Читать книгу Journal du corsaire Jean Doublet de Honfleur, lieutenant de frégate sous Louis XIV - Doublet Jean - Страница 6

CHAPITRE DEUXIÈME

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Doublet embarque sur l'escadre de M. Panetié. – Il enseigne les principes de la navigation à son commandant. – Prise de 22 navires chargés de blé. – Doublet passe second lieutenant sur l'Alcyon, commandé par Jean Bart. – Son éloge par M. Panetié. – Son séjour à l'école d'hydrographie de Dieppe. – Il est reçu pilote. – Il commande la Diligente; combats, prises et blessure. – Lettre de M. Engil de Ruyter. – Croisières. – Voyages en Portugal. – Les pirates de Salé.

Cependant j'avois l'ambition de ne vouloir estre à charge à ma merre ny à la famille; quoy qu'avec mon incommodité je cherchois à voyager. Un nommé M. De Lastre47 de Dunquerque, qui avoit commandement d'une frégatte du Roy pour estre de l'escadre de M. le Pannetier48, vint à Honfleur pour y engager sans contrainte des matelots et soldats et volontaires. Je futs le trouver au Soleil49 où il logeoit et m'offrits pour second ou 3me pilotte. Il me dit qu'il en avoit assez et gens connus pour le Nord; je lui demandé déstre patron de son canot et il me l'accorda. Je partis d'Honfleur avec une cinquantaine de jeunes gens accordées comme moy pour nous rendre à Dunkerque soubs la conduite de notre capitaine qui nous défraya par terre, et nous trouvasmes l'escadre de M. Pannetier, composée de sept frégates prestes à sortir du port. Nostre frégate s'apeloit la Vipère, de 18 canons, et notre capitaine me tint parolle et me posa patron de son canot. Mais lorsque nous fusmes en mer, je fut réduis à la gamelle, ce que je trouvai étrange, croyant estre avec les pilotes. J'en fut très chagrin, et je me trouvois déconcerté que j'en perdois l'apétit, qu'un jour sur l'heure du disner je m'étois acoudé sur le bord du navire que nostre maistre chirurgien nommé M. Prevosts me demanda sy j'étois malade de ce que je ne mangeois pas avec mes camarades. Je soupirois et je m'empressa de luy dire qui me tenoit dans cette tristesse. Un nommé Castor Crestey lui dits que je n'étois pas acoutumé à pareille ordinaire ny compagnie. Il le questionna s'informant qui j'estois et Crestey l'en ayant instruit et nommé mon père, M. Prévost dit. «Ah! je l'ay connu, et ay esté à son service.» Et en fut entretenir M. De Latre avec lequel il étoit fort familier. M. De Latre luy dits de m'ameiner dans sa chambre, et me demanda qui j'étois et ce que j'avois à me chagriner. Je lui dits que je plaignois mon sort de ce que la fortune m'avoit esté contraire trois années de suite, et que la suivante en m'étoit pas meilleure. Il dits: «Il ne faut pas qu'un jeune homme se rebute.» Il me demanda si je savois les principes de la navigation, et je luy dits que j'en savois plus que les principes, puisque je luy avois demandé un poste de pillote. Il m'engagea à boire un verre de vin avec luy et me demanda si les principes sont dificiles d'apprendre. Je luy dits qu'à un homme d'esprit comme luy, je les luy aprendrois en moins de six semaines, et sur le champ je luy en donna ouverture dès la première reigle. Et il me fit souper à sa table et le lendemain nous commenssasmes à travailler, où il y prit du goût, et me dit que j'avois sa table pendant toute la campagne, il me prit en affection et il me fit faire une cabane dans sa chambre, ce qui me fit un peu plus respecter. Et dans les moments de son loisir, je luy donnois des leçons dont il profitoit très-bien. L'on fit plusieurs prises et dont ma capitainerie du canot qui aloit toujours des premiers au bord des dites prises dont je seut en profiter, me procura de bonnes nipes, dont au retour de notre campagne j'en fits de bon argent, et je m'équipay très-honnestement et modestement et donnois à garder tout mon petit butin à Madame Delatre son épouse; ils n'avoient qu'un enfant qui mourut, n'ayant plus d'espérance d'en avoir enssemble quoy qu'encore jeunes. Ils me prirent tous deux sy fortement en affection, qu'ils m'obligèrent de loger et manger chez eux en me disant qu'ils n'avoient d'autre enfant que moy, ainssy j'avois toute la soubmission et complaisance possible pour eux.

En octobre 1673, notre commandant M. le Panetier receut ordre de rarmer promptement son escadre sur des advis que la cour eut que les Holandois attendoient le retour de plusieurs de leurs vaisseaux venant des Indes Orientalles sur quoy M. Delastre de son chef m'honora du poste de segond lieutenant. Je prenois tous les soins possibles à bien remplir mon devoir et de plus sur la navigation et en sondant quatre et cinq fois par quart, écrivant ponctuellement les brasses d'eau et les fonds des sondes à connaîstre les courants des marées qu'il me dits plusieurs fois: Vous vous fatiguez trop et laissées faire cela à nos pilotes qui sont gagées pour cela, c'est leur office, et je continua. Trois semaines après notre départ, étant sur le banq aux Dogres, nous avisasmes deux vaisseaux sur lesquels nous donnasmes la chasse, et en étant aprochées nous les reconusmes estre les convois de Hambourg avec lesquels nous avions aussi guerre. L'un avait 66 canons, l'autre 54. M. notre commandant n'avoit que 36 canons sur la Droite et nos autres frégates 30 et 24 et nous 18; les forces étaient fort inégalles, et particulièrement la mer qui étoit agitée, nous ne pouvions les aborder sans nous briser comme le pot contre le rocher, cependant nous les suivions hors leurs portées de canons espérant avoir plus de calme, et ils nous conduirent en fesant leur route jusqu'à l'entrée de la rivière d'Elbe, l'entrée de Hambourg.

M. le Panetier se démontoit de les voir nous échaper, prit résolution que nous les fussions attaquer et nous y fusmes à portée du mousquet, malgré leur décharge de leurs gros canons qui nous brisoient an pièces, le vent et la mer s'augmenta et ne pusmes les aborder. Nous perdismes 148 hommes sur notre escadre, sans plus de cent estropiés, où j'euts pour ma part le bras droit rompu en deux par un éclat, qui me prit au travers du costé et me culbuta en bas du château d'avant où j'étois pour sauter à l'abordage; il nous falut abandonner la partie. Nous fusmes ensuite vers le cap Derneuf, coste de Norvègue; nous y trouvasmes une flotte de Holandois de la mer Baltique, chargée de froment qui étoit très-cher en France, et nous n'en prismes que vingt et deux navires; leurs convois se sauvèrent et la plus grande partye dans un havre de Norvègue et nous amenasmes à Dunquerque les 22 navires, qui y causèrent bien de la joye et mesme jusque dans Paris.

Nous trouvasmes le fameux M. Jean Bart qui venoit de recevoir son brevet de lieutenant de haut bord50 auquel le Roy luy donna le comandement de la frégate l'Alcion de 40 canons, avec quatre autres frégattes légères formant son escadre de cinq bâtiments, lequel étoit prêt à sortir du Port, et il me fit l'honneur de me demander pour son segond lieutenant. Je n'étois encore bien guéri de mon bras ny de mon costé, je m'excusay sur cela, et que je ne ferois rien sans l'agrément de M. de Lâtre auquel je devois tout. M. Bart en fit ma cour à M. de Lastre et luy dits: «J'aurey plutots finy ma campagne que vous ne serez prets à sortir; je vous rendray Doublet au retour.» Le soir je rentray chés mes bons hostes pour souper, et je ne leur dits rien de la proposition, et sur la fin du repas, la dame me dits: «Je ne vous croyois pas sy dissimulé vous voulez aller avec Jean Bart et quiter mon mary.»

Je paru estonné crainte que M. Bart n'eut dit que c'étoit moy qui l'eut sollicité. Et M. de Latre prit la parolle et dits: «Non c'est M. Bart qui l'a demandé et a fait une honeste responsce, qui me fait augmenter l'estime que j'ay pour luy. S'il étoit bien guéri, je luy consseillerois d'y aler pourveut qu'au retour il revienne à moy et j'ay mesme donné mon consentement à M. Bart.» Et je conssentits.

Le 9 janvier 1674, nous sortismes les cinq frégates du Roy avec trois autres frégates de particuliers et le 20e du mesme mois nous prismes une grande flûte holandoise venant de Moscovie, richement chargée, et après quoy nous rencontrasmes le gros de la flotte des bleds que nous avions fait relascher avec M. le Panetier et nous donnasme sur les deux convoys, l'un de 40 et l'autre de 24 canons que nous prismes et toute la flote de 36 grosses flûtes que nous aconduismes au port de Dunquerque ce qui redoubla les joyes des peuples, et les bleds diminuèrent bien de leur haut prix, et notre campagne ne fut que 37 jours. Nous trouvasmes à notre arrivée l'escadre et M. le Panetier en état de reprendre la mer, et M. le marquis Damblimonts chef d'escadre et commandant à Dunquerque avoit obtenu de commander l'Alcion dont il démonta M. Bart, et on luy donna la Serpente de 36 canons, et M. De Lastre monta la Sorcière de 30 canons formant cete escadre de M. Le Pannetier de 8 frégattes et M. De Lâtre me prits avec luy comme il étoit convenu, et je fus son premier lieutenant. Nous sortismes le 5 de mars pour aler aux isles Orcades et celles de Féroe, tout au nord d'Ecosse, espérant d'y rencontrer les vaisseaux venant des Indes Orientales. Mais après avoir bien essuyé des tempestes sans rien trouver, nous fusmes à la grande ille de Hitlant51, ou il y a de très bons hâvres de toutes marées pour nous y espalmer, nos batiments étant très-sales et ne marchoient plus, et là nous y aprismes que les Indiens que nous cherchions y avoient passé il y avoit dix jours et devoient être rendues en Holande. Notre commandant s'arrachoit la barbe de dépit. Ce pays d'Hitlant est habité par des Ecossais tous galeux comme des chiens; il ne vivent que presque tout poisson et de mauvais pain d'orge et d'avoine; ils ont quelques troupeaux de moutons et chèvres, la laine ets métisse dont ils font de gros bas et habillement; ils appellent ville de méchantes bourgades, pauvres maisons basses où leurs bestiaux sont enfermés avec eux et ils puent comme des boucs; leurs chevaux ne sont pas plus haut que des bourriques ayant une grosse teste, et mal faits de corps, ainsy les beufs et vaches; ils peschent quantité de morues qu'ils font seicher sans sel, à la gelée, quils nomment Stocfit ou poisson en baston; les testes étant bien seichées et les harestes ils les broyent et en donne à menger à leurs bestiaux en guize d'avoine; il n'y a aucun arbre de quoy faire un menche à baley, etc.

Je reviens à nostre voyage. Lorsque les frégates furent espalmées M. Le Pannetier nous fit remettre à la mer, et fusmes entre le banc des Dogres et le Welles, et d'un beau calme convia tous nos capitaines à disner et pour tenir consseil; et dans le repas l'on parla de la grande ignorance de nos pillotes pour les bancs, qui ne savent lire ny écrire et seulement d'avoir esté sur les bateaux pescheurs aux harancs, disent conoistre les fonds, M. De Lastre dit bonnement: «J'ay mon lieutenant qui est de Honfleur, qui en quatre ou cinq campagnes que je l'ay avec moy, et cete dernière avec M. Bart. Je croy qu'il a marché soubs les eaux tant il en conoit les fonds, et rend mes pillotes toujours confus, mais aussy il a pris bien des peines à sonder souvent quelque froid qu'il fît et toujours écrit.» M. Pannetier luy dits: «Comment l'apelez-vous?» Et il me noma et dits: «Je say ce que c'est. Son père a esté mon amy; envoyez-le chercher, je le veux entendre.» Le conseil détermina que pour sauver les fraix de notre armement que l'escadre seroit divisée en deux, et que celle de M. Baert iroit vers Jarmuth prendre tout ce qu'il trouveroit des pesheurs de harenc holandois, et que M. De Latre seroit avec M. Baert et les deux autres moyennes frégates, que pour luy avec les trois autres il aloit aler à Gronland dans les glaces chercher les baleiniers. Ce fut le coup fatal pour mon capitaine et moy quand je paru et que le commandant m'ordonna d'aler sur le champ apporter à son bord mes hardes et qu'il auroit bien le soin de moy et au retour me feroit avoir un brevet; nous eusmes beau nous deffendre, luy avec un: «je vous ordonne de la part du Roy,» il fallut obeir quoy qu'à contre cœur. Il me donna une chambrette et sa table, et je fut bien mieux que je ne m'étois attendu, quoy que regrettant toujours mon cher et premier capitaine. C'étoit au commencement de juin que nous fusmes arrivées à Spitbergue soubs les 72 degrez latitude Nord, pauvre pays bien froid, et sans aucuns aliments, et sans aucun autres peuples que de pauvres Norvégiens, et sous la domination du Roy de Danemarc. Nous fusmes autour du Gronland parmy les glasses affreuses; nous prismes dix navires hollandois, dont à peine en fismes les chargements de deux, qui étoit lard des balaines et quelques fanons et nous bruslames sept, et un qu'on donna pour reporter les équipages dans leur pays; les Maloüins y avoient esté qui avoient pis que nous, et en faisant notre retour nous prismes au Nord d'Ecosse un navire holandois de 24 canons venant de Portugal richement chargé, et on nous aprits que M. Baert avec son escadre avoit emmené trente deux bus ou flibots holandois et leurs deux convoys; ainsy le Roy gagna à ces armements.

Lorsque nous fusmes désarmées et bien payées, je futs obligé de reprendre auberge chez M. de Latre et je luy dits que mon dessein étoit d'aller quelques mois chez M. Denis, prestre et géografe du Roy à Diepe52, affin de me perfectionner davantage avec un aussy habil homme. Il eut paine à y conssentir, me demandant sy je voulois tenir l'école de Marine. Je luy dits que ce n'étoit pas ma pensée, mais que je peuts devenir estropié et que cela me pouroit servir, et conssentirent à mon départ que je les ferois gardains de mon butin pour m'obliger à retourner avec eux. Je leur fit aconnoistre qu'il n'y avoit pas dautres moyens de me dégager d'avec M. Le Panetier, qui me dits au désarmement qu'il me retenoit pour la prochaine campagne, et ils m'aprouvèrent très-fort.

Je fus à Diepe trouver M. Denis, et m'acordé avec luy de me recevoir en pension à sa table, couché et blanchir moyennant cinquante livres par mois et me fournirait les livres nécessaires. Il me comença par les principes de la Sphère, les marées, les hauteurs, le quartier de réduction et l'échelle angloise, etc., que je savois parfaitement, ainsy que les sinus, tangentes et lorgaritsmes. Sur quoy il me demanda ce que je venois faire chez luy ayant autant de théorie et d'en savoir les pratiques. Je luy dits que je me voulois perfectionuer avec un aussy habile maistre; ainsy il eut la bonté de ne me pas épargner ses soins. Il m'aprit les triangles sphériques et les éllements d'Euclides et les calculations en moins de trois mois, que je voulus le quiter n'ayant pas dessain de m'établir maitre géographe, n'y voulant borner ma petite fortune. Et dans ce tems là, juin 1675, je receu une letre de M. De Lastre, qui me donnoit advis que l'on réarmoit l'escadre, et que M. Le Pannetier luy ordonnoit de me faira retourner pour aler avec luy. Cependant je ne savois à quoy m'en tenir. L'envie d'aler gagner de quoy et ne pas dépençer ce que j'avois me fit donner lecture de ma lettre à M. Denis et demander à compter. Et il me dits: «Qu'alez-vous faire? vous alees quiter dans un tems où vous faites bien; croyez-moy, Monsieur, demeurez encore deux à trois mois; vous n'avez fait que dévorer ce que vous venez d'aprendre trop promptement pour bien retenir; servez-moy comme un prévots de sale à mes écoliers, cela vous fortifiera à fonds, et je ne veux rien de votre pension; ce n'est point l'intherest qui me commande et je trouveray moyen d'éviter d'aler avec M. Pannetier.» Je luy dits que sy je luy faisois plaisir que je resterois en continuant de payer la penssion. Il répliqua: «Vous m'obligerez infiniment en restant, car vous me soulagerez un casse teste avec ce nombre d'écoliers dont la pluspart ont la teste dure comme la pierre.» Enfin je restay encore trois mois; ce qu'ayant apris mondit sieur le Pannetier montra à M. De Lastre un brevet de lieutenant de frégate qu'il m'avoit obtenu et luy dits: «Puisqu'il n'a voulu s'embarquer avec moy, je le donneray à un autre qui en sera bien aise.»

Et lors qu'au bout de mes six mois de penssion dont j'en avois payé trois, en quitant je vouluts payer les trois autres, il me futs de toute imposibilité de les faire prendre, ny mesme par la sœur de M. Denis qui me proposa qu'avant de la quiter que j'euts à soufrir les examents et me faire recevoir à l'admirauté pour pillote et que cela ne me dérogeroit en rien ains au contraire, et que je luy ferois plaisir et honneur et qu'il en payeroit la dépence. Sur quoy je luy dits quil me l'avoit plus que payée et que je le satisferois en tout ce que je pourois, et fus terminé que trois jours enssuite l'assemblée s'en feroit. Il convia pour moy quatre anciens capitaines et 4 pillottes, qu'ils me quiestionnèrent de tous costés, et à leurs aprobations je fus enregistré devant Mrs de l'admirauté. Après quoy nous fusmes tous disner chez M. Denis, qui étoit prestre et n'auroit voulu entrer en auberge, et ne conssentit que je payats que ce qui étoit venu de chez le traiteur et rien de ce qu'il avoit fourny de chez luy. Je creut partir le landemain ayant disposé mon porte manteau, et luy et Madame sa sœur m'arestèrent pour le landemain en disant qu'il faloit que je leur aidats à manger ce qui étoit resté du repas, et à nostre séparation ce fut des amittiez et tendresses réciproques.

Je me rendis à Dunquerque pour la veille des Roys, 1676, chez mon ancien capitaine où nous régalasmes avec les parents et amis, et me conta qu'à sa dernière campagne une de leur frégate périt sur le banc des Ysselles, et que toute l'escadre y penssa périr par l'ignorance de leurs pilotes, et que M. Le Pannetier avoit bien pesté de ce que je n'étois avec luy et qu'il me conseilloit pas de paroistre sitots devant luy, et que luy il avoit quelques propositions à me faire et me tint deux jours en suspend, après quoy il me déclara que par le moyen de ses amys il me vouloit faire capitaine d'une jolie frégate de 14 canons nommée la Diligente. Je luy dits que j'étois tout à lui et ferois tout ce qu'il jugeroit à propos, cepandant que je serois fort aise de continuer soubs son comandement, et il me dits: «Je le voudrois bien, mais M. le Pannetier vous en ostera, et ne vous fera plus d'avance étant piqué contre vous, et lorsque vous serez capitaine en chef hors de sa dépendance il ne pourra plus vous nuire». Ainssy il s'intéressa sur la Diligente et me fit agréer par tous les autres intéressés, et après quoy je fus saluer M. l'intendant et M. Le Pannetier, qui me demanda d'où je venois, et que j'avois perdu à être lieutenant de frégate du Roy, qu'il en avoit obtenu le brevet, et que par mon absence il avoit fait placer M. Domain, mais qu'il n'y avoit rien de perdu et que faisant une ou deux campagnes avec luy il récupéreroit ce poste. Je luy dits que j'étois fasché de ne pouvoir plus aller soubs son commandement, et que j'étois engagé pour commander une frégatte que des particuliers m'avoient donnée et qu'ils m'avoient fait venir de Diepe pour le subjet. Il dits: «Cela est beau de quitter le service du Roy pour des particuliers». Et je me retiray avec profonde révérence.

Je sortis du port le 14 février (1676) avec 92 hommes d'équipage et fut croiser vers le Texel et le Vlye qui est à l'entrée et la sortye des bastiments d'Amsterdam, mais j'en fus chassé par des navires de guerre, et je futs à l'ouvert de la baye de Hull au nord d'Angleterre et dans le dessain d'entrer dans la dite baye quoyque très-dangereuse pour ses bancs de sables, mais il en sortoit deux moyens bâtiments que je prits tous deux chargés de charbon de terre; l'un en outre avoit 60 saumons d'étain et 150 de plomb, et l'autre 20 saumons d'étain et 100 de plomb et trois balots de bayette ou flanelles, et les amarinois pour Dunkerque. Et étant au travers de l'Ecluse une frégate qui sortoit de Flesingue de 18 canons voulut m'aracher ma proie, je fis dépasser mes prises en avant de moy et je l'atendis pour la combattre avant qu'elle les peut atraper pour leur donner loisir à s'échapper, et elle m'attaqua vivement et sans m'oser aborder, nous nous chamaillasmes près d'une heure, et elle fut désemparée de son petit mât d'hune. Je tins ferme et s'étant raccomodée elle revint à la charge et sa grande vergue luy tomba, faute à elle, des précautions qu'elle devoit prendre, et je me trouvay blessé au costé gauche de la teste par un coup de fusil, et dont il n'y eut que les chairs emportées et l'os effleuré, à ce que reconnut mon chirurgien par une esquille qu'il en retira, et je ne m'aperceut de ma blessure qu'après le combat et que j'étois remply de sang, j'eus quatre de mes hommes tuez, deux estropiez, l'un d'un bras et l'autre de la cuisse cassée et six moyennement blessés, dont j'étois le 7e. Je courois après mes prises qui avoient déjà dépassé une lieue d'Ostende, où je craignois le plus, il se trouva une corvete de quatre canons sortye de Nieuport qui enleva la plus petite de mes prises avant que je les eût pu joindre et auroit enlevé l'autre sy je m'étois trouvé à tems de l'en empescher; je la conduit au port où il falut que j'entras avec ma frégate pour la raccomoder des coups de canons qu'elle avoit reçeus et pour me faire guérir et mes blessés.

Pendant mon absence dans ce petit voyage il y eut une lettre de Holande à mon adresse à la poste; elle fut portée à M. l'Intendant de la marine, et comme étant un peu rétably de ma playe je le fus saluer. Après quoy il me demanda quelle habitude et relation j'avois en Hollande et avec quy, étant en guerre. Je luy dits que j'avois paine à savoir de quelle part elle me venoit, excepté M. de Ruiter avec lequel j'avois lié amittié en Angleterre. Il la demanda à son secrétaire et me la rendit cachetée dizant: «Voyons ce que l'on vous écrit.» Je lui redonnai sans l'ouvrir, et il me dit: «Ouvrez et la lisez haut.» Je la leut et luy donnai à voir si je n'avois rien déguizé. Elle contenoit de ce que j'avois esté longtemps sans luy écrire et bien des honnestetés et ammittiez et m'ofroit de l'aller trouver, il me procureroit ma fortune en me marquant entre autre que si je n'étois pas pourvu, que j'eus à l'aller trouver et qu'il étoit dans l'état de m'avancer et me donner le commandement d'un vaisseau des Etats. Sur quoy M. l'Intendant me dit: «Voudriez-vous prendre les armes contre le Roy et estre traitre à l'Etat.» Je protestay que non: et il me dits: «Je vous défends d'avoir plus de commerce de lettre avec ce M.» Je lui demanday seulement la permission que je peuts répondre cette fois à ces honnestetez et le prier de ne me plus écrire que la guerre ne futs finie et que cela me feroit préjudice et que je donnerois ma lettre à son secrétaire pour lui communiquer avant de l'envoyer, ce qu'il trouva bon.

Après estre bien guéry et ma frégate bien redoublée et renforcé mon équipage, je sorty du port le 26 de mars et fut droit à l'entrée de la Tamise, entrée de Londres, et le surlandemain je fus bien chassé par deux gardes costes d'Angleterre lesquels nous penssèrent faire périr à force de porter les voilles d'un tens de neige et très rude, et nous avions déjà trois pieds d'eau dans nottre calle quand j'arivé à la rade de Dunkerque où ils m'abandonnèrent, et deux jours après je repris la mer et fut croiser, sur le banc des Dogres où j'en prits un qui avait quarante-deux barils de morue blanche salée; je l'envoyai au hazard par dix de mes gens et arivèrent heureusement. Six jours après je pris un flûton d'environ 90 thonneaux venant de Portugal avec du sel, 28 pipes d'huille d'olive, 6 balles de laine lavée, et de plusieurs caissons d'orange et de citrons, et je la conduits heureusement à Dunkerque. Nostre biscuit se trouva gasté dans la soute par la grande eau que nous eusmes lorsque les Anglois m'avoient chassé cy-devant, il me fallut rentrer et désarmer la frégatte. Je ne pus réquiper ny sortir avec ma frégatte qu'au 10 octobre parcequ'il nous fut fait deffense à tous les particuliers d'engager aucun matelots que M. Bart n'eut acomply les équipages de son escadre, et après quoy je fits en peu de temps la mienne, ainsy que deux autres frégates de mes confrères, et sortismes de compagnie et douze jours après nous fusmes très mal traités des tempestes, qui nous séparèrent. Je couru vers les costes d'Ecosse en vue de trouver quelque abry au risque d'estre prisonnier de guerre plutots que de périr, mais le vent cessa après neuf jours de tourmente; j'aperceu un moyen navire sur le soir et je fits semblant d'aler une autre route que luy. Et aussi tots qu'il fit bien nuit nous redonnasmes après luy à petite voilure; et au clair de la lune, sur les 4 heures du matin, nous en eusmes connoissance, et ne l'aprochasmes pas plus près, et le jour venant nous fusmes après iceluy, que nous prismes sur les neuf heures, et c'étoit une grande barque que les Flessinguois avoient prises sur notre nation venant de l'ille Madère, chargée de grosse écorce de citrons confits et du vin; je la conduisois jusqu'au travers de la Meuze où je futs rencontré par deux frégates de Zélande, l'une de 24 canons et l'autre dix-huit, qui coururent droit à ma prize et s'en empara et celle de 24 me batoit en ruine et m'aborda et ne sauta que 3 de ses hommes dans nous, et nous décrocha ayant son mât de beaupré rompu à l'uny de son étrave, je luy donnay la décharge de nos canons et de mousqueteries, et celle de 18 canons étoit trop soubz le vent pour nous ratraper, j'eus huit hommes tuez et 15 à 16 blessés, sans estre estropiés, et il nous falut rentrer au port bien batus, et sans prise; nous y aprismes qu'un de ceux qui avoit sorty avec nous avoient péry corps et biens, et que l'autre étoit revenu sans rien faire à sa course, ayant penssé aussy périr par la tempeste que nous eusmes.

En mars, 1677, je ressorty avec ma mesme frégatte; je fits plusieurs moyennes prises que j'envoyois par mes gens, n'étant de valeur, et elles furent toutes reprises; je parcouru aux costes de Norvègues sans y rien trouver, et m'en revenant pour désarmer je rencontré plusieurs navires marchands holandois, lesquels avoient trop de force pour que je les peus ataquer, étant affoibly de mon équipage par les petites prises dont j'ay parlé; cela me dégousta de retourner avec un navire d'aussy peu de force, me ressouvenant des hazards que j'y avois encourus, et lors que je l'eus désarmée, je remerciay MM. les inthéressés par l'advis de mon ancien capitaine qui me promit la place de second capitaine avec luy sur la frégate de 30 canons, dans l'escadre de M. Pannetier qui comandoit l'Etroitte de 40 canons.

Nous sortismes six frégates sur la fin de may, nous fusmes cinq mois à croiser sans avoir encontré ny fait rien de remarquable, et après quoy l'on nous désarma tous à notre retour.

En juillet 1678 la cour ordonna à Mrs Le Pannetier et Bart de r'armer et de se diviser en mer leur escadre, je retournay avec mon premier capitaine. Nous fusmes aux iles Orcades entre Fulo et Faril y atendre les Indiens dont on avoit advis de leur retour pour Hollande, mais Mrs les Etats toujours bien advisés, avoient envoyé audevant plusieurs galiotes bonnes voilières avec des pilotes costiers pour les bancs et des rafreschissements et vivres, nous donasmes plusieurs chasses sur ces galiotes sans en pouvoir atrader; cela nous tira du bon parage où nous étions. Et y ayant retourné nous aprismes par un bateau pescheur de ces illes que la flotte de dix de ces vaisseaux avoient passé il y avoit trois jours, et que par les maladies ils avoient bien perdu de leurs équipages; nous courusmes après jusqu'à l'ouvert du Texel sur le Bree Vertin sans rien trouver, cela nous unis tous en consternation. Les vivres aloient nous manquer et prêts à nous en retourner, lorsque sur le banc des Dogres, nous aperçusmes deux gros navires, nous creusmes estre quelque Indiens, nous les atrapasmes en peu de tems à portée de nos canons et ils furent bientots rendus. C'étoit deux pinasses de 7 à 800 thonneaux, avec un 36 canons et l'autre 30, lesquels venoient de Suirinan et Curassao chargés de bonnes marchandises comme sucre, indigo, cuirs, rocou et bois du Brésil et Campesche. Nous les escortasmes soigneusement jusqu'à Dunquerque, où nous désarmasmes tous, et on parloit de la paix, et à la fin du déchargement de la grande prise on trouva 26,000 piastres.

Mr Bart avoit rentré au port huit jours avant nous, et y avoit amené 20 buschs avec du haran et en avoit fait brusler 32 et enleva aussy leurs convois qui étoit le Mars de 40 canons, et le Prince Peerts de 24. Le Roy ne faisoit ces armements qu'en vüe de faire crier les peuples d'Hollande en détruisant leurs flotes des marchands et de la pesche de leurs poissons qui est d'un profit considérable pour la Hollande, et par ces pertes les provoquer à demander la paix.

1679. L'on eut la nouvelle de la paix avec la Hollande et Angleterre. Les deux dernières prises que nous avions amenées étoient d'un trop grand port pour nos marchands de France, le conseil ordonna de les envoyer à Lisbonne en Portugal pour les y vendre, étant très-propres pour les voyages du Brésil; Mr de Latre eut cette comission de les conduire et de les vendre, et un parent de Mr Bart nommé Corneille Bart comandoit l'autre soubs les ordres du dit sieur de Latre qui me prit pour son segond, et nous partismes de Dunkerque vers la fin de février n'ayant que du lest et un simple équipage seulement pour amariner, et nous arrivasmes devant Lisbonne le 21 mars et peu à peu nos capitaines congédioient nos équipages, pour en épargner la dépence. Mr Desgranges pour lors consul de notre nation et comissaire de marine pour le Roy eut ordre d'en procurer la vente, et il me pria de dresser les inventaires de ce que contenoit les agreits et ustencilles de chaque navire en son particulier, et sy j'avois creu les mauvais consseils j'aurois mis de mon costé à l'écart pour plus de cinq cents pistoles, que cela n'auroit en rien diminué la vente, et qu'on m'offroit et à mon capitaine de nous les transporter à couvert. Je le vits un peu dans ce penchant et luy dits famillièrement: «Qu'avons-nous de plus cher et plus précieux a consserver, que l'honneur?» Sur quoy ayant réfléchy, il me dits: «Mon enfant, tu as bien raison, je t'ay estimé et t'estime d'avantage.» Et je travaillé exactement et très-fidellement aux inventaires, et l'on fut plus de trois semaines à nous acorder du prix que Mr Desgranges en souhaitoit. Les marchands portugois ne marquaient pas d'empressement à leurs offres, ce qui déconcertoit un peu nos Mr. Je leurs dits que j'avois en penssée une ruze qui m'étoit venue en l'esprit, qu'il faloit faire sourdement coure le bruit que les marchands de Cadix en ayant eu advis qu'ils en faisoient offrir plus de quinze mil livres qu'on ne nous en offroit, et faire remettre les mâts d'hunne et les voilles en état d'apareiller, et tirer les expéditions pour sortir du port. La choze fut trouvée bonne, et nous travaillasmes à nous réquiper, on nous offroit déjà mil cruzades de plus et puis encore 500. Je dits: «Il faut aler plus haut; il faut faire dessendre nos vaisseaux à Blem53 qui est la sortye, et au pis aler nous concluerons.» Et deux jours après comme nous étions soubs les voilles, il vint à nos bords une chaloupe avec un ordre de Mr Desgranges de remonter à nos places, sur ce qu'il avoit conclu le marché des deux navires. Nous ne pouvions remonter à cause de la marée que nous avions atendu baisser pour nous dessendre; nous mouillasmes les ancres et dits à Mr Delastre: «Alez trouver Mr le consul et luy demandés s'il a penssé à notre chapeau54 et que ne l'ayant fait il fasse savoir à ces acheteurs que nous ne conssentons à la vente et que nous irons à Cadix.» Et il conduit Mr de Lastre chez les marchands où ils s'expliquèrent, où nous obtinsmes six cents cruzades de chapeau valant douze cents livres, que nous partageasmes en trois et nous remontasmes le lendemain à marée montante, et secrètement Mr le Consul me donna cent cruzades pour mes paines des inventaires et pour l'advis que j'avois donné. Je présentay mes cent cruzades à mon capitaine, lequel n'en voulut rien prendre et dits seulement: «Mr le Consul devoit honnestement me les délivrer pour que je vous les euts présentées.» Puis l'on me paya mes gages, et Mr Delastre me dit: «Il nous faut chercher un passage pour retourner enssemble à Dunkerque où nous verons ce que nous ferons pour l'advenir.» Mr le Consul nous engagea nous deux à souper chez luy, car l'autre capitaine étoit une vraye cruche pour ne pas dire beste; sur la fin du repas Mr Desgranges me demanda si je me proposois de retourner en France, lui disant que ouy, et: «Qu'alez-vous faire au commencement de cette paix où l'on ne sait encore que entreprendre?» Mr De Latre prit la parolle: «Il ne sera pas désœuvré.» Et Mr Desgranges me dits: «Sy vous voulez commander icy une caravelle où j'ay intérêt, nous luy avons depuis peu fait la poupe en frégate et mastée aussy de mesme elle est bonne voilière, mais elle n'a que six canons et autant de périers, voyez là; elle est placée devant St-Paul.» Et je luy demandai au lendemain pour luy répondre, afin de savoir les sentiments de mon amy et capitaine qui eut la bonté de m'acompagner à en faire la visite. Je la trouvois à mon gré excepté son peu de déffence contre les Saletins où l'on est fort exposé; mon capitaine m'en représentoit les dangers pour m'en dégouster, et il me reconnu y avoir du penchant. Il me dits: «Vous en ferez ce qu'il vous plaira.» Je futs retrouver Mr Desgranges pour luy demander à quel voyage il destinoit. Il dits pour aler porter des sucres à Bilbaots et raporter du fer et autre choze. Je vouluts aussy savoir soubs quel pavillon et passeports. Il me promit que ce seroit soubs ceux de France, car soubs pavillon de Portugal je n'aurois pas acxepté. Nous convinmes pour mes gages, ainsy je me séparay de mon capitaine et fits en peu de jours mon équipage et chargement, et fit heureusement le voyage de Biscaye et retour à Lisbonne, et après avoir fait ma décharge l'on m'en proposa un segond et pareil, mais lequel ne fut pas tout à fait aussy heureux, car j'échapay belle d'estre esclave par deux frégates de Saley: lorsque je faisois route pour Biscaye, étant au travers de Tamina, en vue des isles de Bayosne en Galisse, j'aperceus les susdites frégates, qui me donnoient la chasse. Je reviray de bord et prits la fuitte pour me sauver dans la rivière de Vianna55 et où la barre y est périlleuse, et par malheur la mer y avoit baissé d'une heure et demie; je mits tout au hazard de la vie pour la liberté, car j'étois fort empressé puisque leurs mousqueteries nous frapoient à nostre bort que j'euts mon contre-maistre blessé à la cuisse et un gros dogue que j'avois qui fut tué. Je resté seul sur mon pont à faire gouverner, et j'entray entre deux rochers par-dessus la barre; les pilotes du lieu n'osoient m'aprocher avec leurs chaloupes à cause des boulets de leurs canons qui me surpassoient, mais la forteresse de Vianna tira plusieurs coups sur ces pirates qui les écarta au large, mais par la marée trop basse, je ne peus entrer assées avant dans le port et mon navire échoua presqu'à sec, dont il souffrit beaucoup, et que je le creu perdre et les sucres, car je futs avec la chaloupe tout autour en faire la visite et je remarquay plusieurs coutures entre ouvertes dont l'étoupe en sortoit et point de secours des gens du pays, je me fis aporter des chandelles de suif qui étoient molasses par la chaleur et dont je les couchois en long, les écrasant avec mes pouces dans les coutures et les bouchoirs par ce moyen, et lorsque la marée fut au deux tiers montée mon navire se dressa et flotta, et les coutures se resserèrent sy fort que toutes mes chandelles parurent sur l'eau et que je ne m'arestay pas à les represcher, mais bien à faire pomper deux pieds d'eau qui avoit entré dedans ma calle dont le premir rang d'en bas des caisses de sucre fut endommagées et nous entrasmes au port proche de la ville, quoyque petite qui est une des plus agréables que j'ay vues, étant pavée par de grandes pierres de taille blanche et grisâtes, et à toutes les places de très belles fontaines bouillantes à triple rang et qui maintien une grande propreté des rues. Je fis connoissance avec Mr Michel de Lescole56, parisien et ingénieur en chef du roy de Portugal, lequel finisoit de fortifier cette ville. J'y fis aussy connoissance avec Mr le Marquis Desminas57, gouverneur des frontières, et dont le fils est aujourdhuy généralissime des armées du Roy de Portugal. Je fus 15 jours avant de pouvoir sortir du dit port, et faisant route pour Bilbao, le travers du Cap Pinas, à un petit matin, j'aperceut un navire qui aparament ne me vit pas; je seray de bord et au jour il me chassa vivement. C'étoit un de ceux qui me fit entrer à Vienne; je poussay au hazard dans la barre des Ribadios dont j'étois proche, et trois jours après je reprits ma route et arrivey à Portugaletto au bas de la rivière de Bilbao, et ensuite montay à St-Mames à demie lieux proche la dite ville qui est encorre très-agréable.

47

Ce capitaine, quoique chirurgien de son métier, avait appris l'art de la navigation dans ses voyages maritimes. En 1673, âgé de 28 ans, il commandait une frégate de 10 pièces de canon, équipée de 100 hommes. Arch. de la marine. Service général, corresp. d'Hubert, intendant à Dunkerque.

48

M. Panetié, brave homme et bon manœuvrier, dit M. Jal, devint capitaine de vaisseau le 31 mars 1665 et chef d'escadre le 1er novembre 1689; décédé le 26 avril 1696. Arch. de la Marine.

49

Auberge «où pend pour enseigne le Soleil d'Or,» rue du Puits, à Honfleur (1676).

50

Jean Bart fut fait lieutenant de vaisseau le 5 janvier 1679; capitaine de frégate le 14 août 1686; capitaine de vaisseau le 20 juin 1689. Il fut anobli le 3 août 1694 et nommé chef d'escadre le 1er avril 1697. Arch. de la Marine.

51

Iles de l'Océan septentrional appartenant à l'Angleterre. Les cartes modernes les nomment Shetland.

52

Consulter sur l'école d'hydrographie de Dieppe: De Beaurepaire, Recherches sur l'instruction publique, etc., t. III. – Didier Neuville. Etablissements scientifiques de la Marine (Revue maritime). – Le Dépôt de la Marine, série des Ordres du Roi, 21 novembre 1671, 30 septembre 1672, 4 janvier 1675, 6 janvier et 4 juillet 1679.

53

Belem, bourg de Portugal, sur le Tage, à deux lieues au-dessous de Lisbonne, au devant duquel on voit une tour. C'est auprès de cette tour que les navires mouillaient en attendant leurs dépêches. Doublet écrit indifféremment Blem, Bleum, Balem et Belem.

54

Terme de commerce maritime. Chapeau de mérite, ou simplement et plus ordinairement, chapeau, gratification accordée par convention au capitaine d'un bâtiment de commerce, qui remet à bon port les marchandises chargées à fret. (Littré).

55

Port de Portugal sur la Lima, province de Minho. Quatre lieues au-delà est situé un autre hâvre nommé Ville del Conde, et plus loin se trouve Port-à-Port dont Doublet citera le nom dans les pages suivantes.

56

On trouve dans les registres des Ordres du Roi du dépôt de la Marine plusieurs lettres adressées à cet ingénieur. Voyez notamment à la date du 20 juin 1689.

57

Le marquis de La Mina ou de Las Minas.

Journal du corsaire Jean Doublet de Honfleur, lieutenant de frégate sous Louis XIV

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