la Seconde Guerre mondiale. Toujours selon la classification de Leafe Christian, par communautés spirituelles, on entend par contre toutes les réalités de vie communautaire, basées sur un credo non-chrétien; par exemple, les ashram hindouistes, les communautés ésotériques et les diverses expériences d’une spiritualité retrouvée au contact de la nature. Le cohabitat est une des formes de vie communautaire la moins immersive ; il repose sur le partage des espaces et des services, comme la cuisine et la machine à laver, voulu par les colocataires d’un bâtiment d’habitation. Il s’agit d’un phénomène qui est né dans les années 60 au Danemark, qui s’est ensuite diffusé en Europe centrale et en Amérique du Nord et qui connaît un certain engouement en Italie, depuis ces dix dernières années. Comparables aux cohabitats, on peut encore citer les communautés urbaines où, au partage des espaces, s’ajoutent une certaine intimité dans les rapports interpersonnels et des moments de vie en commun, tels que les réunions communautaires périodiques, les fêtes et les activités basées sur la réciprocité. Les communautés égalitaires ou communes ont connu une grande popularité à l’époque des manifestations estudiantines des années 60 et 70 et ont une orientation politique progressiste ou libertaire. Dans ces contextes, la démocraticité des processus décisionnels et le partage de la propriété sont des éléments fondamentaux; les habitants de ces communautés sont souvent employés dans une ou plusieurs sociétés coopératives de production, où il n’y a pas de structure hiérarchique de la gestion d’entreprise. Nous aurons l’occasion d’approfondir cette dimension productive dans l’étude d’Urupia, une communauté libertaire du Salento. Les communautés rurales sont issues du désir d’abandonner la vie urbaine pour retourner habiter les campagnes et travailler dans le secteur agro-alimentaire. En outre, elles se distinguent des villages écologiques par l'absence d’un projet bien précis, visant à réduire l’impact écologique de leur établissement. Ces derniers, nés à partir de la deuxième moitié des années 80 en Europe et ensuite aux États-Unis, sont aujourd’hui répandus sur tous les continents et consistent dans des habitats ruraux, qui sont apparus pour lutter contre le réchauffement climatique par la pratique quotidienne d’un choix de vie radical. Selon la définition de Gilman, un village écologique ou écovillage est :

«un établissement humain intentionnel, urbain ou rural réalisé à échelle humaine disposant de toutes les fonctions nécessaires à la vie, dans lequel les activités s'intègrent sans dommage à l'environnement naturel tout en soutenant le développement harmonieux des habitants. C'est un lieu où les initiatives se prennent de façon décentralisée - selon les principes de la démocratie participative - et de manière à pouvoir se prolonger avec succès dans un futur indéfini.»

Dans cet ouvrage, nous aurons la possibilité d’analyser en profondeur les structures productives et l'élaboration idéologique de la communauté écossaise de Findhorn, le premier écovillage d'Europe et siège du réseau mondial des villages écologiques (Global Ecovillage Network). Ce réseau, fondé en 1995, unit des centaines d’écovillages et favorise l’échange de bonnes pratiques et l’aide mutuelle entre les différentes réalités communautaires. Par ailleurs, celui-ci collabore avec les Nations Unies dans le domaine de la résolution des conflits et du développement durable et entreprend des actions de défense des droits de l’homme, comme le projet de secours aux migrants de l’île de Lesbos, «RefuGen», mis en place depuis décembre 2015. En Italie, il existe un réseau de 34 écovillages, appelé R.I.V.E. (Rete Italiana dei Villaggi Ecologici) [Réseau Italien des Villages Écologiques]. Ces réalités sont principalement rurales et de petites dimensions, regroupées au centre de l’Italie et dans les trois Vénéties. La communauté de Nomadelfia et la commune d’Urupia, qui seront envisagées dans les chapitres suivants, ne font pas partie du R.I.V.E., car elles ne se reconnaissent pas dans le projet proposé par le réseau. Enfin, en ce qui concerne les communautés intentionnelles dans leur ensemble, il existe une association mondiale appelée «Fellowship for Intentional Communities», dont le siège se trouve aux États-Unis. Celle-ci s’occupe de la promotion du modèle de vie communautaire et rédige régulièrement un guide des communautés intentionnelles, dans lequel sont listées 1 520 réalités communautaires à travers le monde, dont la plupart sont concentrées dans les pays occidentaux.

L'éthique de Foucault et les communautés intentionnelles

Dans sa thèse de doctorat à l’Université Southern Cross de Lismore en Australie, la philosophe Ruth Rewa Bohill a mené une étude sur les communautés intentionnelles de la Nouvelle-Galles du Sud, en reprenant les outils d’analyse de l’éthique du philosophe français, Michael Foucault. Cette étude a jeté les bases du présent ouvrage, ayant pour objet l’analyse, selon les mêmes catégories interprétatives, de quatre réalités communautaires contemporaines dans le contexte européen. Dans le dernier tome de la trilogie de l’Histoire de la Sexualité, intitulé Le Souci de soi, Foucault s’appuie sur certaines expériences communautaires de la Grèce hellénistique, qu’on définirait aujourd’hui comme des communautés intentionnelles, pour élaborer une théorie de l'éthique comme pratique de la liberté. En effet, dans les communautés pythagoriciennes, stoïciennes et épicuriennes, le philosophe français redécouvre une vision de l'éthique en tant que choix personnel, ayant des conséquences immédiates dans la pratique quotidienne. Foucault refuse le concept cartésien de liberté, cette vision du Siècle des Lumières, selon laquelle l’essence de l’homme peut être révélée par la raison. Pour Foucault, il n’existe pas de vérité à découvrir sur l’essence humaine; l'identité se construit historiquement, par la succession des cultures et de leurs discours, qui donnent un sens au monde et à nous-mêmes. La liberté de l’homme réside dans la possibilité de résister aux discours dominants et aux significations découlant des rapports de force, de choisir consciemment d’emprunter d’autres voies et de construire sa propre éthique pratique. Cette construction ne cherche pas la vérité et n’apparaît pas comme un processus de création sans lien avec la tradition et le milieu culturel; au contraire, il s’agit d’une construction qui rassemble des modes de pensée, des discours non dominants présents dans le contexte social. C’est uniquement dans les situations de domination, ayant fait l’objet des premières études du philosophe français, que l'individu se trouve réduit à un état de soumission, duquel il est impossible de sortir. En revanche, dans les situations où le pouvoir dans sa forme discursive, de relation, se substitue à la soumission, il est possible de pratiquer la résistance, d’avoir la liberté de choisir sa propre éthique, laquelle devient immédiatement pratique de vie dans le Soucis de soi. Dans la philosophie grecque hellénistique, la epimeleia heautou (souci de soi) avait un rôle prédominant dans la vie des penseurs et, en tant qu’éthique pratique, précédait la recherche de la vérité et de la connaissance de soi (gnothi sauton). Foucault parle d’une esthétique de l’existence, d’un art de vivre, c’est-à-dire de la possibilité de concevoir son propre style de vie, à l’instar des artisans et des artistes qui créent leurs œuvres. Il ne s’agit pas d’une forme d’individualisme solipsiste, mais d’une ouverture de l’individu à la critique et au changement, ainsi qu’à la définition consciente de ses propres règles de vie. L'éthique dans la modernité apparaît comme une forme hétéro-dirigée d’obligation envers autrui, de refus de l’égoïsme, qui plonge ses racines dans la doctrine chrétienne de l’abnégation. De même, dans la pensée cartésienne, la dimension pratique du souci de soi, comme condition préalable de toute forme de connaissance, disparaît complètement pour laisser la place à la recherche de la vérité, en ayant recours aux outils de la raison. À partir de ces principes théoriques, on peut interpréter le choix de vie des habitants des communautés intentionnelles, comme une pratique de la liberté, consistant en un refus, en une résistance au pouvoir discursif dominant, dans les modes de vie et dans les rapports interpersonnels. Motivés par des finalités éthiques, celles que Foucault définit comme telos (téléologie) dans sa conceptualisation de l’éthique, objet de l’essai L'usage des plaisirs, les habitants de ces réalités décident de mettre en pratique les valeurs qu’ils ont intériorisées, les critiques de l’existence, et relèvent le défi de la vie communautaire. En partant de ces prémisses, nous allons approfondir, dans les chapitres suivants, l’étude de six communautés intentionnelles, en envisageant les paramètres historiques, géographiques, des systèmes de production, d’éducation et des rapports avec le monde extérieur. La dimension de résistance, déjà identifiée par Schehr dans son ouvrage sur les communautés comme des «modes subalternes de résistance», et le comportement éthique en tant que pratique de la liberté émergeront grâce à la description des modes de vie communautaire de ces réalités.

La boîte à outils du sociologue

Le présent ouvrage s’inscrit dans le cadre de la recherche sociale, défini comme non-standard ou qualitatif; en effet, celui-ci se présente comme un exemple de recherche ethnographique. Qu’est-ce que cela signifie vraiment? Cela veut dire que, pour le plus grand plaisir du lecteur, ni chiffre, ni statistique n’est présenté dans cette recherche, mais que tout ce qui y est écrit est le fruit de mon expérience sur le terrain: le face-à-face avec les habitants de ces communautés, le travail, les discussions, les entretiens et les lectures sur le sujet. Si l’on veut recourir au langage rébarbatif académique pour définir cette recherche, on peut dire que celle-ci est basée sur l’emploi d’outils heuristiques spécifiques de l’observation non-standard, à savoir l'enquête-participation, l’entretien narratif et l'observation documentaire. Le choix de cette méthodologie m’est apparu le plus adéquat pour mener mon enquête sur ces réalités communautaires, dans lesquelles les interactions sociales sont intenses et, en même temps, circonscrites dans un cadre spatial et culturel limité. En d’autres termes, extraire des données pour des statistiques et des régressions linéaires aurait été tiré par les cheveux dans des contextes si restreints et hétérogènes. C’est la raison pour laquelle j’ai opté pour des méthodes de recherche qualitatives, telles que les entretiens, la lecture d’ouvrage sur le sujet et l’expérience d’observateur de la vie quotidienne en communauté. Mais venons-en au projet de recherche, qui, en sociologie, ne se réalise pas avec des crayons de couleur, mais bien avec des cartes conceptuelles et d’intenses efforts intellectuels. Ce projet particulier n’est rien d’autre que l’hypothèse que le scientifique veut mettre à l’épreuve, en se dotant des moyens pour le faire. Dans ce cas précis, j’avais pensé initialement à une recherche sur le terrain dans quelques communautés intentionnelles européennes, qui serait basée sur l’hypothèse, sous l’éclairage du matérialisme historique (pour celui qui est né après les années 70, je conseille de faire une recherche sur Google : Marx, Communisme, prolétairesdetouslespaysunissez-vous, révolution, etc.), que la spécificité de ces réalités était à rechercher dans le refus du système de production capitaliste et dans la proposition d’un système alternatif. Cependant, lors de ma première phase de recherche, comportant la consultation de la littérature académique sur les communautés intentionnelles et l’observation documentaire de textes émanant de ces communautés, j’ai pu vérifier que, d’une part, dans la majorité des cas, les expériences communautaires n’avaient pas une identité antagoniste vis-à-vis du système de production dominant; et de l’autre, elles étaient caractérisées par des conduites de vie alternative, qui concernaient effectivement le système de production, mais qui avaient une portée bien plus large, s’étendant à différents domaines de la vie communautaire. À ce stade, j’ai jugé nécessaire de reformuler le projet de recherche selon le paradigme interprétatif de l’éthique de Foucault, objet d’étude de prédilection du philosophe français dans les dernières années de sa vie. À la lecture de la thèse de doctorat susmentionnée de la philosophe australienne, Ruth Rewa Bohill, j’ai eu confirmation du bien-fondé de mon hypothèse de recherche et j’ai alors poursuivi dans cette direction. En effet, l’éthique de Foucault convenait à des réalités hétérogènes, dont les traits communs étaient des comportements et des productions discursives alternatives à l’éthique dominante dans divers secteurs de la vie communautaire. Une fois le projet de recherche redéfini, j’ai consulté les archives de la «Fellowship for Intentional Communities» et du «Global Ecovillage Network» et j’ai sélectionné six communautés, qui, en fonction des critères de peuplement, de longévité, d’importance dans la définition d’une éthique de la pratique, ainsi que d’hétérogénéité réciproque, étaient adaptées à ma demande de recherche. Durant l’hiver et le printemps 2016, j’ai achevé la phase d’élaboration de la documentation empirique (les notes de voyage), en réalisant quatre expériences de terrain en Italie, en France et en Écosse. Pour les communautés du Proche-Orient et du sous-continent indien, j’ai eu recours à l’analyse secondaire de documents sur la question. Mes périodes de séjour sur le terrain ont varié entre quatre à neuf jours et dépendaient de la disponibilité des communautés à m’accueillir. Les conditions d’interaction avec les habitants des communautés et les possibilités d’effectuer des entretiens narratifs ont été variables. Nous allons maintenant utiliser le langage propre aux détectives et aux sociologues pour décrire trois figures importantes dans une enquête ethnologique: le surveillant, l’informateur et l’observateur. Le surveillant d’une communauté est celui qui décide si une personne extérieure peut être acceptée, ou pas, et dans quelle mesure. En revanche, l’informateur est un membre de la communauté qui raconte tout ce qu’il y a à raconter à l’observateur. Enfin, l’observateur est le scientifique social, celui qui enquête sous couverture ou ouvertement, selon les situations. À Urupia, le rapport avec le surveillant, rôle assumé par une jeune volontaire, fut excellent et, de fait, au bout de quelques heures, je fus accepté en tant qu’hôte et je pus participer aux activités pratiques. En outre, j’ai pu compter sur l’aide d’un informateur, âgé d’une trentaine d’années et originaire du Salento, qui a répondu immédiatement à toutes mes questions au cours d’un entretien narratif. De même, à Nomadelfia, la figure du surveillant était une jeune femme, mais dans ce cas-ci, il fut difficile de dépasser le plan formel et institutionnalisé de l’hospitalité réservée aux étrangers. En effet, depuis la publication d’un article diffamatoire dans un périodique italien connu, les habitants de Nomadelfia se méfient des journalistes et des chercheurs et, pour cette raison, pendant l’interaction et l’entretien, on peut difficilement sortir du cadre de la représentation institutionnelle que la communauté donne généralement à l’extérieur. Là encore, j’ai pu profité de l’aide précieuse d’adolescents et de jeunes, davantage disposés à établir un dialogue informel avec moi, en raison d’affinités communes et de l’âge. À Findhorn et à Taizé, l'interaction fut complètement différente et, à certains égards, plus complexe. En effet, ces deux communautés font de l’hospitalité un des éléments fondamentaux de l’expérience communautaire et ont développé des programmes de durée variable pour organiser l’accueil. Il est donc difficile d’avoir affaire à des résidents permanents de la communauté en dehors du cadre institutionnel des relations avec les visiteurs. Toutefois, les surveillants, dans les deux cas des jeunes gens, furent disposés à fournir des informations et à organiser des rencontres avec les autres membres de la communauté, et même à réaliser des entretiens narratifs. Dans les quatre expériences de terrain, ces entretiens se sont forgés sur le type d’activités communautaires organisées et sur la forme de relation entretenue avec les personnes observées. Ce ne fut pas aisé de trouver le temps et les situations appropriées pour faire des entretiens, mais cela est typique des recherches sur le terrain, comme l’affirme Cardano, célèbre sociologue: «c’est la relation d’entretien à s’adapter aux cultures étudiées et pas le contraire». Durant mon séjour dans les communautés, j’ai rédigé quotidiennement des notes ethnographiques et j’ai collecté le matériel audio-visuel nécessaire pour la suite de mes recherches. Après les expériences sur le terrain, j’ai entrepris l’analyse narrative de la documentation empirique (relecture des notes), en réélaborant les notes ethnographiques et les documents textuels, endogènes aux communautés, dans cinq champs d’analyse, correspondant à la question de la recherche et portant sur l’éthique de Foucault. L'analyse du matériel empirique, dont les résultats sont présentés dans ce travail, a confirmé l’hypothèse que l’expérience des communautés intentionnelles est à envisager comme une réalité polymorphe non antagoniste, mais de résistance au système culturel dominant, dans laquelle les individus construisent leur propre mode de vie sur base d’une éthique, qui, dans l’optique de Foucault, est la pratique de la liberté.

L’utopie Pragmatique

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