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AVERTISSEMENT.

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J’ai cru ne pouvoir mieux témoigner ma reconnaissance envers l’Académie française, qui a couronné mon ouvrage, et son secrétaire perpétuel, qui l’a apprécié avec une si sérieuse bienveillance, qu’en reproduisant, au lieu de préface, les pages que M. Villemain m’a consacrées dans son rapport. Il est trop heureux, il est trop rare de rencontrer dans ses juges une telle autorité, soit. qu’ils approuvent, soit qu’ils blâment, pour qu’on ne se hâte pas d’accepter l’éloge comme une digne récompense des travaux accomplis, et la critique comme un conseil en même temps qu’un encouragement à mieux faire.

Extrait du rapport présenté par M. Villemain à l’Académie

française dans sa séance solennelle du5juillet1849.

Dans un temps déjà bien éloigné par le changement plus que par la durée, l’Académie avait proposé de rechercher les caractères de l’invention originale et l’influence qu’ont exercée sur elle le culte religieux, les institutions politiques, les grands événements, le progrès des sciences, et généralement l’âge de civilisation auquel un peuple est parvenu.

La réponse à cette question spéculative nous est venue. Quatre ouvrages seulement ont été présentés. Un seul a dû fixer l’attention de l’Académie: c’est un mémoire inscrit sous le no2, et portant pour épigraphe ce vers du Dante:

Morti li morti, e i vivi parean vivi.

» L’auteur sans doute n’a pas tout étudié, ni toujours saisi le vrai dans un sujet si vaste et d’une démonstration si délicate; mais il a évité le lieu commun et jugé par lui-même. Connaissant de l’antiquité classique les grandes choses, et familier par l’étude des langues avec quelques régions de ces mondes nouveaux que la littérature a créés dans la seule Europe, il tire de cette comparaison des réponses prises dans l’ordre de la question proposée. S’il donne d’abord de la faculté qui produit l’invention une définition dont les termes peuvent être contestés, il fait habilement ressortir les caractères et les effets de l’invention même par des exemples pris aux points opposés: dans l’idée commune, l’invention de tout le monde, cette matière première de l’imagination, et dans la création accidentelle du poète, dans ce qui est général et dans ce qui est variable, dans la vérité de tous les temps et dans la croyance ou la passion d’une époque, dans l’invention des personnages et dans celle des détails et de la forme.

Expliquant comment l’invention est inépuisable, non dans chaque nation, mais dans l’humanité, il montre que pour aucune nation le déclin n’est une loi d’avance irrésistible aboutissant par des degrés égaux à un terme fatal. Si le génie souvent ne s’est renouvelé qu’en se transférant d’un peuple à l’autre, souvent aussi sur la même terre, dans la même race, il retrouve un âge ou du moins un jour heureux. Tout ce qui sert à la vie des nations rend des chances à la puissance créatrice des arts, et même, quand tout manque, il reste encore le hasard, ou plutôt le don providentiel du génie qui peut naître en dépit et en désespoir de toutes choses.

Mais cet exemple est rare, et ce qu’il fallait rechercher d’abord, c’est la variété des influences sociales qui excitent et secondent l’invention. La Grèce, ses cités et ses îles, son culte semblable, ses lois différentes, et avant tout le merveilleux génie de la démocratique Athènes, fournissent au tableau qu’essaie l’auteur quelques traits aussi bien exprimés qu’heureusement choisis. D’Homère à Théocrite, d’Eschyle à Ménandre, quelle puissance diverse d’invention! Que de rapports de l’imagination aux événements, aux guerres, à la liberté, à la gloire de cette nation grecque une et multiple, accrue par ses divisions et ses rivalités, comme pour offrir sur une même terre et sous un même nom plusieurs formes de génie national, et dans chacune de ces formes les libres créations du génie particulier!

Cependant cette heureuse puissance, qui devait avoir encore de glorieux retours dans la Grèce d’Europe et d’Asie, allait passer à un autre peuple inventeur, d’abord par mutation, comme il fut conquérant, en prenant aux autres peuples leurs meilleures armes pour les manier avec une vigueur et une tactique nouvelles. L’auteur explique bien ce que le génie de ce peuple avait d’individuel en force et en gravité, et comment sa première poésie, quoique inspirée d’Homère, dut être tout historique, et par là fut originale et semblable à lui-même. Si dans le théâtre romain et ailleurs il ne paraît pas assez reconnaître cette empreinte nationale, cette création puissante de formes sous les importations du génie grec, si surtout l’invention de grandeur et de mélancolie que Lucrèce ajoute à la liberté sceptique d’Epicure ne le frappe pas assez, si la part d’originalité du siècle d’Auguste enfin n’est pas marquée dans ce court tableau comme elle doit l’être, on y sent avec force les caractères nouveaux d’imagination que la Rome impériale reçut de ses souffrances.

Rome chrétienne du vivant de l’Empire manque à ce récit. Mais l’auteur, qui la voit partout au moyen âge, essaie de retracer sa suprême influence sur ces temps d’imagination populaire, où tout était poésie, depuis le chant de l’Église jusqu’à l’enfer et au ciel du Dante. Et ce n’est pas sans quelque effort heureux, au moins pour la justesse des vues, qu’il touche à ce grand sujet du moyen âge, tant étudié de nos jours, chaos non de barbarie, mais de civilisation étrange, dont le principal caractère est cette espèce d’unité confuse qui en rassemblait toutes les parties, rapprochait par un symbole commun les génies encore enveloppés des différents peuples, et rendait partout la pensée du poète plus semblable à celle de la foule, faisant du préjugé populaire le fond de l’invention, et de l’invention une réalité présente qui dominait la vie.

Dans ce monde de faits et d’idées, si difficile à parcourir tout entier, l’auteur semble avoir habilement résumé sans admiration paradoxale quelques traits principaux de l’imagination imparfaite et inépuisable qu’avait le moyen âge.

Mais une lumière nouvelle apparaît, et les nations qu’elle éclaire à divers degrés se séparent et se distinguent davantage. L’invention depuis la Renaissance, l’invention devant l’antiquité et devant la Réforme, au midi et au nord de l’Europe, et chez cette nation limitrophe aux deux génies, comme aux deux climats, c’était pour la critique un bien vaste sujet. L’auteur y saisit, entre ces grands peuples modernes qui tous ont eu déjà plusieurs époques dans l’histoire des arts, les grandes différences de l’invention: ici plus générale et plus humaine, là plus locale et plus indigène, ici inspirée par la liberté religieuse et le débat civil, là par lardeur et l’unité de la foi, ailleurs par l’élévation même du pouvoir, et une sorte de liberté noble qu’ont gardée les esprits; ici plus rapprochée du moyen âge, là de l’antiquité, se servant de tout, même de l’érudition, et plus heureuse, selon qu’elle est plus conforme à la vérité durable, celle non d’un siècle, mais de l’humanité.

Lorsqu’il s’approche de ces grands inventeurs en poésie, Shakspeare, Milton, Corneille, Gœthe, il montre comment l’invention change tantôt de sujet et d’idée, et tantôt seulement d’horizon, reprenant à diverses reprises un type qu’elle transforme ou qu’elle achève. Dans cette revue de tant d’immortels souvenirs, dans ce travail pour distinguer la part du temps et celle du génie, le mérite de l’auteur est de comprendre les grandes choses les plus diverses, en aimant surtout les plus naturelles. Expliquant ce qui est indigène, admirant ce qui est universel, il croit que la gloire de la France est surtout grande dans les arts à ce dernier titre, et que souvent son génie a paru cosmopolite parce qu’il était vrai. Il ne craint pas de trouver Racine plus inventeur que Lope ou Calderon, et il l’affirme, non pas en classique d’obéissance et d’habitude, mais comme un esprit indépendant et juste qui revient au sentiment de la discipline et des lois, les jugeant plus fécondes pour la liberté même. On peut le contredire, mais partout on sent le travail d’un homme qui ne veut admirer qu’en y réfléchissant et de ses impressions sait tirer des idées.

Le style est parfois trop empreint de formes abstraites ou étrangères. Mais ce défaut, qui n’empêche pas le talent, ne pouvait être un obstacle au jugement favorable de l’Académie. Elle couronne l’étude et la pensée, et laisse à l’auteur le soin de perfectionner son ouvrage, qui déjà est un livre. L’auteur est M. Edmond Arnould, professeur de littérature étrangère à la Faculté * des Lettres de Poitiers. Si l’on ne peut entendre ici son ouvrage, que du moins l’estime publique accueille un éloge dont bientôt elle sera juge.»

De l'invention originale

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