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Je ne me rappelle pas avoir jamais eu, du temps que j'étais critique, l'occasion d'apprécier un roman rustique offrant la moindre ressemblance de facture avec le Moulin du Frau. Le Marquis des Saffras, de La Madelène, les Païens innocents, de Babou, non plus que le Chevrier, de Fabre, et le Bouscassié, de Cladel, ne sauraient lui être comparés. L'arrangement de la réalité, l'inquiétude constante de la forme, qui s'accusent également dans ces œuvres rudes ou délicates, ne s'aperçoivent pas une fois dans le Moulin. Ici, nul artifice littéraire, «l'auteur» est absent, il semble que le livre se soit fait tout seul, soit venu de lui-même.

Quand je lus dans l'Avenir de la Dordogne les premiers feuilletons, je fus pris d'emblée au charme, absolument nouveau, d'une naïveté d'exécution sans analogue dans mes souvenirs. Le récit se déroulait si simplement à travers les villages, les champs, les landes et les bois, qu'on eût juré l'histoire du meunier écrite par le farinier en personne. Rien de prémédité, d'agencé: le Périgord comme il est et les Périgourdins comme ils sont, voilà tout. Oui, c'est bien le meunier qui raconte au jour le jour la vie de sa famille et celle de ses voisins, qui nous dit bonnement leurs idées, leurs peines, leurs gaietés, au fur et à mesure que tels ou tels incidents les déterminent, sans qu'il tente jamais de combiner ces incidents pour en tirer un effet ou une situation. Et cependant, quel intérêt elles éveillent, ces existences tout unies, où les surprises et l'extraordinaire n'ont point de place! Quel attrait dans ces tableaux du monotone train-train rural!

On pourrait dire que, par là, le Moulin du Frau est un tour de force, si l'effort se trahissait en quelque endroit. Mais non. Si nous sommes conquis dès le début et gardés jusqu'au bout, cela tient avant tout à l'entière sincérité du narrateur, à ce qu'il a vécu son sujet:

«Le pays où l'on naquit, où l'on a grandi, où, petit enfant, on tendait des gluaux au bord des mares claires fréquentées par les linots et les chardonnerets; les taillis, les chaumes et les maïs que, jeune homme, on a tant de fois arpentés, guêtres au mollet, carnassière au flanc et fusil sur l'épaule; le paysage familier enfin, qui vous a pénétré insensiblement, voilà ce qu'il faut décrire, car voilà seulement ce que vous rendrez avec puissance, de façon à impressionner votre lecteur. C'est qu'il fait partie de nous pour ainsi dire, ce paysage, c'est qu'il est en nous, qu'en le donnant nous nous donnons nous-mêmes: il vit et, partant, il émeut.

«L'écrivain aura beau disposer d'une langue riche en mots qui peignent et qui sculptent, je le défie de me toucher par la description, quelque matériellement exacte qu'elle soit, d'un pays traversé en touriste ou vu par une portière de voiture. La nature n'a pas de ces facilités de courtisane et ne s'abandonne pas ainsi au premier passant venu[1]

[1] Nos Gens de lettres, p. 284.

Le moulin du Frau

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