Читать книгу Curiosités des trois règnes de la nature - Eulalie Benoit - Страница 8

Des Montagnes.

Оглавление

LES premiers objets qui frappent ordinairement notre imagination dans l’examen des matières minérales, ce sont ces grandes masses qu’on nomme montagnes.

Tantôt élancées en aiguilles irrégulières et hardies, tantôt arrondies comme des ba-Ions, tantôt terminées par des pics coniques, elles présentent les aspects les plus variés, les plus pittoresques. On respire sur leurs cîmes un air plus pur, plus salutaire; on y embrasse par la vue d’immenses horizons, et l’on peut souvent y contempler les nuages et le tonnerre roulant loin au-dessous de ses pieds.

Les hauts sommets sont couverts de neiges continuelles; ces neiges, en se fondant un peu et en se transformant en glace, s’accumulent dans les vallées, sur les pentes des larges hauteurs, et elles composent alors ies glaciers, dont les amas resplendissans et bleuâtres sont une des curiosités les plus étonnantes des grandes chaînes de montagnes. On en voit, dans les Alpes, qui n’ont pas moins de cinq ou six lieues de longueur, sur une lieue de largeur; la mer de Glace, qui est un glacier célèbre sur le flanc du Mont-Blanc, a, dit-on, dans quelques endroits, 250 ou 300 mètres d’épaisseur. Les glaciers sont ordinairement hérissés d’aspérités extrêmement pointues, formant de petits obélisques de 10, 14 et jusqu’à 20 mètres de hauteur: de nombreuses crevasses ou fentes sillonnent la glace, et ont souvent une grande profondeur; elles offrent de grands dangers aux voyageurs qui vont visiter ces solitudes redoutables. Cependant, munis d’un long bâton qui les empêche de glisser, beaucoup de visiteurs franchissent ces amas de glace, dans lesquels des guides adroits savent tailler dès escaliers avec la hache.

A l’approche du printemps, des glaciers glissent tout entiers sur les pentes des montagnes qui les portent, et c’est leur mouvement qui donne naissance à ces crevasses dont on vient de parler, alors il se fait un bruit semblable à celui du tonnerre, et qui retentit au loin dans les montagnes. On calcule que, généralement, ils descendent de 4 à 8 mètres par an; plusieurs sont descendus jusqu’au fond des parties fertiles des vallées, où ils contrastent avec la verdure et les fleurs qui les environnent.

De l’extrémité inférieure d’un glacier, on voit ordinairement naître un torrent ou une rivière, que forme la partie fondue de la glace: des voûtes creusées en forme de grottes se présentent quelquefois dans ces lieux; on admire, entre autres, la grotte profonde et majestueuse creusée dans la mer de Glace, et d’où sort avec impétuosité le torrent de l’Arveyron: c’est comme un palais de cristal orné de colonnes resplendissantes, dont les reflets azurés répandent leurs teintes sur les flots qui s’échappent de la grotte avec fracas.

Un autre phénomène commun dans les hautes montagnes, ce sont les avalanches, masses de neige qui se précipitent au fond des vallées, renversant tout sur leur passage, et entraînant les arbres, les rochers, les habitations. Il suffit qu’une petite boule de neige se détache de quelque sommet pour produire une effroyable avalanche: cette boule se grossit en roulant, et elle s’accroît si fort, qu’avant d’arriver au bas de la vallée elle peut acquérir la grosseur d’une maison, quelquefois celle d’une colline, et couvrir ensuite un immense espace de terrain. Quel-fois elle se réduit en poussière à l’instant de sa chute, et cette poussière glacée s’élève à une grande hauteur et se répand au loin: c’est un spectacle à la fois magnifique et terrible. Ces masses redoutables se précipitent avec le fracas du tonnerre, et leur impétuosité est telle, qu’on a vu des hommes et des animaux privés de vie seulement par le tourbillon d’air qu’elles produisent à quelque distance de leur passage.

Le vent, le moindre bruit, un oiseau, qui se pose sur une pointe de rocher, suffit pour provoquer la chute d’une avalanche. Aussi, les voyageurs doivent-ils, dans les passages étroits et dangereux, garder le silence et marcher doucement; on pousse la précaution jusqu’à remplir les sonnettes et les grelots des chevaux et des mulets, pour que le son n’excite pas dans l’air un ébranlement funeste. En plusieurs endroits, surtout dans les Alpes, on a construit, au pied des montagnes, des voûtes maçonnées, et l’on a pratiqué dans le roc des cavités où l’on peut, en apercevant une avalanche en mouvement, se retirer pour la laisser passer par-dessus. Quand ils sont dans un lieu sûr, les voyageurs tirent quelques coups de pistolet ou de fusil pour ébranler les pelotes de neige prêtes à tomber, et, après la chute des avalanches, ils continuent leur route sans crainte.

Quelque chose de plus terrible encore, ce sont les éboulemens de montagnes, qui, en un instant, changent une contrée riante en un chaos affreux, où sont ensevelis pêle-mêle les hommes, les troupeaux et les maisons. La Suisse a été souvent le théâtre d’éboulemens de ce genre: un des plus célèbres est celui du mont Rossberg, qui, en 1806, s’écroula dans la vallée de Goldau.

Une des questions qu’on ne manque pas de se faire en voyant les montagnes, c’est comment ces masses si imposantes, si énormes, ont été formées. La plupart des savans géologues croient qu’elles ont été produites par des soulèvemens du sol. Il paraît, en effet, qu’il règne une chaleur extrême dans l’intérieur de notre globe; cette chaleur, encore plus grande et plus puissante autrefois qu’aujourd’hui, a dû causer des bouleversemens effroyables dans la croûte qui l’entoure, et les montages sont sorties en quelque sorte du sein de la terre, dont elles ont percé violemment l’écorce.

On a même vu, dans nos temps modernes, des portions de la croûte terrestre soulevées en masse par des causes intérieures: le mont Jorullo, au Mexique, s’éleva subitement en 1759; on le vit sortir du milieu d’une plaine agréable et fertile, qu’il bouleversa entièrement; l’éruption fut si violeute, que d’énormes quartiers de rochers furent lancés, au milieu des flammes et des jets de boue, à une hauteur prodigieuse, et que les maisons d’une ville située à 200 kilomètres de là furent couvertes de cendres. Le Monte-Nuovo, près de Pouzzole, dans le royaume de Naples, se forma tout-à-coup en 1538, et combla en partie le lac Lucrin. Plusieurs petites îles se sont élevées, à diverses époques, dans l’Archipel et dans le groupe des Açores. Sur la côte occidentale de l’île de Banda, dans l’Océanie, se trouvait une baie qui, en 1820, a été remplacée par un haut promontoire; en 1822, on observa que, sur une étendue de 120 kilomètres, la côte du Chili s’était considérablement élevée; en 1831, près de la Sicile, s’élança du sein de la mer l’île Julia, qui depuis s’est abaissée sous l’effort des flots. Enfin, la Scandinavie tout entière s’élève graduellement d’environ un mètre par siècle.

Il faut cependant convenir que toutes les hauteurs n’out pas dû être formées par des soulèvemens; sans doute plusieurs des moins considérables ont été produites par l’action de vastes masses d’eau, qui, dans leurs grands mouvemens, ont refoulé et amoncelé les matières minérales dans certaines positions.

Parmi les montagnes, il en est qui, plus voisines que d’autres du foyer intérieur de la terre, et communiquant plus directement avec ce foyer, vomissent des pierres calcinées, des flammes, de la fumée, des cendres, des sables, quelquefois de l’eau et de la boue: ce sont les volcans. On compte sur le globe plus de 200 de ces terribles montagnes, qui épouvantent de leurs éruptions les pays d’alentour; il en existe un bien plus grand nombre qui sont éteints aujourd’hui, mais qui ont causé jadis d’immenses bouleversemens. Les plus remarquables volcans d’Europe sont le Vésuve en Italie, l’Etna en Sicile, le Stromboli dans les îles Lipari, et l’Hekla en Islande. Le Cotopaxi, en Amérique, dans la Cordillère des Andes, est le plus redoutable et le plus haut de tous les volcans: parmi ses éruptions, une des plus fameuses est celle de 1742, dans laquelle la colonne de flammes et de matières embrasées s’éleva à 1,000 mètres au-dessus du cratère; en 1744, le mugissement du volcan fut entendu jusqu’à 680 kilomètres de distance; le 4 avril 1768, l’immense quantité de cendres qu’il vomit plongea dans l’obscurité, durant la plus grande partie du jour, les vallées du voisinage. Les éruptions du volcan s’aunoncent d’une manière effrayante par la fonte subite des neiges qui le couvrent, et qui se précipitent alors en torrens impétueux dans les campagnes d’alentour.

Les minéraux fondus que les volcans rejettent descendent et coulent le long des flancs de la montagne, et forment ce qu’on appelle les Laves: lorsque ces coulées sont encore chaudes, elles brillent pendant les ténèbres et ressemblent à des fleuves de feu. Des blocs considérables sortent souvent des cratères et s’élèvent à des hauteurs prodigieuses; on les prendrait pour des globes lumineux: on a vu de ces blocs lancés à plus de 400 kilomètres du volcan.

Il y a des volcans qui ne vomissent que de l’eau et de la boue: on en voit plusieurs de ce genre en Italie, en Sicile et en Amérique. Le Maccaluba, en Sicile, offre une trentaine de petits cratères, d’où s’échappe une eau boueuse et saline.

Les anciens mouvemens volcaniques ont produit des résultats bien plus grands et plus étonnans encore que ceux des volcans actuels: telles sont les colonnes prismatiques de basalte, qui forment quelques-unes des plus intéressantes merveilles de la nature. La Chaussée ou le Pave des Géans, sur la côte N. E. de l’Irlande, est un assemblage étrange et grandiose de plusieurs milliers de colonnes de ce genre, rangées avec un ordre et une symétrie admirable; elle forme le cap Bengore, qui s’avance majestueusement dans la mer et offre un escarpement de 100 mètres de hauteur. La surface de ce cap, présentant la tranche de toutes ces colonnes, ressemble à un plancher carrelé avec des pierres hexagonales d’une grande régularité. La grotte de Fingal, dans l’île de Staffa, près de la côte occidentale de l’Ecosse, forme un enfoncement de 83 mètres de longueur, de 30 mètres de largeur et de 20 de hauteur: la mer y pénètre, et permet de l’aller visiter en bateau. Les murs en sont formés de prismes verticaux de la plus grande régularité, et, en y entrant, on dirait une majestueuse nef d’église. Non loin de cette île, on remarque, dans celle de Mull, un cirque basaltique extrêmement curieux. Dans les parties centrales de la France nous avons aussi des basaltes disposés d’une manière remarquable. Ils forment, en quelques endroits, des masses assez semblables aux tuyaux d’un orgue: on connaît, entre autres, les orgues de Bort, dans le département de la Corrèze, et les orgues d’Expailly dans la Haute-Loire. Dans le N. O. de la Nouvelle-Ecosse, en Amérique, se trouvent les gigantesques escarpemens basaltiques de la montagne du Nord, auprès desquels, disent les voyageurs, les colonnes de Staffa et de la Chaussée des Géants ne sont que d’élégantes miniatures.

Les tremblemens de terre présentent des phénomènes qui ne sont pas moins redoutables que ceux des volcans: ils sont dus aussi à l’action de la chaleur intérieure du globe: ce sont des gaz qui cherchent une issue, mais ne rencontrent pas de soupiraux par lesquels ils puissent s’exhaler; alors ils agitent violemment la surface de la terre. Ces terribles convulsions de la nature s’annoncent par des sifflemens, des craquemens souterrains, des bruits que l’on compare à celui du canon ou au fracas des voitures roulant sur le pavé. Quelquefois, au contraire, un calme profond et funèbre règne dans toute la contrée. Les animaux donnent des signes de frayeur; les oiseaux fuient vers leurs retraites, les quadrupèdes poussent des cris plaintifs. Bientôt la surface du sol s’agite comme la mer soulevée par les vents; de la fumée, des flammes mêmes s’échappent par les crevasses qui s’ouvrent et se referment à chaque instant; on a vu, durant ces secousses, des rivières cesser de couler, des montagnes disparaître et laisser des lacs à leur place. La mer aussi, roule avec fureur; ses eaux s’élèvent sur les. côtes à des hauteurs considérables. Un même tremblement de terre se fait sentir souvent à des distances immenses: le bouleversement qui, en 1755, détruisit Lisbonne dans l’espace de deux secondes, agita aussi les eaux de la Suisse et celles des côtes de Suède et des Antilles.

Les gaz sortis du sein de la terre ont produit sans doute la plupart des cavernes ou grottes, profondeurs curieuses, qui se trouvent ordinairement dans les montagnes. Les gaz auront soulevé et écarté certaines couches de terrain, et y auront formé des cavités, comme les gaz renfermés dans la pâte mise au four y créent de toutes parts des espèces des cavernes, qu’on observe facilement quand le pain est cuit. Les eaux peuvent aussi former des grottes: supposons, en effet, qu’un ruisseau rencontre un banc de rochers qui l’empêche de couler plus loin sur la surface du sol; que ce ruisseau trouve devant ce banc un terrain meuble et tendre; il ronge ce terrain, il y pénètre, il passe sous le banc de rochers, en emportant les matières minerales faciles à entraîner; il augmente peu à peu le passage souterrain qu’il s’est frayé, et la grotte est formée.

On voit, dans beaucoup de cavernes, des jeux de la nature du plus grand intérêt: les eaux qui suintent de leurs voutes entraînent souvent certaines substances minérales, qui s’agglomèrent à la longue, et pendent de ces voûtes en grands cônes qu’on appelle stalactites. Les eaux en tombant sur le sol de la grotte, y déposent aussi de ces mêmes matières minérales, qui finissent par former d’autres cônes; on nomme ceux-ci stalagmites. Quelquefois ces cônes d’en haut et ces cônes d’en bas se joignent, et constituent, en s’accroissant, d’énormes colonnes qui décorent majestueusement ces salles souterraines.

Au lieu d’être en forme de salles, les cavités sont parfois sous des massifs étroits de rochers, et ne présentent que des passages sans obscurité : ce sont alors des ponts naturels: le pont d’Arc, sous lequel passe l’Ardèche, est, en France, une des plus remarquables curiosités de ce genre.

C’est encore dans les montagnes qu’on rencontre ces torrens rapides, ces cascades bruyantes et majestueuses qui sont les plus intéressants spectacles de la nature. On admire, dans les Pyrénées, la cascade de Gavarnie, magnifique nappe de près de 434 mètres, qui tombe du mont Perdu dans un immense cirque de rochers. En Suisse, on va visiter, dans les Alpes Bernoises, la cascade du Staubbach, haute de 300 mètres, et une foule d’autres cascades curieuses.

Dans l’archiduché d’Autriche, vers la frontière du Tyrol, la petite rivière Achen, tombe avec tracas d’une hauteur de 700 mètres.

Quand la chute est produite par un fleuve ou une grande rivière, on lui donne le nom de cataracte, plutôt que celui de cascade; la plus belle cataracte de l’Europe est sans doute le Riukan-Fossen, en Norwége: elle est formée par le Maan-elv, qui va se jeter près de là dans le lac Miœsen; trois chutes distinctes la composent: les deux premières ont lieu sur des plans inclinés, et offrent, chacune, une nappe admirable; la dernière les surpasse encore, et se précipite perpendiculairement de 266 mètres de haut; lorsqu’on est convenablement placé pour voir à la fois ces trois chutes, dont la masse d’eau est immense, c’est un spectale sublime que rien ne peut rendre.

La plus remarquable ensuite paraît être la cataracte du Lulea, en Suède: ce fleuve a, lorsqu’il se précipite, 500 mètres de largeur, et il tombe, suivant quelques auteurs, d’une élévation de 200 mètres. Son mugissement est terrible, et se fait entendre à une grande distance; du fond du précipice, ses eaux s’élancent comme réduites en poudre et couvrent les blocs des rochers voisins. En hiver, les froids rigoureux forment d’abord, à quelque distance de la base de la cataracte, une voûte de glace qui repose sur les deux rives; cette voûte, croissant à chaque instant, atteint enfin la cime de la chute, et la recouvre d’une arcarde majestueuse qui va rejoindre la superficie de la glace sur le fleuve, au-dessus de la cataracte. Au printemps, cette couverture naturelle s’écroule avec un bruit effrayant. On a vu des lièvres s’y placer assez fréquemment; et voilà pourquoi on a donné à cette chute le nom de Niaumelsaskas ( saut du lièvre).

Celle du Rhin, à Schaffhouse, est fort belle aussi, mais n’a que 23 mètres.

C’est en Amérique que se trouvent les plus nombreuses et les plus belles cataractes. Celles de la grande rivière Missouri offrent une réunion de plusieurs chutes, qui ont ensemble une hauteur de près de 134 mètres. Le Niagara, qui porte les eaux du lac Erié au lac Ontario, tombe de moins haut, mais a une masse plus imposante encore. «A l’endroit

» de sa chute, le fleuve est partagé en

» deux bras inégaux par l’île de la Chèvre.

» Le plus petit, du côté des Etats-Unis, a environ

» 200 mètres de large; l’autre peut

» avoir une largeur de 1,000 mètres, en suivant

» le contour profond que décrit la

» chute. Un quart de lieue avant d’arriver

» au précipice, le Niagara commence à former

» des rapides furieux: il déroule sur les

» rochers sa nappe écumante. La chute perpendiculaire

» a de 46 à 53 mètres. On ne

» peut apercevoir le niveau que loin du lieu

» où l’eau tombe; un chaos d’écume, d’eau

» rejaillissante, de vapeurs où l’arc-en-ciel

» se joue, voile la partie inférieure des cataractes.

» On a construit, du côté du Canada,

» une espèce de tour en bois avec un escalier

» tournant pour descendre au bord du fleuve,

» au-dessous de la chute. On se munit de

» vêtemens en toile cirée pour approcher du

» gouffre. A l’admiration succède la terreur;

» la clarté du ciel est voilée. Des masses

» énormes de rochers sont suspendues sur

» ma tête. J’avance entre la muraille de roc

» et la nappe d’eau. Je ne vois plus rien; je

» n’entends plus; je ne me décide à battre

» en retraite que quand il ne m’est plus possible

» de respirer.»

Curiosités des trois règnes de la nature

Подняться наверх