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II

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Le moment était venu de tenir notre promesse et de quitter Clermont. A quelques kilomètres au delà, nous vîmes une banderole de la Croix-Rouge sur une maison au bord de la route. C’était dans un petit pays, le hameau de Blercourt, composé de chaumières et vacheries éparses, et nous nous arrêtâmes pour demander au médecin-chef si sa formation avait besoin d’être ravitaillée.

Pataugeant à sa suite dans une boue infecte, nous passâmes de l’une à l’autre des chaumières dans lesquelles il avait aménagé son hôpital. Ensuite, comme nous regagnions la grande route, il nous demanda si nous voulions visiter l’église.

Il était près de trois heures: sous le porche, le curé sonnait les vêpres. C’était une petite église sans bas côtés et tout le long de la nef étaient alignés quatre rangs de couchettes de bois aux couvertures brunes. Presque toutes étaient occupées. On y avait mis «les plus mauvais cas» du docteur: peu de blessés, mais beaucoup de fiévreux: bronchites, pieds gelés, pleurésies ou autres maladies contractées aux tranchées, trop graves pour permettre de transporter les malades plus loin. Quelques-uns se retournèrent pour nous regarder entrer, mais la plupart ne bougèrent pas.

Le curé, sortant de la sacristie, arrivait devant l’autel, suivi d’un enfant de chœur. Un groupe de femmes, sans doute les seuls restes de la population civile, et quelques-uns des soldats que nous avions rencontrés dans le village, se tenaient entre les rangées de couchettes. Le service commença. Sous la lumière pâle de cet après-midi sans soleil tout était dessiné en demi-tons, noir, blanc ou gris: les malades immobiles sous leurs couvertures de laine sombre, leurs figures livides sur les oreillers blancs, les vêtements noirs des femmes et la brume argentée de l’encensoir qu’agitait l’enfant de chœur. Seuls, les cierges de l’autel, piquant de leurs points lumineux le crépuscule, et accrochant des étincelles à la chasuble de l’officiant, faisaient comme le pâle reflet d’un couchant d’hiver. D’abord on n’entendit que les répons monotones des vêpres; mais tout à coup le curé entonna les premières paroles du cantique du Sacré-Cœur. Les voix tremblantes des assistants se joignirent à la sienne, et bientôt dans toute l’église résonna le refrain:

Voyages au front, de Dunkerque à Belfort

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