Читать книгу De Feu Et De Flammes - Elizabeth Johns - Страница 7
Chapitre Trois
ОглавлениеAu petit-déjeuner, le lendemain, Gavin réfléchit au fait qu’il n’avait pas compté confesser sa situation à ses hôtes. Mais il s’était tenu là, à leur table élégante, discutant de la condition du domaine de son frère, et de sa décision de prendre sous sa tutelle les enfants Douglas et de les emmener vivre avec lui. Il avait été choqué du tour qu’avait pris la conversation, et de la décision de Lady Margaux de s’isoler au domaine écossais de Lord Ashbury. Son aide avec les petites serait définitivement la bienvenue, mais elle semblait être faite pour la haute société chic. Serait-elle vraiment heureuse, vieille fille, vivant dans un domaine éloigné de tout en Écosse ? Il secoua la tête. Il ne savait que peu de choses sur les dames et leurs goûts. Peut-être avait-elle subi une autre déception après Lord Vernon. Elle semblait vouloir honnêtement se retirer de Londres. Lui-même, la haute société l’attirait peu. Il avait une merveilleuse relation avec Lord et Lady Easton, mais il n’avait pas besoin de se mêler à la haute société pour cela. Il savait qu’ils n’étaient pas un exemple typique de ceux qui faisaient partie du beau monde.
Son frère Iain avait maintenu une présence à Londres. Les réformes sociales le passionnaient, tout comme créer des lois permettant de meilleures conditions pour la classe ouvrière pauvre. Gavin voulait continuer le travail d’Iain, mais il n’avait aucune idée de comment atteindre ce but. Si Lady Margaux restait en Écosse, peut-être cela ne la dérangerait-elle pas de le guider sur les subtilités de la société londonienne.
Il ne serait pas contre être ami avec Lady Margaux. Elle était intelligente et n’avait pas peur d’exprimer le fond de sa pensée. Elle avait certainement été franche avec lui la nuit précédente, au lieu de battre des cils comme tant de femmes avaient tendance à faire. À quoi pensait-il ? Ils ne pouvaient pas être amis, n’est-ce pas ? Il se devait de penser différemment désormais. En tant que docteur, il lui avait été permis un accès inhabituel aux maisons des gens, de brefs aperçus de ce qu’il se passait en privé. Désormais, toutes les règles avaient changé, et pas de manière positive.
Il se leva et se rendit vers le bureau, résolu à s’attaquer aujourd’hui aux comptes du domaine. Il ne pouvait plus le remettre à plus tard. Il avait probablement besoin d’envoyer le vieux Wallace à la retraite et d’engager un nouveau gestionnaire du domaine, mais d’abord il avait besoin de comprendre la condition et la magnitude de ce dont il était maintenant responsable. Lord Ashbury lui avait proposé son aide. Il accepterait l’offre d’Ashbury une fois qu’il se serait familiarisé avec sa propriété et la situation dans laquelle ils se trouvaient.
L’odeur du bureau et de vieux livres envahit ses sens avec nostalgie. Il se tint un moment immobile, se souvenant tendrement de l’enfance qu’il avait passé ici ; et, plus tard, des conversations captivantes qu’il avait eu avec son père et son frère. Il ignora son chagrin et s’avança vers le bureau : un bureau qui croulait sous un énorme tas de courrier jamais ouvert. Il secoua la tête. Son frère n’avait jamais été organisé, et apparemment les responsabilités de l’intendant ne comportait pas l’ouverture du courrier. Il s’assit face au bureau en chêne massif, ne se sentant vraiment pas à sa place. Il se souvint de son frère et son père, assis ici face à lui. Comme sa vie avait changé, presque en un battement de cil.
« Papa Craig ! »
Gavin entendit son nom résonner à travers la maison, suivi par le bruit de petits pieds dégringolant les escaliers et traversant le couloir, avant qu’une petite fée fasse irruption dans la pièce.
« Bonjour, Maili », dit Gavin, levant les yeux tendrement vers la petite fille.
Elle grimpa sur ses genoux pour le câliner et l’embrassa sur la joue. Les deux petites semblaient avoir un besoin constant d’être rassurées.
« Maili ! » entendirent-ils Catriona appeler, et elle descendit ensuite les escaliers en courant, cherchant sa sœur. Lorsque Catriona atteignit la porte, elle s’arrêta net à la vue de Maili, assise innocemment dans les bras de Gavin.
« Catriona. Je ne pense pas que vous devriez courir à travers la maison, criant sur votre sœur », réprimanda-t-il doucement.
« Mais… mais.. » Son menton et sa lèvre du bas commencèrent à trembler, et elle éclata en sanglots.
Oh, par tous les cieux. Il n’avait pas la moindre idée de comment s’occuper d’une jeune fille en pleurs. Il tenta de la réprimander gentiment.
« Qu’il y a-t-il, Catriona ? » demanda-t-il.
« M-M-Maili a coupé les cheveux de ma poupée ! » Elle brandit le jouet, qui avait le crâne couvert de bouts de mèches de cheveux, comme preuve.
« Est-ce vrai, Maili ? »
Il baissa les yeux vers Maili, dont le visage répondit pour elle immédiatement.
« Je pensais qu’elle serait jolie avec les cheveux courts », répliqua-t-elle naïvement.
« Ce n’est pas ta poupée, ce n’était pas à toi de décider ! » Catriona pleura à chaudes larmes. « Ma mère me l’a donnée, et maintenant elle est détruite ! » Elle s’enfuit, en pleurs.
Gavin ne pouvait pas la blâmer. Cela ne l’aurait pas dérangé de s’enfuir lui-même à cet instant. Il devait vite trouver une gouvernante.
« Maili, va dans ta chambre jusqu’à ce que je décide quoi faire. Tu devras offrir tes excuses à ta sœur. »
Tête baissée, la petite fille glissa de ses genoux. Elle le regarda avec des yeux bordés d’énormes larmes puis lui tourna théâtralement le dos pour suivre l’ordre qu’il lui avait donné. Il lâcha un lourd soupir et prit sa tête entre ses mains. Tous les parents se sentaient-ils aussi incompétents ?
Il décida qu’une visite à Braconrae serait une diversion bienvenue. Si les filles pouvaient trouver quelque chose d’utile à faire là-bas et peut-être même se faire quelques amis, cela serait une bénédiction.
Il y eut un coup à la porte, et son vieil intendant apparut devant lui.
« Bonjour, Wallace. »
« Bonjour, Lord Craig. Je n’ai pas pu m’empêcher d’entendre ce qu’il s’est passé. »
« Oui, Wallace. Nous avons besoin de mettre plus de petites annonces cherchant une gouvernante. Même à Londres, si nécessaire. »
« Très bien. Mais ce dont vous avez besoin, Monsieur le Baron, c’est d’une épouse », Wallace répondit sans ménagement.
« Je vous demande pardon ? » Avait-il bien compris ?
« Vous devez vous ajuster à votre nouvelle vie. Vous marier. Avoir des enfants. Trouver quelqu’un pour vous aider. Je venais tout juste de prendre ma retraite quand, pas une semaine après, pauvre Lord Iain a eu son accident », dit Wallace tristement.
« Vous aviez pris votre retraite ? Pourquoi ne me l’avez-vous pas dit ? » Gavin leva les bras au ciel.
« Je ne le pouvais. Mais je suis trop vieux pour être ici. Bouger me fait mal. Cela me prend des heures de sortir de mon lit le matin, votre seigneurie. »
« Je vois. Et Iain avait-il trouvé quelqu’un pour vous remplacer ? »
« Je ne crois pas. Je ne pense pas qu’il ait beaucoup cherché, cependant. »
Gavin murmura un juron et passa ses doigts dans ses cheveux.
« Ah, et bien, nous n’avons pas le choix, je suppose. Si vous pouviez avoir l’amabilité de tout passer en revue avec moi, je ferai de mon mieux pour vous trouver un remplacement. J’écrirai à mon ami, Lord Easton. Il héberge des soldats blessés jusqu’à qu’ils soient guéris et prêts à travailler. »
Wallace secoua la tête. « Je vous assisterai jusqu’à ce que vous trouviez quelqu’un, mais il y a certaines choses que je ne peux plus faire. »
« Je comprends. Je suis reconnaissant pour tout ce qui est vous possible de faire. »
« Je remettrai une annonce cherchant une gouvernante. Pour le moment, je vous suggère de faire le tour des métayers et de faire connaissance. Ils informeront votre seigneurie de ce qui doit être fait », suggéra Wallace.
Gavin acquiesça. Cela semblait raisonnable.
« Votre frère avait une très grande exploitation de whiskey et avait commencé à faire des récoltes pour l’entretenir. Le saviez-vous ? » demanda Wallace sceptiquement.
« Oui, je le savais. Je suppose que je ne comprenais pas tout. Il a mentionné se battre pour la légalisation d’une distillation sur une plus grande échelle », dit Gavin, sentant qu’il allait bientôt être à nouveau choqué.
« Oui. Il ne distribuait le produit qu’à quelques privilégiés, et pas publiquement, bien ce que cela ait été un de ses rêves. Il supervisait toute la fabrication de whisky lui-même », dit l’intendant avec une lueur de fierté dans son regard.
« Je ne souhaite pas m’impliquer dans quelque chose d’illégal », protesta Gavin.
« Je ne dirais pas exactement que c’est illégal. Certaines personnes seront très déçues si vous cessez l’exploitation de whisky, et un nombre important de vos travailleurs seraient sans emploi si vous souhaitiez en effet l’arrêter », dit Wallace. Sa voix était défiante. « Bien que certains seraient ravis de voir l’exploitation échouer. »
Gavin leva un sourcil, mais l’intendant refusa de donner plus de détails. « J’étudierai la question plus tard. Continuez. »
« Il y a ensuite le problème du bal du solstice. »
« Oui, cela a été une tradition dans ma famille depuis aussi longtemps que nous avons tenu la baronnie. »
« Et c’est la maîtresse de maison qui l’organise », lui rappela Wallace.
« Et je n’ai pas de maîtresse de maison », dit Gavin, grimaçant lorsque les mots quittèrent sa bouche.
« En effet. » Le vieil homme acquiesça comme si son élève avait enfin maîtriser ses leçons.
« Ce n’est que dans quelques semaines. Il y a-t-il quoique ce soit que nous puissions faire ? »
« Très peu. Peut-être demander l’aide d’une autre dame cette année », suggéra Wallace.
Gavin semblait stupéfait.
« L’épouse du pasteur ne serait-elle pas une bonne personne à qui demander ? »
Wallace railla : « Ah. Pas pour moi, mais je ne suis pas friand des feux de l’enfer et de soufre. Drôles de gens, le pasteur et sa femme, mais vous devez faire ce qui vous paraît le mieux. » Le vieil homme haussa les épaules.
« J’ai besoin d’une gouvernante pour mes nouveaux enfants, d’un nouvel intendant pour gérer le domaine, je dois aller saluer les métayers, j’ai besoin d’apprendre comment cultiver et faire du whisky, et j’ai un bal à organiser avant le solstice. Quelque chose d’autre ? » demanda Gavin avec dégoût.
« Une épouse et un héritier ne feraient pas de mal », lui rappela Wallace.
« Bien sûr », dit Gavin, ne tentant pas le moindre du monde de cacher son sarcasme.
Il y eut un coup à la porte. Gavin leva les yeux et vit le visage familier de la gouvernante de maison, qui avait été au château depuis son enfance.
« Entrez, Madame Ennis. »
« Monsieur le Baron. » Elle fit une petite révérence.
Gavin tripota sa cravate. Tout ceci était si inconfortable.
« J’ai besoin de passer en revue les menus et certains achats pour la maison avec vous, Monsieur » déclara-t-elle.
« Les menus ? » demanda-t-il, incrédule.
« Oui, votre seigneurie. Il n’y a pas de maîtresse de maison pour réaliser ces tâches… » Sa phrase resta en suspens.
Pas elle, aussi.
« Je suis certain que vous êtes tout à fait à la hauteur de la tâche, Madame Ennis. Vous en savez certainement plus que moi. »
« Non, Monsieur le Baron. Je ne pourrais me permettre. » Elle l’observait comme s’il l’avait insultée.
« Vous le pourriez. S’il vous plaît. Pour moi », implora-t-il. Si on lui donnait une tâche de plus, il en perdrait probablement la tête.
Elle avait l’air terrifié, mais dût voir quelque chose dans son expression qui la fit acquiescer et quitter discrètement la pièce.
« Wallace, combien d’autres responsabilités revenaient à votre maîtresse de maison ? » demanda-t-il, bien qu’il ne voulût pas vraiment savoir.
« Lady Craig supervisait toujours la maisonnée, les métayers, les enfants, le bal, les comptes… » Wallace comptait les tâches sur ses doigts rhumatismaux en parlant.
« Assez ! Assez ! » dit Gavin, se sentant submergé. « Ce sera tout pour aujourd’hui. Si cela ne vous dérangerez pas de vous occuper du courrier, j’ai rendez-vous avec quelqu’un. »
« Très bien, Monsieur le Baron », dit Wallace avec un lourd soupir.
Gavin fit savoir à la nourrice de préparer les filles pour partir dans deux heures.
Il fila par la porte d’entrée et se dirige avers les écuries. Il avait besoin de réfléchir. Il espérait qu’une courte promenade à cheval le calmerait, car tout ce qu’il souhaitait était de voyager jusqu’au bout du monde et oublier que les derniers mois étaient jamais arrivés. Faisant pratiquer à son cheval ses différentes allures, y compris un galop farouche qui faillit bien lui couper la respiration, il sentit sa colère s’apaiser. Il savait que sa mauvaise humeur était déplacée, mais il était en colère. Contre Iain. Contre Dieu. Contre ses enfants. Contre lui-même, et l’épouse dont il avait désormais besoin mais ne voulait pas.