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Acte deuxième

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Une grande salle du palais. – Au fond, une galerie donnant sur la campagne.


Scène première.

ISABELLE, seule.

Que je hais la grandeur dont l'éclat m'environne!

Des fêtes, des plaisirs, tout, hormis le bonheur!

Hélas! mon père ordonne,

Et va livrer ma main sans consulter mon cœur,

Quand l'ingrat que j'aimais, quand Robert m'abandonne.


Air.


En vain j'espère

Un sort prospère;

Douce chimère,

Rêves d'amour,

Avez fui sans retour.

D'espoir bercée,

Tendre pensée

S'est éclipsée

Comme un beau jour.


Scène II.


Isabelle, Alice; quelques jeunes filles, portant des pétitions.


CHŒUR DE JEUNES FILLES, qui s'avancent vers la princesse.

Approchons sans frayeur.


Elles remettent les pétitions.


A la souffrance

Donne assistance,

La bienfaisance

Est dans ton cœur.

ALICE, à part.

Dieu! Pour servir Robert, quel moyen! ...Si j'osais!

Mais plus d'une princesse, avec reconnaissance,

A reçu quelquefois de semblables placets!

Essayons!


A la princesse en lui remettant le billet de Robert.


A la souffrance

Donne assistance,

La bienfaisance

Est dans ton cœur.


La princesse ouvre le billet, le lit tout bas avec

trouble, puis se rapproche d'Alice.


ISABELLE.

Écoute, jeune amie;

Viens, mon âme est attendrie!

Le malheur qui supplie

A des droits sur mon cœur.


A part.


Mon bonheur est extrême!

Viens, Robert, toi que j'aime.!

ALICE ET LES JEUNES FILLES.

O princesse chérie,

Ton âme est attendrie;

Le malheur qui supplie

A des droits sur ton cœur.

ISABELLE, aux jeunes filles.

Un seul moment laissez-moi dans ces lieux.

ALICE, à Robert qui paraît.

Courage! Allons, montrez-vous à ses yeux,

Elle ne pourra se défendre;

Son cœur qui fut à vous ne peut vous condamner:

Elle consent à vous entendre,

C'est presque déjà pardonner.


Alice sort.


Scène III.


Isabelle, Robert.


Duo.


ROBERT.

Avec bonté voyez ma peine

Et mes remords,

Et n'allez pas par votre haine

Punir mes torts.

L'amour qui me rendit coupable

Doit vous fléchir;

Ah! si votre rigueur m'accable,

Il faut mourir!

ISABELLE.

Relevez-vous.

ROBERT.

De mon offense

M'accordez-vous le pardon généreux?

Laissez-moi du moins l'espérance,

Ce dernier bien des malheureux.

ISABELLE.

J'aurais dû fuir votre présence

Et vos remords,

Et d'un amant par mon absence,

Punir les torts.

Mon cœur par sa douleur extrême

Est désarmé;

Hélas! Robert, jugez vous-même.

S'il est aimé.

ROBERT.

Que dites-vous? ...ô destin plein de charmes!


On entend une marche.


ISABELLE.

Silence! Entendez-vous ces accents belliqueux?

ROBERT.

O ciel! Et j'ai perdu mes armes! ...

ISABELLE.

Je le savais; j'ai prévenu vos vœux.

Voyez!


On voit paraître des écuyers portant une armure.


ROBERT, avec transport.

Armé par vous, je vaincrai sous vos yeux.


Ensemble.


ISABELLE.

Mon cœur s'élance et palpite,

Il bat d'espoir, de bonheur:

L'amour, l'honneur, tout l'excite;

Oui, Robert sera vainqueur!

ROBERT.

Mon cœur s'élance et palpite,

Il bat d'espoir, de bonheur:

L'amour, l'honneur, tout l'excite;

Du tournoi je suis vainqueur!

ISABELLE.

Chevalier, dois-je encor vous apprendre un mystère?

ROBERT.

Ah! sur tous vos secrets mon amour a des droits.

ISABELLE.

Apprenez donc ...

ROBERT.

Eh bien?

ISABELLE.

Mon père,

Sur le plus valeureux voulant fixer son choix,

Va proposer ma main pour le prix des tournois.

ROBERT.

O ciel! Est-il possible?

ISABELLE.

Il compte sur les exploits

Du prince de Grenade, et le nomme invincible!

ROBERT.

a porté ce nom pour la dernière fois.


Ensemble.


ISABELLE.

Mon cœur s'élance et palpite,

Il bat d'espoir, de bonheur.

L'amour, l'honneur, tout l'excite;

Oui, Robert sera vainqueur.

ROBERT.

Mon cœur s'élance et palpite,

Il bat d'espoir, de bonheur:

L'amour, l'honneur, tout l'excite;

Du tournoi, je suis vainqueur!

ROBERT, lui baisant la main.

Votre bonté va doubler mon courage.

ISABELLE.

Silence! On vient; pour m'offrir son hommage,

Le peuple va se réunir,

Par ordre de mon père, ici, sur mon passage,

Et par des jeux fêter le mariage

De six jeunes beautés que ma main dut choisir.

Fuyez!


Isabelle sort.


Scène IV.


Robert; Bertram, au fond, avec le prince de Grenade et un héraut d'armes.


A la fin de la scène précédente on a vu Bertram entrer avec le prince de Grenade et un héraut d'armes, auquel Bertram a indiqué du doigt Robert. Le prince de Grenade n'a fait que traverser la galerie du fond.


ROBERT.

Ah! dans ces jeux guerriers offerts à la vaillance,

Je vaincrai mon rival!

BERTRAM, à part.

Oui, si je le permets.

ROBERT.

Que ne puis-je de même, au gré de ma vengeance,

Dans un combat réel le voir seul et de près!


Se retournant vers Le héraut d'armes.


Que voulez-vous?

LE HÉRAUT D'ARMES.

A toi, Robert de Normandie,

Le prince de Grenade adresse ce cartel,

Et par ma voix il te défie,

Non dans un vain tournoi, mais au combat mortel.

ROBERT, avec joie.

Ah! le ciel qui m'exauce à sa perte l'entraîne; m'ose défier!

J'y cours; guide mes pas.

LE HÉRAUT D'ARMES.

Viens, tu le trouveras dans la forêt prochaine.

ROBERT.

Un de nous n'en sortira pas.


Il sort avec le héraut d'armes.


Scène V.

BERTRAM, seul.

Oui, va poursuivre une ombre vaine!

Ce prince de Grenade, esclave à moi soumis!

Comme un fantôme à tes yeux éblouis,

Va fuir dans la forêt, et pendant ton absence

De ce brillant tournoi remportera le prix! ...

Mais déjà pour la fête en pompe l'on s'avance ...


Scène VI.


Isabelle, conduite par son père; Bertram, Alice, Raimbaut, Chevaliers, Seigneurs, Dames de la cour, Pages, Écuyers, Peuple.


Entrée du peuple qui accompagne six jeunes couples qui doivent être mariés.


CHŒUR DU PEUPLE.

Accourez au-devant d'elle;

Célébrez, peuple fidèle,

Tant de vertus, tant d'attraits.

De nos vœux reçois l'hommage,

Et qu'ils soient le doux présage

De ton bonheur à jamais!

Accueillant notre prière,

Puisse un jour le sort prospère

Récompenser tes bienfaits!


Ballet.


Après le ballet un héraut d'armes entre en scène et s'adresse à la princesse.


LE HÉRAUT D'ARMES.

Quand tous nos chevaliers, pour la gloire et leur dame,

De ce tournoi vont tenter les destins,

Le prince de Grenade en ce moment réclame

L'honneur d'être armé par vos mains.


La princesse hésite à répondre; son père, qui est près d'elle, lui ordonne d'accepter. Le prince de Grenade s'avance précédé de sa bannière, de ses pages et de ses écuyers; Bertram en l'apercevant dit à part.


BERTRAM.

Je triomphe! ... Le voici ...

Et Robert est resté dans la forêt profonde;

Robert, égaré par lui,

Cherche en vain un rival que mon pouvoir seconde.

CHŒUR DES ÉCUYERS du prince de Grenade, pendant que la princesse lui remet ses armes.

Sonnez, clairons, honorez la bannière

Du guerrier qui guide nos pas.

Sonnez, clairons; dans la carrière

Mars et l'Amour arment son bras.

ALICE, à part, cherchant dans la foule.

Mon jeune maître ne vient pas.

Quand s'ouvre la lice guerrière,

Qui peut donc retenir ses pas?

BERTRAM, à part.

Robert, Robert ne viendra pas.

LE CHŒUR.

Le clairon sonne, et l'honneur vous réclame;

Nobles guerriers, armez vos bras:

C'est pour la gloire et pour sa dame

Qu'un chevalier vole aux combats.

ALICE, cherchant Robert des yeux, s'adresse à Raimbaut.

Ah! quelle douleur est la mienne!

RAIMBAUT.

Rien n'est encor désespéré.

Mais aux rochers de Sainte-Irène

Souviens-toi que pour nous l'autel est préparé.

ISABELLE, à part.

Parmi cette jeunesse et brillante et guerrière,

Vainement je l'attends ... tout m'accable à la fois!

Hélas! lorsque ma main est le prix des tournois,

Je ne vois point encor paraître sa bannière.

LE CHŒUR.

Le clairon sonne, et l'honneur vous réclame;

Nobles guerriers, armez vos bras:

C'est pour l'honneur et pour sa dame

Qu'un chevalier vole aux combats.


On entend un appel des trompettes.


LE CHŒUR, en dehors.

Voici le signal des combats.


Isabelle descend du trône, et s'adresse aux chevaliers.


La trompette guerrière

Vient de retentir.

Dans la noble carrière

Il faut vaincre ou mourir.


A part.


Que le cri de l'honneur,

Robert, frappe ton cœur!


Ensemble.


ISABELLE, à part.

Ah! pour moi, douleur cruelle!

Non, Robert ne paraît pas;

Aux combats l'amour l'appelle.

Quel pouvoir enchaîne ses pas?

LE CHŒUR.

Le clairon sonne et l'honneur vous réclame;

Nobles guerriers, armez vos bras:

C'est pour la gloire et pour sa dame

Qu'un chevalier vole aux combats.


Tout le cortège défile; la princesse et son père s'apprêtent à le suivre. Alice regarde autour d'elle avec inquiétude. Bertram est de l'autre côté de la scène.


Ensemble.


ALICE.

Déjà commencent les combats;

Robert, Robert ne paraît pas.

BERTRAM.

Robert, Robert, c'est dans mes bras,

C'est à moi que tu reviendras.



Robert le Diable (Robert der Teufel)

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