Читать книгу Chronique de 1831 à 1862, Tome 4 (de 4) - Dorothée Dino - Страница 2
1852
ОглавлениеSagan, 1er janvier 1852.– Bon an! Puisse Dieu fermer toutes les plaies du passé, faciliter le présent et garantir l'avenir, car que sont tous nos efforts sans la grâce?
Sagan, 5 janvier 1852.– Si lord Palmerston s'est retiré du Cabinet, il ne l'est pas de la politique, et je ne tiens pas le monstre pour accablé. Mais du moins cette retraite aura-t-elle eu le mérite de calmer bien des susceptibilités continentales, de donner une certaine satisfaction à de justes griefs et de décourager moralement les démagogues d'Italie et de Suisse. On finit par se conduire en politique comme dans la vie privée, c'est-à-dire, à se contenter des plus petits acomptes que de mauvais débiteurs vous apportent. Mais je ne me fais aucune illusion, et je ne crois encore à aucune durée, à aucun équilibre fixe nulle part. Le Président a beau rétablir les aigles impériales et faire remeubler les Tuileries, il n'en est, pour cela, pas plus définitivement établi que l'Europe n'est sauvée. Depuis 1793, le plus long régime en France n'a pas duré dix-huit ans accomplis.
Sagan, 13 janvier 1852.– D'après ce qu'on m'écrit, Paris doit être vraiment fort curieux en ce moment. Il paraît que Mme de Lieven y tient salon comme par le passé, qu'elle n'arbore aucun drapeau, et que son salon reste terrain neutre pour tous. Il me semble difficile cependant qu'il ne se soit pas modifié. J'y ai vu au printemps dernier Molé, Berryer, Falloux, Changarnier, etc., qui sont tous ou boudeurs ou éparpillés.
Berlin, 20 janvier 1852.– Je suis ici depuis trois jours. La Reine, avec laquelle j'ai eu l'honneur de causer hier, m'a dit que la Grande-Duchesse Stéphanie allait à Paris; puis, elle m'a paru regretter que lady Douglas, à laquelle elle s'intéresse beaucoup, ait pris une attitude secondaire auprès de la princesse Mathilde, qui n'est pas en trop bonne odeur ici.
Le ministre de Russie, avec lequel j'ai dîné hier, m'a raconté que le Président se plaignait du salon de Mme de Lieven comme lui étant fort hostile, et que la princesse Mathilde en avait fait une scène au jeune d'Oubril.
Berlin, 22 janvier 1852.– La Cour a commencé hier la série des fêtes qu'elle compte donner deux fois par semaine jusqu'au Carême. Hier, c'était un très beau concert dans la salle Blanche, qui s'y prête si bien, les femmes en grand habit, le tout très noble; les chœurs du Prophète, dirigés par Meyerbeer, d'un grand effet.
Berlin, 26 janvier 1852.– Les dernières nouvelles de France ne plaisent pas ici. Les mesures de rigueur prises contre la famille d'Orléans et l'avènement, à cette occasion, de Persigny au Ministère semblent des fautes graves, dans l'intérêt même du Président37.
Berlin, 28 janvier 1852.– Hier au soir, on a représenté des tableaux vivants chez M. de Manteuffel. Toute la Cour s'y trouvait et le Roi m'a fait l'honneur de me dire qu'il venait d'apprendre, par dépêche télégraphique, que le ministre de France ici, M. Lefebvre, était rappelé pour faire partie du Conseil d'État. Son successeur n'est point encore connu. On est fâché, ici, du rappel du petit homme; il s'est tenu tranquille, il n'a été ni importun, ni désagréable à personne, et l'inconnu est rarement rassurant. Le successeur, quel qu'il soit, trouvera d'ailleurs une fort mauvaise disposition, provoquée par les mesures Persigny, qui sont autant de fautes et de vilenies. M. de Manteuffel m'a assuré savoir par voie certaine que M. de Morny ne s'était pas retiré devant la mesure anti-orléaniste, mais parce que son ton de maire du palais était devenu insupportable au Président. En attendant, M. de Morny se donne les airs d'être la victime chevaleresque de Persigny.
Berlin, 30 janvier 1852.– Je suppose que la Grande-Duchesse Stéphanie sera peinée des derniers actes de son neveu et qu'elle les désapprouvera complètement. J'aurais compris que le Prince-Président obligeât les Princes d'Orléans à tout vendre dans le délai d'un an; mais la confiscation! Berryer a proposé de plaider pour les Princes, dans cette question: c'est habile et de bon goût. Malheureusement, il paraît que le récri contre cette spoliation ne s'élève que dans les salons, mais que les masses inférieures trouvent la mesure d'autant meilleure qu'on dit vouloir leur en appliquer les bénéfices matériels. Quelle confusion dans ce triste monde plus ou moins partout! Quelle en sera l'issue ou plutôt quelle en sera la fin? Vivrons-nous assez pour y atteindre? Je ne le pense pas, pour ma génération du moins.
Berlin, 3 février 1852.– Mes lettres de Paris font une triste peinture des salons. Ainsi, il n'y en a pas d'ouvert dans la société française, excepté celui de M. Molé, devenu légitimiste pur. Depuis les décrets de confiscation des biens d'Orléans, la princesse de Lieven ne sait plus quel drapeau déployer, ni quel langage tenir. Il paraît, du reste, que le décret a été modifié pour le caveau de Dreux, rendu à ceux qui y ont versé tant de larmes, mais si on rend ainsi les morts aux vivants, on réduit ceux-ci à une gêne extrême, qui gâtera singulièrement leur existence. En attendant, Jérôme Napoléon est nommé Président du Sénat, avec deux cent mille francs de traitement, le Luxembourg pour palais d'hiver, et le château de Meudon pour résidence d'été. Chaque ministre a cent mille francs d'appointements.
Au bal des Tuileries, il y a eu querelle de préséance, dans la famille impériale, la princesse Mathilde furieuse du pas accordé à la marquise de Douglas. Le sang corse n'est pas assez refroidi pour que, pendant la durée du règne, il n'y ait pas quelque vendetta à redouter.
M. Nothomb m'a dit que le Roi des Belges avait formellement protesté contre la spoliation de l'héritage maternel de ses enfants.
Berlin, 6 février 1852.– Une dépêche télégraphique a apporté hier la nouvelle qu'on avait tiré sur la Reine d'Espagne, et qu'elle avait été blessée38. En même temps, M. de Manteuffel disait que tous les rouges expulsés de France s'étaient concentrés en Espagne et en Italie, que les meurtres s'y multipliaient et que tous les gouvernements étaient avertis qu'il existait un vaste complot pour tuer tous les souverains. J'ai su d'ailleurs, par une excellente source, qu'il y a eu déjà deux tentatives contre la vie du Prince-Président, et que l'un des assassins était un soldat. A chaque fois, on les a fusillés sur-le-champ, et on n'en a pas fait mention dans le public. C'est assurément le plus court, le plus sûr et le plus habile.
Quand on regarde l'Europe, on se dit plus que jamais que tout projet est insensé et qu'entre les chances habituelles de la vie humaine, il y a, moins que jamais, un lendemain à la veille.
Pourquoi serait-ce lord Normanby qui serait la vraie cause du renvoi de lord Palmerston39? On dit que lord Normanby cherche à être gouverneur des Indes.
J'ai une lettre intéressante, qui dit ceci: «A Londres, personne ne prévoit encore quelle sera l'issue des premiers débats du Parlement. Lord John Russell se montre fort assuré de pouvoir se maintenir; lord Granville de même; lord Palmerston se montre calme et silencieux, mais lady Palmerston est furieuse; elle lui reproche son calme, qu'elle excuse cependant en disant que cela tient à son angélique caractère, qu'il est incapable d'aigreur, ni de rancune.
«La Reine d'Angleterre est furieuse contre Louis-Napoléon et ses décrets de spoliation.»
Berlin, 8 février 1852.– Une lettre de Paris me dit ceci: «L'ennui et la curiosité de Mme de Lieven sont satisfaits par l'étrangeté du temps actuel; elle est drôle à entendre parler sur le règne de M. Guizot, qui n'en reste pas moins attaché à son char et qui avale des couleuvres en plus grand nombre que la nature n'a pu en produire; il se dédommagera à l'Académie demain; c'est là le cimetière des beaux esprits du jour40.»
Berlin, 14 février 1852.– Voici l'extrait d'une lettre que j'ai reçue, et qui a quelque valeur sur les questions anglaises: «J'espère que vous avez lu les débats de notre Parlement. Vous serez satisfaite de voir que lord John a tellement mis lord Palmerston dans son tort. Palmerston a manqué son essai de justification et le déplaisir qu'il a causé à la Reine est devenu bien patent. Sa carrière avec les Whigs est finie à tout jamais. Il paraît que le parti radical est aussi dégoûté de lui, à cause de l'approbation qu'il a exprimée des œuvres despotiques de Louis-Napoléon. L'impression générale de la Chambre était évidemment contre lui; son discours a été pâle, son attitude embarrassée.
«La déclaration de lord Derby de ne vouloir rien céder sur le protectionnisme empêchera toute coalition avec les Peelistes et laisse l'opposition tout aussi divisée que l'année passée, ce qui donnera une espèce de force factice aux ministres actuels.»
Sagan, 23 février 1852.– Je suis rentrée dans ma retraite, qui est toute ornée de glaçons. J'aime Sagan, malgré tous ses défauts, sur lesquels je ne m'aveugle nullement; il m'a coûté trop d'efforts, trop de sacrifices, pour ne pas avoir, par cela même, acquis du prix à mes yeux. Puis, j'y ai fait quelque bien, ranimé la contrée, donné de la vie, du mouvement à la population; ma surabondante activité y a trouvé pâture. J'ai quelques motifs de croire que j'y suis bien vue, et qu'on y redoute ma mort comme la fin du monde, c'est-à-dire, comme la fin de ce petit point, presque imperceptible, du monde. D'ailleurs, j'y ai traversé toute une vie de l'âme, orages, luttes, secousses; j'y ai ensuite trouvé calme, méditation, recueillement. La Providence, en m'y conduisant par mille voies bien détournées, a fait encore preuve, là, de son admirable habileté, patience et miséricorde. Il est juste que ce soit là aussi que je lui paye le plus volontiers le tribut de ma reconnaissance.
Il n'y a pas d'amertume dans mes paroles; pour de la tristesse, c'est autre chose! Comment n'en éprouverais-je pas là? et ailleurs? et partout? J'ai eu mari sans vie domestique; j'ai des enfants sans vie matérielle; j'ai quelques rares amis dont je suis séparée; j'ai eu des guides et des protecteurs, ils ne sont plus sur la terre; ma santé n'est plus ce qu'elle a été; mes souvenirs sont souvent fort amers, comme le sont tous ceux dans lesquels on ne peut fouiller sans buter à chaque pas contre une erreur, une folie, une déception. J'ai fait, en grand, en petit, en autrui et surtout en moi-même les plus tristes expériences. Voilà de quoi justifier toutes les tristesses. Les miennes sont fréquentes, je dirai même constantes au fond de l'âme, point apparentes dans le monde, moins comprimées dans la solitude; et voilà pourquoi je leur appartiens sans partage à Sagan. Et cependant, en y regardant bien, je trouve que si j'ai autre part plus de distractions, j'ai, à Sagan, plus de consolations. J'y ai mes pauvres; c'est si bon à aimer, à soigner, précisément parce que les individus n'entrent pour rien dans l'intérêt qu'ils inspirent. On ne voit ni leurs défauts, ni leurs qualités, on ne voit en eux que les membres souffrants de Celui qui s'est immolé pour nos péchés. Plus les péchés ont été multipliés, et plus il est doux et consolant de soigner notre Sauveur dans les plaies et misères de ceux que la Providence place sous nos yeux.
Il me semble que je viens de montrer mon âme dans tous ses replis, toute pleine à la fois des meurtrissures que je dois à Satan et des miséricordes que je dois à Dieu.
Sagan, 29 février 1852.– Je continue à bien m'arranger de ma solitude, qui me permet de causer sans distractions avec mon curé, sans interruptions avec mon médecin. D'ailleurs, on a beau ne pas se plaire dans le monde, en reconnaître le vide et l'illusion, il nous atteint, quoi qu'on en ait. Il agite l'esprit, il trouble la paix, il obscurcit l'âme, il la fatigue, il l'épuise; on y perd le gouvernement de soi-même par mille pauvretés qu'on méprise, et cependant auxquelles on cède. Bref, on ne reprend tout son équilibre que dans une certaine réclusion, qui, pour être salutaire, doit, pendant quelque peu de jours du moins, être absolue. On en sort, et plus douce, et plus armée, plus paisible et plus forte, plus aimable dans le service des autres, et, cependant, s'appartenant davantage à soi-même. Voilà ce que je demande à ma solitude; je voudrais être sûre de l'avoir trouvé.
Sagan, 13 mars 1852.– L'incendie du château à Varsovie donnera de l'humeur à Saint-Pétersbourg41. Une chose qui ne laisse pas d'être extraordinaire et, par conséquent, remarquée, c'est ce voyage des jeunes Grands-Ducs de Russie, se rendant, par Vienne (où on leur prépare de grandes fêtes), à Venise, en passant par Breslau et Dresde, et évitant Berlin, dont ils ne passent qu'à si extrêmement petite distance, et où se trouve, comme Roi, leur propre oncle!
Sagan, 4 avril 1852.– Je suis décidée à essayer de passer l'hiver prochain dans le Midi. Je veux choisir un lieu où ma fille Pauline puisse venir me rejoindre. J'ai donc arrêté ma pensée sur Nice, que je connais, où j'ai déjà fait deux séjours agréables, où on vit à bon marché, sans devoirs de Cour. Le climat, pour qui n'a pas mal à la poitrine, est excellent, les environs charmants, la mer superbe, les promenades faciles. Veut-on vivre en ermite? on le peut. Veut-on voir du monde? on y trouve des échantillons des différents pays de l'Europe, parmi lesquels on peut choisir. Dans une secousse politique on peut ou s'embarquer immédiatement, ou passer en une demi-heure en France. Mon intention est d'être à Nice le 1er novembre pour y rester cinq mois consécutifs. C'est bien hardi de plonger si avant dans l'avenir, mais j'avoue que je me suis attachée à ce projet, qu'il me serait pénible d'y renoncer et que je demande à Dieu de le bénir.
Sagan, 8 avril 1852.– La mort du prince Félix Schwarzenberg est un événement bien grave pour le jeune Empereur, pour tous les intérêts autrichiens, et, à mon avis, pour l'Europe entière, car tout ce qui affaiblit le principe conservateur est fatal, et, assurément, il était un habile et courageux champion dans la lutte contre le mauvais principe.
Sagan, 13 avril 1852.– On sera fort content à Saint-Pétersbourg du choix de Buol pour remplacer le prince Schwarzenberg; très mécontent à Berlin, où sa raideur est, depuis les conférences de Dresde, fort redoutée. Windisch-Graetz, que j'aime personnellement beaucoup, n'eût pas convenu à ce poste; ce n'est pas un personnage politique, et, excepté une petite coterie de famille, tout le monde le juge ainsi. Il paraît que le prince Schwarzenberg, qui savait que ses jours étaient comptés, a souvent parlé à l'Empereur des éventualités après sa mort, et que c'est lui qui a désigné Buol pour les Affaires étrangères, Kübeck pour la présidence du Conseil.
Vienne, 11 mai 1852.– Je suis arrivée à Vienne hier, vers huit heures du soir, après quinze heures de chemin de fer qui m'ont paru un peu longues, malgré un beau soleil, qui avait toutes les grâces de la nouveauté et tout le mérite de l'à-propos. A Brünn, où on s'arrête une demi-heure, j'ai aperçu le Spielberg, rendu célèbre par Silvio Pellico. Il domine de fort près la ville et comme on lui a donné, à l'extérieur, un badigeonnage rose, on peut de loin se faire illusion sur le noir de l'intérieur. Aussitôt après mon arrivée ici, j'ai vu ma sœur. Plus tard, on m'a raconté qu'il n'était question que de la belle revue du matin: trente mille hommes de troupes superbes ont été montrées à l'Empereur de Russie. Le jeune Empereur d'Autriche a commandé lui-même toute la revue. Il doit y avoir ce matin des exercices à feu; après dîner, promenade élégante de tout le beau monde au Prater où les deux Empereurs se montreront ensemble42.
L'Empereur Nicolas est allé, en personne, voir Jellachich et le prince Windisch-Graetz; ce dernier lui a présenté ses cinq fils, tous les cinq dans l'armée.
Vienne, 15 mai 1852.– Avant-hier, j'ai eu mon audience chez Mme l'Archiduchesse Sophie, très longue, très gracieuse, très intéressante.
Le comte de Nesselrode avait désiré me voir; nous avons pris rendez-vous dans le cabinet de Mme de Meyendorff; autre conversation fort intéressante dont j'espère ne pas perdre le souvenir.
J'ai aussi été chez la Princesse Amélie de Suède, qui m'a beaucoup questionnée sur sa nièce Caroline43. J'en ai dit tout le bien que j'en pense.
J'ai passé une heure entre le prince de Metternich et sa femme, car celle-ci ne permet jamais de voir le premier seul. Je pourrais rendre mon récit bien plus intéressant, mais sous de certains courants d'air la plume se paralyse.
Vienne, 17 mai 1852.– C'est aujourd'hui l'anniversaire de la mort de M. de Talleyrand. Ce jour rappelle de grandes épreuves, de grandes consolations, des larmes de regret et d'espérance.
M. et Mme de Metternich ayant mis une insistance particulière à ce que je dînasse chez eux, j'y ai dîné hier. Il a été question de M. de Talleyrand; et, à cette occasion, M. de Metternich s'est fort bien expliqué sur mon oncle. Il a dit et répété que, sans avoir toujours été de son avis, sans avoir approuvé tous les actes de son existence, il l'avait toujours trouvé d'une grande douceur, d'un grand agrément dans le commerce; plein de véritable et naturelle bienveillance, incapable d'une noirceur, encore moins d'une cruauté; sans fiel, sans rancune, fidèle à ses amis, fidèle à sa patrie, bon Français et incapable de trahir, pour un vil intérêt, ceux de la France. M. de Metternich s'est tout autrement exprimé sur M. de Chateaubriand, dont il a fait un portrait affreux, et qui m'a semblé parfaitement ressemblant.
Les nouvelles de Berlin ne sont pas bonnes; les crises ministérielles et parlementaires sont imminentes; la position de Manteuffel intolérable; Gerbach, l'aide de camp, donne sa démission; le comte de Stolberg est abreuvé de chagrin; le Prince de Prusse antinobiliaire; l'Impératrice de Russie inquiète, agitée, désolée; l'Empereur Nicolas qui, de Myslowitz à Cosel, a été tellement de glace que le Roi de Prusse a fait semblant de s'endormir parce qu'il n'y avait plus moyen d'y tenir; l'Empereur, dis-je, a dû arriver hier à Potsdam, et Nesselrode également. On s'attend à être, pendant les six jours que durera cette visite, dans l'eau bouillante. L'Empereur Nicolas a dit ici, au moment de son départ, à tout son entourage russe qu'il a rassemblé ad hoc: «Messieurs, je vous défends, sous peine de ma disgrâce, de mettre le pied dans cette infâme ville de Berlin, pendant mon séjour à Potsdam.» L'Empereur, qui souffre du foie, et qui a des vomissements de bile à chaque émotion désagréable, a dit ici à quelqu'un de qui je le tiens sans intermédiaire: «Vous verrez que mes vomissements me reprendront à Potsdam, et que j'y tomberai malade.» Ici sa disposition a été toute différente; il n'y a eu que tendresses et effusions paternelles entre le Czar et le jeune Empereur.
Sagan, 22 mai 1852.– Me voici rentrée dans mes foyers.
On me mande de Berlin que l'Empereur de Russie a concentré toutes ses tendresses fraternelles sur la Reine de Prusse, qui, du reste, les mérite parfaitement. Il paraîtrait, néanmoins, que les sollicitations et les palpitations ravivées de l'Impératrice ont obtenu que son auguste époux se rendit à Berlin pour des manœuvres, l'Opéra, et un grand dîner au Château.
Sagan, 26 mai 1852.– J'ai reçu une invitation officielle pour assister à l'ouverture du Palais de Cristal de Breslau, qui a lieu après-demain. Je voudrais pouvoir m'y rendre, afin d'y voir en lumière les industries saganaises, auxquelles on a accordé des places excellentes, dans l'idée de m'allécher. Le Roi et la Reine ne s'y rendront que le 9 ou le 10 du mois prochain, et coucheront probablement ici le 8.
Sagan, 30 mai 1852.– C'est le 8 juin que m'arrive le flot royal; le 9 on va à Breslau, dont je suis revenue hier, très satisfaite de ce qu'une province si peu en renom de civilisation ait produit de belles et bonnes choses; le tout arrangé de fort bon goût, avec intelligence et une sorte de grandeur, eu égard à notre position géographique, à nos rares débouchés et à la misère des temps.
Mon pauvre Cardinal est bien malade, il s'est réfugié à la campagne; il paraît que le coup que lui a porté l'animal furieux qui l'a terrassé l'automne dernier est la cause, longtemps cachée, de ses souffrances actuelles44.
L'Empereur de Russie a failli périr par un accident de chemin de fer entre Myslowitz et Varsovie. Le train a déraillé sur territoire russe; plusieurs personnes de la suite ont été blessées, mais l'Empereur est sain et sauf.
Le 26 au soir, à la fête donnée au Babelsberg pour l'anniversaire qu'on célébrait ce jour-là, un orage, une trombe d'eau, des éclairs furieux ont fondu sur tous les augustes promeneurs, tout au travers d'une course en voitures ouvertes; la foudre est tombée deux fois devant celle où se trouvait l'Impératrice, elle en a eu des défaillances; bref, on m'écrit que le tout a été ce qu'on peut imaginer de plus déplorable.
Sagan, 10 juin 1852.– Avant-hier, Leurs Majestés, accompagnées de Mme la Grande-Duchesse douairière de Mecklembourg-Schwerin, sont arrivées ici à deux heures de l'après-midi. J'avais été à leur rencontre. Après un peu de repos et une grande toilette, long dîner, conversation après le café, toilette de promenade, thé pris dans le haut du parc, sous une tente dressée exprès et fort ornée. Après quoi, longue tournée dans le parc, en totalité illuminé, mi-partie en ballons de couleurs, mi-partie en lampions brillants; chaque dix minutes des feux de Bengale colorés. Des bandes de musique sur l'eau dans des bateaux illuminés, des chants, des fusées; bref, c'était très beau, je dois en convenir. L'église de Sainte-Croix s'est produite dans une mer de feux rouges; le temps superbe, plus de huit mille personnes circulant librement partout, foule tranquille et respectueuse, et cependant faisant entendre de bons cris. Toute la caravane royale dans huit voitures à moi, parcourant au pas toute cette étendue. On est rentré souper au milieu des livres et des gravures; après quoi, toute la ville, les corporations diverses, bannières flottantes, transparents allégoriques, se sont placées sur la place du Château en Fakel-Zug45. Le Roi s'est fait présenter tous mes petits protégés du gymnase. La bonne humeur, la bonne grâce ont été parfaites. La Reine surtout, avant tout, par-dessus tout, d'une gaieté, bonté, abandon de conversation comme je ne me doutais pas qu'elle pût être.
Sagan, 16 juin 1852.– C'est le Prince de Hesse, ex-gendre de l'Empereur Nicolas, qui épouse la Princesse Anna de Prusse. Elle devra vivre à Cassel dans les plus désagréables relations de famille, avec un mari qui ne semble pas rassurant. Il doit hériter de l'Électorat, ce qui suffit à le rendre odieux à l'Électeur actuel qui est un très méchant homme. Il a négocié partout pour que ses enfants morganatiques fussent reconnus ses successeurs, mais partout il a échoué. L'avenir de la Princesse Anna fait naître bien des appréhensions; mais elle a beaucoup d'esprit, beaucoup de volonté, cela aide.
J'ai lu l'article de Cousin sur Mme de Longueville dans la Revue des Deux Mondes, et j'en ai été ravie. Il m'est venu à la pensée que des allures chrétiennes avaient échappé au voltairien46, tant il est vrai qu'il n'y a pas moyen de rester profane quand on touche au grand siècle. Aussi, je voudrais m'y plonger et délaisser toute autre lecture.
Günthersdorf, 18 juin 1852.– Humboldt m'a prêté un livre que j'ai lu hier: L'Orléanisme, c'est la révolution. On dit qu'il fait effet, et je le crois. Ce n'est pas qu'on ne puisse en partie le controverser, mais il y a des faits, des rapprochements, des résultats habilement et clairement établis, impossibles à nier. Puis il y a, à la suite, des pièces, lithographiées sur originaux, frappantes. Je regrette, pour la pauvre Reine Marie-Amélie, que l'amertume ne lui en soit pas épargnée.
Lœbichau, 30 juin 1852.– Je suis auprès de ma sœur. Elle est fort triste et moi très abattue; à nous deux, nous ne nous sommes pas importunes, parce que nous ne contrastons pas dans nos dispositions d'âme. Les mille et une souvenances d'enfance et de jeunesse ensevelies dans les tombeaux, et qui, ici, semblent nous faire appel, ne laissent pas que de mettre les cordes les plus sensibles en jeu. Ma sœur et moi nous nous sentons sur la pente rapide qui nous conduit là où reposent ceux qui remplissaient jadis brillamment des lieux devenus si solitaires. Les vieux serviteurs qui restent gardiens de ces déserts en font encore plus apercevoir le vide, ou, pour mieux dire, la vétusté.
Carlsbad, 4 juillet 1852.– Mme Alfred de Chabannes m'écrit de Versailles: «La position de Mme la Duchesse d'Orléans en Suisse deviendra affreuse. Ses beaux-frères négocient maintenant avec le Comte de Chambord, qui, dégoûté et blessé, demande des garanties. Les jeunes Princes ne consultent plus leur belle-sœur; elle sera forcée de les suivre plus tard, en attendant, elle se place dans un vrai guêpier. Le duc de Montpensier, arrivant d'Espagne, est le plus spirituel et le plus actif; il a fait changer les voies; c'est lui qui mène mère, et frères, et sœur; aussi Mme la Duchesse d'Orléans ne l'aime-t-elle guère.»
Carlsbad, 14 juillet 1852.– M. de Flavigny, venant de Paris, et qui a passé vingt-quatre heures ici, dit que la santé du Président inquiète ses amis. Il a, dit-on, un tempérament épuisé, et parfois, des somnolences étranges.
Changarnier et Lamoricière, qui ont vu la Duchesse d'Orléans en Belgique, lui ont, à ce qu'il paraîtrait, fortement parlé pour la fusion. Je suppose qu'en Suisse elle entendra d'autres sons qui lui paraîtront plus harmonieux.
Carlsbad, 18 juillet 1852.– Voici deux faits dont l'exactitude m'est certifiée. Le Gouvernement français a trouvé très mauvais les honneurs rendus sur le territoire belge à Mme la Duchesse d'Orléans; il en a fait porter plainte, et on s'est confondu en excuses, disant que le maire de Liège entre autres avait agi sans ordres. En outre, l'Ambassadeur de France à Londres a reçu ordre de ne point se rendre à l'audience diplomatique que la Duchesse de Montpensier a donnée comme Infante d'Espagne au Corps diplomatique de Londres. L'Ambassadeur d'Espagne a fort ressenti ce procédé, et a déclaré qu'il ne mettrait plus le pied à l'Ambassade de France.
Teplitz, 2 août 1852.– La comtesse de Hahn-Hahn m'a écrit une lettre inattendue, dans laquelle elle m'annonce se dépouiller de tout ce qu'elle possède. Elle donne toute sa fortune à l'établissement du couvent du Bon-Pasteur, à Mayence, dans lequel elle prendra le voile47. Mais cette fortune ne suffit pas; elle quête pour achever cette œuvre, et elle commence par moi. Cette lettre figurera dans ma collection d'autographes, et c'est ce que j'en aime le mieux.
J'ai reçu aussi une lettre de la comtesse Mollien. Elle est en Angleterre, auprès de la Reine Marie-Amélie, et fait des tournées intéressantes avec cette Reine douée d'une force physique extraordinaire et d'une activité que le malheur ne peut détruire.
Le duc d'Aumale a acheté une propriété en Angleterre; je crois que c'est la maison que ses parents habitaient jadis à Twickenham. Il s'y établira à l'automne avec sa belle-mère48, qui est venue rejoindre sa fille. Le prince de Joinville partira à l'automne avec femme et enfants pour l'Espagne; peut-être sa mère sera-t-elle du voyage. Les Nemours restent à Claremont. On paraît être là fort ignorant des projets de Mme la Duchesse d'Orléans.
Teplitz, 10 août 1852.– Sans nier l'incontestable talent de Mlle Rachel, qui est maintenant à Bade, sa belle prononciation, sa physionomie expressive, ses gestes gracieux, ses inspirations heureuses, je dois dire qu'elle ne ma jamais entraînée. Elle est trop étudiée; tout est calculé à l'avance, minutieusement calculé; et la preuve, c'est qu'elle joue chaque rôle toujours de la même manière; même geste, même intonation, même accent, même cri placé au même instant. C'est une page notée, et c'est là aussi ce qui fait qu'à la seconde ou troisième fois qu'on l'a vue dans le même rôle, elle paraît extrêmement monotone. Mais ce sont de ces aveux qu'il ne faut faire qu'à huis clos. Quant à la comédie, dans laquelle je l'ai vue aussi s'essayer, elle m'a déplu; elle y est sèche et trop risquée à la fois, à cent pieds au-dessous de Mlle Mars, dont la grâce, le bon goût et les nuances fines étaient si remarquables.
Teplitz, 18 août 1852.– La rentrée de l'Empereur d'Autriche à Vienne a été quelque chose de merveilleux49. La Capitale a voulu effacer, par cette réception, les mauvais souvenirs de 1848, et ne pas rester en arrière des ovations de la Hongrie. Au débarcadère, il y avait soixante mille personnes rassemblées autour de l'estrade préparée où le Corps municipal a harangué l'Empereur. Toutes les corporations ont fait haie jusqu'à l'église Saint-Étienne; les maisons étaient pavoisées, les fenêtres se payaient jusqu'à cent francs chacune; les dames qui les occupaient étaient en brillantes toilettes. Sur la place Saint-Étienne, le Métropolitain, croix en tête, harangua Sa Majesté, entourée non seulement de tout le clergé régulier de la ville, mais encore de toutes les communautés religieuses, si nombreuses à Vienne. Te Deum ensuite dans la cathédrale. Il faisait obscur quand on est sorti, car il était déjà six heures du soir quand l'Empereur était arrivé au débarcadère. En sortant de l'église, il a trouvé Vienne nageant dans la lumière, de toutes les tours des différentes églises, des feux de Bengale. Tous les édifices publics et privés illuminés a giorno, devises, transparents, cris, vivats, applaudissements, rien n'y a manqué. Le jeune Empereur a passé deux heures à se promener, en calèche découverte, dans les rues, toujours au pas, à cause de la foule qui se pressait autour de la voiture.
Sagan, 2 septembre 1852.– J'ai quitté Teplitz, à tout prendre, contente de l'effet des bains et douches, et satisfaite du repos et de l'air doux et léger de cet agréable lieu. Je suis rentrée hier dans mon home où j'ai trouvé tout en bon ordre.
On m'écrit que le Président donne à Saint-Cloud des fêtes à la Louis XIV. Il y a des loteries de bijoux pour les dames, où la princesse Schœnbourg a gagné une bague en pierreries valant cinq cents francs. Je ne sais si, à sa place, cela me plairait.
Sagan, 18 septembre 1852.– La mort du duc de Wellington m'a saisie péniblement. Je lui étais restée fort reconnaissante de son fidèle souvenir pour mon oncle, et de sa constante bienveillance pour moi. Comme notre misérable époque va s'appauvrissant! Les derniers astres s'évanouissent, pour rendre les ténèbres de plus en plus profondes.
Sagan, 26 septembre 1852.– La France va donc devenir impériale. Mme la Duchesse d'Orléans l'aura bien voulu, et j'avais bien raison de lui dire à Eisenach: «Madame, vous jouez le jeu du Président.» Du reste, cette France, si près l'année dernière d'entendre crier: Vive la République démocratique et sociale, s'égosille à présent, par terreur, à crier: Vive l'Empereur! Du moins, si Louis-Napoléon étouffe le monstre du socialisme, il faudra reconnaître en lui, une fois de plus, le doigt sauveur de la Providence50.
Nuremberg, 19 octobre 1852.– Après avoir passé quelques jours à Potsdam, j'en suis partie le 17 après-midi pour aller coucher à Leipzig, et hier j'ai fait, en quinze pénibles heures de chemin de fer, le long et ennuyeux trajet de Leipzig ici, par une gelée blanche qui ne s'est pas même évanouie devant un tardif et pâle soleil. La jolie et intéressante contrée s'apercevait à peine à travers les fenêtres ternies. Je resterai aujourd'hui ici pour rafraîchir mes souvenirs de Nuremberg. Demain, je compte être à Munich, puis me diriger sur Nice.
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Le 22 janvier, le Prince-Président avait fait publier le fameux décret qui confisquait les biens de la famille d'Orléans. Ce décret, appelé le premier vol de l'aigle, ne fut pas sans rencontrer quelque désapprobation dans l'entourage même du chef de l'État. M. de Morny et M. Fould refusèrent de le signer et, après deux jours de discussion, donnèrent leur démission. M. de Persigny remplaça alors M. de Morny à l'Intérieur.
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Le 2 février, six semaines après la naissance de sa fille aînée, la Reine Isabelle se rendait, pour la cérémonie de ses relevailles, à l'église d'Antocha, quand un prêtre du nom de Martin Merimo se précipita sur elle, lui porta vivement un coup de couteau dans le côté droit, au-dessous de la hanche, et avec tant de force que la lame coupa une baleine de son corset, et fit une blessure d'à peu près dix pouces de profondeur. L'assassin était un ancien moine connu pour son exaltation démagogique. Il avait autrefois déjà menacé les jours de Ferdinand VII. Frappé alors d'exil, il avait passé plusieurs années en France et en Belgique et, depuis huit ans, il avait été autorisé à rentrer en Espagne. Condamné cinq jours après sa tentative d'assassinat sur la Reine, il dut subir la peine du garote et fut exécuté le 7 février.
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Après le coup d'État du 2 décembre, lord Palmerston, alors ministre des Affaires étrangères, avait envoyé à lord Normanby, représentant de l'Angleterre à Paris, une dépêche officielle où il lui prescrivait de continuer comme par le passé les relations avec le Gouvernement français, la Reine ne voulant point paraître intervenir en rien dans les affaires intérieures de la France. Mais, sans consulter ses collègues, et dans une conversation avec l'ambassadeur de France à Londres, le comte Walewski (qui la rapporta immédiatement à Paris), lord Palmerston exprima sa satisfaction du coup d'État. Cette contradiction entre les instructions officielles et le langage de son ministre direct mit lord Normanby dans une situation embarrassante. Il écrivit à lord John Russell, président du Conseil, pour s'en plaindre. Lord John Russell demanda des explications à lord Palmerston, qui garda d'abord le silence et donna ensuite une réponse qui ne parut pas suffisante. Le Président du Conseil demanda alors à lord Palmerston sa démission et le remplaça au portefeuille de l'Extérieur par lord Granville.
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Allusion au discours que M. Guizot prononça le 5 février 1852, jour où le comte de Montalembert fut reçu à l'Académie française.
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Le palais habité par le général-gouverneur de Varsovie fut, par suite d'un accident, la proie des flammes dans la nuit du 22 février/6 mars 1852. A force d'efforts on put, pourtant, en sauver une partie, ainsi que les archives. Cet ancien palais de la famille Radziwill avait été vendu en 1821 au gouvernement du Royaume de Pologne.
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Cette entrevue des deux souverains n'avait d'autre but, pour l'Empereur Nicolas, que de rendre à l'Empereur d'Autriche, dans sa capitale, les deux visites que le Monarque lui avait faites à Varsovie.
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La Princesse Royale de Saxe.
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Mgr Diepenbrock, Prince-évêque de Breslau, mourut le 19 janvier 1853. Deux années auparavant, Son Éminence avait été poursuivie et attaquée, dans la montagne du Johannisberg, par une vache furieuse, excitée par la vue de la soutane rouge du Cardinal, qui ne se remit jamais de cet accident.
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Cortège accompagné de torches enflammées.
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Victor Cousin, le père de l'éclectisme, après avoir erré plus de quarante ans sur tous les grands chemins de la pensée, sans dresser sa tente nulle part, finit par renoncer à la philosophie pour se donner à la littérature et à l'érudition, disant qu'après tout, la philosophie se réduisait à la morale. Or, d'après lui, la morale ne différait pas de la religion, et la religion, c'était le christianisme. Le voltairien s'était ainsi créé une religion intellectuelle, qui explique l'esprit de ses derniers ouvrages sur le dix-septième siècle.
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La comtesse de Hahn-Hahn prit en effet le voile en novembre 1852.
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La Princesse de Salerne. Elle était fille de François II, Empereur d'Autriche.
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L'Empereur François-Joseph était rentré solennellement dans sa bonne ville de Vienne le 14 août 1852, après avoir fait en Hongrie une grande tournée, qui avait achevé la pacification de son Empire, dont les Madgyars avaient été sur le point de se détacher par la révolution de 1849.
50
Quelque temps après la session législative, le Prince-Président se mit à visiter une partie de la France. Le 20 septembre, il inaugurait à Lyon une statue de Napoléon Ier, se rendait ensuite à Marseille, à Bordeaux où il prononçait dans un discours ces paroles célèbres: l'Empire, c'est la paix. A son retour à Paris, il fut accueilli aux cris de Vive l'Empereur; des députations se rendirent auprès de lui, lui demandant de céder aux vœux du peuple, en reprenant la couronne du fondateur de sa dynastie. Cédant à cette pression de l'opinion publique, il consulta le Sénat qui s'empressa de répondre à cet appel en proclamant l'Empire, par quatre-vingt-six voix sur quatre-vingt-sept votants, le 7 novembre 1852, et son sénatus-consulte fut soumis à la ratification du peuple. Un an après le coup d'État, Louis Bonaparte était proclamé Empereur sous le nom de Napoléon III, à Saint-Cloud, en présence du Sénat et du Corps législatif.