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LYSISTRATA.

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Cette comédie de Lysistrata est une des meilleures, mais une des plus effrontées. Elle montre jusqu'où pouvait aller la licence de la comédie ancienne, née de l'ivresse bacchique et des phallophories. Mieux que tout autre, elle ferait voir combien on doit se méfier de cette maxime, qu'une œuvre d'art, si elle est parfaite, est morale par cela seul. Lysistrata est une merveille d'art et de verve, mais un prodige d'obscénité. Il y a, dans le Musée secret de Naples, des priapées dont on ne peut contester la beauté plastique; dira-t-on qu'elles sont morales? Évidemment l'impression plus ou moins morale qui peut résulter de la beauté de la forme et de la perfection du style dans ces priapées, est peu de chose en comparaison de l'impression licencieuse qui résulte du sujet même. Il est donc périlleux de prétendre qu'il y ait assez de moralité dans la forme seule de l'art et dans la perfection du style. Mais, d'autre part, il n'y a pas d'idée plus erronée que de confondre l'art avec la morale, et que de vouloir ramener toujours l'idée du beau à l'idée de l'utile. L'art est une chose, et la morale en est une autre.

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Au fond, cette comédie, comme les trois précédentes, est encore un plaidoyer pour la paix. Ainsi les quatre comédies politiques du poëte ont toutes le même dessein, le même but.

Le moment, cette fois, semblait mieux choisi que jamais pour faire accueillir enfin des conseils pacifiques. Nicias venait d'être battu en Sicile; toute l'armée athénienne, massacrée; Alcibiade, poursuivi par une haine impolitique peut-être, quoique méritée à certains égards, s'était réfugié à Sparte, et se vengeait de sa patrie en conseillant à ses nouveaux alliés de fortifier Décélie en Attique; d'un autre côté Sparte, victorieuse mais épuisée, ne semblait pas éloignée de souscrire à des conditions équitables, et de laisser à Athènes l'hégémonie de la Grèce centrale et des îles, pourvu qu'elle conservât elle-même sa suprématie dans le Péloponnèse. C'est à cette époque, l'an 412 avant notre ère, que fut représentée Lysistrata[36].

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Lysistrata, femme d'un des principaux citoyens d'Athènes, persuade à toutes les autres femmes de sa ville et des autres villes grecques de prendre une résolution désespérée pour forcer leurs maris à conclure la paix: c'est de leur retirer leurs droits conjugaux, de les sevrer de toute caresse. Depuis assez longtemps elles pâtissent de la guerre, ils pâtiront à leur tour! Résolution énergique! Elle a bien quelque peine à les y décider: c'est jouer quitte ou double, et sur un terrible enjeu! La délibération donne lieu déjà à une scène très-joliment développée, mais d'une liberté qu'on ne peut se figurer. Cependant la courageuse et éloquente Lysistrata finit par emporter ce vote redoutable. Quelques femmes, par exemple la jeune Calonice et la jeune Myrrhine, refusent d'abord, et ensuite ne prononcent que d'une voix mal assurée le terrible serment; mais enfin, voilà qui est fait!

Cette situation est à peu près celle qui se retrouve, mais présentée avec plus de modestie, quoique avec assez de vivacité encore, dans une jolie comédie de notre temps, intitulée: Une femme qui se jette par la fenêtre, œuvre de Scribe et de M. Gustave Lemoine. Ici Myrrhine s'appelle Gabrielle. Sa mère lui conseille, comme Lysistrata, de tenir rigueur à son mari, tant qu'il n'aura pas demandé la paix. La guerre dont il s'agit dans la pièce moderne, n'est, à la vérité, qu'une simple querelle de ménage. Et les rôles sont renversés, en ce sens que c'est la jeune femme qui finit par céder à son mari, ne pouvant supporter d'être privée de lui.

Lysistrata, elle, ne cédera pas, et ne permettra ni à Calonice, ni à Myrrhine, ni à aucune autre, de faiblir. Lysistrata porte un nom significatif: cela veut dire, celle qui dissout l'armée! Voyons-la à l'œuvre, elle et ses compagnes.

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Pour commencer, les vieilles femmes, sous couleur d'un sacrifice, s'emparent de la citadelle et du trésor qu'elle renferme: ainsi les hommes ne pourront plus subvenir aux frais de la guerre.

Un bataillon de vieux bonshommes survient: ils veulent mettre le feu à l'acropole et enfumer les femmes comme les abeilles d'une ruche. Les jeunes femmes portent secours aux vieilles et engagent la bataille avec les vieux. Figurez-vous cette comique mêlée, les torches et les cruches, le feu et l'eau, les deux sexes et les deux éléments en guerre, et, au milieu de tout cela, plus jaillissant que l'eau, plus brûlant que le feu, un dialogue où étincellent et abondent les plaisanteries de toute sorte, jets et fusées, qui semblent compléter la mêlée et l'incendie et le déluge: tout est inondé, et tout est en feu.

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Un officier de police se présente avec son escorte, et se dispose à faire sauter la porte de l'acropole à coups de leviers.

LYSISTRATA, paraissant sur le seuil.

Inutile de faire sauter la porte. Me voici de plein gré. Ce ne sont pas des leviers qu'il vous faut, mais du bon sens[37].

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