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Scène 1.I.
ОглавлениеLe public, qui arrive peu à peu. Cavaliers, bourgeois, laquais, pages, tire-laine, le portier, etc., puis les marquis, Cuigy, Brissaille, la distributrice, les violons, etc.
(On entend derrière la porte un tumulte de voix, puis un cavalier entre brusquement.)
LE PORTIER (le poursuivant): Holà ! vos quinze sols !
LE CAVALIER:
J'entre gratis !
LE PORTIER:
Pourquoi ?
LE CAVALIER:
Je suis chevau-léger de la maison du Roi !
LE PORTIER (à un autre cavalier qui vient d'entrer): Vous ?
DEUXIÈME CAVALIER:
Je ne paye pas !
LE PORTIER:
Mais. . .
DEUXIÈME CAVALIER:
Je suis mousquetaire.
PREMIER CAVALIER (au deuxième): On ne commence qu'à deux heures. Le parterre Est vide. Exerçons-nous au fleuret. (Ils font des armes avec des fleurets qu'ils ont apportés.)
UN LAQUAIS (entrant): Pst. . .Flanquin. . . !
UN AUTRE (déjà arrivé): Champagne ?. . .
LE PREMIER (lui montrant des jeux qu'il sort de son pourpoint): Cartes. Dés. (Il s'assied par terre): Jouons.
LE DEUXIÈME (même jeu): Oui, mon coquin.
PREMIER LAQUAIS (tirant de sa poche un bout de chandelle qu'il allume et colle par terre): J'ai soustrait à mon maître un peu de luminaire.
UN GARDE (à une bouquetière qui s'avance): C'est gentil de venir avant que l'on n'éclaire !. . . (Il lui prend la taille.)
UN DES BRETTEURS (recevant un coup de fleuret): Touche !
UN DES JOUEURS:
Trèfle !
LE GARDE (poursuivant la fille): Un baiser !
LA BOUQUETIÈRE (se dégageant): On voit !. . .
LE GARDE (l'entraînant dans les coins sombres): Pas de danger !
UN HOMME (s'asseyant par terre avec d'autres porteurs de provisions de bouche): Lorsqu'on vient en avance, on est bien pour manger.
UN BOURGEOIS (conduisant son fils): Plaçons-nous là, mon fils.
UN JOUEUR:
Brelan d'as !
UN HOMME (tirant une bouteille de sous son manteau et s'asseyant aussi): Un ivrogne Doit boire son bourgogne. . . (il boit): À l'hôtel de Bourgogne !
LE BOURGEOIS (à son fils): Ne se croirait-on pas en quelque mauvais lieu ? (Il montre l'ivrogne du bout de sa canne): Buveurs. . . (En rompant, un des cavaliers le bouscule): Bretteurs ! (Il tombe au milieu des joueurs): Joueurs !
LE GARDE (derrière lui, lutinant toujours la femme): Un baiser !
LE BOURGEOIS (éloignant vivement son fils): Jour de Dieu ! —Et penser que c'est dans une salle pareille Qu'on joua du Rotrou, mon fils.
LE JEUNE HOMME:
Et du Corneille !
UNE BANDE DE PAGES (se tenant par la main, entre en farandole et chante): Tra la la la la la la la la la la lère. . .
LE PORTIER (sévèrement aux pages): Les pages, pas de farce !. . .
PREMIER PAGE (avec une dignité blessée): Oh ! Monsieur ! ce soupçon !. . . (Vivement au deuxième, dès que le portier a tourné le dos): As-tu de la ficelle ?
LE DEUXIÈME:
Avec un hameçon.
PREMIER PAGE:
On pourra de là-haut pêcher quelque perruque.
UN TIRE-LAINE (groupant autour de lui plusieurs hommes de mauvaise mine): Or çà, jeunes escrocs, venez qu'on vous éduque: Puis donc que vous volez pour la première fois. . .
DEUXIÈME PAGE (criant à d'autres pages déjà placés aux galeries supérieures): Hep ! Avez-vous des sarbacanes ?
TROISIÈME PAGE (d'en haut): Et des pois ! (Il souffle et les crible de pois.)
LE JEUNE HOMME (à son père): Que va-t-on nous jouer ?
LE BOURGEOIS:
Clorise.
LE JEUNE HOMME:
De qui est-ce ?
LE BOURGEOIS:
De monsieur Balthazar Baro. C'est une pièce !. . .
(Il remonte au bras de son fils.)
LE TIRE-LAINE (à ses acolytes): . . .La dentelle surtout des canons, coupez-la !
UN SPECTATEUR (à un autre, lui montrant une encoignure élevée): Tenez, à la première du Cid, j'étais là !
LE TIRE-LAINE (faisant avec ses doigts le geste de subtiliser): Les montres. . .
LE BOURGEOIS (redescendant, à son fils): Vous verrez des acteurs très illustres. . .
LE TIRE-LAINE (faisant le geste de tirer par petites secousses furtives): Les mouchoirs. . .
LE BOURGEOIS:
Montfleury. . .
QUELQU'UN (criant de la galerie supérieure): Allumez donc les lustres !
LE BOURGEOIS:
. . .Bellerose, L'Epy, la Beaupré, Jodelet !
UN PAGE (au parterre): Ah ! voici la distributrice !
LA DISTRIBUTRICE (paraissant derrière le buffet): Oranges, lait, Eau de frambroise, aigre de cèdre ! (Brouhaha à la porte.)
UNE VOIX DE FAUSSET:
Place, brutes !
UN LAQUAIS (s'étonnant): Les marquis !. . .au parterre ?. . .
UN AUTRE LAQUAIS:
Oh ! pour quelques minutes.
(Entre une bande de petits marquis.)
UN MARQUIS (voyant la salle à moitié vide): Hé quoi ! Nous arrivons ainsi que les drapiers, Sans déranger les gens ? sans marcher sur les pieds ? Ah, fi ! fi ! fi ! (Is se trouve devant d'autres gentilshommes entrés peu avant): Cuigy ! Brissaille ! (Grandes embrassades.)
CUIGY:
Des fidèles !. . .
Mais oui, nous arrivons devant que les chandelles. . .
LE MARQUIS:
Ah, ne m'en parlez pas ! Je suis dans une humeur. . .
UN AUTRE:
Console-toi, marquis, car voici l'allumeur !
LA SALLE (saluant l'entrée de l'allumeur): Ah !. . . (On se groupe autour des lustres qu'il allume. Quelques personnes ont pris place aux galeries. Lignière entre au parterre, donnant le bras à Christian de Neuvillette. Lignière, un peu débraillé, figure d'ivrogne distingué. Christian, vêtu élégamment, mais d'une façon un peu démodée, paraît préoccupé et regarde les loges.)