Читать книгу Collégiens, étudiants et mercadets pour rire - Édouard Martin - Страница 7
ОглавлениеDrame en trois actes, en prose, dont un prologue.
PROLOGUE
LES CONJURÉS
DÉCOR: LE JARDIN DES PLANTES
CRAPOUILLOT, BLANDEZINC, GIBOULOT
(Ils sont assis tous trois au pied du cèdre du Liban, dans le Labyrinthe. — C’est jeudi.
CRAPOUILLOT. — Est-ce que Pluchonneau canerait?
BLANDEZINC. — Il m’a pourtant bien promis.
GIBOULOT. — Pluchonneau est un bon garçon, il tiendra sa parole.
CRAPOUILLOT. — Après cela, qu’il la tienne ou qu’il ne la tienne pas, je m’en moque comme de Colin Tampon; le pion la sautera.
BLANDEZINC. — Oh! quant à ça, pas de miséricorde pour cette canaille!
GIBOULOT. — Voici Pluchonneau.
LES MÊMES, PLUCHONNEAU
BLANDEZINC. — Ah! te voilà, Pluchonneau?
PLUCHONNEAU. — Oui, mes amis, oui. Je vous demande bien pardon de vous avoir fait attendre. Mais comme j’étais à jouer aux barres, voilà que j’ai aperçu maman et ma sœur qui m’ont fait signe de venir..... et...
CRAPOUILLOT, d’un air majestueux. — Et?...
PLUCHONNEAU. — Je suis resté avec elles.
GIBOULOT. — C’est une excuse.
BLANDEZINC. — Certainement.
CRAPOUILLOT. — Du tout, ce n’est pas une excuse! Sans doute la famille impose des devoirs; mais nous devons aussi satisfaire Némésis, Messieurs. Némésis, néanmoins, te pardonne, Pluchonneau. Tu as à te plaindre de cet infâme pion?
PLUCHONNEAU. — Oh voui!
BLANDEZINC. — Et tu veux te venger?
GIBOULOT. — A mort?
PLUCHONNEAU. — Voui!
CRAPOUILLOT. — Eh bien, à partir de ce jour, Pluchonneau... tu es des nôtres... A bas les pions! As-tu été quelquefois au spectacle, Pluchonneau?
PLUCHONNEAU. — Jamais! m’man dit comme ça qu’elle m’y mènera, et elle ne m’y mène jamais, m’man!
CRAPOUILLOT. — Ça ne fait rien. Apprends donc qu’à la comédie, il y a des gens, quand ils ragent contre quelqu’un, qui s’engagent sur l’honneur à s’associer pour lui jouer de mauvais tours. Jures-tu, Pluchonneau, de nous seconder courageusement dans nos entreprises contre le pion épouvantable qui rappelle les jours les plus terribles de l’inquisition en fouillant dans nos pupitres?
PLUCHONNEAU. — J’ veux bien, moi; mais faudrait tâcher de n’être pas collé.
CRAPOUILLOT, avec un geste méprisant. —Crapaud!
BLANDEZINC. — Alors, jurons!
Tous. — Jurons!
CRAPOUILLOT. — Je jure, moi, César Crapouillot, de servir mes amis et camarades dans la sainte guerre qu’ils vont commencer contre notre pion. Si j’hésite, dénoncez-moi... Si je recule, tuez-moi... Jurez, vous autres.
Tous. — Nous jurons!
LES MÊMES, LE PION
LE PION. — Allons, Messieurs, remettez vos habits. On part. J’espère que tous les quatre, au quartier, vous vous souviendrez que j’ai fait grâce des pensums.
CRAPOUILLOT. — Tiens, c’est Topinard et Blandin qui l’ont demandé au maître de pension, parce qu’ils ont été trois fois de suite le premier et le second.
LE PION. — Qu’est-ce que cela fait, ça, monsieur Crapouillot?
CRAPOUILLOT. — Tiens, ça fait que c’est pas vous qui avez effacé les pensums. Vous êtes trop chien!
LE PION. — Vous dites?
CRAPOUILLOT. — Vous êtes trop chien!
LE PION. — Cinq cents vers, monsieur Crapouillot.
CRAPOUILLOT. — C’est dégoûtant!
(Le pion disparaît pour aller en tête de la colonne qui commence à se mettre en marche.)
LES MÊMES, EXCEPTÉ LE PION
CRAPOUILLOT. — Ah! c’est comme ça! Eh bien, tu verras!... Gredin! oui, t’es un chien! Certainement, et un chien enragé encore!... Pourquoi donc qu’on les laisse sortir dans les grandes chaleurs, les pions? Faudrait les museler. Ah! tu me le payeras.
(La pension est en route..... On est sur les quais.)
UNE VOIX. — D’z hannetons, d’z hannetons pour un yard!...
CRAPOUILLOT. — Mes amis, mes amis, voilà notre vengeance!
BLANDEZINC. — Des hannetons, c’est ça!
GIBOULOT. — Où est-il le marchand?
LA voix. — D’z hannetons, d’z hannetons pour un yard!
BLANDEZINC. — Cré nom, il est là bas.
CRAPOUILLOT. — Ça ne fait rien? — Qu’est-ce qui a de l’argent? toi?
GIBOULOT. — Pas moi... j’ai acheté des groseilles à maquereau. Ah! voilà deux sous. Et toi, Blandezinc.
BLANDEZINC. — Pas une bille. Toi, Pluchonneau?
PLUCHONNEAU. — Moi, m’man m’a donné dix sous...
CRAPOUILLOT. — Dix sous, c’est la Banque de France; nous en aurons au moins trois cents. Donne les dix sous.
PLUCHONNEAU. — Mais... c’est pour acheter du papier.
CRAPOUILLOT. — Du papier!... En voilà un aristo! Donne...
(Crapouillot va trouver le pion, lève la main en disant: M’sieur! — C’est un geste que tous les collégiens comprendront. — Le pion lui permet.)
CRAPOUILLOT, LE MARCHAND DE HANNETONS
CRAPOUILLOT. — Vite! vite! vite!
LE MARCHAND. — Voilà ; pour combien?...
CRAPOUILLOT. — Pour douze sous!
LE MARCHAND. — Bigre! pourquoi faire?
CRAPOUILLOT blanchissant. — Comment, pourquoi faire?
LE MARCHAND. — C’te bêtise... Est-ce hannetons pour appartements, pour jardin, pour théâtre ou pour collége? Ceuze du théâtre, c’est plus cher, parce que ça fait beaucoup de bruit; ceuze du collége, c’est plus petit, j’en donne plusse.
CRAPOUILLOT. — C’est pour théâtre!
LE MARCHAND. — Ah! la bonne sarge! c’est ça qui embête mossieur Chilly dans les rôles de traître!..... J’en vends beaucoup pour M. Chilly, des zhannetons... C’est-y pour M. Chilly?
CRAPOUILLOT. — Oui..... mais donnez donc vite!...
LE MARCHAND. — Voilà. — Prenez le sac... Sont-y empilés là dedans!... Ah! ce sera drôle... sera-t-y vexé, M. Chilly! sera-t-y vexé ! J’irai le voir. C’est-y pour ce soir?
CRAPOUILLOT se sauvant. — Oh! ma vengeance!
LE MARCHAND. — Douze sous... en v‘là une journée! J’ m’aurais jamais douté qu’avec des zhannetons... on pouvait s’acheter des rentes... Mais va-t-il être vexé, M. Chilly!...
V’là d’z hannetons, d’z hannetons pour un yard! Tiens qu’ j’ suis bête! je crie encore...
Au fait, y en a encore un dans mon gousset de montre... V’là d’z hannetons, d’z hannetons pour un yard!...
Sera-t-y embêté... M. Chilly!... Sera-t-y embêté M. Chilly!...
(Le marchand de hannetons disparaît. — Crapouillot a rejoint ses amis. — Retour à la pension.)