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INTRODUCTION
I

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Jean-François Doublet1 naquit à Honfleur au milieu du dix-septième siècle. Nous n'avons pas la date de sa naissance; son baptistaire ne se retrouve point dans les anciens registres des paroisses de sa ville natale, à côté de ceux des autres enfants de François Doublet et de Madeleine Fontaine, ses père et mère. Il résulte de là que l'on n'a point d'autre moyen pour déterminer cette date inconnue que d'accepter l'indication fournie par Doublet lui-même lorsqu'il parle de son âge à l'époque de son premier embarquement. Il avait sept ans et trois mois, dit-il, lorsque brûlant d'accompagner son père au Canada il se cacha dans l'entrepont du navire qui emportait vers la Nouvelle-France la fortune et les espérances de sa famille. D'après cette donnée, il faut reporter la naissance de notre marin au mois de novembre 1655.

L'obscurité qui enveloppe la naissance de Doublet n'entoure heureusement pas sa parenté. Les registres municipaux, les minutes des anciens tabellionages d'Auge, de Grestain et de Roncheville et des papiers de famille nous ont mis à portée de recueillir sur elle des informations nombreuses et précises. On en pourra juger par les notes déjà publiées dans la Revue historique et par celles qui nous restent encore à donner. Mais notre intention n'est pas de reproduire tous les renseignements biographiques ou généalogiques qu'une recherche patiente nous a permis de rassembler; nous ferons un choix dans nos matériaux.

Doublet appartenait à une bonne famille de moyenne bourgeoisie qui comptait plusieurs de ses membres dans les conseils de la ville depuis le commencement du dix-septième siècle. Lorsque, soupçonné de piraterie et interrogé d'un ton hautain par le duc d'York, – plus-tard Jacques II, – Doublet répondit: «Monseigneur, je suis de bonne naissance,» il ne se vantait aucunement, il énonçait simplement la vérité. Il paraîtrait même que les emplois en la possession de sa famille, ou la propriété de la moitié d'une sergenterie et garde-noble située en la forêt de Touques2, lui avaient fait obtenir l'anoblissement. Doublet est dit noble homme dans l'acte de son mariage que nous donnons plus loin3; il est qualifié d'écuyer dans l'acte du décès de sa femme4, mais ce détail est de peu d'importance.

C'était l'un des seize enfants d'un bourgeois de Honfleur, maître François Doublet, qui pratiqua pendant plus de trente-cinq ans l'art de l'apothicaire5, devint capitaine-marchand, arma et équipa des navires, rêva la fortune et chercha un climat et un destin meilleurs. Sa mère, Madeleine Fontaine, était fille d'un Jacques Fontaine décédé vers 1652 et qui laissa une autre fille, Marie Fontaine, marié à Guillaume de Valsemé, tabellion royal en la vicomté d'Auge, fils d'Olivier de Valsemé, tabellion en 1604, conseiller de ville en 1622, échevin de 1626 à 1639. – Parmi la tribu des Doublet, nous citerons Louis Doublet, chirurgien, lieutenant du premier barbier du roi en 1664, premier échevin en 1666 et 1668; Nicolas-Claude Doublet du Rousseau, président et receveur du grenier à sel en 1680; Pierre Doublet, sergent en la vicomté de Blangy; Guillaume Doublet, sieur des Bords, bourgeois, vivant en 1650. – Son aïeul paternel avait épousé Marguerite Auber, et était ainsi entré dans l'alliance d'une famille très-considérée parmi les bourgeois de Honfleur. Voici quelques-uns de ses membres que nous ont fait connaître des documents des XVIe et XVIIe siècles. Un Nicolas Auber était procureur-sindic des bourgeois en l'année 1550. Le bisaïeul maternel de Doublet se nommait Richard Auber; il remplissait les fonctions de receveur du duc d'Orléans pour le domaine de Roncheville. Ses deux grands-oncles, Jacques Auber l'aîné et Jacques Auber le jeune, furent receveurs des deniers municipaux de l'année 1621 à l'année 1674; leur habitation se voit encore6 avec sa porte basse en pierre, ses pilastres, ses bossages et ses murs en damier dans le goût qui régnait au temps de Louis XIII. Son cousin germain, Louis Auber, sieur des Rocquettes, était premier échevin en 1672; un autre cousin, Jean-Baptiste Auber, occupait l'office de procureur du roi au siége de l'amirauté, en 1656. On trouvera plus loin, dans un tableau généalogique, le nom de plusieurs de ses frères et de ses sœurs. Doublet, comme on le verra, n'a donné que très-peu de renseignements sur sa famille. Le devoir de son biographe était donc sinon de rechercher à fond la filiation du corsaire normand, du moins de rassembler et de présenter quelques notes à ce sujet. Nous pourrions nous en tenir là. Mais de nouvelles recherches nous ayant permis de rectifier certaines indications déjà données et de suivre les ramifications de la descendance de Doublet, nous ajouterons les détails qui suivent.

Jean-François Doublet se maria à Saint-Malo en 1692. De son union avec Françoise Fossard, naquit un premier enfant, Jeanne-Rose Doublet, qui vint au monde en cette ville vers la fin de l'année 1693, et fut élevée à Honneur où sa mère s'était fixée au milieu de la famille de son mari. A l'âge de dix-neuf ans, le 13 mars 1712, Jeanne-Rose Doublet épousa Me Thomas Quillet, conseiller du roi, lieutenant général en la vicomté de Roncheville. Elle entrait dans l'alliance d'une famille de marchands aisés qui n'avaient eu d'autre ambition que celle de faire de leur fils un officier du roi, en lui achetant une charge à laquelle d'importants privilèges étaient attachés. L'achat de cet office pour un modeste marchand de dentelles ou de draperie a été en partie – soit dit en passant – la source de la fortune de ces vaniteux Quillet qui détenaient encore les principales charges du bailliage de Honfleur à l'époque de la révolution.

Du mariage de Jeanne-Rose Doublet et de Me Thomas Quillet sortirent cinq enfants. Un seul nous intéresse particulièrement parce qu'il nous fournira la descendance du corsaire Doublet jusqu'à nos jours. Ce fut Françoise-Marguerite-Rose Quillet, née à Honfleur, le 25 décembre 1712. Par l'alliance de sa fille, Doublet avait vu sa famille s'unir à la bourgeoisie aristocratique, un second mariage devait donner à celle-ci accès dans la noblesse. En effet à vingt ans, en 1733, le 23 juin, Rose Quillet épousa un gentilhomme, messire Alexandre de Naguet, écuyer, sieur de Saint-Georges, descendant d'une famille qui mérite de nous arrêter un moment.

Les de Naguet dont le nom est aujourd'hui éteint faisaient jadis quelque figure. Leur race était ancienne et elle était, ce semble, assez vigoureuse; à la fin du siècle dernier, elle formait quatre ou cinq rameaux qui s'étaient étendus aux environs de Honfleur. La tige nous en est connue, mais c'est dans la bourgeoisie marchande, parmi les armateurs honfleurais du quinzième siècle et non dans la noblesse qu'elle avait jeté ses racines. Ainsi, certaines pièces des archives municipales7 font mention d'un Jacques Naguet qui prenait rang parmi les conseillers-élus de la cité en l'année 1499. A ses côtés figurent d'autres bourgeois du même nom: Guillaume Naguet et Jean Naguet. Le premier, Jacques Naguet, se qualifiait avocat; il fut en effet, «avocat de la communauté.» Mais il est certain qu'en réalité il exerçait la profession de marchand-armateur, qu'il «faisoit, ainsi que s'exprime un ancien document8, train et trafic de marchandises par terre et par mer.» Il fut anobli par lettres-patentes de février 1522, et ses fils, Adrien et Louis dits Naguet, produisirent en 1540 l'anoblissement donné à leur père9. A une époque antérieure à cette date, les Naguet avaient fait l'acquisition d'une terre située en la paroisse de Pennedepie. On connaît bien aujourd'hui encore la maison qu'ils habitaient. Le manoir sieurial de Saint-Georges se voit sur la droite en faisant route de Honfleur à Trouville, au milieu d'un vaste verger, à deux pas d'un moulin qui, depuis plus de trois cents ans, «fait de bled farine.» La façade, avec ses cordons de briques de couleur claire mélangés de cailloux noirs posés en damier, a encore bon air, sinon grand air. A l'intérieur, si l'on excepte le mobilier qui a disparu, rien n'a été changé. Mais nous croyons que si les de Naguet revenaient au monde, et que si leur prenait fantaisie de revenir habiter le berceau de la famille, ils ne s'y trouveraient point logés suivant leur rang.

C'est dans cette maison que la petite-fille du corsaire Doublet devenue Madame de Saint-Georges, mit au monde un fils, le 12 septembre 173910. Ce dernier, nommé Robert-Jacques-Alexandre de Naguet, servit d'abord dans la marine royale, puis il entra au régiment d'Auvergne. Il en sortit avec le grade de capitaine et la croix de St-Louis; il fut plus tard lieutenant de MM. les maréchaux de France. De son mariage il eut un fils qui, le 5 octobre 1767, reçut comme son père et comme son aïeul le prénom d'Alexandre. Notre époque a connu cet Alexandre de Naguet de St-Georges menant à Honfleur une existence très retirée et tant soit peu étrange. Le rameau qu'il représentait s'éteignit en lui quant au nom. Il ne laissa qu'une fille. Ses arrière-petits-enfants portent de nos jours des noms qui appartiennent à la haute noblesse. Ce sont Madame la marquise de Caulaincourt et Madame la comtesse d'Andigné. Or, ces deux noms représentent dans la ligne féminine la descendance du corsaire normand Jean-François Doublet.


TABLEAU GÉNÉALOGIQUE DE LA FAMILLE DOUBLET.


1

Voyez la Revue historique, tome XII, p. 48 et 314.

2

Dép. du Calvados, arr. de Pont-l'Evêque.

3

Voy. aux additions, pièce no 3.

4

Reg. de l'état civil de Honfleur, 12 avril 1722.

5

Acte de notoriété du 24 mai 1679. Arch. munic., Délibér., reg. no 57, fol. 20 ro.

6

Rue des Capucins, no 25.

7

Actes de l'Hôtel-de-Ville des 17 novembre 1499, 15 mai 1502, février 1522.

8

Recherche faite en 1540 par les Elus de Lisieux, (Caen, 1827.)

9

Id. p. 112 et 118.

10

Arc. de Pennedepie, reg. de l'état-civil.

Journal du corsaire Jean Doublet de Honfleur, lieutenant de frégate sous Louis XIV

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