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L’ADOLESCENT.

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Vercingétorix venait d’atteindre ses quinze ans, et déjà ce n’était plus cet enfant indomptable et fougueux qui, armé d’un carquois et d’une flèche, poursuivait dans les bois les sangliers, les loups et les autres habitants des forêts. On ne le voyait pas non plus se mêler aux jeux frivoles des jeunes Gaulois; mais, toujours seul, à l’écart, le front pensif, laissant flotter au vent sa blonde et belle chevelure, on le rencontrait, tantôt assis sur un rocher, les yeux fixés sur le sol, tantôt marchant au hasard à travers les bois sacrés au fond desquels les druides célébraient leurs terribles et sanglants mystères.

Sa mère s’en inquiétait et lui adressait la parole, mais en vain.

— Que vous importent mes pensées? lui disait-il; je n’ai pas eu d’enfance, je n’aurai pas de jeunesse: je suis homme avant le temps.

Alors Chamora alla chercher son frère Gobanition et le mena à son fils. Le jeune Gaulois était assis sur une colline qui dominait la ville de Chartres; la peau d’un loup, qu’il avait tué à la chasse et écorché de ses propres mains, flottait encore sanglante sur ses larges et blanches épaules. Vercingétorix était si beau, si blond, si délicat, que, sans cet affreux ornement, on l’eût pris pour une grande et svelte jeune fille. A l’approche de sa mère et de son oncle, son beau front se plissa, et ses grands yeux bleus lancèrent un regard de colère si sombre, si terrible, que sa mère en frissonna. Pour la première fois, Chamora trembla devant son fils, car elle comprit qu’elle avait devant elle son maître, son chef, son soutien. Les rôles étaient changés; ce fut presque en suppliante que Chamora dit à Vercingétorix:

— C’est ton oncle, mon fils, parle-lui.

— A quoi penses-tu? demanda alors Gobanition à son neveu.

— A ce qui devrait préoccuper tous les Gaulois, même les plus jeunes enfants: César, à la tète des légions romaines, dévaste la Gaule.

— Penses-tu donc l’arrêter? demanda Gobanition.

— Pourquoi pas? répondit le jeune Gaulois d’une voix si éclatante, d’un regard si superbe, que son oncle et sa mère comprirent qu’il en était capable. Le moment est venu. Adieu, mon oncle; adieu, mon berceau, ajouta-t-il, les yeux mouillés des larmes qui s’en échappaient malgré lui; vous ne me reverrez que vainqueur ou mort!

Disant ces mots, le jeune héros s’agenouilla devant sa mère, prit les deux mains tremblantes de la belle Gauloise, les posa sur son front et lui dit:

— Veuve de Celtille, bénis le fils de ton mari, qui s’agenouille enfant et se relève homme.

Lorsque Chamora essuya ses yeux pour regarder une seconde fois son fils Vercingétorix... il avait disparu.

Quelques années après le départ de son fils, Chamora était seule dans sa cabane, lorsque sa porte s’ouvrit brusquement, et son frère Gobanition parut devant elle; il était suivi d’un étranger qu’à son costume elle reconnut pour un Romain.

— Ma sœur, dit Gobanition, ce matin, en allant sur la route de Chartres au-devant des étrangers qui arrivent, pour m’informer auprès d’eux s’ils n’avaient point entendu parler de Vercingétorix, j’ai rencontré cet homme: il était exténué de fatigue, presque mourant; je l’ai conduit chez moi, je lui ai rendu ses forces avec quelque gouttes d’hydromel et de miel; il m’a demandé à te voir, et ne veut dire qu’à toi le sujet de son message.

— Parle, qui es-tu? d’où viens-tu?

— Je suis Romain, j’ai été fait prisonnier dans la dernière bataille que César a livrée au roi des Gaulois, à Vercingétorix.

— Mon fils roi! interrompit Chamora.

Le Romain continua:

— Oui, le roi Vercingétorix; il me fit venir à lui et me dit: «Ta liberté est dans tes mains; va dans le pays chartrain, sur les bords de la Loire, un peu en deçà de Chartres; tu t’informeras de Chamora: c’est ma mère, et voici ce que tu lui diras:

«En la quittant, j’ai rassemblé mes amis, tous ceux qui voulaient vivre libres, et, proclamé roi par eux, j’ai alors appelé à moi les Senones, les Parisii, les Cadurces, les Turons, les Aulerques, les Armoricains et cent autres peuplades guerrières de la Gaule: tous m’ont répondu avec transport, et nous avons combattu la fortune de César; partout ma politique a deviné la sienne, et j’ai fait reculer mon ennemi jusqu’à Narbonne...

«Va, maintenant, dis à ma mère qu’elle vienne. Au plus haut de mes triomphes comme au milieu de mes revers, je sens le besoin d’avoir près de moi la douce femme qui m’a donné la vie, la mère tendre, dévouée et courageuse qui a su élever le fils de Celtille et en faire un guerrier. »

— Partons, conduis-moi! répondit Chamora, se levant et s’élançant hors de sa cabane avec cette exaltation de l’amour maternel qui fait surmonter tous les obstacles, tous les dangers.

Courage et résignation: Contes historiques dédiés à la jeunesse

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