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V

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Madame Charles s'était établie dans son fauteuil et avait repris son tricot. Habituée comme elle l'était depuis des années à vivre avec un chat qui n'exigeait pas beaucoup de conversation, elle avait presque perdu l'habitude de parler. Aussi elle laissa la petit garçon s'amuser comme il pouvait. Lorsqu'il eut épuisé l'examen de la chambre et de tout ce qu'elle contenait Charlot se mit à contempler la vieille dame elle-même. De temps en temps ses lunettes glissaient sur le bout de son nez, le mouvement de ses aiguilles se ralentissait, puis s'arrêtait tout à fait, et sa tête tombait sur sa poitrine. Charlot la trouvait très drôle ainsi. Elle avait oublié que le petit garçon était dans la chambre, mais un miaulement aigu de son chat le lui rappela tout à coup. La bonne bête, accoutumée à des procédés tranquilles et bienveillants, ne connaissait pas la défiance; elle avait donc quitté sa place moelleuse sur l'édredon et, se trouvant assez reposée pour le moment, était venue lentement, en se frottant à chaque meuble, auprès du petit garçon qui la regardait venir avec une maligne joie. Minet se frotta aussi contre lui, comme pour lui dire qu'il venait avec de bonnes intentions et comptait sur sa bienveillance. Charlot commença par le caresser pour l'attirer plus sûrement, puis, l'ayant pris sur ses genoux, il se mit à le caresser à l'envers; puis, le tenant ferme, il lui fit subir, malgré sa résistance, une petite opération peu agréable en lui arrachant un des longs poils de sa moustache. Alors, voyant que l'on répondait par de si mauvais procédés à ses avances amicales; le chat fit un violent effort pour se dégager, mais il se sentit retenu par la queue et poussa ce miaulement formidable qui tira sa maîtresse de sa somnolence. Elle se leva en sursaut, le tricot tomba de ses mains, le peloton roula sous un meuble et la vieille dame cria d'une voix sévère:

— Qu'est-ce qu'on fait à mon chat?

— Il m'a griffé, répondit le petit garçon en montrant une goutte de sang qui perlait sur le revers de sa main.

— Tu lui as fait du mal, sans cela il ne t'aurait pas griffé; je connais mon chat, il ne fait jamais de mal à personne, à moins que ce ne soit pour se défendre, et alors il est dans son droit. Est-ce que tu crois que le bon Dieu a fait les chats pour que les méchants enfants les tourmentent?

— Je ne sais pas… répondit Charlot un peu ahuri du ton irrité de la vieille dame.

— Tu ne sais pas!… Eh bien, moi, je sais. Le bon Dieu punit ceux qui font du mal aux pauvres bêtes.

— Est-ce que c'est un méchant monsieur? demanda Charlot.

La bonne dame lui fit répéter deux fois sa question, puis elle leva les mains au ciel…

— Est-ce possible? cria-t-elle, y a-t-il au monde un enfant qui puisse dire une chose pareille? Mais, malheureux, tu es pire qu'un païen!…

Cette accusation aurait pu laisser Charlot assez indifférent, mais il comprenait bien au ton dont elle lui était adressée que, être pire qu'un païen, devait être une vilaine chose. Il resta immobile, l'air déconfit.

Au fond il n'avait pas beaucoup de remords. S'il avait tiré la queue du chat, celui-ci l'avait griffé de la bonne manière: ils étaient quittes. Restait cette mystérieuse accusation d'être pire qu'un païen. L'enfant se la répétait, les yeux fixés sur Minet qui, réfugié près de sa maîtresse, faisait le gros dos et hérissait sa moustache endommagée. Il fallait d'abord le consoler, l'apaiser; on lui prodigua les caresses et les douces paroles jusqu'à ce qu'il fût de nouveau roulé en boule sur le lit et parût avoir tout oublié dans un paisible sommeil.

Alors madame Charles se tourna vers le petit garçon.

— Ecoute, dit-elle en changeant son ton caressant contre un ton sévère, je n'aime pas les enfants qui font du mal aux animaux et qui ne connaissent pas le bon Dieu. Tu peux t'en aller.

Charlot se dirigea sans répondre vers la porte.

La vieille dame eut peut-être un remords de le renvoyer ainsi, car elle le rappela et, le tenant par la main, elle lui dit:

— Rappelle-toi ce que je te dis, Charlot: le bon Dieu te punira si tu fais encore du mal à mon chat.

— Mais il ne le saurait pas, dit le petit garçon qui pensait qu'il aurait un certain plaisir à tirer encore une fois la belle queue de ce chat trop aimé qui était cause qu'on le mettait à la porte.

— Comment?… Il ne le saurait pas… Il sait bien ce que tu as fait… Il t'a vu et il te verra encore si tu recommences.

Charlot regarda tout autour de lui. Il n'y avait dans la chambre d'autre cachette que la grande armoire; madame Charles l'avait ouverte devant lui et il avait pu voir les étagères sur lesquelles étaient rangés, avec un peu de linge, des cartons, des sacs de papier, toutes les provisions de la bonne dame. Où donc quelqu'un pouvait-il être caché? Peut-être il y avait un trou dans le mur et on l'avait vu de la chambre à côté. Charlot pensa que dans leur chambre, à eux, il n'y avait pas de trou et que si jamais le chat y revenait, il pourrait lui tirer la queue tout à son aise, sans que personne le sût. Depuis ce moment il voua une haine mortelle à l'autre Charlot.

Tout en faisant ces réflexions, il retourna auprès de sa soeur qui fut contente de le voir. Elle se trouvait si seule sans lui.

— Ecoute, lui demanda-t-il: sais-tu qui est le bon Dieu?

— Pas très-bien, répondit Petite mère, je sais seulement qu'il demeure très loin, tout là-haut, plus loin que les nuages, et portant il entend ce que nous disons, puisque notre maman m'a dit de lui demander tout ce que je voudrais avoir.

— Alors il nous voit ici?… dit Charlot, d'un air réfléchi.

— Peut-être…

— Est-ce qu'il y a un trou au plafond? demanda le petit garçon en levant les yeux.

— Oh! non, parce qu'alors quand il pleut la pluie tomberait dans la chambre.

— Je ne comprends pas… Mais, pense donc, Petite mère, il aime beaucoup mieux les chats que les enfants.

— Comment le sais-tu?

— La vieille dame a dit qu'il me punirait parce que j'avais tiré la queue de son chat; mais le chat m'a griffé, et au lieu de le punir on l'a caressé et on l'a mis sur le lit. Moi, on m'a chassé.

Petite mère ne répondit rien, elle était perplexe.

— Maman disait qu'il est bien bon, dit-elle.

— Eh bien, moi, je ne le crois pas, répondit le petit garçon de son ton décidé. Il n'est pas bon, et si je le rencontre une fois je lui dirai que c'est mal d'aimer mieux les chats que les enfants; je n'irai plus chez la vieille dame, elle est méchante.

— Oh! Charlot, il ne faut pas être ingrat. Elle nous a donné de son pain.

— Oui, dit Charlot, mais pas de son lait… Elle en avait pourtant, et à présent, Petite mère, qui est-ce qui nous donnera à manger à midi?

Petite mère n'en savait là-dessus pas plus que lui; elle baissa la tête tristement et ne répondit pas.

Petite Mère

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