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SCULPTURE.

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Table des matières

En fait de morceaux de sculpture, je devrais parler d’abord des fragmens romains qui ont été rassemblés à Nancy; mais j’ai déjà dit plus haut que la façon dont ils sont placés les uns sur les autres ne permet pas de les voir, et j’arrive de suite aux fonts baptismaux donnés en 1085, par la comtesse Sophie de Bar, à la chapelle de Mousson, où ils sont encore. Ce morceau, très bien conservé, est surtout curieux pour son ancienneté, car les figures en sont très barbares; au contraire les deux statues de Gérard d’Alsace, comte de Vaudemont, et d’Hadwidge de Hapsbourg, qui sont aux Cordeliers de Nancy, sont d’un très beau caractère, et pourtant appartiennent à la même époque; car elles furent exécutées au prieuré de Belval, près Châtel-sur-Moselle, en 1071, à la mort de Gérard. Deux cents ans paraissent séparer ces deux fragmens, qui ont été, dans le même pays, sculptés à dix ans d’intervalle.

Vient ensuite, par rang d’âge, un fauteuil de pierre à Toul, qu’on attribue faussement à saint Gérard; les chapiteaux à feuilles saillantes de ses deux colonnettes, les ornemens quadrifoliés qui le décorent, appartiennent à la fin du XIIe ou même au XIIIe siècle. Il est maintenant placé dans la chapelle sépulcrale des évêques, qui allaient autrefois s’y asseoir en grande pompe le jour de leur sacre. Dans l’ancienne abbaye de Saint-Mansuy-lès-Toul se trouve encore dans un caveau un tombeau du saint évêque, mais la sculpture est du XVe siècle; aux pieds de l’évêque en grand costume épiscopal, est le chanoine donataire, qui fit exécuter ce cénotaphe, probablement pour en remplacer un autre plus ancien et que nous aimerions mieux y trouver. Les tombeaux gravés au trait sur la pierre sont très communs dans toutes ces églises; les plus anciens sont ceux des chanoines de Toul, du milieu du XIVe siècle, et du XVe. J’en ai remarqué à Vézelise, à Thelod, à Essey, à Autrey, à Germiny, des mêmes époques et souvent aussi du XVIe. En fait de sculptures de ce siècle, Nancy possède une des plus belles œuvres qu’ait jamais produites l’art français, la statue de Philippe de Gueldres, qui est de Richier. Celle de Charles de Lorraine, cardinal de Vaudemont, est aussi un bel ouvrage de Drouin. Je dois citer du même auteur la statue de saint Georges, sur la porte de ce nom. Le tombeau de René II, dont la statue a été brisée, est un beau morceau de la sculpture ornementale de cette époque; mais je répéterai à son propos ce que j’ai déjà dit sur la façade du palais des ducs de Lorraine, comme aussi sur le tombeau de l’évêque Du Hasard à Blenod: les ornemens sont nombreux, riches, bien agencés; mais dans leur forme ainsi que dans celle des figures qui servent à l’ensemble de la composition, il y a quelques premiers indices du mauvais goût qui ne s’est développé que plus tard en France: je m’arrête là. Je n’aurais plus à parler que des nombreux édifices du XVIIIe siècle, dont le duc Léopold et le roi Stanislas ont rempli Nancy et couvert ses environs; mais je n’éprouve aucune sympathie pour le goût de cette époque, et je me félicitais en les voyant de ne pas avoir à m’en occuper. Cependant, bien que ces monumens soient moins respectables que ceux d’une époque plus reculée, ils sont encore une expression de l’art qu’il faut empêcher de détruire, surtout à Nancy, où leur richesse ne manque pas toujours de grâce. Il est pitoyable d’avoir barbouillé de jaune les dorures des belles grilles du fameux serrurier Lamour; d’avoir badigeonné en blanc et bronzé les moulures d’un vaste salon de la préfecture, qui était décoré avec profusion d’arabesques et de figures en relief et peintes: les détails n’étaient pas de bon goût, mais enfin l’ensemble en était agréable et en harmonie avec tout l’édifice et ses abords. D’ailleurs les Nancéiens n’ont pas le droit de se montrer puristes; les restaurations de leurs sculpteurs valent une destruction. Heureusement ils n’ont touché ni à Philippe de Gueldres, ni à Gérard d’Alsace; mais toutes les autres statues réunies aux Cordeliers ont été absurdement complétées. A un corps en mailles du XIIIe siècle on a mis des culottes bouffantes du XVIIe, et des jambes de fer du XVe; le tombeau de René a été indignement barbouillé, et tout le reste à l’avenant. C’est ainsi que dernièrement la croix plantée au lieu où périt Charles-le- Téméraire a été pour la troisième fois renouvelée. Au lieu de suivre les anciennes traditions, on a élevé une colonne dorique grecque, à chapiteau égyptien, surmonté d’une croix de Lorraine, double non-sens qui dénature totalement l’esprit du monument. La Grèce et l’Égypte n’avaient que faire à l’étang Saint-Jean, et la croix du blason de René semble exprimer un sentiment de triomphe bien éloigné des regrets témoignés si noblement par le généreux vainqueur du duc de Bourgogne (). N’aurons-nous pas un jour en France une loi pour défendre nos monumens contre les démolitions et les restaurations? En attendant, nous devons stigmatiser les Vandales modernes des expressions de notre dégoût, partout où ils ont arraché une page à nos annales écrites sur la pierre.

Ma table des matières est achevée maintenant. Je renvoie pour les détails aux notices détachées sur les villes, bourgs, villages et hameaux que j’ai parcourus, et aux dessins qui les accompagnent. Je suivrai pour leur ordre celui de la division administrative; mais je donne à la fin de mon rapport une table alphabétique, par arrondissemens, de toutes les localités qu’ils renferment. Cette table, que j’ai obtenue en corrigeant les statistiques les unes par les autres et par mes propres recherches, contient pour chacune sa distance du chef-lieu d’arrondissement, sa position géographique, la désignation des bailliages, de l’évêché, de la généralité auxquels elle appartenait avant la révolution de 93, de la coutume qui y était suivie. Un numéro renvoie à la page où je donne des détails, quand il y a un monument à décrire ou un souvenir historique à constater. La carte archéologique dont j’ai déjà parlé complète mon travail, auquel j’ai ajouté quelques observations sur le patois.

Je crois avoir démontré plus haut quelles difficultés présenterait une exploration semblable de toute la France; mais je me fie au Ministre et à la commission qu’il a réunie du soin de les surmonter, et je ne voudrai pas d’autre gloire que d’avoir, en suivant leurs instructions, travaillé l’un des premiers à mettre en lumière quelques uns des monumens peu connus dont notre pays est encore couvert, malgré tant de dévastations successives.

Je dois un tribut de reconnaissance, dont je veux m’acquitter ici, à M. Soyer-Villemet, le savant bibliothécaire de Nancy, qui a consacré bien des momens de son repos des vacances à guider mes recherches dans le vaste dépôt de livres qui lui est confié, et à M. Noël, qui a rassemblé une immense collection de documens historiques, manuscrits et imprimés, sur la Lorraine, dont il m’a fait les honneurs avec une rare complaisance.

Sur les monuments historiques des arrondissements de Nancy et de Toul

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