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LA PAIX.

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Le plus immédiat de ces dangers était cette guerre du Péloponnèse que perpétuait l'égoïste ambition des démagogues. Aussi Aristophane y revient-il sans cesse.

La comédie intitulée la Paix présente sous une nouvelle forme la même idée que la pièce des Acharnéens: il faut mettre fin à cette funeste guerre. Mais l'imagination du poëte sait créer des allégories variées, pour ne point lasser le public. Quoique le sujet soit le même au fond, vous allez voir que les deux pièces ne se ressemblent guère.

Une didascalie[21] nouvellement découverte établit d'une manière authentique que la Paix fut représentée aux grandes Dionysies de l'année 421; cette pièce fut donc montée peu de temps avant la conclusion de la paix appelée de Nicias, qui mit un terme à la première partie de la guerre du Péloponnèse et qui devait, de l'aveu de tout le monde, finir à jamais cette guerre désastreuse des États grecs.

Le sujet de la Paix est au fond le même que celui des Acharnéens; seulement la paix qui dans cette dernière pièce n'est que le vœu d'un individu, est ici l'objet des désirs de tout le monde: dans les Acharnéens, le chœur était contraire à la paix; dans la Paix, il se compose de paysans de l'Attique et de Grecs de toutes les contrées, regrettant tous vivement la paix[22]. Mais la comédie des Acharnéens est bien supérieure en intérêt dramatique à celle qui a pour titre: la Paix. Celle-ci manque d'unité et de vigueur.

Il y aurait à rapprocher de ces deux comédies d'Aristophane contre la guerre, tant de pages ironiques et éloquentes de Rabelais, de Montaigne, de Johnson, de La Bruyère, de Voltaire, d'Erckmann-Chatrian, pages que l'on pourrait appeler l'honneur de la raison et de l'humanité, mais qui n'ont fait jusqu'à présent triompher ni l'une ni l'autre.

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Voici la comédie d'Aristophane:

Un personnage nommé Trygée (comme qui dirait Vigneron, ou plutôt Vendangeur) ouvre la scène en se disposant à monter au ciel sur un certain escarbot d'une nature si disgracieuse que l'esclave chargé de le nourrir demande aux spectateurs s'ils pourraient lui vendre un nez bouché. Trygée a pris une résolution: c'est d'aller apprendre de Jupiter lui-même pourquoi depuis tant d'années, et toujours, et sans fin, il laisse les Athéniens en proie aux calamités de la guerre. Les filles du bonhomme essayent en vain de le retenir. Il excite son Pégase, comme il l'appelle, se recommande au machiniste, craignant de se casser le cou, et commence son ascension grotesque.

Cet escarbot était, en même temps qu'un souvenir ésopique, une parodie du coursier ailé sur lequel le Bellérophon d'Euripide s'enlevait dans les airs, et une critique des machines qui embarrassaient le début de cette tragédie.

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La scène change presque aussitôt, et représente le ciel. Lorsque Trygée sur sa monture, approche de la demeure des dieux, Mercure, qui joue là à peu près le rôle de saint Pierre dans nos fabliaux, Mercure sentant une odeur de mortel, comme Don Juan odor di femina, reçoit d'abord notre voyageur en portier bourru. Mais Trygée graisse le marteau, un bon plat de viande adoucit Mercure. C'est bien là le Mercure de la légende et des poëmes homériques: venu au monde le matin, à midi il joue de la cithare, le soir il vole les bœufs d'Apollon, les tue, les fait cuire, et en mange une partie; premier type de Gargantua, qui soubdain qu'il fut nay, à haulte voix s'escrioyt: À boire, à boire, à boire! Mercure était, après Hercule, le plus goinfre de cet Olympe grand mangeur!

Amadoué par ce plat de viande, le portier du ciel consent à répondre aux questions de Trygée. Il lui apprend que les dieux, irrités de la folie des Grecs, ont déménagé depuis la veille, et se sont retirés bien loin, bien loin, tout au fond de la calotte du ciel. Ils l'ont laissé, lui, pour garder la vaisselle, les petits pots, les petites marmites, les petites tables, les petites amphores. Ils ont installé la Guerre dans la demeure qu'ils occupaient eux-mêmes et lui ont donné tout pouvoir de faire des Grecs ce que bon lui semblerait. Puis ils sont allés aussi haut que possible pour ne plus voir vos combats et ne plus entendre vos prières.

Etudes sur Aristophane

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